Le village de Dan Smith (Cherche Midi)

Le village est le premier roman traduit et publié en France de cet auteur anglo-saxon, résidant à Newcastle. Ne vous arrêtez pas au titre, sachez juste que c’est un des romans impressionnants de cette rentrée littéraire 2014.

Le petit village de Vyrif, en Ukraine, est perdu au milieu des bois. Il n’a pas encore été envahi par les armées révolutionnaires russes, à la recherche de main d’œuvre pour les camps de travail. En cette année 1930, l’hiver est particulièrement rigoureux. Le paysage est d’un blanc immaculé et les gens survivent de la chasse en attendant que les températures remontent.

Luka, le narrateur, est un ancien soldat russe. Il a combattu dans les armées impériales avant de rejoindre la révolution et de se battre aux cotés des armées rouges. Puis, il s’est exilé en Ukraine, s’est marié avec Natalia où il élève ses deux fils jumeaux Petro et Viktor et sa fille Lara. Même si sa vie de paysan l’occupe, son instinct de chasseur, de tireur d’élite est toujours présent en lui.

Alors qu’ils étaient partis à la chasse, Luka et ses fils trouvent un traineau dans lequel ils trouvent un homme mourant et deux enfants morts. Il s’avère que la cuisse de la fillette a été découpée comme un morceau de viande par un boucher. Luka décide de ramener le traineau mais les habitants du village sont inquiets qu’il ait ramené un tueur d’enfants parmi eux. Dimitri, le beau-frère de Luka fait partie de ceux qui veulent lyncher le nouveau venu. La foule s’excite tant et si bien qu’elle finit par pendre le pauvre homme. Luka, en fouillant dans ses affaires, s’aperçoit que les villageois ont pendu un innocent. Peut-être traquait-il l’assassin de ses enfants ? Quand Dariya, la fille de Dimitri et nièce de Luka disparait, Dimitri, Luka Petro et Viktor partent à la poursuite du ravisseur d’enfants.

La première chose qui frappe dans ce roman, c’est la fluidité du style de l’auteur. Et j’en profite pour saluer le travail du traducteur, Hubert Tezenas, qui a su retranscrire aussi bien le talent de l’auteur. Car dès le départ, on est plongé dans la vie des ces gens, dans un petit village perdu au milieu de nulle part, isolé au milieu des steppes enneigées, comme un petit point noir au centre d’une feuille de papier immaculé.

Le talent de cet auteur ne s’arrête pas là, car dès les premières pages, il nous plonge dans la psychologie d’un homme qui a changé de vie, devenant paysan pour fuir les horreurs de la guerre, mais dont la nature est d’être et de rester un soldat. Dans tous les gestes de tous les jours, dans sa façon d’observer et d’analyser les gens qui sont autour de lui, il agit comme un chasseur, à la poursuite de sa proie. Il est tout le temps en train de prévoir les réactions des gens de son entourage.

De ce fait, par le contexte et par le personnage de Luka, le rythme de l’intrigue est lent. Mais c’est tellement bien écrit que tout est passionnant, et tellement réaliste. Mais c’est surtout très stressant. On se retrouve, après une centaine de pages dans le village, en plein milieu de forêts enneigées, traquant un tueur, mais surtout dans une situation où les proies deviennent tour à tour chasseur puis chassé. Le roman, dans les dernières pages, devient beaucoup plus violent et plus cruel. Et pour autant, dans toutes ces péripéties, l’auteur est toujours aussi à l’aise pour nous placer au centre des événements.

On peut avoir l’impression que l’intrigue est touffue, voire mal maitrisée, mais en fait Dan Smith nous présente l’itinéraire d’un homme, soldat dans l’âme, qui va découvrir les autres, et en particulier ses fils. A la fois roman d’aventures, thriller, roman dramatique, ce roman remarquable du début jusqu’à la fin est aussi et surtout la découverte d’un auteur dont il va falloir suivre les prochaines publications. Pour finir de vous décider à le lire, j’ai eu l’impression à sa lecture de retrouver un style de narration proche de Seul le silence de Roger Jon Ellory, que j’ai adoré.

19 réflexions sur « Le village de Dan Smith (Cherche Midi) »

  1. oulala…la..la… Un américain qui prend comme décors l’Union Soviétique ! Cela me ramène avec un brin de nostalgie sur les pas de Stuart Kaminsky et de son incorrigible inspecteur Rostnikov ( petit dérivé ludique de Rakolnikov de Dosto …), mais parce que comparaison n’est pas raison, je vais m’arrêter là.
    Cette article m’intrigue beaucoup et je lirais volontiers ce bouquin, une fois mon Olsen du moment achevé. Merci Pierre.

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      1. Pardonnez-moi, je me suis mal exprimer – je suis persuadé que l’auteur ne dénigre pas les Russes et à titre personnel, j’adore ce genre de « cross-over ». Kaminsky (américain) a fait une superbe série de 1980 à 2000 me semble-t-il qui se passe à Moscou.Un petit bijou. Bonne journée.
        Amadeo.

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      2. Dans le style, il y a aussi Gorki Park, qui est un excellent thriller policier. Mais ma préférence va aux frères Rainer avec l’évangile du bourreau. Un vrai roman noir dans les méandres de Staline. Une lecture éprouvante mais importante. Par contre, je n’ai jamais lu Kaminski. Si tu as un titre …

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      3. Quand Moscou fait la bombe, Paris, Librairie des Champs-Élysées, coll. Le Masque no 2021, 1990 – ou bien tente celui-ci Le flic qui venait du froid, Voilà pour Rostnikov… C’est léger, c’est agréable à lire.

        Gorki Park et le commerce des zibelines … pas mal du tout!
        Par contre je ne connais pas les frère Rainer. Je tenterai après le village qui sera mon prochain polar.

        Bonne soirée.

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  2. SUPERBE !
    Je reste sans voix !
    Ce roman noir est une merveille du genre. Des rebondissements par dizaines, une écriture épurée et une ambiance de fin du monde à coupé de souffle.
    Grandiose.
    Merci Pierre pour cette superbe découverte!
    A LIRE IMPÉRATIVEMENT !!!!

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