En ce moment, le vendredi est consacré aux invités de Black Novel. Elle est venue parfois nous parler de ses lectures, avec sa passion et sa bonne humeur habituelle. C’est une lectrice folle, toujours un bouquin en main, et toujours prête à en parler. Ses goûts se protent plutôt sur les thrillers et le fantasy.
Quand j’ai reçu ce roman, où l’on parle de fantastique, j’ai tout de suite pensé à elle. C’était la bonne personne pour juger de ce roman. Et une nouvelle fois, Suzie fait merveille dans son analyse des personnages, avec toute sa sensibilité. Mais je lui laisse la parole, voici l’avis de Suzie :
Un village isolé en Provence, une panne de voiture … et la vie d’une jeune femme et de ses deux compagnons de voyage se trouve bouleversée …
Lors d’une virée automobile vers la Côte d’Azur, Joachim Germer, sa petite amie Fee et son ami d’enfance Curt von Sedlitz vont se retrouver bloquer dans l’arrière-pays aixois, près du village de Moriac, à cause d’une panne de voiture. Dans ce petit village, tout devient problématique car comment faire confiance alors que la voiture est empruntée sans autorisation du père de Germer, que seul Curt parle le français, que le premier téléphone se trouve à deux heures de vélo. D’un tempérament bouillant et ayant l’habitude d’obtenir tout ce qu’il souhaite sans difficulté majeure, Germer s’énerve sur tous et pour tout, rabrouant son ami d’enfance, sa petite amie. La tension monte de plus en plus entre les trois protagonistes. Agacé par le comportement de son ami d’enfance, Curt apprend de la part d’un autre voyageur que la vallée, au pied du village, n’a jamais rendu ceux qui s’y sont aventurés. Au total, une douzaine de disparitions inexpliquées en deux siècles dont les dernières remontent à deux ans. N’ayant plus de nouvelles de ce voyageur, après son départ pour la mystérieuse vallée, Curt décide d’enquêter et de comprendre ce phénomène. Avec l’aide de Fee, il va se heurter à la loi du silence imposée dans le village mais également devoir surveiller ses arrières car, dans l’ombre, Germer guette le moindre de ses faux pas.
Ce titre a été édité une première fois en 2010 aux Editions France Loisir et, de nouveau, en février 2012, aux Editions l’Archipel. Ecrit sous la forme d’un journal, à la première personne, c’est la confession d’un homme sur un événement marquant de sa vie enfouie dans sa mémoire depuis plus de cinquante ans mais qui ne peut rester plus longtemps caché dans celle-ci. Un abcès qui s’est enflammé avec les années et qu’il faut crever. Un meurtre qui lui a donné accès au bonheur.
L’auteur, Bente Porr, construit une double intrigue. La première est la relation entre nos trois protagonistes, Germer, Curt et Fee et la dégradation accélérée de leurs rapports dûs au caractère lâche, cruel et veule de Germer ce qui remet en question la loyauté de Curt envers lui mais le place également en rival vis-à-vis de ce dernier. Ce que Germer accepte très, très mal. On a la constitution d’un rapport de force entre les deux amis qui va être renforcée par le changement de camp de Fee suite au comportement cruel et despotique de Germer à son encontre. De plus, Curt va comprendre que le soudain changement de comportement de Germer dans leur jeunesse n’était pas dû à l’amitié mais à un besoin bassement matériel. Sur cette première intrigue va se greffer l’histoire des disparus de la vallée et, plus précisément, celle du voyageur anglais dont Curt a fait la connaissance. Cela rajoute le piquant qui relève le conflit entre Germer, Curt et Fee, assaisonné d’un soupçon de mystère, de fantastique et de peur.
Au tout début de ma lecture, j’ai cru retrouver l’atmosphère d’un roman lu, il y a des années, «l’ami retrouvé» de Fred Uhlman mais je pense que cela est dû au contexte utilisé du début des années 30 et la confrontation de deux personnalités aussi différentes que sont celles de Curt et de Germer. Mais, j’avais beaucoup de mal à lâcher le livre. Je voulais comprendre pourquoi les villageois se taisaient sur les disparitions, ce qui s’était réellement passé dans cette vallée. On arrive rapidement à la fin, car le livre est court, sur une apothéose : le conflit entre les trois protagonistes et la légende. De plus, pour alimenter notre réflexion, l’auteur finit sur une note, vingt ans après la fin de l’histoire de Curt, sur une découverte bizarre qui fait douter sur la légende du comte de Larin. A vous de juger.