Le boucher de Guelma de Francis Zamponi (Folio)

On ne peut pas dire que les Français aiment parler de leur passé, surtout leur passé sombre, celui où on n’a pas à en tirer une quelconque fierté, mais plutôt celui qui fait que devant le monde entier on passe pour des cons, des fêlés ou même des assassins. Avant de lire ce livre, je n’avais aucune idée de ce qui s’est passé en Algérie, la faute d’abord à moi-même qui n’ai jamais ressenti le besoin de connaitre l’histoire contemporaine, mais aussi la faute au programme scolaire qui, quand je somnolais sur les bancs de l’école, ne m’inculquais que les Egyptiens, la première guerre mondiale et surtout la seconde guerre mondiale.

Alors, certes, j’étais au collège à la fin des années 70, au lycée dans les années 80, et il est difficile d’avoir le recul nécessaire pour inculquer un pan de l’histoire française avec seulement 10 à 20 ans de recul. Mais quand même, la lecture de ce roman me fait poser des questions quant à la pertinence du programme scolaire d’histoire, quoiqu’il ait pu évoluer depuis … Bref, au mois de mai 1945, à Guelma, en Algérie, eut lieu un soulèvement de la population locale puis un massacre des habitants, perpétré par la police française entre autre. Le nombre de victimes s’élèverait entre 6 000 et 45 000 victimes.

Le personnage principal de ce roman se nomme Maurice Fabre. Alors qu’il est à la retraite et part en voyage en Tunisie, son avion est obligé de s’arrêter en Algérie pour faire le plein de carburant. Il fait un chaleur d’enfer dans l’avion et il demande à boire, et devant le refus de l’équipage de bord, il fait un scandale. La police algérienne l’arrête alors et découvre qu’il est en fait celui que l’on nomme Le boucher de Guelma, le sous-préfet qui a ordonné les massacres qui ont commencé le 8 mai 1945 et qui ont duré un mois.

Le 8 mai 1945, les Français fêtent la capitulation de l’Allemagne. Les Algériens en profitent pour organiser des manifestations demandant leur indépendance. Lorsque les militaires tuent un scout qui brandit le drapeau algérien, les insurrections commencent et la répression va irrémédiablement se mettre en place.

Ce roman est terrible au sens où il est écrit à la première personne. D’un vieillard qui part en vacances, il va passer par plusieurs phases et le lecteur va découvrir plusieurs facettes de cet horrible personnage. Il va tout d’abord préparer sa défense, se révélant un raciste dédaigneux, puis s’avérer un manipulateur hors pair, avant de se montrer sous son jour le plus sombre, un fou meurtrier qui n’écoute que son ambition personnelle, un véritable psychopathe qui n’en a rien à faire des hommes inferieurs, des indigènes comme il les nomme.

Ce qui est terrible dans ce roman, c’est qu’il est écrit à la première personne du singulier, et que l’on entre directement dans cet esprit malade en se faisant manipuler de la même façon que la juge qui est chargée de l’interroger. Et ne croyez pas que ce roman est lourd à lire, car le scenario de ce roman est impitoyable, relançant le rythme grâce à des révélations qui font changer notre perception de cet assassin. Et quand, en plus, l’auteur insère des documents officiels tels que des articles de journaux ou des lettres à caractère officiel en provenance de la France ou bien des extraits d’interrogatoire des témoins, il est bien difficile de discerner la part de vérité de ce qui n’est que pure invention. L’auteur a beau nous signaler que ce roman est une fiction, j’ai eu bien du mal à le penser et je suis allé me documenter sur Internet.

En fait, je vois ce roman comme un éclairage sur un épisode sombre de l’histoire de France, un roman qui vous oblige à vous poser des questions et vous documenter pour savoir ce qui s’est réellement passé. Et on a bien du mal à se dire que ce n’est qu’un roman. C’est un roman impressionnant et passionnant à lire, que je classe immédiatement aux cotés de La mort est mon métier de Robert Merle. C’est un beau compliment pour un roman important qu’il faut lire.

Et ne ratez pas l’excellente interview de l’auteur par le Maître Concierge masqué ici

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