Kind of black de Samuel Sutra (Terriciaë)

Attention, coup de cœur !

La dernière page vient de se tourner, les mains de pianiste qui s’immiscent sur la couverture se tendent vers moi. Je prends le roman, l’ouvre au hasard, mais pas tout à fait, attrape un effluve de chapitre et commence (ou plutôt recommence) ma lecture. Je retrouve Jacques, cet inspecteur en vacances, qui plonge dans cette affaire ténébreuse, au fin fond d’une cave enfumée, bercé par une douce musique légèrement nonchalante et infiniment triste.

J’entame à peine les premières phrases du chapitre 21 qu’une musique caresse mes oreilles. D’un accord parfait, d’une introduction musicale d’une douceur inégalée, les phrases débouchent sur une voix, celle de l’auteur, de son amour pour le jazz, de son amour pour les mélodies, pour les histoires de gens. Malgré le fait que je ne sois pas fan de jazz, Samuel Sutra m’a attiré dans ses filets, comme une sorte d’initiation à la vie.

Ce roman, c’est aussi une histoire de personnages. La pierre centrale, c’est Stan Meursault, ce pianiste de génie qui n’est pas reconnu à sa juste valeur, mais que beaucoup admirent dans le milieu. Il est la pierre angulaire du Night Tavern, cette cave au pied de Montmartre où, tous les soirs se déroulent des concerts de jazz. Stan est tiraillé entre sa joie de retrouver Sarah Davis, cette chanteuse partie chercher et trouver la gloire aux Etats Unis et son appréhension de la retrouver après plusieurs années de séparation. Car ces deux là se sont connus, se sont aimés et se sont quittés au nom de la reconnaissance, du succès, de la gloire si éphémère mais si importante.

Sarah Davis a accepté de venir faire un set d’une trentaine de minutes au Night Tavern, en ne chantant que des classiques pour éviter les problèmes de droits d’auteur. Ce sont d’ailleurs les détails que doit régler Baker, l’agent de Sarah Davis et compagnon de la chanteuse. Sarah Davis a aussi permis à Stan d’enregistrer le concert, pour qu’il puisse le vendre à une maison de disque, s’il le veut.

Stan et ses deux acolytes contrebassiste et batteur laisse Sarah Davis dans la loge et montent sur scène. Ils ne voient pas le public, éblouis qu’ils sont par les projecteurs. Stan débute par If you wait too long, la célèbre chanson qui a révélé et consacré Sarah Davis. Il joue comme jamais, ses doigts volant sur les touches du piano, les notes qui sortent du piano semblant rendre hommage à cette chanteuse devenue diva du jazz. L’introduction reste suspendue dans l’air, et plus les secondes passent, plus l’atmosphère devient lourde, pesante. Stan se sent obligé de présenter « La grande, l’immense Sarah Davis … » mais elle n’apparait pas. Le silence tombe, assourdissant cet espace de musique magique ; on entend de l’agitation et la sanction tombe : Sarah Davis a été poignardée.

Je n’oublierai que bien difficilement ces formidables personnages, ni Stan et ses doigts magiques, éternel maudit de la vie, ni Jacques ce policier consciencieux, obligé de travailler en marge de sa passion, la musique ; ni Lisa si belle et si parfaite dans le regard de Jacques ; ni Baker ce personnage si antipathique ; ni les autres collègues de Jacques si bien dessinés, si vivants, si attachants. Je n’oublierai pas cette douce musique portée par le style fluide et entêtant comme une ritournelle, cette histoire racontée comme un morceau de musique, où on prend le temps d’ouvrir le capot du piano, où l’introduction vous prépare au meilleur, où le corps du morceau vous emmène petit à petit, où la fin, la conclusion du morceau vous cloue au poteau, tant c’est beau, noir et imparable. Voilà, je l’ai dit, les dernières pages de ce roman m’ont détruit.

Coup de cœur !

Samuel Sutra décline son talent dans l’humour avec les aventures de Tonton et sa bande : Le pire du milieu, Les particules et les menteurs, et Akhanguetno et sa bande. La quatrième aventure de Tonton vient de sortir aux éditions Flamand Noir et s’appelle Le bazar et la nécessité. Kind of Black vient d’être réédité par les éditions Flamant Noir.

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