Un vent de cendres de Sandrine Colette (Denoel)

Après le magistral Des nœuds d’acier, Grand prix de la littérature policière 2013, la lecture du deuxième roman de Sandrine Colette est pour moi une obligation en même temps qu’une curiosité. Et en effet, il est très différent.

Andreas, Octave et Laure sont trois jeunes gens qui reviennent d’un mariage tard dans la nuit. L’ambiance est festive dans la voiture, quand ils aperçoivent devant Matthieu et Aude dans leur Peugeot. Andreas enfonce l’accélérateur de la Mercedes et Laure détache sa ceinture de sécurité pour leur faire signe par le toit ouvrant. Ils n’ont pas vu le camion loin devant eux qui perd son chargement de poutres métalliques. L’accident, à cette vitesse, est inévitable et Laure perd la vie décapitée.

Dix années plus tard, dans leur propriété de Champagne, l’heure des vendanges a sonné. Les travailleurs saisonniers débarquent, et parmi eux deux jeunes gens, Malo et Camille. Malo est un impulsif, n’hésitant pas à monter sur ses grands chevaux dès que le ton monte. Camille est plus jeune, plus pure, plus innocente, plus calme et très belle avec sa chevelure blonde envoutante.

De jour en jour, l’ambiance est bonne malgré la fatigue de la cueillette. Octave, le propriétaire, défiguré par l’accident de voiture, est fasciné par la beauté de Camille et sa ressemblance avec Laure. Malo voit cet attrait malsain d’un mauvais œil, et il se dispute avec Camille, jusqu’à ce qu’à l’aube du troisième jour, il disparaisse sans laisser de message, ni de trace. Camille est partagée entre inquiétude pour Malo et fascination pour Octave.

La scène d’ouverture est terrible, et on retrouve toutes les raisons pour lesquelles on aime Sandrine Colette, cette faculté de rentrer dans la tête des gens, de décrire leur psychologie de façon si simple, juste en trouvant les mots justes, visuels et parfaits. D’une soirée qui aurait du se poursuivre si gaiement, on plonge dans l’horreur, avec ce corps crachant ses litres de sang au milieu d’un paysage vert de printemps.

Changement de décor. Jour 1 : les jeunes gens qui veulent se faire un peu d’argent de poche à la sueur de leur front débarquent dans cette propriété riche de champagne. Là encore, inutile de s’attarder sur les paysages, ou les personnages, leurs paroles, leurs faits et gestes parlent pour eux. Et puis, la présence du propriétaire, mystérieuse, étend son spectre sur les soirées, sans qu’on le voie.

Petit à petit, le mystère va faire place à un personnage brisé, cassé, défiguré, dont on n’a pas peur tant il est touchant, boitant sur sa canne. Mais petit à petit, certaines scènes sèment le doute, les regards entre Octave et Camille se font lourd, et la menace pèse. Seul Malo la sent. Pour le lecteur, c’est le conte de la Belle et la Bête que Sandrine Colette nous réécrit à sa manière. Mais pas pour longtemps … Malo disparait.

Le stress monte d’un cran, en même temps que cette relation étrange, et on balance entre féérie et horreur, car dans un conte, les deux sont forcément liés. Et la tension monte jusqu’à l’apothéose des deux derniers chapitres. En cela, ce roman est proche Des nœuds d’acier mais aussi tellement éloigné. Car il ne se passe rien, mais le lecteur se pose plein de questions, imagine des fins, des hypothèses alors que … Sandrine Colette confirme son art de brosser des tableaux psychologiques, des histoires terrifiantes en nous offrant ce très bon polar. Vivement le prochain !

4 réflexions sur « Un vent de cendres de Sandrine Colette (Denoel) »

  1. Coucou,
    Celui-là je l’ai lu jusqu’au bout. J’ai été Camille à fond. Je me suis laissée entraîner dans ce jeu de cache-cache, en me disant ouf, je respire par rapport au premier. Et puis la fin, quelques sonnettes d’alertes avec Andreas qui reste encore pour moi un grand point d’interrogation au niveau psychologique autant pour Octave.
    La fin, j’ai dû bien la relire trois fois. Non pas que j’avais pas compris, enfin si peut-être, mais pas tout à fait. Bref, c’est fort différent que j’avais abandonné et ensuite que j’ai lu en diagonale pour savoir comment cela se terminait. L’univers de Sandrine Collette et étrange et si noir. Dans ce second livre, je suis restée avec mon bouquin en me disant : « Elle annule tous les espoirs, elle nous montre ce que peut être un individu dans son côté le plus noir, et cela existe dans les faits divers comme elle le raconte dans ses interviews. Mais quel coup de poing de fin.
    J’ai refait plusieurs fois le trajet de la fin du bouquin. Je me pose tant de questions. Pour essayer de trouver une issue ? Dans tous les sens du terme. Bref, elle m’a bien fait cogiter au milieu des vendanges si innocentes dans un domaine non cité. Elle s’est toutefois bien documentée sur la vie pendant cette période.
    Bizzz. Geneviève

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