Le chouchou de mois de février 2015

Le mois de février est un mois court mais c’est surtout un mois que je trouve fatigant avec son sale temps et ses journées courtes. Malgré cela, j’aurais tout de même trouvé mon premier coup de cœur de l’année en la personne de Les nuits de Reykjavik de Arnaldur Indridason (Métailié). Certes l’auteur est connu et reconnu grâce à son personnage Erlendur. Mais ce roman, qui montre la première enquête est tellement passionnante et parfaite dans sa façon de mener l’enquête, c’est tellement pétri d’humanisme que je pouvais faire autrement que de lui décerner un trophée personnel.

La rubrique Oldies quant à elle revenait sur un roman qui date un peu, mais qui s’avère intemporel ; il s’agit de Journal d’une fille de Harlem de Julius Horwitz (Points). A la façon d’Anne Franck, il nous écrit le journal d’une jeune fille qui veut s’en sortir. L’immersion est tout simplement totale et le résultat impressionnant. Cette lecture fut aussi l’occasion de rendre hommage aux 35 ans de Points Policiers.

La cavale de Billy MicklehurstJe tenais aussi à signaler une lecture que je n’ai pas chroniqué, car la nouvelle est trop courte pour en faire un billet. Malgré cela, en une vingtaine de pages, l’auteur arrive à créer un univers, un paysage, et à nous entrainer dans une vague d’émotions dramatiques. La cavale de Billy Micklehurst de Tim Willocks (Allia) nous conte la rencontre de l’auteur avec un SDF et c’est tout simplement délicieux. L’interview qui complète ce petit livre est aussi très instructive.

J’ai aussi chroniqué deux titres de la collection Polaroid de L’atelier In8, en parlant de deux titres écrits par Jean Bernard Pouy, à savoir Calibre 16mm et Le bar parfait. Ce sont deux romans ou plutôt deux nouvelles comme le Maître sait le faire, si simples, si évidentes et pourtant si bien faites.

Enfin, j’ai encore une fois réservé la place belle pour les auteurs français, et dans un grand nombre de genres différents. Je suis passé du thriller psychologique avec Miettes de sang de Claire Favan (Toucan) qui est très bon, au roman policier historique avec Les chants de la mort de Nicole Gonthier (Pygmalion) qui ravira les amateurs du genre, du roman d’aventures à suspense avec Six fourmis blanches de Sandrine Collette (Denoel Sueurs Froides) qui est formidable, au polar exotique avec Les temps sauvages de Ian Manook (Albin Michel) pour lequel je suis resté plus sceptique.

Le titre du chouchou du mois revient donc fort logiquement à La ville des morts de Sara Gran (Editions du Masque). Dans ce roman, Sara Gran ouvre une nouvelle série, créé un nouveau personnage et le ton est suffisamment original pour que nous soyons dès le départ charmé par cette intrigue et horrifié par ce qu’elle décrit.

Je vous donne rendez vous le mois prochain. D’ici là, n’oubliez pas le principal, lisez !

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Les nuits de Reykjavík de Arnaldur Indridason (Métailié)

Attention, coup de cœur !

Avec son précédent roman, Arnaldur Indridason avait déjà amorcé un virage en direction du passé de ses personnages. Il enfonce le clou de belle manière dans Les nuits de Reykjavik, en nous proposant la première enquête de Erlendur.

Quatre jeunes gens s’amusent à construire un radeau, pour pouvoir flotter sur un trou laissé à l’abandon, issu des anciennes mines de tourbe. Alors qu’ils voguent tranquillement, la rame de l’un d’eux se bloquent. En tirant dessus, il remonte un corps habillé d’un anorak vert. La police identifie rapidement un clochard du coin, nommé Hannibal, et classe l’affaire comme un accident, puisqu’il vivait à proximité de l’étang dans un cube en béton.

Erlendur a 28 ans, et fait partie de la police de proximité. Il travaille de nuit et est aidé dans cette tache par deux étudiants Vargar et Matthew. Leur quotidien est fait d’accidents de la route, d’arrêts de personnes en état d’ivresse, de tapages nocturnes ou de violences conjugales. Cela laisse peu de temps à Erlendur d’avoir une vie de couple, bien qu’il fréquente depuis deux ans une jeune fille charmante Halldora.

Erlendur connaissait Hannibal, pour l’avoir mis à l’abri du froid en lui proposant une cellule du commissariat ou bien en le ramenant dans la cave qu’il occupait. Cela fait maintenant un an qu’Hannibal est mort. Erlendur passe souvent à coté de cet étang et repense à Hannibal. Un jour, il se décide à faire le jour sur sa mort. Il découvre qu’il a quitté sa cave suite à un incendie qu’il aurait provoqué, qu’il a été sauvé par deux voisins, qu’il avait une famille. Erlendur va petit à petit remonter dans le temps et découvrir une destinée tragique.

Vous devez probablement vous dire que Arnaldur Indridason n’a pas besoin de publicité pour que je lui décerne un coup de cœur. Certes, vous avez raison ! Mais quand le roamn policier atteint une telle perfection, une telle maitrise, il est bien difficile de rester insensible à cette douce subtilité et à ce rythme lancinant, qui semble relancer ou du moins installer chaque roman de Arnaldur Indridason comme des lectures indispensables du roman policier contemporain.

Les enquêtes de Erlendur touchent un grand nombre de personnes dans un grand nombre de pays pour, à mon avis, une raison principale : Ce sont des livres humanistes, qui sonnent justes. Et quoi de plus beau que de passer quelques heures avec des personnages vrais, que l’on a l’impression de côtoyer tant la moindre réaction, la moindre phrase issue d’un dialogue, même simple, rappelle une scène que vous avez vécu quelques heures, jours, mois, année auparavant.

Arnaldur Indridason est mondialement reconnu pour les enquêtes de Erlendur, mais aussi pour cette façon si simple de décrire l’itinéraire d’un homme qui prend le temps d’écouter les autres, d’éprouver de la sympathie pour son prochain, de réfléchir sur les énigmes à résoudre. Dans ce livre, le onzième publié en France, Erlendur apparait comme un homme solitaire, taciturne, qui se complait dans ce travail de nuit parce qu’il n’a pas à interagir avec les autres. C’est aussi un homme qui a de l’humour, mais si ses blagues tombent à plat avec ses partenaires nocturnes. C’est surtout un homme qui s’intéresse aux autres, marqué par la disparition de son frère, un homme en quête de rédemption, de pardon, pour une faute qu’il n’a pas commise mais qui le marquera à vie.

Dans ce livre, Erlendur, tout jeune homme, va aider un clochard, ou tout du moins lui apporter ce qui lui manque à lui : une présence. Il va aussi se découvrir des talents, même si il mène cette enquête surtout parce qu’il est motivé par la mission qu’il s’est lui-même donnée. Et Arnaldur Indridason ne cherche pas à en faire trop, il se contente de montrer sa totale maitrise dans une intrigue que l’on peut penser déjà écrite mais qu’il est capable de sans cesse renouveler. Ce sont surtout des passages d’une simplicité folle, ces phrases si évidentes qu’on se demande comment elles n’ont pas été crées avant, ces scènes si belles entre deux personnages qu’elles nous donnent envie de pleurer.

Sans en avoir l’air, Arnaldur Indridason nous plonge dans son personnage après nous avoir détaillé les futurs acolytes (Sigurdur Oli et Elinborg) ou sa chef Marion Briem, tout en nous contant une histoire dramatique qui même si elle est datée, reste totalement contemporaine. Et la morale de l’histoire est tellement simple et évidente qu’on a envie d’applaudir : Il n’y a rien de plus beau quand l’homme s’intéresse à l’homme. Arnaldur Indridason a écrit là son plus beau livre depuis La voix.

Les temps sauvages de Ian Manook (Albin Michel)

Après le gigantesque succès de Yeruldelgger, le premier tome de cette série, que je n’ai pas lu parce que je n’ai pas trouvé le temps, je passe directement au deuxième, qui s’appelle Les temps sauvages. Avec un certain clin d’œil, l’auteur aurait pu appeler son roman Les temps modernes.

Le roman commence en Mongolie. Là-bas, les hivers sont de plus en plus longs, les étés de plus en plus courts, signe des temps. Les terres n’ont plus le temps de se réchauffer, de plus en plus de gens meurent de froid. Le roman débute sur une scène de crime insolite : l’inspecteur Oyun découvre le cadavre d’un cavalier écrasé sous un yack. Afin de sortir les corps, ils vont installer une yourte et chauffer les environs.

Ailleurs, Yeruldelgger est appelé par un professeur, spécialiste des oiseaux. Lors de ses recherches, il a trouvé un bout d’os humain, dans le nid de gypaètes. La curiosité étant un vilain défaut, il découvre alors au bout de ses jumelles le corps d’un homme suspendu dans une crevasse. Quand Yeruldelgger se fait arrêter pour le meurtre de Colette, une de ses anciennes indics et prostituée, il décide de se lancer dans cette enquête personnelle et laisse les deux autres cadavres à son équipe.

Une video d’un hôtel incrimine Yeruldelgger mais il semble bien que cela ne soit qu’un coup monté. Dans tous les cas, on s’est donné bien du mal pour éliminer le commissaire. En plus de tous ces événements, Yerulgelgger découvre que Gantulga, un jeune garçon qu’il a envoyé chez les moines Shaolin a disparu. Ces affaires vont emmener nos enquêteurs aux quatre coins du monde.

Pour commencer mon avis, je dois dire que je n’ai pas lu le premier roman de Ian Manook, et que c’est bien dommage. Car, à cause de cela, j’ai eu bien du mal à entrer dans l’histoire. Car l’auteur ne cherche pas à expliquer le passé de ses personnages et je dois dire que j’ai un peu « ramé » pour m’attacher à eux et comprendre ce qui les motive. Ajouté à cela que les chapitres s’enchainent avec un rythme infernal, cela donne un roman où il faut s’accrocher. Donc, je vous donne un conseil en or : lisez le premier volume des enquêtes de Yerulgelgger afin de mieux apprécier celui-ci.

Je me suis accroché … et je dois dire que c’est un roman d’action remarquablement écrit que Ian Mannok nous livre. Passé les 100 pages, j’ai digéré ce début difficile (pour moi), et bien apprécié ces aventures de notre super héros mongole. Mais ce roman n’est pas que cela et Ian Manook creuse certains thèmes qui lui sont chers. Le dérèglement climatique fait partie de ceux là, quand il nous montre que les hivers sont de plus en plus longs et les températures en chute libre. Et puis, il nous montre la situation géopolitique de la Mongolie, coincée entre les deux géants que sont la Chine et la Russie, un peu comme Sebastian Rotella avec Triple Crossing. Enfin, il dénonce les trafics dans ce qu’ils peuvent avoir de plus odieux, et cela va nous permettre de voyager à travers le monde.

Quant aux personnages, c’est toujours un plaisir de se retrouver avec des personnages exotiques. L’auteur, d’ailleurs, nous détaille bien la vie privée des Mongoles ce qui aide au dépaysement. J’ai aussi trouvé dans Yeruldelgger un peu de Harry Hole, avec cette même habitude de se faire tabasser, prendre des coups sur la tête ou bien une balle dans le pied. Et les autres personnages sont du même acabit, de vrais héros capables de se sortir de situations inextricables, avec quelques cicatrices. Le trait est parfois un peu gros, mais cela participe à la légende des romans d’action.

Bref, avec son style très agréable, ses chapitres courts, son action sans temps morts, ce roman est indéniablement un roman fort bien fait qui va répondre aux attentes des fans du premier tome. Par contre, je ne peux que vous répéter ce conseil : lisez le premier tome, sinon vous risquez de rester sur le bord du chemin et d’arrêter votre lecture au bout de 100 pages, ce qui a bien failli m’arriver.

 Je tiens à remercier Babelio et Albin Michel pour cette lecture en partenariat.

Six fourmis blanches de Sandrine Collette (Denoel-Sueurs Froides)

Après Des nœuds d’acier, Grand prix de la littérature policière, et Un vent de cendres, voici donc le troisième roman de cette jeune auteure. A chacun de ses romans, on change de lieu, de personnages, mais on retrouve toujours ce talent pour faire monter la tension. Bienvenue en Albanie, dans les montagnes enneigées, pour le meilleur … et surtout pour le pire.

Ils sont six jeunes gens, et ont décidé de se retrouver, alors qu’ils ne se connaissent pas. Ils vont partir en Albanie, faire une excursion en montagne, à l’ancienne, dans un pays qu’ils ne connaissent pas et qui est sauvage. Lou est la narratrice de cette histoire. Elle y va avec son compagnon Elias. S’ajouteront à leur voyage un autre couple, Marc et Arielle, et Etienne et Lucas. L’ambiance est bonne et ils se retrouvent avec un guide du cru, Vigan.

Il s’appelle Matthias, il grimpe sur la montagne, portant dans ses bras une chèvre. Il a le Don, celui de déterminer lequel de ces mammifères va apporter le bon augure, la bonne destinée, la chance. Il est sacrificateur dans ce petit village d’Albanie. Son métier est de jeter une chèvre qu’il a choisi du haut des montagnes pour que le baptême, la mariage ou la naissance se passe bien. Le patriarche et légèrement mafieux patriarche nommé Carche lui demande de prendre Artur sous son aile pour lui apprendre le métier. Artur semble doué, mais il étouffe les chèvres avant de les balancer, et semble y prendre du plaisir.

D’un coté, six jeunes inconscients et un guide, de l’autre un sacrificateur, le décor est planté pour une rencontre sous haute tension.

Dire que ce roman ne comporte pas d’action serait mentir. Mais ce n’est pas ce qui a retenu mon attention. C’est surtout la tension qui règne dans chaque page qui rend ce roman stressant. De même, le fait d’alterner les chapitres entre Lou et Matthias est classique, mais cela donne à la fois une possibilité de souffler un peu et de faire durer le suspense. Ce que je veux dire, c’est que le roman se tient du début à la fin, et qu’on a l’impression de le lire en apnée.

Et tout tient dans cette façon de décrire les personnages ou les lieux. Car Sandrine Colette n’insiste pas sur les montagnes, elle ne passe pas son temps à décrire les compagnons de Lou ou à détailler les superstitions de ce petit village. Elle brosse ses tableaux par petites touches, nous rendant complices de l’ensemble, comme si nous étions de connivence avec elle pour connaitre le fond du décor. Nous avons droit à quelques passages nous montrant la beauté immaculée des sommets enneigés, mais Sandrine Colette nous les montre par les yeux de Lou. De même, les fêtes du village nous sont décrites par les yeux de Matthias, d’un air détaché. Cette immersion dans les personnages, parfaitement réussie, nous rend d’autant plus violente la suite de l’histoire.

Cela fait de Six fourmis blanches un roman à la fois au suspense insoutenable et à la fois un roman psychologique impeccable. Sandrine Colette a décidément un style à part, bien à elle, pour nous emmener dans des situations incroyables. Et pourtant, au début, le point de départ est simple, et on se fait des plans sur la suite. Et à chaque fois, l’auteure nous prend à contre-pied. Pourtant, on n’a pas vraiment envie de jouer, car je peux vous dire que le stress va crescendo tout au long du livre, jusqu’à la scène finale, très belle et très visuelle.

Sandrine Colette est sacrément douée, elle a le talent de nous mettre à la place de ses personnages, elle a le don de faire monter la tension par cette façon si subtile de décrire un environnement, elle a l’art de nous surprendre. Le seul point commun que je trouve à ses romans, c’est le huis clos. Dans le premier roman, c’était une cave ; dans le deuxième, c’était une propriété vigneronne, ici ce sont des sommets enneigés. Car l’air de rien, nos alpinistes amateurs se retrouvent enfermés aussi.

Et dire que ce n’est que son troisième roman ! Je me demande bien ce qu’elle va nous réserver par la suite. Un autre décor, d’autres personnages, un autre scenario diabolique. Une nouvelle fois, Sandrine Colette m’a épaté et je piaffe d’impatience, dans l’attente du prochain.

Pouy à l’Atelier In8

Depuis quelque temps maintenant, les éditions Atelier In8 sortent des novellas en moyen format. Nous avons l’occasion, dans cette collection Polaroid, dirigée par Marc Villard, de lire des textes écrits par nos plus grands auteurs français. Honneur à Jean Bernard Pouy qui a écrit deux titres parmi la quinzaine de titres disponibles à ce jour :

Calibre 16mm :

Calibre 16mm

Quatrième de couverture :

Vincent apprend qu’il hérite de Matilda Rosken, excentrique américaine installée en France. Il pense d’abord à une farce, mais les boîtes de pellicule que lui lègue la mamie le renvoient à sa jeunesse de cinéphile adepte des films expérimentaux. La flamme se rallume. Des noms de réalisateurs oubliés dansent la sarabande sous ses yeux : Gérard Malanga, Tony Conrad, Michaël Snow, Bruce Conner, Paul Sharitz. Quand des malfaisants cherchent à s’emparer de son héritage, il ne s’inquiète pas trop. Sauf que la menace se précise.

Que peut bien écrire l’inénarrable et prolifique Jean-Bernard Pouy lorsqu’il choisit d’ouvrir son jardin secret et d’initier le lecteur à ses obscures passions ? L’amateur de bons vins nous avait offert le gouleyant Bar parfait, lecture canaille, hédoniste, sautillante. Cette fois, Pouy joue la partie à 100% car il nous révèle une marotte bien moins partagée, volontiers taxée d’élitiste, celle du cinéma expérimental. Titulaire d’un DEA d’histoire de l’art en cinéma, il nous cornaque dans les milieux arty des années 70, jusqu’à la Factory de Warhol, mais avec humour, potacherie, insolence, toujours, et conclut cette nouvelle noire par une farce, outrancière à souhait.

Mon avis :

Il n’y a pas grand’ chose à ajouter à propos de ce roman. Jean Bernard est un grand auteur de polar, et encore une fois, il nous montre l’étendue de son talent, à travers cette histoire simple. Dès le départ, les personnages sont posés, l’histoire se suit avec une facilité déconcertante, et quand on a commencé le livre, on le finit avec avidité. Il nous décrit aussi des films issus de la période expérimentale des années 70 à 80, que lui seul probablement a vu, il nous montre son amour pour ce cinéma hors du commun, plein d’humour noir et de dérisoire. C’est une histoire simple et malgré ses 60 pages, il n’est pas sur qu’on l’oublie facilement. Encore une fois, Jean Bernard Pouy remplit son objectif de nous divertir intelligemment et ça fait du bien.

Le bar parfait :

Bar parfait

Quatrième de couverture :

Un marathonien du Blanc hante les rues de Paris à la recherche du bistrot parfait. Celui qui proposera mieux que Cabernet ou Sauvignon. Les établissements se succèdent et ne se ressemblent pas. Dans sa quête, il utilise un jeu de Monopoly et découvre ainsi des quartiers qu’il avait jusque-là négligés. Pendant ce temps, un groupe de tueurs prépare une descente dans un vieux rade.

Le Bar parfait est une balade au pays de l’alcool chaleureux, des éblouissements autour du zinc, des ivresses des arrière-salles enfumées. On marche dans la lumière sourde des bar-tabacs en compagnie d’un narrateur qui ressemble terriblement à un Jean-Bernard Pouy.

Mon avis :

C’est pratique, les RTT. Le narrateur se met à chercher le bar parfait. Et, en commençant à 10 heures du matin, il faut trouver le vin blanc. C’est parti pour une vadrouille à Paris, en suivant les cases du Monopoly, trouvé dans un vide-grenier.

Qui d’autre que Jean-Bernard Pouy peut prendre un sujet aussi simple et en faire une novella jouissive ? Quel plaisir d’arpenter les rues de Paris et d’assister à des discussions toutes aussi décalées les unes que les autres. Et même si les passages avec les tueurs à gages sont moins convaincants, ce petit roman reste un moment à part que seul un auteur comme lui peut mener à bien. Et si vous voulez savoir si le narrateur trouve le bar parfait, ne comptez pas sur moi pour vous dévoiler la fin, et encore moins l’adresse. Il ne vous reste plus qu’à acheter ce Bar Parfait.

Les chants de la mort de Nicole Gonthier (Pygmalion)

Je dois dire que les romans historiques, ce n’est pas trop mon genre de prédilection. J’ai toujours un peu peur que l’auteur étale son érudition en laissant le lecteur sur le bas-côté. Ce n’est pas le cas pour ce roman policier qui vous plonge dans la France de la fin du Moyen Age, en 1482.

En cette année là, la France connait une canicule, qui prend à revers les habitants et entraine une famine inquiétante. Quand, en plus, Louis XI, qui est sur sa fin de règne, exige toujours plus d’impôts, cela créé beaucoup de mécontents. La séparation entre les riches et les pauvres n’a jamais été aussi flagrante. C’est dans ce contexte que s’inscrit la dernière enquête en date d’Arthaud de Varey.

Pierre Chapuis est à la tête du groupe d’hommes chargés de creuser les fossés, près de Lyon. Il est réputé pour être intraitable, voire violent. Son rôle est de trouver de la main d’œuvre, mais aussi de mener les terrassiers pour faire le travail en temps et en heure. Soudain, on l’appelle. Au fond d’un ravin, les ouvriers déterrent un corps ; cela ressemble bien à un meurtre. En plus, le corps a été émasculé.

Arthaud de Varey, prévôt de la police de l’archevêque, est appelé sur les lieux. Il s’aperçoit que le corps comporte une croix chrétienne tatouée au dessus de son sexe. Rapidement, Arthaud veut connaitre l’identité du mort et se dirige vers une maison de prostituées, chez La Bourguignote. Là, il apprend que l’homme est plus intéressé par les petits garçons et qu’il a l’habitude de se rendre dans une maison non loin de là.

Nicole Gonthier nous conte une enquête policière qui n’a rien à envier à tous les auteurs du genre. Malgré l‘aspect sombre des meurtres, c’est bien une intrigue où il va s’agir de trouver le responsable de ces meurtres, car il va y en avoir bien d’autres. Ce qui m’a surpris, c’est que la première partie du roman consiste à trouver l’identité du mort, car à l’époque, les gens n’ont pas forcément de papiers. Et Arthaud n’a pas de recherche ADN à sa disposition pour l’aider dans sa quête.

Évidemment, cette partie de l’enquête participe à l’immersion dans cette époque lointaine, de même que le style très fluide, et parsemé d’expression que l’on n’utilise plus aujourd’hui. Et l’auteure ne nous encombre pas de son savoir, elle préfère décrire les habitudes des uns, la vie des autres, par petites touches, ou par des scènes qui nous montrent les croyances du peuple et les abus des riches.

Et puis, il y a des passages qui interpellent, rappelant que l’histoire doit nous aider à construire l’avenir, tel celui-ci extrait d’un dialogue (page 196) :

« Ne constatez-vous pas combien tout va à vau-l’eau actuellement ? Les anciens privilèges sont bafoués et les mœurs déshonnêtes s’affichent. Ce n’est partout que recherche du profit et du plaisir immédiat, énormes et exécrables vices pratiqués dans les étuves et les bordels, sans parler d’un orgueil immodéré qui poussent nos concitoyens à se parer de vêtements bien au dessus de leur statut et condition. Chacun veut paraitre plus riche qu’il n’est, La gloire règne même entre les consuls ! L’Antéchrist ! Maitre Maurin, l’Antéchrist est parmi nous ! »

Dans ma culture personnelle, je n’ai retenu des romans historiques que Le nom de la rose et Les rois maudits. Sans atteindre la classe du Nom de la rose, je dois dire que ce roman est une très bonne surprise et devrait plaire à tout amateur de roman policier historique.

Des idées de polars …

Voici une nouvelle sélection de polars, alors n’hésitez pas à piocher dedans …

L’ivresse des profondeurs de Laetitia Kermel (Éditions Fragrances)

Ivresse des profondeurs

Thriller ésotérique

Pierre voit sa vie totalement chamboulée par un accident de plongée. Il subit “l’ivresse des profondeurs”. Assailli par des maux de tête persistants et souffrant d’hallucinations, il est perturbé. D’autant qu’il semble exercer sur son entourage une forme de magnétisme, tantôt bénéfique, tantôt nocif.

Doit-il y voir les indices d’une pathologie sévère ? Un message de son inconscient ? Le signe d’une sensibilité nouvelle au paranormal ?

Intuitivement, Pierre sait que c’est en Corse – la terre de ses ancêtres – qu’il trouvera des réponses. La vérité se révèlera au gré d’étranges rencontres et de multiples révélations. Elle dépassera l’entendement…

Si on ne connaît bien souvent de l’Île de Beauté que son magnifique littoral, ce récit initiatique teinté de mythologie et de fantastique, nous plonge de manière inédite au cœur des montagnes corses où perdurent d’incroyables pratiques divinatoires et chamaniques.

Le billard à trois bandes de Christian Jalcreste (Verone éditions)

Billard 3 bandes

Roman Policier

Julien du Rouve, membre des services secrets français, jongle entre les missions périlleuses, les conquêtes d’un soir, les coups d’État et les trafiquants d’armes.

Ses enquêtes le mèneront sur le terrain en Afrique, en Allemagne, en passant par Paris et le Liban. En danger de mort, traqué, l’agent du Rouve est livré à lui-même.

À travers ses investigations, il se forge une solide réputation de dur à cuire. Un récit haletant, vif, proche du reportage. Inspiré de faits réels, ce roman dynamique est à l’image de son principal héros : tantôt charmeur, tantôt implacable et cruel.

Les services secrets mènent une guerre silencieuse qui reste inconnue du grand public, même si certains épisodes spectaculaires ne peuvent être masqués, tel le torpillage du Rainbow Warrior.

Le présent roman s’inspire de faits réels issus de cette guerre, pour livrer une réflexion sur la vengeance et la justice. L’auteur s’appuie sur certaines situations rencontrées en raison de son passé et de ses activités. Il attribue à un héros unique, Julien Du Rouve, des actions qui dans la réalité n’auraient pu être exécutées que par plusieurs « agents ». Julien Du Rouve n’a jamais existé.

Donc, selon la formule consacrée et hypocrite : «Toute ressemblance avec des situations ou des personnes ayant réellement existé serait purement fortuite. » Ou pas…

La mort était servie à l’heure de Jack NARVAL (Pavillon noir)

la mort était servie

Roman noir & sanglant

À Rustington, sur la côte du Sussex, entre Brighton et Portsmouth, des retraités britanniques, les Spencer, s’amusent à attirer, puis à capturer des voleurs dans leur demeure, où se trouve dissimulé un ancien bunker de la RAF. Au son de la musique pop et psychédélique de leur jeunesse, ces anciens « mods » torturent ensuite leurs proies, avant de les faire disparaître en distribuant leurs restes aux oiseaux du bord de mer. Les Spencer ne sont pas seuls dans leur mission d’assainissement, ils sont aidés par des voisins partageant leur sanguinaire conception du programme « Neighbourhood watch* ».

*Neighbourhood watch : programme de surveillance du voisinage liant les habitants de certains quartiers et la police afin de signaler tout comportement ou présence suspecte.

On lit d’une seule traite cette intrigue bien ficelée et bien documentée, noire et inquiétante à souhait.

Miettes de sang de Claire Favan (Toucan)

Après Le tueur intime, Le tueur de l’ombre et Apnée noire, Miettes de sang est le quatrième roman de Claire Favan. Seulement. Je dis seulement, car à la lecture de son dernier roman, on sent une telle maitrise que l’on a du mal à imaginer que ce n’est que la quatrième.

Comment prendre le lecteur à contre pied … ou à contre œil ? C’est un peu la réflexion que je me suis faite en fermant ce livre. Devant la pléthore de romans policiers et autres thrillers qui sortent chaque année, il est bien difficile de trouver des traitements originaux. Dans celui de Claire Favan, tout est tenu à bout de bras par son personnage principal, Dany Myers. C’est un jeune homme timide, effacé, qui vit dans l’ombre d’une mère possessive et autoritaire. Son père était le chef de la police locale et un véritable héros. Lui a atterri dans la police en tant que lieutenant grâce à un coup de piston, du moins c’est ce que tout le monde pense au poste. C’est pour cela qu’il s’attire les foudres de ses collègues.

Invité à diner chez Sean Elliott, le capitaine, Dany accepte même s’il ne comprend pas pourquoi Sean lui fait cet honneur. Quand il arrive, toutes les lumières de la maison sont éteintes … Bizarre ! La porte est ouverte … Bizarre ! A l’intérieur, c’est le massacre. Sean a été torturé, découpé. Le sang décore les murs. Et la femme de Sean, May s’est apparemment suicidée.

Dany, choqué, va vouloir enquêter mais Ben, qui doit prendre la suite de Sean le prend de haut, le traite comme un débile, l’insulte. Pour Ben, May a tué Sean et s’est suicidée, affaire classée. Dany n’y croit pas. May est très croyante, elle n’aurait pas commis l’irréparable. Quand il découvre quelques jours plus tard une scène identique où une famille est assassinée et le fils présumé coupable, les similitudes sont trop flagrantes. Il va vite s’apercevoir que ces événements font partie d’une série.

Au risque de me répéter, J’adore Claire Favan par sa façon de construire ses personnages. J’aime sa façon de poser ses pions, et de dérouler son intrigue sans que je puisse en deviner la fin avant la dernière page. Bref, pour moi, Claire Favan écrit du divertissement haut de gamme, et réconcilie les amateurs de romans policiers et les amateurs de thriller. Car, l’autre qualité que j’apprécie par-dessus tout chez Claire, c’est l’absence de scènes sanguinolentes. Certes, il y a des meurtres, ils sont horribles, mais elle nous fait la grâce d’éviter des descriptions gore.

Ici, nous avons un personnage en béton, un lâche, un pleutre, un timide, le genre de personne que l’on peut confondre avec une ombre dans la rue, tant il est transparent. Il est rare de trouver des romans avec des antihéros aussi marqués, ou alors on les trouve généralement dans des romans comiques, où ils font office de victimes. Ici, Dany est sur le devant de la scène, et il s’en excuse presque … Alors même si parfois, je trouve que Claire grossit un peu trop le trait, en insistant sur le fait qu’il est maltraité, insulté, je dois dire que certaines de ses réactions sont remarquablement bien trouvées et qu’elles créent chez le lecteur une sympathie immédiate.

Le ton du roman est sérieux et Claire nous montre le vilain gentil canard, le mouton blanc du troupeau puisqu’il va vite découvrir par hasard que tout le poste de police est corrompu jusqu’à la moelle. Si la situation n’est pas inédite, ces deux faits mis bout à bout participent à la construction psychologique du personnage et au déroulement de l’intrigue. Et on le sait bien, quoi de mieux qu’un personnage seul contre tous, enquêtant envers et contre tous. Et pour le coup, Dany se retrouve bien seul dans tous les compartiments de la vie.

Claire Favan est aussi très douée pour mener son intrigue. Le déroulement est remarquablement logique, les pierres se montent sans accroc sur le mur, et vous pouvez être sur de ne pas deviner le dénouement. Ajouté à cela une fluidité du style que beaucoup peuvent lui envier, ces Miettes de sang s’avèrent un excellent divertissement qui a le mérite de jouer avec les codes de plusieurs genres. Grâce à toutes ces qualités, il est évident que ce roman plaira au plus grand nombre. A vous de plonger dans cette histoire sombre, et de suivre Dany dans sa misérable vie.

La ville des morts de Sara Gran (Editions du Masque)

Sara Gran est de retour en France, après deux romans remarqués, Dope et Viens plus près. J’avais bien aimé le premier, moins le deuxième. Pour ce roman, c’est une rencontre avec un nouveau personnage de détective à laquelle elle nous convie. Ne ratez pas ce roman, aussi bien pour son originalité que pour son personnage principal attachant.

Claire DeWitt est détective privée. Depuis qu’elle est toute petite, sa passion a toujours été de résoudre des mystères. Il était donc naturel qu’elle en fasse son métier. Ce matin là, un homme demande à la voir. Il s’appelle Leon Salvatore et lui demande de retrouver son oncle qui a disparu en même temps que l’ouragan Katrina, à la Nouvelle Orléans. Même s’ils ne communiquaient que par téléphone, Leon est inquiet.

Quand elle atterrit à la Nouvelle Orléans, sa première idée est de regarder les informations disponibles sur Internet. Vic Willing était en effet substitut du procureur depuis plus de vongt ans. C’est le genre de personne qui n’était pas géniale dans son travail, mais qui le faisait le mieux possible. Leon est forcément l’héritier et peut passer pour le suspect numéro 1. Mais dans cette ville ravagée, laissée à l’abandon, personne ne cherche les disparus.

Quand elle se décide enfin à aller visiter la maison de Vic Willing, elle y trouve une maison en désordre, et des empreintes qu’elle relève elle-même, ainsi qu’un perroquet vert. Vic aimait beaucoup les animaux, plus que les humains semble-t-il. Après avoir fait appel à un de ses amis, Claire découvre que quelques empreintes appartiennent à Andray Fairview, un truand enfermé en prison. Enfin, elle tient une piste pour démarrer son enquête.

Quand on démarre un roman, et qu’il s’agit d’une nouvelle série, le premier roman cherche surtout à présenter le personnage du (ou de la) détective. Parfois, cela est réussi, parfois cela est long, moyen. Ici, c’est une franche réussite car Sara Gran cherche à nous présenter Claire de la façon la plus intime possible. Et, en fouillant son passé et ses racines, je me suis beaucoup attaché à elle, et c’est franchement passionnant.

Il semblerait que Claire soit poursuivie par des disparitions. Cela commence par son enfance, quand avec ses amies, Kelly et Tracy, elle cherche à résoudre des énigmes … jusqu’à ce que Tracy disparaisse sans laisser de traces. De ce mystère jamais résolu, Claire en ressortit abandonnée par Kelly et, à partir de ce moment, irrémédiablement seule. Elle trouva par la suite du travail chez une autre détective, Constance Darling, la cinquantaine, qui l’éleva et lui montra tout ce qu’on doit savoir sur le métier. Est-ce une sorte d’image de la mère, ou juste un passage de témoin ? On n’en saura pas plus dans cet épisode, tout juste que Constance a tragiquement disparu, assassinée.

Si je suis si long dans la description, c’est bien parce que le personnage de Claire DeWitt est une des pierres fondatrice de ce roman. C’est parce que ce personnage, qui ne se laisse pas dépasser par ses émotions, ou du moins ne le montre-t-elle pas car c’est écrit à la première personne du singulier, a des réactions ou des remarques qui sont profondément humaines. Alors l’auteur alterne les chapitres entre le passé et le présent, principe archi connu, mais avec une subtilité qui me font penser à des transitions cinématographiques géniales.

Oui, j’ai adoré Claire, mais j’ai aussi adoré Jacques Silette. Vous allez me dire : Mais qui c’est celui là ? C’est un vrai détective privé qui a écrit un recueil qui s’appelle Détection et qui est le livre de chevet de Claire. A chaque pas de l’enquête, Claire se réfère à ce livre, introuvable depuis longtemps. Ce qui m’a fait fondre, c’est quand Claire raconte, sans émotion, que cet homme qui donne des leçons, qui donne les clés du bon détective, fut incapable de retrouver sa fille Belle quand celle-ci a disparu. Et c’est raconté avec tant de distance qu’on sent bien que cela la touche, Claire …

Et puis, il y a la Nouvelle Orléans, meurtrie à la suite de cet ouragan meurtrier. Certes, j’avais été marqué par les descriptions de James Lee Burke, mais la façon dont c’est écrit ici ne peuvent que toucher même le plus dur des lecteurs. Encore une fois, on n’a droit à aucune émotion, juste des petits passages qui sonnent remarquablement juste, comme si Claire ne notait que ce qui lui faisait mal, à elle, l’humaniste.

Alors elle cherche à s’éloigner, à oublier le présent, son quotidien si lourd de son passé chargé. Elle boit, elle fume, elle prend de la drogue. Et elle oscille entre rêves et réalité, entre passé et présent, entre fantômes et témoins jusqu’à un final qui n’en est pas un, si ce n’est qu’il confirme tout le cœur que cette petite bonne femme garde caché, enfoui tout eu fond d’elle. Vous l’avez compris, j’ai adoré Claire.

Un dernier petit mot sur ce livre concernant la couverture. Celle-ci peut vous étonner, vous arrêter, vous rebuter. Peu importe, sachez qu’elle est justifiée et qu’elle comporte une partie de l’énigme à résoudre. Rassurez vous, je ne vous dévoile rien en disant cela, mais elle m’a interpelé.

Un dernier petit mot : Quand j’adore des livres, je ne peux pas m’arrêter d’en parler. Alors, voilà, j’ai été un peu long, mais Claire m’a ému, fasciné, touché, fait rire, outré, révolté, montré, mené par le bout du nez, pour finalement me faire regretter d’avoir tourné la dernière page. Dis-moi, Claire, quand reviens-tu ?

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Journal d’une fille de Harlem de Julius Horwitz (Points)

Pour la rubrique Oldies de ce mois-ci, je voulais rendre hommage à la collection Policiers de Points qui fête cette année ses 35 ans. Par conséquent, mon choix s’est porté sur un des titres réédités récemment. Comme j’avais adoré Natural Enemies, j’ai forcément choisi un deuxième titre de Julius Horwitz.

L’auteur :

Né en 1920, mort en 1986, Julius Horwitz est un auteur américain. Il a écrit neuf livres, dont deux sont parus en France, au Seuil : Journal d’une fille de Harlem (donc réédité par Points) et L’Ennemi naturel (édité par les éditions La Baleine et Folio). Ce dernier a même fait l’objet, aux États-Unis, d’une adaptation au cinéma en 1979, réalisée par Jeff Kanew (Revenge of the Nerds 1984, Tough Guys 1986).

Quatrièmes de couverture :

Mieux qu’un essai, ce Journal révèle l’ordinaire de la vie (misère, racisme, drogue, prostitution, criminalité) dans les ghettos noirs américains. Le rapprochement avec le Journal d’Anne Frank ne manquera pas d’être fait : pourtant, A. N., jeune Noire de quinze ans qui écrit ces pages, est un personnage fictif. Julius Horwitz, qui a passé quinze ans dans les services de l’Assistance américaine, l’a imaginée pour prêter sa voix aux centaines d’enfants de Harlem, Watts, Chicago, Washington, qu’il a interviewés et dont les déchirants récits ont servi à composer celui-ci. (Seuil)

N., 15 ans, a des raisons d’en vouloir à l’existence. Elle vit dans une chambre insalubre de Harlem. Sa mère tire ses ressources de l’aide sociale. Comme la plupart des enfants du quartier, elle ne connaît pas son père. Son frère se drogue, sa sœur aussi. Autour d’elle, tout semble voué au désastre. Mais du matin au soir, de l’école à la bibliothèque, une seule idée l’anime : sortir de cet enfer. (Points)

Mon avis :

Ce roman se veut un journal d’une jeune fille qui, à partir de 14 ans, a décidé de tenir son journal. De ce fait, on assiste à la vie de tous les jours des pauvres gens habitant à Harlem. Il faut aussi savoir que le style est assez simple, l’auteur n’hésitant pas à utiliser des expressions presque naïves pour mieux nous immerger dans la psychologie de cette jeune fille, et je peux vous dire qu’avec un sujet a priori difficile, Julius Horwitz en fait un roman passionnant.

L’auteur va entrer dans tous les détails, nous décrivant tous les déagréments liés à un immeuble vétuste mais dont les institutions utilisent car ils n’ont d’autres solutions, ou ne veulent en trouver pour loger ces pauvres. Des cafards qui courent dans la cuisine, des rats qui attaquent la nuit, des toilettes du palier qui sont bouchées, des poubelles qui trainent dans les couloirs, rien ne nous est épargné.

Mais ce qui marque dans ce roman, c’est les personnages qui entourent A .N. La mère tout d’abord, ne s’avoue pas vaincue mais elle tient à son appartement plutôt que de mettre ses enfants à la rue. Les frères et sœurs de A.N suivent tous leur destin, de la drogue à la prostitution. Les enquêteurs de l’Assistance viennent sans cesse contrôler la présence des enfants et la tenue du ménage. L’éducation aussi a lâché prise, a abandonné sa mission parce que c’est trop difficile d’élever ces jeunes noirs.

Le constat est sans appel : Quand on nait pauvre, on reste pauvre. Voire, et c’est bien là le message du livre, la société fait tout pour vous enfoncer dans votre misère. Et le portrait de cette jeune fille est d’autant plus touchant qu’elle fera tout pour s’en sortir. Dès lors, cela ressemble à Don quichotte qui se bat contre les moulins à vent. On ressort marqué par cette lecture car elle a un accent vrai, et en cela, elle est une œuvre à classer à coté de certains auteurs contemporains tels que Larry Fondation qui dénoncent les travers de la société américaine pour l’améliorer.

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