Voici le temps des assassins de Gilles Verdet (Jigal)

Une nouvelle fois, les éditions Jigal font mouche avec ce roman fort original empreint d’une poésie noire que l’on a peu tendance à trouver dans les productions actuelles. D’ailleurs, il y est fait référence à Rimbaud, aussi bien dans le titre, que dans l’intrigue et dans le style. Jugez-en par vous-même, cela commence comme ça :

« Le ciel de mai avait la couleur du plomb fondu. Le jour était sale. Et si bas qu’il avalait le clocher de Saint-Germain-des-Prés. »

Ils sont deux et ont tout prévus. Ils doivent arriver en moto. Avec leur casque intégral, personne ne les reconnaitra. Paul Viennot a mis le feu à une voiture pour attirer les flics plus loin. Puis il attendra Simon sur la moto. Simon Granville entrera dans la bijouterie, récupérera les bijoux. Mais cela ne devait pas se passer comme ça. Deux femmes voilées entrent, sortent un flingue, tirent dans le ventre de Simon mais il ne veut pas lâcher le sac. Alors l’une d’elle fourre le canon dans la visière du casque et fait feu, avant de s’enfuir.

Il semblerait que Paul et Simon ont toujours été amis. Paul est devenu photographe, il fait les portraits d’auteurs de romans. Simon, lui, est flic. Paul joint Bernard et lui explique ce qui s’est passé. Bernard le rassure, il lui assurera son alibi. Marianne, la femme de Simon, l’appelle en état de choc. Paul la rejoint et lui explique que Simon était endetté jusqu’au cou, à force de jouer au poker avec des cercles de truands, et qu’il était condamné par un cancer. Ce vol de la bijouterie, c’était la seule solution qu’il ait trouvé pour sauver Marianne.

Georges va prendre son métro à la station République. Il observe le quai, les gens. Le bruit étouffé et métallique annonce l’arrivée prochaine de la rame. C’est alors qu’il sent un souffle tiède sur sa nuque. Une voix féminine lui déclama : « La vie est là, simple et tranquille … ». Il se retourna, et fit face à un sourire, avant de sentir une poussée qui le mènera en enfer, accompagné de vers de Verlaine. Ce meurtre sera le premier d’une série qui va ramener Paul vers son passé …

Quand on lit du polar, on adore les personnages pris dans des remous, sans le vouloir … ou du moins c’est ce qu’on croit au début. C’est dans ce cadre que rentre ce superbe roman de Gilles Verdet, qui commence par un roman noir. Car certes, le personnage principal participe à un Hold-up par amitié, ce qui a priori ne le rend pas sympathique, mais plutôt attachant. Et puis, ses déambulations, son désarroi font qu’on le suit, non pas en essayant de comprendre l’intrigue, mais plutôt en l’accompagnant dans les rues de Paris. Il y a une maitrise dans cette intrigue, une façon de construire les scènes les unes après les autres qui démontrent un vrai savoir faire, un pur talent. Il y a aussi cette efficacité des mots, cette justesse dans la description des situations.

Et ce qui sort ce polar de toutes les productions actuelles, ce qui le démarque du lot commun, c’est la plume de l’auteur. Si le titre fait référence à Rimbaud, la plume de Gilles Verdet en est son plus bel hommage. Je pourrais prendre une phrase au hasard et vous montrer la beauté noire de son écriture, car ce roman est un pur plaisir de lecture pour qui aime la poésie. Ce roman, c’est un pur joyau des mots, un éclat naturel et noir, brillant dans un ciel gris.

« Dans la lumière du jour qui baissait, on voyait danser des ombres étranges de matière grise. Comme si son esprit rôdait une dernière fois dans ce carré de nature en jachère ».

Je me faisais cette réflexion en lisant ce livre : tout lecteur de polar doit être tombé amoureux de Baudelaire ou de Rimbaud un jour. Pour ma part, c’est Baudelaire. Rimbaud m’a toujours gêné par moments par sa liberté jusqu’au-boutiste. Eh bien, ce roman, c’est de la poésie pure, c’est un roman où se cachent des vers qu’aurait oublié Baudelaire, c’est une pure merveille qui nous montre combien le beau est triste. Dans le ciel du polar, brille une nouvelle étoile noire. Magnifique.

Ne ratez pas les avis des amis Jean le Belge, Claude Le Nocher et Aupouvoirdesmots

12 réflexions sur « Voici le temps des assassins de Gilles Verdet (Jigal) »

  1. Belle chronique mais je suis contente que Jigal ne soit pas distribué en Belgique, comme ça, j’aurais beau vouloir l’ajouter, je ne pourrais pas l’acheter ! Économies forcées ! Tu es terrible, Pierre !! 👿

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      1. Si, mais pas souvent. J’ai un voyage en perspective dans votre capitale pour mon anniversaire (novembre).

        Jigal ne diffuse qu’en France, problème avec la Belgique niveau frais de transports, un truc dans le genre. Embêtant… mais je peux comprendre si ça coute trop cher à l’éditeur d’envoyer dans le plat pays qui est le mien ♫ (mais qui est loin d’être plat !!).

        Bon, t’as gagné, je vais me faire une Jigalexplosion à Paris !

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  2. Hé bien Pierre, un nouveau Ronsard est né. Quel superbe hommage à un livre et son auteur. Et tu as mille fois raisons de souligner le fait que ce polar – puisque c’en est un est – se démarque complètement de la production traditionnelle. De la poésie au polar, Gilles Verdet a franchi le pas. Il serait plus pertinent de dire que poésie et polar se marient à la perfection. Amitiés.

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  3. J’ai adoré ce polar qui m’a désarçonné dans le bon sens du terme. Si au départ les mots poétiques sont immédiatement posés, on démarre sur des chapeaux de roues avec un braquage ; puis l’intrigue se déroule nous embarquant sur des pistes inattendus. Les personnages sont très bien fait avec un Paul assez pathétique qui semble échouer dans tout ce qu’il entreprend et une mention spéciale pour sa voisine âgée et son amoureux 😉
    Il y a dans ce polar une vraie ambiance particulière, presque irréelle. Et c’est non seulement pas commun dans les polars, mais quand c’est bien fait c’est envoûtant.

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