Papillon de nuit de Roger Jon Ellory (Sonatine+)

Attention, coup de cœur !

Premier roman de Roger Jon Ellory, Papillon de nuit vient d’être édité dans la nouvelle collection de Sonatine. Pour l’occasion, le nom de cette collection s’agrémente d’un + et se propose d’éditer ou rééditer des livres un peu plus anciens.

Daniel Ford est en prison. Enfermé dans sa cellule ridiculement petite, il attend son exécution. Daniel Ford est en effet condamné à mort. Il est accusé d’avoir tué Nathan Verney, un jeune homme noir de son âge. Cela fait plus de dix ans qu’il est enfermé et sa mort est programmée pour bientôt. Daniel Ford est blanc, Nathan Verney était noir. Daniel va revenir sur son passé, expliquer sa vie à son confesseur, le père John Rousseau.

Pourtant, Daniel et Nathan étaient amis. Vers l’âge de 6 ans, dans les années 60, ils se sont rencontrés par hasard. Daniel mangeait un sandwich au jambon. Sa mère faisait le meilleur sandwich du coin. Nathan s’approche et lui en demande un morceau. Au début Daniel refuse et Nathan s’impose en lui en prenant un morceau. Puis, ils discutent, puis ils plaisantent, puis ils deviennent amis. Comme peuvent le devenir deux enfants de 6 ans.

De petites scènes en anecdotes, l’amitié des deux jeunes gens s’affermit. S’ils ne ressentent pas la haine entre les blancs et les noirs, car ils sont trop jeunes, les événements finissent tout de même par les toucher. Les discours officiels apporte la bonne parole, prônent l’égalité pour tous ; Mais les faits divers locaux ou nationaux démontrent tout le contraire. Ce sont des meurtres d’hommes noirs tout d’abord, cela continue par le développement de l’influence du Ku Klux Klan et cela aboutit à l’assassinat de Martin Luther King.

J’ai retrouvé dans ce roman tout ce que j’aime dans Roger Jon Ellory. Il a un talent inimitable pour dépeindre un personnage simple, et pour avec son style hypnotique, décrire sa psychologie, sa vie de tous les jours tout en abordant des thèmes historiques importants, sans faire une leçon d’histoire rébarbative. Il nous montre ainsi comment la guerre d’Indochine et du Vietnam va avoir un impact énorme sur les populations locales, comment le gouvernement préfère y envoyer d’abord les noirs, comment la propagande laisse espérer au peuple la possibilité de devenir un héros …

De cette trajectoire de jeune homme qui n’est ni un héros ni un anti-héros, Roger Jon Ellory nous montre comme un jeune garçon innocent va évoluer, grandir, et perdre sa naïveté comme d’ailleurs son pays va la perdre à la suite de l’assassinat de John Kennedy ou même de l’affaire du Watergate. Roger Jon Ellroy nous montre non seulement l’impact de ces événements aux répercussions mondiales sur la population, mais aussi l’interprétation qu’en fait a posteriori Daniel quand sa situation personnelle l’oblige à prendre du recul et à analyser ce qui s’est passé.

Et les messages de Roger Jon Ellory frappent d’autant plus que l’on est hypnotisé par le témoignage de Daniel. De la perte de l’innocence, de l’éducation forcée et de la propagande assénée sur les gens, ce roman montre tant de choses que nous ne pouvons qu’être fascinés par ce qui est dit et par la forme employée. C’est le terme que je cherchais pour décrire mon avis : ce livre est fascinant et marquant.

Pour autant, ce roman n’est pas un réquisitoire, plutôt une magnifique histoire, un formidable récit d’un petit homme emporté par la tornade de l’Histoire. C’est aussi une leçon de philosophie, où Daniel apparait comme un jeune homme qui laisse les autres faire les choix de sa vie à sa place … sauf une fois ; c’est une illustration de la difficulté de prendre des décisions, et d’en accepter les conséquences, quelles qu’elles soient.

C’est tout de même un réquisitoire contre l’hypocrisie de la société, par ce combat pour l’égalité Blanc / Noir que tout le monde demande et défend alors que, dans la vie de tous les jours, rien n’avance jamais. C’est aussi à travers des personnages secondaires formidables une fantastique épopée qui balaie plus de vingt années de l’histoire des Etats Unis et leur impact sur la population.

Papillon de nuit est un roman inoubliable. Coup de cœur !

 Ne ratez pas l’avis de l’ami Yvan et l’interview du Concierge Masqué

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22 réflexions sur « Papillon de nuit de Roger Jon Ellory (Sonatine+) »

  1. Bonjour Pierre,
    Je viens de le terminer et la fin du livre est écrite de manière magistrale. J’y ai retrouvé l’écriture soignée, détaillée, vivante, (je pensais y être, avec le coeur qui battait au rythme du prisonnier). Quel coup de coeur. Une histoire bien différente de Seul le Silence. Je conseille celui-ci haut et fort tant pour avoir inclus une partie de cette histoire Américaine, où j’ai encore compris bien des choses de par ses touches explicatives si intelligentes, mises dans le corps de l’histoire, mais aussi devenir par la magie des mots le ou les personnages. Ressentir ce qu’ils vivent pour les deux amis.
    Bonnes fêtes de Noël ami lecteur. Un grand merci encore pour tes bons conseils de lecture en cette année écoulée.
    Bises. Geneviève

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