Hommage à la Série Noire : Le grand sommeil de Raymond Chandler (Gallimard)

Attention, coup de cœur ! Attention, Chef d’œuvre !

Je me demandais comment j’allais rendre hommage à la Série Noire de Gallimard qui fête cette année ses 70 ans. En cherchant parmi les premiers titres, et parmi ceux que j’avais en stock, j’hésitais entre Pas d’orchidées pour Miss Blandish de James Hadley Chase et Le grand sommeil de Raymond Chandler. Ayant lu le premier mais pas le deuxième, j’ai donc opté pour ce monument du polar, car c’en est un. Car il y a tout dans ce roman, tout ce qui fait que nous aimons ce genre de littérature.

J’en profite pour vous rappeler que sur le blog de L’Oncle Paul, vous pouvez y trouver une critique par jour d’un roman de la Série Noire. Un bilan de ce travail titanesque est ici

L’auteur :

Raymond Chandler (23 juillet 1888 – 26 mars 1959) est un écrivain américain, auteur des romans policiers ayant pour héros le détective privé Philip Marlowe. Son influence sur la littérature policière moderne, et tout particulièrement le roman noir, est aujourd’hui incontestable. Son style, alliant étude psychologique, critique sociale et ironie, a été largement adopté par plusieurs écrivains du genre.

Né à Chicago dans l’Illinois en 1888, Chandler déménage en Grande-Bretagne, avec sa mère, d’origine irlandaise, au cours de l’année qui suit le divorce de ses parents (1895). Chandler rentre aux États-Unis avec sa mère en 1912 et entreprend des études pour devenir comptable. En 1917, il s’engage dans l’armée canadienne et combat en France. Après l’armistice, il s’installe à Los Angeles, où il exerce divers petits métiers : cueilleur d’abricots, employé d’un fabriquant de raquettes de tennis. En 1932, il est vice-président du Dabney Oil Syndicate à Signal Hill en Californie, mais il perd cet emploi lucratif en raison de son alcoolisme et de la Grande Dépression de 1929.

Sa première nouvelle, Blackmailer’s Don’t Shoot, qu’il passe cinq mois à écrire et pour laquelle il touche 180 dollars, paraît dans Black Mask en 1933. Jusqu’en 1938, Chandler en produit une bonne douzaine, dont plusieurs seront en partie reprises ou refondues pour tisser la trame de ses romans. Le premier, Le Grand Sommeil (The Big Sleep), que l’auteur rédige en trois mois et qu’il publie en 1939, connaît un succès immédiat. Chandler a alors cinquante ans.

Il devient alors une référence et devient aussi scénariste de cinéma à succès. Sa femme meurt en 1954, à l’âge de 84 ans. Chandler recommence à boire. Il meurt d’une pneumonie le 26 mars 1959, laissant derrière lui un roman inachevé intitulé Poodle Spring qui met encore une fois en scène son héros fétiche. Le livre sera complété en 1989 par Robert B. Parker, un autre écrivain spécialiste du genre.

(Adapté par mes soins de Wikipedia)

Grand sommeil 1

L’histoire :

Quand Philip Marlowe débarque chez le général Sternwood, il est accueilli chaudement par une jeune femme blonde bigrement excitante et allumeuse. Mais il en faut plus pour le déstabiliser. Le chauffeur fit alors son apparition pour le mener chez le maître de maison.

Après quelques minutes où les deux hommes se jaugent, le général Sternwood lui annonce que le mari de sa fille Vivian a disparu depuis un mois. Mais ce n’est pas pour cela que le général fait appel à Marlowe. Il lui montre une reconnaissance de dettes de Carmen ainsi qu’une lettre de chantage. Le général lui demande de régler cette affaire pour sauver ce qui reste de l’honneur de la famille, d’autant plus qu’il lui reste peu de temps à vivre.

En repartant, Marlowe tombe sur Vivian la fille brune, tout aussi incendiaire que sa sœur. Elle lui demande de retrouver son mari. Dans cette famille déjantée, ou plutôt dépravée, Marlowe se lance dans l’enquête.

grand sommeil 2

Mon avis :

Tout amateur de polar et de roman de détective en particulier se doit de lire ce roman. Alors, pourquoi ai-je attendu si longtemps ? Quel idiot je suis d’avoir laissé tant de temps passer avant d’ouvrir ce roman. Si je l’ai choisi, c’est d’une part parce que je ne l’avais jamais lu, mais aussi parce que je l’avais en double : Une fois en Série Noire et une fois en Folio. Cela arrive parfois (souvent dans mon cas !). Il est amusant aussi de constater qu’il porte le même numéro dans les deux collections : le numéro 13.

Ne vous attendez pas à une intrigue simple : c’est tout le contraire. Le fait que Raymond Chandler ait compilé deux nouvelles pour écrire Le grand sommeil pourrait l’expliquer. Pour ma part, je pense que c’était voulu, pensé. A chaque scène, une piste nouvelle ou un rebondissement vient mettre nos certitudes en doute ce qui en fait un roman foisonnant aussi bien au niveau de l’intrigue que des personnages. Ce la donne aussi l’impression d’une forme d’improvisation et le lecteur que je suis a adoré se laisser emmener, emporter, poussé dans des fils emberlificotés.

En ce qui concerne les scènes, l’écriture m’a semblé très cinématographique : on y présente d’abord le cadre, puis les personnages et enfin, on peut laisser la place à l’action, tout cela dans un style imagé et sombre, parsemés de dialogues dotés d’un humour cynique et détaché, qui en ferait pâlir plus d’un. L’écriture et sa traduction de Boris Vian sont extraordinaires de modernité. S’il était paru aujourd’hui, ce roman aurait rencontré aussi un succès phénoménal.

Au-delà de l’intrigue, qui nous montre un monde désœuvré, où les gens n’ont plus de morale, où seul compte leur bon vouloir, leur plus basses volontés, le décor est sombre, les gens désespérés et il faut tout l’humour de Marlowe pour relever le ton de cet ensemble très noir. Et les personnages, brossés en quelques traits sont extraordinaires de vérité, de vie, d’envies malsaines. Il y a tant de désespoir et d’Ennui que l’on peut aisément penser que ce roman aurait pu être écrit par Baudelaire, s’il avait écrit du polar !

Ce roman est la quintessence de tous ceux qui viendront par la suite. En lisant aujourd’hui ce livre, on retrouve tout ce qui aura inspiré les auteurs qui prendront la suite. Et je ne peux pas en citer certains, car j’ai l’impression que tous se sont inspirés de ce roman qui est la base de tout polar moderne. En cela, c’est une œuvre à part entière, un chef d’œuvre du roman noir, un livre à lire à tout prix.

29 réflexions sur « Hommage à la Série Noire : Le grand sommeil de Raymond Chandler (Gallimard) »

  1. Tu peux prendre n’importe quel début de chapitre ou façon de décrire un personnage, et encore, je ne parle pas des dialogues ( dont le scénariste de Ray Donovan s’est inspiré), quelle plume ! Mais quelle plume ! Merci pour lui, Raymond Chandler, il ne te reste plus qu’à lire « Les Arnaqueurs » de Thompson et  » Brouillard au Pont de Tolbiac » de Mallet (pour le « Dalhia Noir… » J’imagine que c’est fait) et tu auras fait le tour des principaux chefs-d’oeuvres du roman noir; merci Pierre pour cette fine chronique (l’allusion à Baudelaire est très belle et vraie) et ce bel hommage.
    JOB

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    1. Salut JOB, pour Jim Thompson, je connais bien. D’ailleurs, mon préféré est Rage noire ! Pour Mallet, je note. Je rajoute Harry Crews et Hammett … comme ça, on a mis les meilleurs … encore que je vais bientôt attaquer Chester Himes ! Merci d’être passé ! Amitiés

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  2. Bonjour Pierre et Job
    Léo Malet N’a pas été publié à la Série Noire mais il aurait pu l’être, pas pour les Nestor Burma mais au moins pour sa trilogie noire. Brouillard au pont de Tolbiac fait partie des Nouveaux Mystères de Paris publié chez Robert Laffont en 1956.
    Amitiés

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    1. Et oui,je le savais, j’ai d’ailleurs offert à leur éditeur un exemplaire original des « brouillard » Laffont 1956, dernièrement, en hommage à leur nouvelle collection  » Bête Noire », j’en profite pour dire que moi aussi je suis vos billets à tous les deux ( trois), et Pierre j’ai aussi adoré Rage noire qui m’a fait penser au Vernon Sullivan ( tiens un traducteur de Chandler) de J’irai craché sur vos tombes. Mais Rage Noire et vraiment  » Rage! », j’avoue que je préfère les autres polars comme Guet apens ou celui dont j’ai déja parlé. J’en profite d’avoir des pros de la SN, avez vous lu les deux très bon de Dorcino, dont le cultissime  » Pas de dragées pour le baptême ».??

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      1. AU début des années 80, il y a eu une adaptation BD de ce roman par Tardi. Je ne sais pas s’il est toujours disponible. C’était dans la collection A suivre chez Casterman…

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  3. Excuse-moi Pierre pour les fautes, et en parlant des Blogs, je pensais que Claude était passé par là c’est pourquoi je parle des trois blogs ( entres-autres), je ne sais pas pourquoi, je l’associe souvent à Oncle Paul 😉

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    1. Claude et l’oncle Paul, ce sont les indispensables … avec Passion polar de mon pote Bruno. et puis, il y a aussi Jean (Jackisbackagain), Vincent (Thebigblowdown) et Foumette que j’ai poussés à écrire leurs avis. J’adore aussi Actudunoir pour les romans noirs, celui de Yan et Humeurs Noires de Jerome. Bref, il y a plein de blogs de qualité et c’est tant mieux ! Amitiés

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      1. Bonjour Pierre
        Je ne sais pas si je suis indispensable, disons que j’assume le rôle que je me suis attribué, essayer de faire connaître et aimer les livres populaires et le roman noir et policier en particulier à des lecteurs qui ne connaissent pas ce genre ou le tiennent en mépris.
        Amitiés

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    2. Bonjour Jacques
      Claude a écrit quelques billets sur des romans de la Série Noire, mais disons que j’ai tellement de chroniques sous le coude depuis 30 ans que je m’amuse à en rédiger que j’avais de quoi publié une notule par jour.
      Amicalement

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  4. Et bien, j’ai lu la chronique sans peur parce que j’ai le roman, ainsi que les autres de Chandler ! Na 😛 J’ai vu le travail de l’Oncle Paul et j’en suis pas encore revenue. Je devrais me lire aussi le premier de la SN, la môme vert-de-gris. J’avais déjà fait « Cet homme est dangereux » et « un linceul n’a pas de poche » d’Horace Mc Coy (j’ai fait le facteur aussi). Harry Crews, découvert, Chester Himes, aussi, et bien d’autres que j’ai lu et d’autres pas encore, mais je poursuis ma quête !! je dois mettre mon site à jour aussi, pour tout ces auteurs, mais ce sera pour un peu plus tard 😉

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  5. Je l’ai lu et j’ai eu un peu de mal à le terminer. Je ne sais pas si ça tient à la traduction de Boris Vian, qui n’était pas réputé pour conserver les textes originaux, mais bon, si j’ai aimé Marlowe, j’ai passé un moins bon moment lecture. :/

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  6. Eh bien, hop : je vais l’acheter.
    Concernant Hadley Chase, « La chair de l’orchidée » et « Pas d’orchidées pour Miss Blandish » sont deux monuments (atmosphère, rythme, dialogues, personnages…) : le second frise la perfection. Ce n’est que mon avis, bien entendu.

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    1. Ah James Hadley Chase, j’en ai lu des tonnes ! je les piquais dans la bilbiothèque du père ! Les couvertures me faisaient fantasmer alors que le contenu était très noir ! Bon, j’étais ado ! Pas d’orchidée pour Miss Blandish est son plus connu, je pense. Et je serai incapable de te dire lequel j’ai préféré ! En tous cas, le Grand Sommeil est un incontournable ! Amitiés

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