911 de Shannon Burke (Sonatine)

Attention, coup de cœur !

Voilà un roman qui va vous secouer, et à propos duquel j’aurais pu décerner un coup de cœur … Il n’est pas passé loin, je vous l’assure, au sens où ce roman est comme une pince chauffée à blanc, qui va prendre vos tripes une à une et les torturer en bonne et due forme. Quand vous allez lire le sujet, vous allez naturellement que cela a déjà été vu ou lu. Il y a même des séries télévisées à propos de services urgentistes. Sauf qu’ici, on affaire à quelqu’un qui connait le milieu, puisqu’il a été lui-même ambulancier urgentiste.

Le but de ce roman n’est pas de faire un roman reportage, où on s’attarde comme dans des reportages « réalité » à la dure réalité des urgentistes dans les quartiers défavorisés. Ce n’est pas non plus un roman gore où on étale sur chaque page des litres en des litres d’hémoglobine, pour le plaisir de lecteurs en mal de sang coulant en rigoles. Le but de ce roman, je pense, est de s’intéresser à ces personnages dont la vocation est de sauver les gens. Et si, avant d’attaquer ce roman, je me posais vraiment la question sur ce qui peut motiver ces soldats de la vie (l’expression est de moi), je dois dire qu’après avoir tourné la dernière page, j’ai éprouvé un sentiment de satisfaction car j’y ai trouvé les réponses que je cherchais. Et pour cela, il va vous falloir plonger dans la tête de cette équipe d’ambulanciers urgentistes en charge du quartier de Harlem.

L’histoire tient en deux lignes : au début des années 90, Oliver Cross vient de rater le concours d’entrée pour devenir médecin. Alors qu’il est sur de sa vocation, il postule à un poste d’ambulancier urgentiste, poste qu’il envisage d’occuper pendant une année en attendant le prochain concours. Il choisit même le quartier de Harlem de façon à être confronté à ce qu’on peut trouver de pire. Mais il est loin d’imaginer ce qu’il va rencontrer …

Alors, oui, on y rencontre des scènes crues, des descriptions succinctes difficiles à supporter, mais le but n’est pas de faire dans l’outrance : cela est fait de façon très directe, avec un style que l’on peut qualifier de froid, mais aussi de médical, factuel. Lors des différentes interventions, ces scènes ne font l’objet d’aucune émotion, les urgentistes se contentant de réaliser le premier diagnostic, les premiers soins avant l’arrivée de la cavalerie, que ce soient les pompiers ou les ambulanciers.

C’est bien la psychologie des ambulanciers que l’auteur nous montre, de la même façon qu’il nous peint ses scènes. Cela est fait par petites touches, par des dialogues courts, par des réactions brutales. Pour un roman américain, c’est bigrement subtil ! Je vous avouerai que le début est brutal, mais l’auteur a décidé de nous mettre la tête dans le seau rempli de merde. On y trouve des gens drogués, des victimes par balles, ou juste des personnes âgées tombées dans leur escalier ou des suicidés.

C’est dur pour ces personnages de supporter cela et chacun le fait à sa manière. TOUS les portraits sont d’une justesse incroyable. TOUS nous font vibrer à leur niveau. TOUS ont des réactions vraisemblables. Et TOUS vont vous émouvoir. Car au fur et à mesure de cette lecture, aussi dure soit-elle, on finit par les connaitre, par les apprécier, par les comprendre surtout ; et c’est là une des grandes réussites de ce roman. Ce n’est plus Oliver Cross qui nous raconte son histoire, c’est nous, lecteur, qui courons avec lui, c’est nous qui posons les perfusions, c’est nous qui faisons les diagnostics. Et quand il s’agit de prendre une décision qui peut remettre en cause une vie humaine, l’auteur nous réveille en nous assénant de belles claques dans la gueule, en nous rappelant que c’est ça la vraie vie !

Vous l’aurez compris, il faut du courage pour lire ce livre, mais on est récompensé au bout du compte. Car devant la pauvreté, devant le sort des drogués, nous finissons par ne plus les juger mais par devenir aussi analytique que ces ambulanciers doivent être pour bien faire leur travail. A la fin du bouquin, on en ressort autant horrifié que satisfait d’avoir fait son travail, et on en sort comme d’un cauchemar, soulagé d’avoir échappé à l’horreur et conscient d’avoir parcouru un grand moment de littérature.

Et même si la dernière page veut laisser une once d’espoir, je l’ai plutôt interprété comme un happy-end malheureux, comme une auto analyse de l’auteur lui-même pour ne pas péter un plomb. Ce qui est sur, c’est que ce livre est de ceux que l’on n’oublie pas, comme on n’en lis peu dans une année. Coup de cœur !

Claude Le Nocher a aussi mis un coup de cœur à ce roman ici

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