Avant que tout se brise de Megan Abbott

Editeur : Editions du Masque

Traduction : Jean Esch

Ce n’est un secret pour personne : je suis un fan de Megan Abbott. Depuis quelques romans, elle choisit de fouiller la psychologie des gens comme vous et moi, nous montrant le quotidien de ses personnages par petites touches. Ce nouveau roman s’intéresse à une famille dont la fille va devenir gymnaste et c’est l’occasion de regarder comment les parents et leur entourage va réagir face à des rebondissements. Une vraie réussite !

Dans la famille Knox, ils sont quatre. Eric le mari, Katie la mère, Devon la fille ainée et Drew le petit dernier. Quand elle était petite, Devon s’approcha trop près de la tondeuse à gazon, et elle eut quelques doigts de pied coupés. Ses parents furent choqués, marqués à vie par cet événements, et, à partir de ce jour, ils ont tout fait pour que Devon réussisse. Ayant un talent inné pour des figures et son équilibre, sa petite taille et sa musculature la dirigeait naturellement vers la gymnastique. Surtout, Devon faisait montre d’un esprit de fer, d’une volonté inébranlable.

Au club BelStars, Devon est devenue la star. Tout la regardait, l’adulait. Coach Teddy avait mis tous ses espoirs en elle. Rapidement, elle atteint le niveau 10 et il proposa d’entrainer leur fille pour qu’elle passe les qualification pour devenir Elite Junior, ce qui concerne 65 filles aux Etats Unis, les meilleures. Les entrainements étaient incessants, durs, et les parents de Devon avaient même installés des appareils d’entrainement dans leur sous-sol. Le jour des qualifications, Devon rata sa réception, la faute à ce maudit pied auquel il manquait deux orteils.

Loin de se laisser abattre, voulant le meilleur pour leur fille, et rongés par la culpabilité, Eric et Katie prirent les rênes du club de gymnastique et poussèrent le club à investir dans une fosse de réception : Puisque leur fille avait raté le concours Elite Junior, elle se préparerait pour celui d’Elite Sénior dans deux ans. C’est là qu’un beau jeune homme Ryan apparut, participant à la construction de la fosse. Alors que Devon travaillait d’arrache pied pendant les 18 mois suivants, Ryan fut découvert mort un soir, renversé par une voiture. Coupable d’un délit de fuite, le chauffard ne s’était pas arrêté. Ryan était le petit ami de Hailey, la nièce de Coach Teddy. Cette nouvelle bouleversa le petit monde qui gravite autour de BelStars.

Alors que je n’avais pas aimé son précédent roman, Fièvre, dans lequel je trouvais des répétitions et surtout beaucoup de sujets évoqués sans en creuser aucun, et abandonnant trop la psychologie des personnages à mon gout, je retrouve dans ce roman tout ce que j’aime dans la façon d’aborder une intrigue chez Megan Abbott. L’auteure prend quelques personnes comme vous et moi, et les regarde vivre, interagir avec leur environnement, en ajoutant quelques anecdotes liées à leur passé, ce qui permet de construire leur personnalité souvent trouble et à plusieurs facettes.

Et surtout, je retrouve cette subtilité dans les mots choisis, cette faculté de décrire une scène simplement, mais en rajoutant un ou deux mots ou adjectifs qui changent tout dans notre façon de percevoir le lieu et les pensées des protagonistes. Il faut être clair : le rythme est lent, et c’est un roman psychologique dans lequel on trouvera quelques événements en guise de rebondissement, mais le principal n’est pas là, car tout se situe dans les réactions des uns et des autres, leur amour ou leur haine de Devon (c’est selon), les petites cachoteries, les vacheries que les adolescentes s’envoient, les motivations des uns et des autres et leurs mensonges ou devrais-je dire les fausses vérités.

On va trouver dans ce roman toute une galerie de personnages, une bonne vingtaine, sans que l’on ne soit perdu, et ils vont créer le décor autour de la famille Knox. Car le sujet de ce roman, c’est bien la famille et le prix que les parents sont prêts à payer pour amener leurs enfants au succès, ou du moins à faire leur vie. Si Eric est rongé par culpabilité depuis que Devon s’est coupé 2 orteils, et s’il va faire tout ce qui est en son pouvoir pour corriger son erreur, Katie va quant à elle voir en sa fille sa deuxième victoire, la première étant d’avoir épousé son mari. Pour elle rien n’est trop beau, tout doit être fait pour que la victoire de sa fille devienne la sienne. Katie est aussi aveuglée par sa famille, par sa fille et c’est elle, en personnage principale qui va découvrir les dessous de la communauté et perdre ses illusions. Devon, quant à elle, est une jeune adolescente qui, après avoir raté son concours, va se dévouer à son sport, avant de découvrir le regard des autres et les émois liés à son âge. Quant à Drew, le petit dernier, il est un peu laissé à part et fera son apparition sur le devant de la scène dans la deuxième partie du roman.

Ce roman, comme je l’ai dit précédemment, est écrit avec toute la subtilité et la justesse que j’aime chez Megan Abbott. C’est un exercice bien difficile de créer des personnages communs et de les faire vivre de façon réaliste, et ici, c’est une nouvelle fois une grande réussite, comme dans Vilaines filles. C’est un pur roman psychologique qui, l’air de rien, fait monter la tension au fur et à mesure de l’évolution de l’intrigue, un petit régal de suspense familial et j’en redemande. Je tiens à signaler l’excellent travail du traducteur Jean Esch, qui a su retranscrire le choix subtil des mots de l’auteure pour nous faire apprécier toute l’intelligence de cette écriture.

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