Dernier virage avant l’enfer d’Emmanuel Varle

Editeur : Les Presses Littéraires

Voilà un roman que j’ai lu par hasard, au sens où je n’en avais pas entendu parler. Heureusement, l’auteur m’a contacté et m’a donné envie de le lire. Et ce roman se révèle une excellente surprise, venant d’un auteur dont ce n’est que le troisième roman. Le meilleur est à venir, je vous le dis.

L’auteur :

Né à Paris en 1960, Emmanuel Varle a toujours été passionné, dès sa plus tendre enfance, par les faits divers. Il est donc logiquement entré dans la police dont il est sorti avec le grade de Commandant Fonctionnel. Retraité depuis quelques mois, il consacre désormais l’essentiel de son temps à l’écriture de romans. Il entend mettre sa riche expérience professionnelle conjuguée à son amour de la littérature, des arts, du monde animal, de l’histoire, des faits de société et de tant d’autres domaines au service de ses lecteurs. Dernier virage avant l’enfer est son troisième roman.

Mon avis :

Installez-vous dans votre fauteuil, en face de Roland Mertonnier, dit le Baron, enfermé dans sa cellule. Il aura passé autant de temps dehors à faire son boulot de truand qu’en prison. Il va vous raconter sa vie, car il sent qu’il est dans la dernière ligne droite. Il va vous décrire sa vie actuelle, sa vie passée, ses rencontres, ses réussites, ses échecs … Emmanuel Varle nous convie à une biographie d’un truand totalement inventée.

Ce qui est assez saisissant, c’est cette facilité de rentrer dans la peau de ce personnage et de nous faire vivre sa vie. On a vraiment l’impression de suivre une discussion en tête à tête avec quelqu’un. Alors, il nous interpelle, nous prend à témoin et fait défiler les événements qui ont ponctué sa vie selon son bon vouloir, selon ce qu’il pense et part dans des digressions qui ne suivent que le fil de cet esprit brillant et fatigué.

Car cet homme de plus de 70 ans va nous parler de sa jeunesse, de la façon dont il va découvrir que la violence le rend plus respectable aux yeux des autres, du choix qu’il fait de refuser la normalité de sa famille bourgeoise pour embrasser volontairement la carrière de truand, du drame de la mort de sa sœur, de la volonté de devenir le nouveau Clyde, d’éviter la routine, de rechercher l’action, le stress, de se sentir vivant.

De façon totalement non chronologique, et c’est bien une des grosses qualités de ce livre, il va parler des grands noms du banditisme, ceux qu’il n’a jamais rencontrés mais dont il a entendu parler, des cavales, des putes, des amis vrais et faux, de la liberté et de la prison. Il ne cherche pas l’absolution ni aucune justification, c’est juste un témoignage d’un homme qui a choisi de faire ce boulot (et il emploie ce terme plusieurs fois dans le roman), en changeant de branche, passant du racket au vol, du braquage au proxénétisme en fonction de ce qui rapporte le plus d’argent, comme d’autres changent de métier.

Roland ne cherche pas non plus le pardon. D’ailleurs, il se fout des autres et de ce qu’ils ont pu devenir, de ses parents comme de ses enfants (il en a deux reconnus et il en a peut-être un troisième tant il lui ressemble). Il témoigne aussi des nouvelles formes de banditisme, sans foi, ni loi, ni respect, et embraille sur le fait que cela vient des noirs et des arabes, car il est raciste ; il le dit et le clame haut et fort.

Roland dit beaucoup de choses, sur sa vie actuelle, en prison, où il connait par cœur les codes. Il raconte comment il doit se plier aux exigences, comment on paie pour se procurer de petits extras. Il raconte aussi les flics, les ripoux, les rusés, les matons pourris, les gardiens violents. Il narre les autres prisonniers et préfère définitivement être seul, sous menace de se suicider.

Roland nous parle de ce jeune homme, Timothée, qui vient le voir et lui offre des choses à manger. Mais Roland ne nous dit pas tout. Il nous raconte son dernier casse (à 64 ans, un record !) mais il ne nous dit pas combien de gens il a tués, ni combien de femmes il a frappée. C’est aussi cette part d’ombre qui construit le personnage. Ce sont autant les paroles que les non-dits qui construisent son histoire.

Ce roman est une incontestable réussite car l’auteur arrive à nous faire croire à ce personnage bavard qui nous parle de sa vie ; et comme bien souvent, c’est débridé, les digressions sont nombreuses mais à chaque fois justifiées, et on a plaisir à retrouver Roland pour un nouveau monologue, à chaque fois qu’on ouvre le livre. Allez, vous aussi, installez-vous dans ce fauteuil en face du Baron, et écoutez, apprenez !

Ne ratez pas l’avis de l’Oncle Paul

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10 réflexions sur « Dernier virage avant l’enfer d’Emmanuel Varle »

  1. Bonjour Pierre et merci
    Ayant lu les deux précédents romans d’Emmanuel Varle, je confirme que celui-ci est le meilleur et le plus innovant. On se croit vraiment en face d’un vieux truand et c’est tout l’art de l’auteur de le présenter et de se mettre dans la peau de ce personnage, alors que dans la vie civile il en est tout le contraire
    Amitiés

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    1. C’est exactement cela, Paul. C’est un peu ce que j’ai voulu dire dans mon billet. A la lecture, on est vraiment devant ce vieil homme, qui n’a rien d’un homme abattu. Plein de verve, révolté, serein parfois, lucide souvent, il parle de lui et de sa vie. C’est une incontestable réussite. Amitiés

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