Ainsi vint la nuit d’Estelle Surbranche

Editeur : La Tengo

Un premier roman permet de montrer le talent d’un auteur, ses passions, ses centres d’intérêt … mais aussi ses ambitions. Estelle Surbranche n’en manque pas, loin de là. Et je dis : Vivement le prochain !

Quatrième de couverture :

Romain Le Roux et Matthieu Manjeois mènent une vie d’étudiants normale et passent des vacances ordinaires à Biarritz… Jusqu’à ce jour de septembre où ils trouvent 7 kilos de cocaïne en surfant et gardent la marchandise. La première erreur d’une série de décisions hasardeuses qui s’avéreront fatales.

Et vous, que feriez-vous si 7 kilos de cocaïne atterrissaient entre vos mains? Matthieu et Romain, deux surfeurs étudiants, ne mettent pas longtemps à répondre à la question : monter un bizness qui rapporte une montagne de fric. Tout semble si facile… Sauf que la marchandise appartient à un gang serbe, particulièrement à cheval sur la notion de propriété et peu sourcilleux sur les méthodes de leur tueuse favorite, Nathalie. Plus dangereuse encore, Paris la nuit, ses fêtes, les paillettes des clubs et ses amours illusoires, qui corrompent l’amitié, les corps et la raison. Une seule personne peut encore arrêter le massacre : la capitaine Gabrielle Levasseur… si elle arrive à s’affranchir des fantômes qui la hantent.

Inspiré librement de faits réels qui se sont déroulés dans le sud-ouest de la France au début des années 2000, Ainsi vint la nuit raconte l’histoire de quatre vies entremêlées, des existences qui ne se rencontrent (presque) pas, mais ont chacune une influence mortelle sur les trois autres. Tout cela par la faute d’un grand big-bang provoqué par la déesse Cocaïne ! La mystérieuse Nathalie, formée à tuer pendant la guerre des Balkans – omniprésente en toile de fond – chasse férocement les deux apprentis dealers, et trouve l’impensable sur son chemin sanglant, une forme de résilience. Les péchés passés et le besoin maladif d’être aimée menacent d’engloutir la raison de Gabrielle Levasseur et lui interdisent la rédemption. Romain et Matthieu courent après le plaisir, de soirées techno en nuits de défonce, se moquant d’y laisser une part d’humanité. La noirceur gagne inexorablement les destins de chacun des personnages, recouvre leurs peurs et les pousse à se découvrir… Et le monstre le plus abject qui en surgira ne se révèlera pas forcément celui qu’on croit.

L’écriture énergique et syncopée d’Estelle Surbranche donne le rythme de ce polar en forme de tragédie moderne, s’accélérant au fur et à mesure des pages jusqu’à la délivrance finale, explosive, à l’image d’un morceau de musique techno. Apre et moite, l’ambiance de ce premier roman est aussi jouissive et dangereuse qu’une soirée en club sous MDMA.

Ainsi vint la Nuit est le premier acte d’une trilogie aux personnages récurrents.

Mon avis :

Il semblerait que les éditions La Tengo soient douées pour dénicher des auteurs de talent. Car ce roman foisonnant est une vraie réussite. Car ce roman en forme de course-poursuite enquête nous offre beaucoup de péripéties et surtout une galerie de personnages que l’on va suivre par chapitres interposés, tous aussi intéressants les uns que les autres :

Nathalie, tueuse à gages est chargée de retrouver la cargaison de drogue et c’est une tueuse sans sentiment, sans remords qui tue ses victimes en leur crevant les yeux. Romain et Mathieu sont des étudiants en vacances à Biarritz qui, en surfant, vont tomber sur deux paquets qui vont changer leur vie. Gabrielle est flic, mutée de Marseille après une affaire qui a mal tourné et qui l’a marquée à vie ; cette affaire pourrait bien être celle de la rédemption.

C’est très bien écrit, très fluide, et surtout, nous avons affaire à des personnages passionnants. De Biarritz à Paris, les rebondissements s’enchainent avec logique, les trois parties vont progresser vers un final étonnant, laissant derrière eux des cadavres sanglants. Surtout, on va avoir droit à une descente en enfer des deux jeunes, dont l’un tombe dans la paranoïa de la cocaïne, et je dois dire que ces passages sont fort bien faits.

Je vous engage donc à découvrir ce premier roman, sachant que la fin nous laisse augurer une suite haletante, en nous surprenant et en étant très loin du happy end que l’on aurait pu craindre. Ce qui est sur, en tous cas, c’est que je serai au rendez-vous du prochain roman d’Estelle Surbranche !

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Accidents d’Olivier Bordaçarre

Editeur : Phébus

Découvert avec La France tranquille (en ce qui me concerne), j’avais été époustouflé par son Dernier désir. C’est donc avec une grande joie que j’ai lu son petit dernier, Accidents, dont j’ai eu la connaissance grâce à l’excellent blog Bob Polar, dont vous pourrez lire l’avis ici.

Avenue André Breton, Montrouge. Un accident vient d’avoir lieu. L’essence se déverse des carrosseries. Le drame va avoir lieu. Un passant a prévenu les secours mais elle sait qu’elle ne peut rien faire. Tout à coup, des mains la tire de la tôle. Elle se retrouve allongée, devant les visages des pompiers et s’évanouit.

Rue Boulanger, Paris. Sergi Velasquez est un peintre inconnu du grand public. Il habite le même immeuble que sa sœur, est même son voisin. Cela ne gêne pas Paul et Julia puisqu’ils passent du temps ensemble. Paul a choisi d’être père au foyer pour garder Anouk, leur fille. Julia quant à elle est psychanalyste. Alors que Anouk insiste pour regarder King Kong, Sergi annonce à Paul Qu’il a trouvé une galeriste qui accepte d’exposer ses toiles. Un jour, en rentrant chez lui, il rencontre dans l’ascenseur une superbe femme rousse, qui va au même étage que lui. Cela doit être une patiente de sa sœur.

Hôpital Cochin, Paris. Une jeune femme se réveille. L’infirmière insiste pour qu’elle se lève, fasse sa toilette. Devant le miroir, elle regarde ce visage moitié humain, moitié animal. Elle a du mal à accepter sa moitié de visage défiguré.

Sur un sujet casse-gueule, Olivier Bordaçarre s’en tire encore une fois admirablement. Deux jeunes femmes, dont on ne connait pas les liens, qui ne se rencontrent pas, c’est avec cette idée d’intrigue que l’auteur nous demande de regarder. Avec toute la subtilité qu’on lui connait, il fouille, dissèque les intimités des uns et des autres, avec pour trait d’union Sergi, un peintre hors norme, marginal, ballotté par des événements qui le dépassent.

Ne cherchez pas d’action, ou de mystère extraordinaire. Ici, on est dans les petits gestes du quotidien, dans les petits objets, dans les petites paroles anodines qui construisent les grandes histoires et amènent à se pencher sur nos propres réactions, à nos propres réflexions que l’on peut avoir sur les autres.

Car ce roman est bien une variation sur la beauté et sa représentation dans l’art (ici, la peinture). C’est aussi une belle illustration sur les cicatrices que chacun de nous porte en nous, celles que l’on voit et celles que l’on ne voit pas. Car chacun porte en soi des blessures, des regrets qui construisent notre vie, comme des pierres qui font nos fondations.

Olivier Bordaçarre est un auteur décidément à part, capable de nous faire croire en des personnages de la vie de tous les jours, et de nous montrer des axes de réflexion qui sont importants et si subtilement montrés. Il est aussi trop rare alors on déguste chaque phrase, chaque mot comme une offrande. Accidents est un beau livre, attachant, et entêtant, marquant et obsédant, du genre qui ne s’oublie pas.

Espace Jeunesse : Bleu Blanc Sang tome 3 de Bertrand Puard

Editeur : Hachette

Si vous lisez ce billet, c’est que vous avez déjà lu les deux premiers tomes. Si ce n’est pas le cas, je vais essayer de ne pas spolier les événements qui ont eu lieu dans les 2 précédents romans.

Quatrième de couverture :

Un mois et demi a passé depuis les terribles évènements qui ont clôturé la chasse aux tableaux de Justine Latour-Maupaz et qui ont fait vaciller le pouvoir en place. Retirée dans un manoir à la campagne, Eva Brunante se remet peu à peu de ses traumatismes en retrouvant les joies de la création, et en jurant qu’on ne l’y reprendra plus à jouer les héroïnes de thriller.

Pourtant, lors du vernissage de l’exposition-événement consacrée à l’artiste, au Louvre, un jeune homme venu des États-Unis surgit et confie à Eva posséder de quoi bouleverser à nouveau la donne autour de Justine Latour-Maupaz mais surtout autour de l’histoire de l’art tout entière.

Dans l’ultime tome de cette trilogie, Eva ira de surprise en surprise et apprendra que tous ces évènements autour de l’artiste n’étaient que les premiers soubresauts d’une rude bataille à venir.

Mon avis :

Avec un tel suspense à la fin du deuxième tome, je pensais que nous allions redémarrer dans la foulée … eh bien non ! Nous voilà transportés 6 mois après la fin du 2ème tome. Du coup, on se retrouve projeté en novembre 2018.

De nouveaux personnages font leur apparition, dont Caïssa, une jeune femme qu’un vieux monsieur va initier aux échecs, et un chef d’entreprise américain, christophe LAMBERT qui va hériter de l’entreprise de son père à la mort de ce dernier. Sauf qu’au même moment, il apprend que son père n’est pas son père biologique. Cela va l’amener à rejoindre la France alors qu’une exposition sur Justine Latour-Maupaz va être inaugurée.

Alors que les deux premiers tomes laissaient à beaucoup d’action, ce n’est plus le cas ici. On se retrouve avec une intrigue qui passe d’un camp à l’autre (voir mes précédents avis) mais cela ressemble plus à une résolution d’une énigme liée aux racines de chaque famille.

Si le style s’affirme, je trouve que ce roman s’adresse à des personnes plus âgées que les 15-16 ans visées initialement. Ou alors, l’auteur considère-t-il que son lectorat a grandi avec la lecture de ses romans ? Ce en quoi il n’aurait peut-être pas tort. Car je l’ai déjà dit et je le répète, il y a dans ces romans une initiation à la vie politique, les relations entre l’économie et la politique, les influences des lobbyistes, qui doivent permettre d’ouvrir les yeux aux plus jeunes.

Reste que la conclusion me laisse un peu perplexe : Je suis d’accord sur le fait que le monde de demain sera construit par les jeunes d’aujourd’hui. Pour autant, la destruction totale est-elle nécessaire ? Il m’a manqué un message plus positif, plus fédérateur dans cette fin qui laisse certes le lecteur réfléchir, mais qui sous-entend des solutions violentes qui n’en sont pas. Ceci dit, si un livre fait réagir, c’est qu’il est très bon … Et puis, le dernier chapitre est peut-être le premier pas vers un quatrième tome ?

Mon avis sur le tome 1 est ici

Mon avis sur le tome 2 est ici

Bienvenue à Cotton’s Warwick de Michael Mention

Editeur : Ombres Noires

Pas sûr que vous soyez enclins de visiter Cotton’s Warwick, cette petite bourgade perdue en plein milieu du désert australien. D’ailleurs on se demande bien comment des gens peuvent encore habiter cette région aux conditions extrêmes. Imaginez juste cinq secondes : De 10 heures à 17 heures, il y fait plus de cinquante degrés. Voilà un village qui ressemble à l’enfer. Et c’en est un !

Dans ce village, n’y vivent (ou survivent) que des hommes. Leurs femmes se sont toutes suicidées. Et ceux qui restent n’ont pas eu le courage de partir. Alors, ils se retrouvent eu bar, à écluser des bières en attendant que le temps passe, fantasmant sur la propriétaire et serveuse du Warwick Hotel, Karen. C’est la seule femme du village et elle résiste à la bande de dégénérés que sont ses clients. Et quand la solitude se fait trop forte, Karen rêve de « l’autre », le jeune homme enfermé dans l’abattoir et qui dépèce les carcasses de sangliers ou de kangourous.

Dans ce monde plus animal qu’humain, Quinn fait figure de chef. C’est lui qui détient les armes, qui fait régner l’ordre, et qui prêche la bonne parole dans l’église du village, faite de bric et de broc. Outre qu’il s’octroie tous les droits, il en profite aussi pour mener à bien ses petits trafics. Seul Doc, le docteur itinérant dans son hélicoptère, n’est pas dupe et ne se déplace qu’en cas d’extrême urgence, c’est-à-dire quand un des habitants vient à passer l’arme à gauche.

C’est le vieux Pat, le menuisier, que l’on retrouve mort en haut d’un poteau, complètement cuit. Personne ne tient à savoir comment il est mort, et Doc fait juste un aller retour pour confirmer l’insolation. Et ce n’est que le début de la fin …

A nous décrire un coin qui ressemble fortement à l’enfer sur Terre, à nous assommer par cette chaleur insupportable, Michael Mention nous montre comment l’homme n’est finalement rien d’autre qu’un animal. Clairement, on se retrouve dans un endroit où on n’aurait pas envie de rester. C’est une des forces de ce roman, de nous faire vivre cet endroit imaginaire, peuplé de personnages tous plus menaçants les uns que les autres.

En fait, j’adore Michael Mention parce qu’on a la même culture, les mêmes repères. Et on retrouve dans ce roman beaucoup de références comme autant d’hommages à de grands auteurs, qu’ils soient écrivains ou réalisateurs de films. Evidemment, pour son lieu géographique, on pense à Cul-de-Sac de Douglas Kennedy. Mais j’ai toujours pensé à Harry Crews, avec ces personnages déformés, abimés par les dures conditions de vie, avec Quinn qui fait office de chef et presque de Dieu au milieu de nulle-part, et même à Sam Millar avec l’omniprésence de cet abattoir, comme un endroit où nous finirons tous. J’ai aussi pensé à Hitchcock quand les animaux se mettent de la partie, et surtout à John Carpenter par cette façon de créer des scènes d’une tension insoutenable.

Si on peut y trouver plusieurs niveaux de lecture, et chacun se fera son idée, j’en retire surtout l’incroyable inhumanité des hommes, cette volonté de détruire les plus faibles. On pourra aussi y voir une vengeance de la nature face à l’homme qui détruit son environnement et même une dénonciation des violences envers les femmes dans des scènes d’une violence non pas crue ou démonstrative mais tout simplement insupportable dans ce qu’elle ne montre pas mais laisse envisager.

Si ce roman s’avère comme un patchwork où fleurissent beaucoup d’hommages, nul doute que certains colleront à ce roman le statut de roman culte par les différents niveaux de lecture que l’on peut y trouver. En tous cas, ne croyez pas le titre : vous n’êtes pas le bienvenu à Cotton’s Warwick ! Par contre, vous êtes le bienvenu à parcourir ces pages écrites par un auteur décidément à part dans la littérature française.

Ne ratez pas les avis des amis Jean-Marc, Claude et Yvan

L’information du mardi : Les balais d’or 2016

Samedi dernier a eu lieu la remise des Balais d’or, à laquelle je n’ai pu assister … malheureusement.  Vous trouverez tous les détails sur l’excellent site du Concierge Masqué.  Cette année encore, ce sont encore des romans d’exception qui ont été récompensés et je vous en livre les lauréats :

Balai D’Or : Roger Jon Ellory avec Papillon de nuit (Sonatine), dont vous trouverez mon avis ici.

Papillon de nuit

Balai D’Argent : Sonja Delzongle avec Dust (Denoël)

dust

Balai de Bronze : Laurent Scalèse avec La Voie des âmes (Belfond)  dont vous trouverez mon avis ici.

La voie des âmes

Balai de la Découverte : Johana Gustawsson avec Block46 (Bragelonne) dont vous trouverez mon avis ici.

Block 46

Voici la photo des vainqueurs empruntée sur le site du concierge:

balais-2016

La sélection pour les Balais d’Or 2017 a déjà été faite, et les jurés sont en cours de lecture afin de choisir leurs favoris. Encore une fois, ce seront des romans passionnants venant des quatre coins du monde et dont vous devriez entendre parler sous peu.

Hong Kong Noir de Chan Ho-Kei

Editeur : Denoel

Traducteur : Alexis Brossolet

Le titre de ce roman peut faire penser aux recueils de nouvelles publiés par les éditions Asphalte, qui étaient centrés sur une ville. Et on peut voir ce roman comme une somme de nouvelles écrites par un seul auteur sur Hong Kong. Mais ce serait bien réducteur car ces 6 enquêtes ou affaires policières forment un ensemble qui permet de voir l’évolution de cette ville et de sa criminalité.

Les deux personnages principaux sont Kwan Chun-Ok et Lok Siu-Ming. Kwan est un enquêteur hors pair, le seul à avoir connu un taux de résolution d’affaires de 100%, grâce à son esprit d’observation, de déduction, de psychologie et de ruse. Lok est un jeune inspecteur que Kwan a pris sous son aile, et qu’il forme. D’ailleurs il n’est pas rare que Lok l’appelle Maître.

Au travers de ces 6 affaires, on voit évoluer la ville et sa vie, mais aussi comment la criminalité a pris son essor et le pouvoir. La première affaire nous montre Kwan sur son lit de mort, atteint d’un cancer du foie, plongé dans le coma et capable de ne répondre aux questions que par des bips (1 bip pour oui, 2 bips pour non), grâce à des électrodes branchées sur son cerveau. Puis, avec les affaires suivantes, nous allons remonter le temps et participer aux enquêtes importantes résolues par Kwan et Lok.

Et le lecteur est invité à participer à ces enquêtes. Car l’auteur décrit ce que les deux enquêteurs voient, et démontre dans le dernier chapitre comment on peut arriver à la solution en ne faisant preuve que de logique et d’observation, avec une bonne dose de ruse pour piéger le coupable. Outre l’aspect ludique, c’est une véritable démonstration et on en peut rester insensible devant tant d’ingéniosité à la fois dans la construction de l’intrigue mais aussi dans la précision de l’écriture (et de la traduction).

Il y a aussi dans ces enquêtes la volonté de montrer comment les gens et leur vie a évolué. Si le propos n’est pas politique ou revendicateur, les faits relatés sont suffisamment explicites pour nous faire vivre cette ville et son évolution tout au long des 50 années que balais ce roman. Alors, roman ou recueil ? Peu importe, c’est un livre passionnant à lire dont je vous propose un résumé des 6 affaires.

  • La vérité entre le noir et le blanc

En 2012, M.Yuen, le propriétaire d’une puissante entreprise familiale a été assassiné chez lui à l’aide d’un fusil de chasse sous-marine. Si on peut penser à un cambriolage, tant le bureau a été retourné, rien n’a été dérobé à part quelques centaine de milliers de dollars. L’inspecteur Lok a réuni la famille et la domestique dans la chambre d’hôpital de Kwan Chun-Ok, le divin détective afin de découvrir le coupable.

  • L’honneur du prisonnier

Au début des années 2000, deux triades se partagent le marché de la criminalité à Hong-Kong, la Société de l’Infinie Justice et la Tige de la Florissante Loyauté, dirigée par Chor. Chor est aussi le propriétaire d’une société de show business dont la principale vedette est Tong Wing, une fantastique chanteuse. Au commissariat, on vient de recevoir une vidéo amateur montrant l’agression de Tong Wing et on la voit s’enfuir poursuivie par quatre malfrats. L’inspecteur Lok va devoir trouver les coupables de ce meurtre, alors qu’on n’a pas retrouvé le corps de la chanteuse.

  • Le jour le plus long

Kwan Chun-Dok est dans son dernier jour de travail, en cette année 1997, pour une retraite bien méritée. Il tient à boucler une dernière affaire, retrouver Shek, un dangereux truand qui vient de s’évader de l’hôpital où on l’avait amené. Alors que Hong Kong passe sous gouvernance chinoise, les émeutes font rage. Sur un marché, un attentat vient d’avoir lieu : des forcenés ont jeté des bombes de soude, brulant des passants. La police étant débordée, elle fait appel au département des crimes sérieux et Kwan, aidé de Lok vont aller sur place pour trouver les coupables.

  • La balance de Themis

Shek, le truand de l’épisode précédent, avait un frère. C’est Kwan qui les avait arrêtés huit ans plus tôt. Cet épisode revient sur la descente dans un immeuble de Hong Kong, qui fut un véritable fiasco d’un point de vue pertes humaines. Les frères Shek, Shek Boon-Tim et Shek Boon-Sing ont été repérés dans une planque et l’assaut des forces de police est donné avant que les équipes de renfort n’arrivent. De nombreuses victimes civiles vont y rester et Kwan va essayer de comprendre ce qui s’est passé.

  • Terre d’emprunt

Graham et Stella Hill ont déménagé après avoir subi un revers financier suite au crash pétrolier de 1973. Graham a accepté un poste dans le service qui lutte contre la corruption et Hong Kong a vu la naissance de leur fils Alfred. Un matin, Stella reçoit un coup de téléphone : Alfred a été enlevé et ne sera libéré qu’en échange d’une rançon. Effectivement, le jeune garçon et sa nounou ont disparu dès la sortie de l’école. C’est dans cette épisode que l’on voit l’importance de la corruption et des connivences entre entre les autorités chinoises et britanniques.

6- En sursis

En 1967 ont lieu à Hong Kong de nombreux attentats de la part de groupuscules communistes, visant à démontrer l’incapacité des Britanniques à faire régner l’ordre. Les attentats, basés sur de vraies et fausses bombes ont fait de nombreuses victimes. Un jeune homme essaie de survivre avec un ami qu’il nomme Grand Frère. Il habite en colocation chez la famille Ho et vit de petits boulots pour se payer un bol de riz. Un jour, il assiste à une conversation dans l’arrière boutique de M .Chow qui fait penser à une série d’attentats. Il va s’en ouvrir à un policier qu’il appelle Ah Sept.

L’ami Claude a donné un coup de cœur mérité à ce roman ici.

Jeux de dames de Philippe Beutin

Editeur : Editions Cairn

Après avoir refermé ce livre, avoir lu la dernière page, j’ai du mal à imaginer que c’est un premier roman. Avec une intrigue millimétrée, des personnages attachants et une maitrise stylistique bluffante, Philippe Beutin déboule dans le paysage polardeux d’une façon impressionnante.

Toulouse, 30 septembre 2014. Mitch Fergusson, un richissime publiciste américain, est tombé amoureux du sud-ouest de la France. Un an plus tôt, son avion avait été détourné alors qu’il se rendait à Rome. A la faveur d’un accident de voiture, il avait rencontré Corinne et en était tombé amoureux : quand il avait fait un malaise, elle avait pris soin de lui. A Rome, il demanda à un détective privé de retrouver l’adresse de la jeune femme, puis s’était pointé chez elle. Il s’installa chez elle, apprivoisa la région, fit de longues balades à pied, malgré la méfiance des locaux qui voyaient cela d’un mauvais œil. Ils firent l’amour et Mitch s’installa chez Corinne, comme deux adolescents qui démarrent une nouvelle vie. Puis ils se marièrent le dimanche 27 septembre 2014.

Boston 21 septembre 2014. Alyssa, l’ancienne femme de Mitch qui n’a plus aucun contact avec lui rentre tard chez elle. Elle a un peu trop bu. Quand elle entre dans son salon, quelqu’un la plaque par terre et, d’une main assurée, l’égorge. C’est le mercredi suivant que Samantha, leur fille, découvre le corps.

Mardi 30 septembre 2014. Mitch reçoit un SMS de Samantha qui doit arriver des Etats Unis pour les voir. Elle a une journée d’avance. Corinne est partie faire des courses. Il appelle un taxi et se précipite à l’aéroport. Un nouveau SMS le dirige vers le parking. C’est à ce moment là que quelqu’un le menace d’un revolver et lui tire deux balles dans les reins et une balle dans la tête. Le capitaine Thierry Arlant et son équipe vont mener l’enquête, aidés par un stagiaire Jérôme Carvi.

Ce qui frappe dès le début de cette lecture, c’est le style simple mais tellement expressif de cet auteur. Et malgré le nombre important de personnages, on n’est jamais perdu, ce qui est une preuve que ceux-ci sont bien dessinés et bien marqués dans notre imaginaire. C’est surtout Jérôme le stagiaire qui tient le haut du pavé. Hésitant, se demandant s’il doit prendre des initiatives, faisant des bourdes, c’est pourtant bien lui qui va trouver la clé de l’énigme qui s’avèrera ardue, très ardue et pourtant remarquablement bien montée.

La deuxième chose que je retiens c’est ces personnages en particulier féminins qui occupent la scène. Corinne s’avère marquée par le chagrin mais est une femme d’abord froid. Samantha, l’avocate américaine est avenante et très professionnelle. On retrouvera aussi la fille de Corinne et l’associé de Mitch. Autant de personnages formidables pour autant de pistes toutes plus folles mais réalistes.

Et on se retrouve face à un véritable jeu de dames, où chaque policier veut bâtir sa stratégie sur des faits tangibles alors que le ou les assassins avancent leurs pions. Le fait de mettre Jérôme au premier plan permet au lecteur de rentrer dans le jeu et de chercher la solution sans pour autant tout deviner avec les dernières dizaines de pages. C’est un très bon divertissement mais aussi l’occasion de découvrir un nouvel auteur qui va devenir, espérons le, un grand auteur, pourvu qu’il nous offre des romans policiers de cette trempe.

La lettre et le peigne de Nils Barrellon

Editeur : Jigal

Si vous devez lire un roman en ce moment, et que l’Histoire ne vous rebute pas, que vous cherchez à la fois un roman à énigme et un roman à message, un roman où on est tellement pris à la gorge par ce qui arrive aux personnages que certains passages vous laissent pantelants, au bord des larmes, alors ce roman est fait pour vous. Je ne connaissais pas l’auteur, c’est pour moi une découverte. Et pourtant, j’ai tourné la première page, avant tout poussé par la curiosité. Le premier chapitre m’a scotché …

Berlin, Avril 1945. La course poursuite est engagée entre les alliés pour récupérer la capitale allemande. Dans la ville en ruine, une femme erre dans les rues. Elle s’appelle Anna Schmidt et ses vêtements sont en lambeaux. Une femme accepte de l’héberger dans un immeuble, où les habitants se cachent dans la cave. Puis, les Russes débarquent et embarquent de jeunes filles et des femmes. Anna est choisie par un soldat. Il l’emmène dans un appartement de l’immeuble et la viole. Anna, résignée, ne songe même pas à résister. Elle veut survivre.

Berlin, 8 septembre 2012. Un vol vient d’avoir lieu au musée historique. Le gardien a été retrouvé assassiné. La caméra montre que deux hommes cagoulés ont pénétré l’enceinte et savaient parfaitement ce qu’ils venaient chercher. Seul un boitier contenant un peigne en ivoire et portant les sigles A.H. a été dérobé. Ce peigne aurait appartenu à Adolf Hitler. Anke Hoffer, qui appartient à la police fédérale criminelle est dépêchée de Francfort pour enquêter sur ce vol et ce meurtre.

Jacob Schmidt est bassiste dans un groupe de jazz et sort d’un concert. Il y a rencontré Ann, qui a eu une aventure avec un membre du groupe. Ils vont boire un coup et finissent par être bien entamés. Mais Ann veut passer la nuit seule alors Jacob rentre chez lui. C’est alors qu’il est agressé par deux hommes cagoulés, conduisant une BMW noire. Apparemment ils ont voulu le kidnapper. Le lendemain, en portant plainte au commissariat, il rencontre Anke.

On pourrait diviser ce roman en deux parties. La première fait la part belle à la famille Schmidt : Anna tout d’abord puis Josef son fils puis Jacob. La deuxième se passe en France, et j’y reviendrais. Car dans cette « première partie », l’auteur fait des allers-retours entre le présent de Jacob et sa sensation d’être poursuivi et persécuté et le passé de sa famille.

C’est 60 ans de l’histoire de l’Allemagne que Nils Barrellon va nous conter avec une aisance telle qu’on croirait qu’il est historien de formation. Il glisse quelques moments importants dans sa narration mais surtout, ce qui m’a fait fondre, c’est sa description d’une histoire de famille lambda au milieu de la grande histoire. C’est ces petites scènes communes qui, tout simplement deviennent des scènes très émouvantes, à tel point que j’avais l’impression de faire partie de cette famille, et j’en ai eu le cœur serré, gonflé d’amour pour Anna, Josef et Jacob.

Et quels personnages ! Anna est une mère amoureuse qui va tout faire pour élever, sauver et rendre son fils plus fort. Et elle va réussir ! Josef va devenir un mathématicien et gérer sa vie comme on résout des équations. Il va aussi tout faire pour son fils Jacob. Et Nils Barrellon arrive à nous faire entrer dans leur intimité avec une telle simplicité que c’en est époustouflant et surtout émouvant. C’en est impressionnant !

La deuxième partie, ou du moins, c’est comme ça que je l’ai ressenti commence quand Jacob débarque en France. A partir de ce moment là, il n’y a plus d’allers-retours passé-présent et le récit devient plus linéaire, plus classique. Le rythme s’accélère, la tension monte jusqu’au final surprenant, presque fataliste, en tous cas noir. Et cela clôt un roman à part, original dans sa forme sur les survivants, les battants de la deuxième guerre. Ce roman est une belle leçon de vie, une formidable réussite.

Je tiens aussi à signaler la couverture que je trouve tout simplement magnifique et fort bien trouvée par rapport au roman et à ce qu’il raconte.

Ne ratez pas l’avis de l’Oncle Paul.

 

Pour Noel, offrez des livres !

Pour faire suite à mon billet de la semaine dernière, voici quelques nouvelles idées de cadeaux. Je vous rappelle donc mes coups de cœur de l’année :

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Plusdeproblème.com de Fabrice Pichon (Lajouanie)

Fausse piste de James Crumley (Gallmeister)

Le condor de Stieg Holmas (Sonatine +)

Antonia de Gildas Girodeau (Au delà du raisonnable)

Rien ne se perd de Cloe Mehdi (Jigal)

Cartel de Don Winslow (Seuil)

Un avant-gout des anges de Philippe Setbon (Editions du Caïman)

Et n’oubliez pas le principal, lisez !

Un avant-gout des anges de Philippe Setbon

Editeur : Editions du Caïman

Attention, coup de cœur !

Philippe Setbon clôt d’une formidable façon sa trilogie « Les trois visages de la vengeance ». Auparavant, nous avions déjà lu de formidables polars avec Cécile et le monsieur d’à côté et T’es pas Dieu, petit bonhomme. Avec ce polar là, Philipe Setbon a écrit ce qui pourrait s’apparenter à un chef d’œuvre, un parfait condensé de polar noir. En fait, j’ai pris mon pied, lisant ces 190 pages en une journée, et je n’ai rien à lui reprocher. Pour tout vous dire, je n’avais pas été autant secoué depuis Le dramaturge de Ken Bruen ou Hyenae de Gilles Vincent.

Je voudrais juste faire un aparté : A chaque fois que je lis une trilogie, je suis enchanté par le dernier tome. Peut-être que je devrais faire une psychanalyse pour comprendre pourquoi ? Ou peut-être que les auteurs se lâchent sur leur dernier opus ? Voilà de quoi réflechir sur des sujets finalement pas intéressants pour vous, mais pour moi ?

C’est l’histoire d’un SDF qui se fait tabasser sur les quais de Seine à Paris. C’est l’histoire d’une femme qui appelle les flics et les pompiers pour lui sauver la vie. C’est finalement une scène que l’on peut voir de nos jours …

Le SDF se retrouve à l’hôpital, se rappelant de la présence d’un ange à sas cotés. Il s’appelle Bruno Fabrizio, et depuis qu’il a quitté la police, ce capitaine de police a descendu toutes les marches jusqu’en enfer. Son ange vient le voir. Cette jeune femme s’appelle France Norman. Elle semble timide, humaine, et lui propose de l’héberger. En effet, elle a hérité d’un appartement de sa mère défunte et a besoin de quelqu’un pour le retaper. Pendant tout le temps des travaux, elle lui propose d’occuper l’appartement.

Puis c’est son collègue le lieutenant Alex Nowak qui vient le voir. Plus jeune, il est complètement impliqué dans sa mission, celle d’arrêter les assassins. Il ne comprend pas comment un grand capitaine a pu tomber aussi bas. Alors, poussé par son instinct et sa curiosité, il va aller voir l’ancienne collègue de Bruno et découvrir l’horreur, celle de la dernière affaire du capitaine Fabrizio.

Bruno est sorti de l’hôpital et emménage chez France. Son nom est un heureux hasard, puisqu’ils aiment tous les deux Norman Mailer. Bruno met quelques semaines à se remettre de son tabassage, et commence les travaux. Dans un renfoncement, il trouve une liste de 5 hommes et leurs photos. La carte de visite d’un détective privé est agrafée aux photos. Le drame se met doucement en place …

Créativité : Le propre d’un polar, c’est avant tout de mettre en place une intrigue à l’aide de scènes qui, sans être complexes, finissent par former un tout … tout en laissant une part de mystère. Philippe Setbon excelle à construire son intrigue.

Noirceur : La couleur de ce polar est indéniablement noire, le contexte, les personnages, l’ambiance. Il n’y a pas une page, pas une ligne pour sortir la tête du seau. Quoique, quelques belles envolées, quand Bruno croit qu’il peut s’en sortir nous laissent un peu d’espoir. Mais c’est pour retomber encore plus bas.

Valeurs humaines : Cette noirceur est volontaire pour mieux faire ressortir les hommes et les femmes qui peuplent ce roman. Comment peut-on supporter un tel monde quand on est raisonnablement humain ? Philippe Setbon nous créé de formidables personnages malmenés par une société dont les faits divers se révèlent plus horribles les uns que les autres. A partir de là, tout est possible, même le pire, surtout le pire. On aime ces personnages par ce qu’ils vivent, pour ce qu’ils vivent.

Précision : Sans que l’on ait l’impression que c’est écrit, tout m’a semblé juste, précis, à un tel point qu’on est ébahi devant tant de simplicité. C’est du pur plaisir à lire, aussi bien dans les descriptions des scènes que dans les dialogues, qui ne dépassent que rarement une phrase et qui claquent comme il faut.

Concision : cela aboutit à un polar de 190 pages où tout est dit et bien dit, où on ne nous montre que ce qui est strictement nécessaire. Ce roman est une véritable démonstration de ce qu’il faut faire et démontre que sans en faire des tonnes, on peut créer et faire ressentir des émotions fortes et inoubliables.

Pour moi, Philippe Setbon a écrit le polar parfait ; c’est un coup de cœur, évidemment !

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