Le chouchou de l’été 2017

Après une période estivale mi-figue mi-raisin (mais évidemment, cela dépend du lieu où vous avez passé vos vacances), j’ai fait en sorte qu’un maximum de chroniques paraisse pour vous aider dans vos choix de lectures. Et comme j’aime bien me lancer des challenges, je vais vous en donner la liste avec un adjectif correspondant à mon avis. Cette liste est classée par ordre alphabétique des auteurs (car je n’ai pas trouvé mieux !).

Bref, faites votre choix, mesdames et messieurs !

Sisters de Michelle Adams (Bragelonne) : Magnifiquement pervers

Lagos Lady de Leye Adenle (Métaillié) : Voyage dans les bas-fonds du Nigéria

Une femme de ménage de Jérémy Bouquin (French Pulp) : Polar populaire

Les larmes noires de la terre de Sandrine Collette (Denoel) : Humain

Les murmures de John Connoly (Pocket) : La dixième de Charlie Parker

L’innocence pervertie de Thomas H.Cook (Points) : Une œuvre de jeunesse

Ne dis rien à papa de François-Xavier Dillard (Belfond) : Brillant dans sa forme

Dis-moi que tu mens de Sabine Durrant (Préludes) : Magnifiquement vicieux

Révolution de Sébastien Gendron (Albin Michel) : Révolté

Les sanctuaires du mal de Terry Goodkind (Bragelonne) : LA chronique de Suzie

Le Diable n’est pas mort à Dachau de Maurice Gouiran (Jigal) : Révoltant

Défoncé de Mark Haskell Smith (Rivages) : Humour décalé au programme

Je vis je meurs de Philippe Hauret (Jigal) : LE premier Hauret

Que Dieu me pardonne de Philippe Hauret (Jigal) : Le superbe deuxième Hauret

Compte à rebours de Martin Holmén (Hugo & Cie) : La deuxième enquête d’Harry Kvist

Brève histoire de sept meurtres de Marlon James (Albin Michel) : Saga Jamaïcaine

Maudit printemps d’Antonio Manzini (Denoel) : Schiavone est toujours détestable

Les disparus du phare de Peter May (Rouergue) : Protégeons les abeilles

Ice cream et châtiments de Nadine Monfils (Fleuve éditions) : Hilarant comme toujours

Le jeu des apparences de Muriel Mourgue (Ex-Aequo) : Voyage en 2046

Le bon frère de Chris Offutt (Gallmeister) : Un grand roman

Le douzième corps de Janine Teisson (Editions Chèvre-Feuille) : Saga familiale

La pension de la Via Saffi de Valerio Varesi (Agullo) : LE coup de cœur 2017

Le diable de la Tamise de Annelie Wendeberg (10/18) : Sherlock Holmes 30est de retour

La pomme de discorde de Donald Westlake (Rivages) : Hommage à un grand du polar

Pas facile de choisir ! Le titre honorifique du chouchou de l’été 2017 est donc décerné à Révolution de Sébastien Gendron (Albin Michel) qui est un livre qui m’a réellement secoué. Je vous donne rendez-vous le mois prochain pour un nouveau titre de chouchou. En attendant n’oubliez pas le principal, lisez !

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Révolution de Sébastien Gendron

Editeur : Albin Michel

Le dernier Sébastien Gendron est une véritable bombe, comme son nom l’indique. Si le titre peut inquiéter, le début du livre nous transporte dans un univers loufoque, fort rassurant avant de basculer intelligemment dans un questionnement de tout un chacun sur sa position dans la société. Un conseil : ce roman est à ne manquer sous aucun prétexte !

Le Torpedo est un bar où travaillent des sosies de gens célèbres. Le Torpedo est dirigé par M.Katzemberg, qui a un garde du corps qui se nomme Voyelle, car il ne s’exprime que par des voyelles. Franck est emmerdé car il a enlevé une jeune fille pour se faire un peu de liquide, mais la famille ne se manifeste pas. Alors il vient demander du boulot à M.Katzemberg. Dans la salle d’attente, il se pense en concurrence avec un type au mégot.

L’homme au mégot s’appelle Georges mais M.Katzemberg veut l’appeler Oli. Le seul souci, c’est que M.Katzemberg a fait deux rails de coke sur son bureau et qu’il en manque un. Il leur demande qui des deux a sniffé la coke. Ni une, ni deux, M.Katzemberg sort un flingue et abat Franck. Pour fêter ça, il propose à George, pardon Oli, de faire une séance de tir au sous-sol. Il lui balance une mitraillette, mais Georges la réceptionne mal et appuie sur la détente. Résultat : Georges Berchanko, qui était envoyé par l’agence Vadim Interim se retrouve avec deux cadavres sur les bras et un garde du corps cinglé.

Marjovent est un petit village dont le seul ornement est un calvaire de 1823 représentant Jésus, avec à ses pieds une vierge Marie éplorée. Alors que l’on doit construire un ensemble immobilier, personne ne veut démolir la statue. Raymond Ventura, le conducteur de travaux, fait appel à Vadim Interim qui leur envoie Pandora Guaperal, une femme musclée de 43 ans. Ni une ni deux, elle démolit le calvaire. Mais la populace la poursuit pour la punir du sacrilège. Elle arrive à s’enfuir, bien décidée à se venger de Vadim Interim.

Rien de tel que l’humour pour se moquer de tout un chacun. Ce roman commence comme une grosse farce, une histoire loufoque où les personnages et les situations sont tous plus drôles et ridicules les uns que les autres. Sébastien Gendron démarre donc son roman comme une caricature, en grossissant le trait, justement pour transporter le lecteur ailleurs. Et si ce roman n’était en fait qu’une vision de notre société d’aujourd’hui ?

Georges Berchanko et Pandora Guarupal vont se rencontrer (dans une scène extraordinaire qui se déroule dans un bar crade) et entamer leur croisade. Ils en ont marre et vont faire leur révolution. Mais elle est particulière dans le sens où ils vont demander aux gens de faire leur propre révolution. Et c’est là où c’est fort, car avec ces deux personnages qui agissent comme des catalyseurs, l’auteur va nous montrer des gens normaux, qui vont réagir par rapport à cette situation.

Des moutons qui regardent et ne font rien aux parvenus qui ne veulent pas remettre en cause une situation qui leur profite, des gendarmes qui ne veulent pas faire de bourdes aux journalistes qui veulent profiter du scoop, c’est toute une galerie Je ne vous en cite que  quelques uns car tout le talent de Sébastien Gendron fait le reste, comme une autopsie de notre société où tout le monde veut que ça s’améliore mais sans que rien ne change.

Le fait d’avoir choisi la comédie pour illustrer son propos est le meilleur moyen de montrer une situation actuelle sans froisser personne, mais en plaçant tout le monde devant ses propres responsabilités. Et en cela, ce roman, outre qu’il est un divertissement remarquablement bien fait et bien écrit, est important, ne serait-ce que pour, le temps de 390 pages se remettre en cause et se poser la question : Comment améliorer le présent de tout un chacun ? Ce roman humoristique, cynique et lucide, l’air de rien, est une bombe, un livre à ne pas manquer !

L’innocence pervertie de Thomas H.Cook

Editeur : Points

Traducteur : Hubert Tezenas

Il faut être clair : la mention INEDIT affichée sur la quatrième de couverture est un mensonge. Ce roman, qui est le cinquième de l’auteur (Voir Wikipedia ici : https://en.wikipedia.org/wiki/Thomas_H._Cook) a été écrit en 1988, et publié dans la Série Noire sous le titre Qu’est-ce que tu t’imagines? en 1989 et traduit à l’époque par Daniel Lemoine. Nous voici donc avec une réédition dans une nouvelle traduction avec un roman de jeunesse, à l’époque où Thomas H. Cook écrivait des polars.

Frank Clemons est en train de se remplir la panse à grosses doses de bourbon, pour oublier le suicide de sa fille de 16 ans, parvenu 3 ans plus tôt. Alors que le barman l’aide à se remettre debout, il est pris à partie par quelques gars, qui le tabassent. Son frère Alvin, policier comme lui, est réveillé en pleine nuit par l’hôpital : Il doit venir chercher Frank. Alvin essaie bien de lui faire la morale, de trouver les arguments pour le remettre en selle. Mais Alvin ne peut rien contre un home qui veut rester au fond du trou.

C’est alors que les deux frangins reçoivent un appel : un corps vient d’être retrouvé près de Glenwood. En effet, ils arrivent près du lac après la cavalerie et voient le corps d’une adolescente. Sur le lieu du crime, aucune trace d’empreintes, ni de sang. Elle semble être venue d’elle-même pour mourir là.

Grace à l’emblème du lycée cousu sur le vêtement, les flics obtiennent une identification. La jeune fille s’appelle Angelica Devereaux. Elle est très riche depuis qu’elle a eu l’âge de toucher à l’héritage de ses parents. Sa sœur, Karen, qui a 10 ans de plus qu’elle l’a élevée quand elles sont devenues orphelines. Angelica était une jeune fille secrète sans aucuns problèmes. Frank va être chargé de l’enquête avec Caleb Stone, Le vétéran du service.

C’est un polar classique aussi bien dans le fond que dans la forme auquel nous avons droit ici. On peut même dire qu’il est un peu daté par sa façon d’aborder l’intrigue, mais au moins, il évite le coté glauque que l’on peut trouver dans les romans contemporains. Il n’en reste pas moins que chaque chapitre comporte une scène, dont le décor nous est présenté avant d’avoir une discussion, ce qui rappelle la façon dont les grands anciens du noir construisaient leurs romans.

Le sujet, s’il peut paraitre déjà lu, nous montre une jeune fille bien sous tous rapports, avant de s’apercevoir qu’elle n’était pas aussi pure que tout le monde le pense. La fçon d’amener la chose se fait en douceur, et avec beaucoup de finesse. C’est sans doute là le plaisir que l’on a à lire les romans de Thomas H.Cook : Cette façon d’amener les secrets petit à petit par petites remarques. On sent d’ailleurs par certaines phrases toute la sensibilité et la subtilité dont il fera preuve par la suite.

Nous avons aussi droit aux scènes d’amour, aux scènes de bagarres, aux femmes fatales (ou pas, je ne vais pas tout vous dire). Il m’a manqué un petit quelque chose pour ressentir que Frank était au bout du rouleau. Par contre la fin m’a surpris par son retournement et sa violence qui change du ton gentillet du reste du roman. Il faut donc lire ce roman comme un roman de jeunesse, intéressant pour les fans de ce grand auteur !

Maudit printemps d’Antonio Manzini

Editeur : Denoel

Traducteur : Samuel Sfez

Après Piste noire et Froid comme la mort, voici la troisième enquête de ce commissaire (Appelez le Sous-préfet) si particulier qu’est Rocco Schiavone. Je vous rassure, il est toujours aussi désagréable avec tout le monde !

Neuf mois. Cela fait neuf mois que Rocco Schiavone a été muté de Rome à Aoste. Cela fait neuf mois et onze paires de Clarks qu’il use. Il faut dire que ces paires de chaussures en peau de daim ne supportent pas le climat humide. Il semble que depuis qu’il a débarqué à Aoste, le temps s’acharne sur lui. A moins qu’il ne pleuve 12 mois sur 12 ! Toujours est-il qu’en ce mois de juin, le temps est encore et toujours pluvieux.

Normalement, on n’aurait pas du contacter Rocco Schiavone pour un accident de la route. Il ne s’agit que d’une camionnette qui est sortie de la route, suite à l’explosion de deux de ses pneus. Le seul souci, c’est que les plaques ne correspondent pas au véhicule. Il n’y a pas de quoi fouetter un chat. Mais comme le temps n’est pas au beau fixe, il y a vraiment de quoi ajouter à la mauvaise humeur du sous-préfet.

Giovanna demande à parler au sous-préfet. Ce week-end, elle est sortie en boite avec son amie Chiarra Breguet. Depuis, on n’a plus de nouvelles d’elle. Or ils ont une interrogation aujourd’hui. Quand Rocco se rend chez les Breguet, il sent que quelque chose ne va pas. Il est persuadé que la jeune fille a été enlevée. Il lui reste donc à enquêter en sous-main et retrouver la jeune fille vivante.

Ceux qui connaissent Rocco Schiavone ne seront pas surpris. Au premier abord, c’est un personnage désagréable, de mauvaise humeur, hautain, et qui prend les autres pour des cons. Il faut dire qu’il vient de la ville, et que par voie de conséquence, il est plus intelligent que les gens de la province, surtout quand il s’agit d’une ville comme Aoste. Bref, Rocco Schiavone a été muté dans cette ville de malheur pour raisons disciplinaires, et pour le coup, il passe ses nerfs sur ses subordonnés.

Derrière ce personnage de façade, on découvre, dès le premier épisode, un homme profondément meurtri, qui arrive même à nous émouvoir. C’est aussi un flic professionnel, très intelligent, doté d’un esprit de déduction hors du commun. Alors il joue sur ses qualités pour parler à demi-mots et justifier son attitude détestable vis-à-vis de ses collègues, voire même des juges.

Si les deux premiers épisodes étaient des enquêtes policières classiques, on a affaire ici à un roman sous stress, où pour la première fois, Schiavone doit résoudre en temps limité un problème qui met en jeu la vie d’une jeune fille. Alors que dans les deux premiers épisodes, on passait notre temps avec Schiavone, ici, on va courir avec lui tout en ayant des passages avec Giovanna qui vont faire monter le stress du lecteur. Si le procédé est classique, il est remarquablement fait.

Il n’en est pas moins préférable d’avoir lu les premiers épisodes pour bien apprécier la personnalité de ce sous-préfet. Et en ayant lu ces deux premières enquêtes, on est d’autant plus touchés par la conclusion du roman et le rebondissement final qui plutôt que de nous donner des pistes pour comprendre son passé, jette un voile d’ombre bien noir et nous laisse espérer le meilleur dans le prochain roman. Vous l’avez compris, ce roman est une pierre angulaire supplémentaire dans une œuvre qui compte dans le polar italien.

Les larmes noires sur la terre de Sandrine Collette

Editeur : Denoel

Ceux qui ont lu le premier roman de Sandrine Collette sont forcément devenus des fans de son écriture et de ses intrigues. Avec ce cinquième roman, on se retrouve une nouvelle fois avec une intrigue inédite et des personnages extraordinaires dans une ambiance bien noire et bien violente.

Moe a quitté les îles pour venir s’établir en métropole, et suivre Rodolphe. C’est une façon pour elle de s’imaginer un avenir, de sortir de la misère. Mais elle va vite déchanter, subissant les insultes et les maltraitances de la part d’un homme qu’elle connaissait finalement bien mal. Devenue sa bonne à tout faire, son avenir est bien noir. Alors qu’il ne la touche plus, elle va tomber enceinte après un bal où elle a rencontré un autre homme, qui ne la reverra plus. Décidée à garder le bébé, elle mettra au monde un petit garçon, accueilli avec indifférence par Rodolphe.

Elle met de coté chaque monnaie pour fuir avec son petit, et finit par partir, hébergée par une copine. Elle a bien du mal à trouver du travail et sa copine croit qu’elle ne fait rien de ses journées. A nouveau, Moe se retrouve à la rue, et trouve refuge aux urgences d’un hôpital. Au moins est-elle au chaud. Mais les services sociaux la repère et l’envoie à la Casse. C’est un endroit où on « stocke » les carcasses de voiture et dans lesquelles vivent des sans-abris. On leur demande juste de travailler aux champs pour quelques malheureux euros par jour. Par contre, pour partir, on leur demande 15 000 euros.

Là, Moe apprend les règles. Chaque personne reçoit un numéro qui représente le numéro de la voiture cabossée. Moe hérite d’une 306 et découvre ses voisines au nombre de 5 : Poule, Nini, Marie-Thé, Jaja et Ada. Auprès d’elles, elle va découvre la loyauté, la survie et l’histoire de chacune. Mais dans un décor apocalyptique tel que celui-là, l’avenir ne peut qu’être noir et dramatique.

Il était une fois … une société créée par des humains qui se déshumanisait. Ce roman n’est pas un conte de fée. C’est même un véritable cauchemar que nous propose Sandrine Collette, sous la forme d’un roman d’anticipation. Après quelques dizaines de pages qui nous présentent la trajectoire de Moe, nous entrons dans la Casse, pour un voyage qui va durer 300 pages.

Ce qui est effarant, c’est l’imagination que déploie Sandrine Collette pour nous plonger dans le quotidien de ces femmes qui vivent de rien, qui mettent en commun le peu de subsistance qu’elles arrivent à se procurer pour survivre. Chaque scène nous plonge vers un nouvel aspect de cette vie, et nous découvrons cet univers comme si on l’avait devant les yeux. Entre les températures estivales intenables derrière un pare-brise à l’hiver glacial où il faut de couvrir de couvertures pour supporter les rigueurs des températures négatives, l’entraide est le seul moyen pour s’en sortir.

Cette communauté est formidablement mise en scène par Sandrine Collette, qui a créé pour l’occasion des personnages bien distincts, avec chacune leur propre personnalité et avec chacune leur histoire. Car chaque femme a ses propres raisons pour être ici, et l’auteure va leur réserver un chapitre de ci de là pour qu’elles se confient. Nous finirons par toutes les écouter, ressentir ce qu’elles ont ressenti. Et à chaque paragraphe, nous relèverons la tête de cet univers sombre pour nous révolter.

Car la grande force de Sandrine Collette pour ce roman est d’être restée à coté, refusant de prendre parti, se contenter de regarder ces femmes vivre, avec sa caméra à l’épaule, pour mieux nous faire ressentir l’injustice et la pauvreté de la situation. Et plus que des larmes, ce sont des sentiments de révolte qui vont nous animer à force de fréquenter ces pauvres femmes. Ce n’est jamais larmoyant, mais c’est incontestablement noir et sombre, car ce que tous ces personnages vivent, on le prend en pleine gueule.

Au final, je ne sais pas comment vous prendrez ce roman où ses personnages montrent plus d’humanisme que la société qui les a créés. Personnellement, je me suis juste posé une question : Est-ce là la société que nous avons voulu ? Rassurons nous, ceci n’est que de la littérature … quoique ….

 

Le douzième corps de Janine Teisson

Editeur : Editions Chèvre-feuille

Ce livre m’est arrivé dans les mains totalement par hasard et c’est à nouveau par hasard que je l’ai pioché dans ma PAL. Une belle découverte !

L’auteure :

Janine Teisson est née à Toulon.

Son premier roman La Petite Cinglée, a obtenu en 1994 le prix du premier roman et le prix Antigone. Pour ses lecteurs de 5 à 105 ans elle aborde romans contemporains, historiques, policiers, nouvelles, contes, théâtre, poésie.

Sérieux et humour se mêlent dans ses livres. Certains sont traduits en sept langues. Sa rencontre avec les éditions Chèvre-feuille étoilée a été féconde : Liens de sangs, un roman sur l’Algérie, plein de violence et d’amour, est publié en 2010, suivi de La Salle de bain d’Hortense et de L’Enfant Plume. Chèvre-feuille étoilée a l’audace de rééditer Cher Azad, recueil de contes érotiques orientaux. Thalasso-crime est le premier policier publié dans la collection D’un noir l’autre, qu’elle dirige. La Métamorphose du rossignol suivra en 2015. Le Douzième Corps est son quarante-deuxième titre et le septième titre de la collection.

L’écriture pour Janine Teisson est une rencontre, avec elle, avec le monde, avec les autres de toutes générations.

Quatrième de couverture :

Orléans, 1941

Hans rencontre Marguerite. Ils s’aiment profondément dans le cataclysme de la seconde guerre mondiale mais la dernière lettre que son amante a envoyée à Hans après la Libération n’aura jamais de réponse.

Qu’est devenu Hans ? Soixante ans plus tard, alors que la mémoire de Marguerite est en ruine, sa petite-fille Romane ouvre l’enquête. Elle parcourt le Périgord de village en village selon le trajet sanglant suivi autrefois par la division Das Reich. Elle fait ressurgir des crimes cachés, des secrets mal enterrés, encore assez vifs pour la mettre en danger.

Qui est enterré dans le champ maudit ?

Dans ce roman policier sur la mémoire, le passé ressurgit et se mêle au présent, pour l’empoisonner ou l’illuminer.

Mon avis :

C’est une belle surprise que ce roman, écrit simplement, et qui nous narre la recherche d’une jeune fille sur ses racines. Découpé en trois parties, le roman va nous plonger dans le passé de la deuxième guerre mondiale par courts chapitres, nous faisant voyager d’Orléans à Berlin en passant par la Russie ou l’Ukraine. On va avoir affaire à plusieurs personnages, appartenant à deux familles, l’une française et l’autre allemande. Je dois dire que je me suis laissé emporter par cette première partie, grâce à cette simplicité de l’écriture qui en fait une saga familiale passionnante. Il y avait presque un livre entier à écrire avec un sujet tel que celui là.

Puis la deuxième partie nous transporte aujourd’hui, avec Romane qui reçoit en cadeau de sa tante Elise (que l’on a rencontré dans la première partie) une vieille valise appartenant à sa grand-mère. Elle commence l’enquête alors que sa mère n’est pas intéressée à remuer les douleurs du passé. Une nouvelle fois, c’est bien fait, bien qu’un peu plus bavard, mais toujours de bons sentiments malgré quelques horreurs des nazis, et cette histoire continue à nous intéresser jusqu’au dénouement final.

Si ce roman ne va pas révolutionner le genre, il s’avère une lecture recommandable pour lire sur la plage, le genre de roman populaire (dans le bon sens du terme) qui vous transporte dans un autre lieu, dans un autre temps, et vous fait passer un bon moment.18

Ne dis rien à papa de François-Xavier Dillard

Editeur : Belfond

Voilà un auteur dont j’ai beaucoup entendu parler, en bien. Ayant raté son précédent roman, Fais le pour maman, j’ai voulu tester son petit dernier en date. Le moins que je puisse dire, c’est que j’ai bien fait, parce que c’est un roman terriblement addictif, que je l’ai lu en deux jours. Vous êtes prévenu : si vous commencez ce roman, vous allez perdre quelques heures de sommeil.

Il est allongé. Il se réveille et ne se souvient de rien. Il a du mal à respirer, il semble être dans une boite, ou du moins dans un espace confiné. Le bruit de la terre qui tombe sur la boite l’obsède. On l’enterre vivant ? Au secours !

Fanny est une femme heureuse en famille. Elle vit avec Mickael et les deux jumeaux Arno et Victor. Depuis qu’elle a écrit un livre à succès, sur comment décorer sa maison avec des fleurs, sa boutique a du succès. La cinquantaine apaisée, elle apprécie sa vie de couple au milieu des peintures de Mickael. Tout juste est-elle inquiète de Victor, et son envie de faire souffrir son frère. Il semble avoir une envie de faire du mal.

Le commissaire divisionnaire Dubois est au cimetière. Il déteste ça, mais il est forcé de rester là puisque c’est sa mère qu’on enterre. Il vient de recevoir un SMS : Le professeur Jacques Jakubovitch, le chirurgien esthétique des stars vient d’être retrouvé assassiné, et l’assassin a fait preuve d’imagination.

Elle est étudiante en deuxième année de médecine à Paris VII. Elle a toujours eu un penchant pour l’alcool, buvant à en oublier sa vie, son stress, à s’en rendre malade. Ce soir là, saoule comme d’habitude, elle a accepté de prendre les pilules proposées par Marc. Puis, ils sont devenus plusieurs. Puis ils l’ont emmenée dans un coin. Puis ils l’ont violée. Tous. Les uns après les autres.

Après la lecture de ce roman, je comprends pourquoi François-Xavier Dillard reçoit autant de compliments pour ses romans. On a en effet affaire à un thriller costaud, plutôt classique dans la forme et parfaitement maitrisé. Ce roman est construit comme un puzzle. On a vraiment l’impression de se retrouver devant ce type de jeu. On est face à plusiuers pièces, n’ayant aucun rapport les unes avec les autres. Certaines ont des couleurs qui se ressemblent, les formes sont différentes, et on n’a aucune idée de l’ensemble.

Nous allons donc passer d’un personnage à l’autre, sans aucune notion de temps ou d’espace. Malgré cela, on n’est jamais perdu et c’est la grande force de ce roman. Chaque scène est minutieusement décrite, les scènes sont d’une justesse incroyable, ce qui rend les chapitres fascinants. Même les scènes de tous les jours, qui peuvent paraitre habituelles, faisant part d’une certaine routine deviennent passionnante par cette minutie apportée dans l’écriture. Et si on a l’impression d’être transporté d’une scène à l’autre, on est passionné par ces chapitres qui s’accumulent.

François-Xavier Dillard évite aussi les longues descriptions. Ses phrases son courtes, font mouche à tous coups. Et ses chapitres ne dépassent pas 5 à 6 pages, ce qui donne un rythme à la lecture et une certaine frénésie dans l’esprit du lecteur qui veut en découdre avec cette intrigue tortueuse. Toutes ces qualités font que l’on n’a pas envie de lâcher ce roman avant la dernière page.

Si j’ai déjà lu des thrillers traitant de ce sujet, il n’en reste pas moins que la forme de ce roman et le talent de l’auteur en font un roman réellement passionnant. Comme je l’ai dit, l’écriture arrive à nous rendre fascinantes toutes les scènes ce qui rend la lecture de ce roman addictif, impossible à lâcher. Cela en fait un roman hautement recommandable et un excellent divertissement procurant un plaisir difficilement oubliable.

Compte à rebours de Martin Holmén

Editeur : Hugo & Cie

Traducteur : Marina Heide

On avait fait connaissance avec Harry Kvist dans le premier tome de ce qui est annoncé comme une trilogie, Corps-à-corps. Dans ce roman glauque et noir, nous étions transporté dans le Stockholm des années 30, en pleine crise économique, avec toute la pauvreté que cela a engendré. Après 1932, voici 1935.

Depuis que nous l’avons laissé, Harry Kvist est en train de terminer un séjour de 18 mois en prison. Et il a rencontré là-bas un jeune homme dont il est tombé amoureux. Il se nomme Gusten et il a réussi à attendrir notre boxeur aux poings d’acier. Harry doit sortir aujourd’hui, et Gusten dans une semaine. Alors, il l’attendra … d’où le compte à rebours du titre, chaque chapitre rythmant les jours qui le séparent de ses retrouvailles avec Gusten.

Harry doit donc attendre une semaine, avant de changer de vie, et se ranger des affaires louches dans lesquelles il était impliqué. Il retrouve évidemment son ami croque-mort, dont les activités sont toujours florissantes. C’est lui qui l’informe que Beda, une vieille dame qu’Harry aimait beaucoup, est morte. Or beda lui avait écrit en prison, lui demandant de prendre soin de son fils Petrus, sourd et muet.

Quand il va aux nouvelles au commissariat, il apprend que Petrus a été accusé du meurtre de sa mère. Cela parait bien peu réaliste. Comme il a été jugé arriéré, il est envoyé dans un asile. Pour rendre justice et respecter la promesse qu’il a faite à Beda, Harry va enquêter …

Alors que le premier tome de cette trilogie nous envoyait en 1932, nous voici en 1935 quand Harry Kvist sort de prison. La vie à Stockholm a un peu évolué et le sujet du roman aussi. Alors que dans Corps-à-corps, Martin Holmén nous décrivait l’état de délabrement de la société suédoise, dans une ambiance glauque où tout le monde cherchait à survivre, vendant ce qu’ils pouvaient pour manger, la situation en 1935 s’est un peu améliorée.

Si les pauvres sont toujours à arpenter les rues, le sujet du roman se recentre sur le personnage de Harry Kvist à propos duquel nous allons en apprendre un peu plus. On découvre un homme amoureux, prêt à se ranger des recouvrements de dettes. Il s’apprête donc à tourner la page, et songe même à se caser en rachetant un marchand de tabac. On le découvre plus humain, on le découvre loyal, cherchant à respecter la parole qu’il a donnée à Beda, une vieille dame qu’il aime beaucoup.

La deuxième évolution de ce roman est la montée du nationalisme. On sent bien dans la rue, la montée des idées nauséabondes, et on sent bien la présence du voisin qui infuse ses théories. Le fait d’avoir choisi un héros homosexuel est aussi une bonne façon d’illustrer cette période, puisque Harry est touché au premier plan. Et une nouvelle fois, le propos n’alourdit pas le roman, mais est abordé par petites touches. C’est vraiment très bien fait.

Enfin, c’est un épisode violent, très violent. Déjà dans le précédent roman, l’ambiance était glauque. Dans celui-ci, la violence est omniprésente et Harry Kvist va prendre cher. L’auteur semble montrer un personnage qui veut s’assagir et qui est malmené par la société. Et pour le coup, il va en prendre, des coups. Quant à la fin, elle est à la fois triste, poétique et cruelle. Voilà de quoi vous décider à lire cette trilogie !

Défoncé de Mark Haskell Smith

Editeur : Rivages

Traducteur : Julien Guérif

Sur les recommandations de mon ami Richard, voilà une lecture fort plaisante avec une foultitude personnages déjantés … euh … défoncés.

Quatrième de couverture :

Miro Basinas, passionné de botanique, cultive ses plants avec amour. Il ne s’agit ni de fleurs ni de fruits et légumes, mais de marijuana. Comme c’est un artisan doué et consciencieux, il remporta la prestigieuse Cannabis Cup d’Amsterdam, une véritable consécration qui doit lui ouvrir les portes de la gloire. Dès lors, tout ce que l’univers compte de plus défoncé se met en quête de son « produit ». Gangsters, mormons, belle Portugaise enceinte, hommes d’affaires douteux : toux n’ont plus d’yeux que pour Miro. Et bien sûr, les ennuis commencent…

« Sans doute le chef-d’oeuvre de Mark Haskell Smith. » (Jerry Stahl)

Mark Haskell Smith adore les histoires échevelées dans lesquelles des personnages dépassés par les événements luttent pour leurs survie dans les conditions les plus improbables. Drôles, distrayants, satiriques, ses romans sont aussi des hymnes aux plaisirs de ce monde et des dénonciations de la bigoterie ou du consumérisme.

Mon avis :

Ça commence par un homme qui se prend une balle dans le torse. Par chance, la balle ne touche aucun organe vital.

Avant la balle, Miro gagne le concours de la meilleure herbe de cannabis. Il fait la connaissance de Guss et Marianna.

Après la balle, on a volé à Miro ses plants de cannabis. Ce n’est pas grave, en tant que botaniste, il est capable d’en créer une meilleure. Mais qui a bien voulu le tuer ?

A travers une intrigue simple, amusante et décalée, Mark Haskell créé un roman gentiment loufoque avec plein de personnages tous plus frappés les uns que les autres. Et je peux vous dire que certains valent vraiment le coup doeil, entre les bandits qui sont de véritables caricatures ou ce Mormons qui s’attache à son lit tous les soirs pour éviter la tentation de la masturbation.

Et malgré cette histoire déjantée qui comporte des scènes hilarantes, je suis resté en dehors de ce roman. Je l’ai lu, je l’ai fini mais sans grande passion. Je pense que le style très propret m’a rendu l’ensemble très lisse ce qui fait que ce qui est raconté ne se ressent pas dans le style. Peut-être est-ce du simplement au fait que ce n’était pas le bon moment pour lire ce roman ? Bref, un bon polar marrant mais qui ne casse pas des briques, en ce qui me concerne.

Dis-moi que tu mens de Sabine Durrant

Editeur : Préludes

Traducteur : Luc Rigoureau

Une fois n’est pas coutume, voici un roman que m’a conseillé ma chère, douce et tendre, avec un avis dithyrambique de sa part : « C’est très très bien ». Me voilà donc plongé dans ce roman psychologique, en me disant à chaque page : Mais qu’est-ce que c’est bien fait, comme c’est bien vu ! En un mot comme en cent, ce roman m’a passionné !

Londres. Paul Morris est un jeune auteur qui a connu un grand succès avec son premier roman, Exégèse d’une vie. Deux autres ont suivi, sortis dans l’indifférence générale. Depuis, il essaie de retrouver cette flamme qui l’a animé et qui l’a lâchement abandonné. A 42 ans, la faillite le guette, d’autant plus que son dernier roman vient d’être refusé et qu’il va être expulsé de son appartement ! C’est en entrant dans une librairie, pour se mettre à l’abri d’une averse, qu’il rencontre une connaissance, Andrew Hopkins, avec qui il avait passé des vacances en Grèce, quelques années auparavant.

Quelques semaines plus tard, devenu squatteur chez un ami Alex Young, Paul reçoit une invitation d’Andrew. Lors de cette soirée, ils retrouveront la petite bande d’amis qui avait passé ces vacances en Grèce, à Pyros. Ce samedi soir là, Paul fait la connaissance de Tina, la femme d’Andrew, ainsi que d’Alice Mackenzie, veuve d’une cinquantaine d’année d’une classe stupéfiante. Avocate des pauvres, elle dirige une association chargée de rechercher Jasmine, une adolescente qui a disparu à Pyros, lors de leurs vacances.

Si Alice est prudente, voire distante, Paul est sous le charme. Il sent bien aussi que s’il arrive à la séduire, il pourrait vivre avec elle et se faire entretenir. Alors, il va faire le beau, inventer des mensonges, se construire une nouvelle vie à base de bobards afin de la faire craquer. Il lui faudra beaucoup de patience pour arriver à ses fins mais les mensonges ne construisent rien de bon …

Il est bien difficile de résumer ce roman sans en dire trop puisque le début du roman ne laisse rien présager de la suite et encore moins de la fin. Paul Morris est un menteur patenté qui cherche à s’en sortir en bluffant une veuve. De petits en gros mensonges, il va petit à petit s’insérer dans un groupe d’amis, qu’il a rencontré en Grèce 20 ans plus tôt. Paul Morris est un homme sans limite, sans respect, totalement irresponsable et égocentrique. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne nous est pas sympathique. Et le roman est tellement bien écrit qu’on le déteste de la première à la dernière ligne.

Paul Morris est aussi un écrivain. Il a donc le talent de regarder les autres, de les écouter et d’observer ce qui se passe autour de lui. Ce qui fait qu’il va interpréter ce qu’il voit ou entend et par la même occasion nous faire croire que l’on comprend les protagonistes. Mais en fait, ce roman est bien plus complexe que cela. On se rend vite compte que tous ont un secret, que tous mentent et on se demande bien qui ment le plus.

Ce n’est pas réellement un roman d’enquête, ce n’est pas non plus un polar, mais bien un roman psychologique qui allie le mystère de l’intrigue à un style remarquablement évocateur, qui colle avec la personnalité du narrateur. J’ai été réellement surpris de me retrouver impatient de reprendre la lecture tant j’y ai trouvé un réel plaisir à côtoyer Paul, ce personnage si dégueulasse qui ne se refuse rien, pourvu que ça lui rapporte.

Alors si vous attendez un roman d’action, passez votre chemin. Par contre, les amateurs de romans psychologiques basés sur un personnage trouble y trouveront leur compte et seront ravis par le retournement de situation final qui m’a littéralement renversé. Je ne m’attendais absolument pas à ça et j’ai été totalement bluffé. Allez, je vais tout de même mettre un tout petit bémol. J’ai trouvé que les 20 dernières pages (les 2 derniers chapitres) étaient de trop car ils m’ont semblé être une leçon de morale bien inutile pour un personnage comme Paul Morris. Malgré cela, Dis-moi que tu mens est un roman à l’écriture fine hautement recommandable.