Les larmes noires sur la terre de Sandrine Collette

Editeur : Denoel

Ceux qui ont lu le premier roman de Sandrine Collette sont forcément devenus des fans de son écriture et de ses intrigues. Avec ce cinquième roman, on se retrouve une nouvelle fois avec une intrigue inédite et des personnages extraordinaires dans une ambiance bien noire et bien violente.

Moe a quitté les îles pour venir s’établir en métropole, et suivre Rodolphe. C’est une façon pour elle de s’imaginer un avenir, de sortir de la misère. Mais elle va vite déchanter, subissant les insultes et les maltraitances de la part d’un homme qu’elle connaissait finalement bien mal. Devenue sa bonne à tout faire, son avenir est bien noir. Alors qu’il ne la touche plus, elle va tomber enceinte après un bal où elle a rencontré un autre homme, qui ne la reverra plus. Décidée à garder le bébé, elle mettra au monde un petit garçon, accueilli avec indifférence par Rodolphe.

Elle met de coté chaque monnaie pour fuir avec son petit, et finit par partir, hébergée par une copine. Elle a bien du mal à trouver du travail et sa copine croit qu’elle ne fait rien de ses journées. A nouveau, Moe se retrouve à la rue, et trouve refuge aux urgences d’un hôpital. Au moins est-elle au chaud. Mais les services sociaux la repère et l’envoie à la Casse. C’est un endroit où on « stocke » les carcasses de voiture et dans lesquelles vivent des sans-abris. On leur demande juste de travailler aux champs pour quelques malheureux euros par jour. Par contre, pour partir, on leur demande 15 000 euros.

Là, Moe apprend les règles. Chaque personne reçoit un numéro qui représente le numéro de la voiture cabossée. Moe hérite d’une 306 et découvre ses voisines au nombre de 5 : Poule, Nini, Marie-Thé, Jaja et Ada. Auprès d’elles, elle va découvre la loyauté, la survie et l’histoire de chacune. Mais dans un décor apocalyptique tel que celui-là, l’avenir ne peut qu’être noir et dramatique.

Il était une fois … une société créée par des humains qui se déshumanisait. Ce roman n’est pas un conte de fée. C’est même un véritable cauchemar que nous propose Sandrine Collette, sous la forme d’un roman d’anticipation. Après quelques dizaines de pages qui nous présentent la trajectoire de Moe, nous entrons dans la Casse, pour un voyage qui va durer 300 pages.

Ce qui est effarant, c’est l’imagination que déploie Sandrine Collette pour nous plonger dans le quotidien de ces femmes qui vivent de rien, qui mettent en commun le peu de subsistance qu’elles arrivent à se procurer pour survivre. Chaque scène nous plonge vers un nouvel aspect de cette vie, et nous découvrons cet univers comme si on l’avait devant les yeux. Entre les températures estivales intenables derrière un pare-brise à l’hiver glacial où il faut de couvrir de couvertures pour supporter les rigueurs des températures négatives, l’entraide est le seul moyen pour s’en sortir.

Cette communauté est formidablement mise en scène par Sandrine Collette, qui a créé pour l’occasion des personnages bien distincts, avec chacune leur propre personnalité et avec chacune leur histoire. Car chaque femme a ses propres raisons pour être ici, et l’auteure va leur réserver un chapitre de ci de là pour qu’elles se confient. Nous finirons par toutes les écouter, ressentir ce qu’elles ont ressenti. Et à chaque paragraphe, nous relèverons la tête de cet univers sombre pour nous révolter.

Car la grande force de Sandrine Collette pour ce roman est d’être restée à coté, refusant de prendre parti, se contenter de regarder ces femmes vivre, avec sa caméra à l’épaule, pour mieux nous faire ressentir l’injustice et la pauvreté de la situation. Et plus que des larmes, ce sont des sentiments de révolte qui vont nous animer à force de fréquenter ces pauvres femmes. Ce n’est jamais larmoyant, mais c’est incontestablement noir et sombre, car ce que tous ces personnages vivent, on le prend en pleine gueule.

Au final, je ne sais pas comment vous prendrez ce roman où ses personnages montrent plus d’humanisme que la société qui les a créés. Personnellement, je me suis juste posé une question : Est-ce là la société que nous avons voulu ? Rassurons nous, ceci n’est que de la littérature … quoique ….

 

11 réflexions sur « Les larmes noires sur la terre de Sandrine Collette »

  1. J’en ai lu deux de Sandrine Collette, l’un en montagne et l’autre dans un paysage aride et désert, tous les deux fort bien construits et durs, mais tellement bons. Et je te rejoins, si la société est violente et difficile, les hommes sont présents et laissent un espoir

    J’aime

    1. En effet, Yves, il y a beaucoup d’humanité dans ses personnages, et Sandrine montre la survie de l’homme face à un environnement dur. Cela semble en tous cas une constante dans ses romans (que j’ai tous lus). A bientôt

      J’aime

    1. Chaque intrigue forme un roman à part entière. Il n’y a pas de héros (héroine) récurrent (e). Personnellement, je préfère son premier Des noeuds d’acier qui a reçu un coup de coeur Black Novel. Après, je te conseille aussi de lire le sujet (tous ses romans sont chroniqués ici) et de choisir en fonction de ce qui t’attire. Bref, tu as de la chance de ne pas connaitre Sandrine Collette, car tu vas découvrir sa plume !

      J’aime

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.