Comme de longs échos d’Elena Piacentini

Editeur : Fleuve Noir

Elena Piacentini démarre une nouvelle aventure dans une nouvelle maison d’édition avec un nouveau personnage. Un personnage ? Que nenni ! C’est tout un commissariat qui va vivre dans les pages de ce roman, dans une intrigue totalement dingue. En fin de billet, vous aurez droit à une petite interview qui va compléter celle de l’ami Yvan.

Vincent Dussart vient voir sa femme Chloé et son fils Quentin. Elle a décidé de prendre du recul, de faire un break et de déménager dans une petite maison. Il n’a rien dit, a juste fait un simple geste, une caresse amoureuse en l’apprenant. Quand il arrive, des billets pour un week-end à Londres en poche, le chat vient le surprendre. Ce week-end, c’est sa chance de reprendre leur vie commune. Puis c’est une scène horrible qui l’attend … Sa femme a été assassinée d’une balle dans la tête et son fils a disparu.

Mathilde Sénéchal a accepté une mutation dans le groupe du commandant Albert Lazaret de la police judiciaire de Lille. L’accueil a été froid, en particulier de la part de Sylvie Muller. Toutes les équipes de police envahissent la cité Franchomme. Il faut retrouver le petit, seulement âgé de trois mois, et le temps presse. Vincent Dussart, lui, est en état de choc traumatique. La course contre le temps commence, chaque seconde compte. Le commandant Lazaret demande une perquisition chez Vincent Dussart.

C’est le lieutenant Damien Delage qui s’en occupe. Il fait tous les prélèvements possibles, récupère les papiers, les pièces d’identité, interroge les voisins, la gardienne. A 51 ans, il sait que la situation est critique. Lui qui se retrouve seul après le départ de sa femme, il plaint les jeunes comme son collègue Sqalli, car ils ne savent pas ce qui les attend. Après sa perquisition, Delage ne sait quoi penser de Dussart.

C’est un roman de course poursuite que nous offre Elena Piacentini avec ce nouveau roman, et du rythme, il va y en avoir. D’ailleurs, le nouveau style de cette auteure convient bien à des intrigues au rythme élevé, puisque depuis son passage chez la maison Au-delà du raisonnable, son écriture est devenue plus efficace, plus sèche aussi. Avec ses chapitres ultra-courts n’excédant que rarement 6 pages, cela donne une forme du roman qui convient parfaitement à son sujet.

Tout va donc très vite dans ce roman, et l’intrigue va rapidement se centrer sur le personnage de Vincent Dussart, qui a semble-t-il des choses à cacher. Comme chaque seconde compte et comme le coupable le plus probable dans ce genre d’affaires se situe dans l’entourage proche des victimes, la Police Judiciaire va donc concentrer ses efforts sur lui. Le trouble autour de ce personnage va être remarquablement fait, créant un certain malaise chez le lecteur, qui tantôt va vouloir ressentir de la sympathie pour lui, tantôt le détester pour ce qu’il pourrait avoir fait, sans en connaitre ses mobiles.

Le rythme des chapitres ne va pas oublier la psychologie des personnages. Sur le devant de la scène, on trouve évidemment Mathilde Sénéchal, formidable inspectrice dont on ne connaitra pas les cicatrices. Mais il y a aussi tous les autres, Sqalli, Sylvie Muller ou même Lazaret qui vont prendre la vedette dans certains chapitres, qui vont être aussi présents dans l’esprit du lecteur. C’est incroyable comment Elena Piacentini arrive à faire vivre autant de personnages en même temps, comment elle arrive à créer tout un commissariat, avec des policiers plus vrais que nature. Il ne faut pas oublier Pierre Orsalhièr, un flic à la retraite qui va aider à faire avancer cette enquête et même fournir les pistes pour résoudre cette affaire. Après avoir lu ce roman, on n’a plus qu’une seule envie : les retrouver tous pour découvrir ce qui n’a pas été dévoilé ici, quant à leur passé.

Si ces policiers sont tous plongés au cœur de cette affaire hallucinante, la note de l’auteure en fin de roman est aussi remarquable que le livre lui-même. Partant d’un fait divers réel, Elena Piacentini a construit son intrigue en allant plus loin, juste par le pouvoir de l’imagination. Il n’en reste pas moins que le fait divers réel est proprement incroyable, et qu’on retrouve là une constante dans l’œuvre de cette auteure : le monde devient fou, les limites entre le bien et le mal deviennent floues et on ne peut qu’être inquiet face à un avenir de plus en plus noir.

Ce deuxième cycle, en parallèle des enquêtes du commandant Leoni, démarre en fanfare avec les mêmes qualités, aussi bien dans les intrigues, les psychologies des personnages ou le style efficace. Des romans comme ça, j’en redemande tous les jours. En ce qui me concerne, c’est un des romans à ne pas rater en cette rentrée littéraire 2017.

Il est à noter que la première enquête du commandant Pierre-Arsène Leoni vient de ressortir aux éditions Au-delà du raisonnable après avoir été remaniée par l’auteure, avec la même intrigue, mais en resserrant le style et en enlevant les longueurs superflues. Tous les adjectifs que je viens de citer sur Comme de longs échos s’appliquent à ce roman.

Enfin, car je suis un peu long, je vous encourage à nouveau à lire l’interview de l’ami Yvan. Et comme je suis verni, j’ai la chance d’avoir pu poser quelques questions supplémentaires à Elena Piacentini dont je vous livre ici les réponses :

Black Novel : Bonjour Elena et merci de te prêter à ce petit jeu des Questions / Réponses.Cette histoire aurait pu convenir à Leoni. Pourquoi avoir créé un nouveau personnage ?

Elena : Le défi était précisément dans le fait de créer un nouveau personnage, une femme qui plus est. Et de faire naître, dans le sillage de Mathilde Sénéchal, une atmosphère et une galerie de caractères différents. Il nous arrive ce qui nous ressemble… C’est l’enquête menée par le capitaine Mathilde Sénéchal, avec ses spécificités propres, que je voulais écrire. Un roman olfactif et rempli de correspondances.

Black Novel : J’ai cru comprendre que tu resterais fidèle à Au delà du raisonnable avec Leoni. Est-ce à dire qu’il y aura 2 cycles en parallèle ?

Elena : Oui ! Leoni continuera d’exister dans une dimension Au-delà du raisonnable et nous avons toujours le projet, avec Véronique de l’emmener plus loin. Quant à Mathilde Sénéchal, elle reviendra pour éclaircir son mystère personnel. Pour la suite, nous verrons. L’idée d’une collaboration en parallèle, c’est d’aller explorer d’autres pistes littéraires et de bénéficier d’une visibilité élargie. Tout reste ouvert.

Black Novel : J’ai été très impressionné par tes personnages. Mais au delà de cela, tu arrives à les rendre tous crédibles. Est-ce une volonté de les mettre tous sur un pied d’égalité ?

Elena : Ils ne sont pas tous sur un pied d’égalité sur le plan de la narration. Il y a les héros et ceux qui gravitent autour d’eux. Ceci étant, quand mes personnages viennent à la vie, ils sont égaux en termes de consistance. Pour qu’ils puissent exister dans mon imaginaire et y jouer leur partition sans fausse note, j’ai besoin qu’ils soient crédibles et animés. Tu as donc raison, j’accorde le même soin à la construction psychologique de mes personnages qu’ils soient « grands » ou « petits ». Tous les personnages naissent libres et égaux… On en rêve dans la vraie vie.

Black Novel : Le personnage de Mathilde Sénéchal est attiré par des figures paternelles. Comment t’est venue cette idée qui sert de fondation à sa psychologie ?

Elena : J’ai adoré tisser la relation entre Mathilde et Albert. Un vieux flic usé et en bout de course, une femme sèche et dure au mal qui veut conserver la maîtrise. L’amour que Mathilde porte à Lazaret est teinté de respect et d’admiration, mais il est plus un mentor qu’un père. Celui de Lazaret a le goût d’un rendez-vous manqué. Sous leurs dehors austères, ils prennent soin l’un de l’autre avec beaucoup de générosité et de tendresse réciproques car tous les deux ont peur d’aimer.

Black Novel : Ton roman est très découpé en courtes scènes ce qui donne un rythme élevé à l’intrigue. En quoi l’écriture de scénario (pour la télévision) a influencé ton écriture ?

Elena :En réalité, Comme de longs échos a préexisté à l’écriture de Tensions sur le Cap Corse. Mais le roman n’était pas finalisé et je souhaitais le retravailler en profondeur. J’en profite pour souligner ici la qualité de l’accompagnement éditorial dont j’ai bénéficié de la part de Valérie Miguel-Kraak. Comme de longs échos, c’est aussi le résultat d’une étroite collaboration avec une amoureuse des textes. Le magazine Transfuge, en décernant à ce roman le prix du meilleur polar français, a reconnu ce travail comme l’exigence qui nous a guidées et j’en suis très heureuse. Ceci étant, c’est vrai que, dans la phase de finalisation, ce que j’ai appris de l’écriture scénaristique a enrichi mon regard. Ah ! Les correspondances…

Merci de t’être prêtée à ce petit jeu et continue à nous écrire des polars comme ça !

42 réflexions sur « Comme de longs échos d’Elena Piacentini »

    1. Merci Yvan. Tu sais que j’adore cette auteure. Elena m’a accordé cette interview et j’en suis fier. Et j’ai fait en sorte de ne pas te répéter. Et j’en profite pour m’excuser auprès des nombreux collègues qui ont chroniqué en bien ce roman et dont les liens ne sont pas insérés. Mais il y en avait trop ! Amitiés

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  1. J’ai compris le message, les mecs, pas la peine de vous y mettre tous, je vais la découvrir, cette auteure dont vous me vantez les mérites !! 😀

    Le temps, je suis derrière son cul depuis des lustres et je ne gagne jamais du terrain, j’en perds, même… 😉

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      1. cannibaleslecteurs vient de me faire mon éloge : « Nous venons d’apprendre le décès inopiné d’une belette, disparue écrasée sous des montagnes de nouveautés pas lues dont les piles incontrôlables ont fini par s’écrouler sur l’infortunée créature. Ayons une pensée émue pour elle, qui aura consacré sa vie à défendre tous ces auteurs qui n’en méritaient peut-être pas tant. »

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