Islanova de Camut & Hug

Editeur : Fleuve Noir

Je ne vous parlerais pas de ce roman s’il n’en valait pas la peine. Comprenons nous bien : Dans mon esprit, le duo français du Thriller œuvre dans des eaux sanglantes, ce qui fait que je n’en avais jamais lu auparavant. Mais c’est bien la quatrième de couverture qui a fait pencher la balance dans le bon sens. Et la taille de ce pavé ne m’a pas rebuté, loin de là. J’ai commencé cette lecture avec un esprit de curiosité mais je me suis fait prendre au jeu, tant cette lecture s’est avérée passionnante. Avouez qu’avec une quatrième de couverture comme cela, on ne peut qu’être attiré :

Rien n’avait préparé Julian Stark à une telle vision ce matin-là.

Alors qu’il rentre chez lui pour évacuer sa maison menacée par un incendie de forêt, il trouve Charlie, sa fille de seize ans, au lit avec son beau-fils Leny.

Certaine que son père va les séparer, Charlie persuade Leny de fuguer, direction le Sud-Ouest. Son idée : rallier la ZAD (zone à défendre) de l’Atlantique, située sur l’île d’Oléron. Là-bas, ils seront en sécurité le temps que Julian se calme. Là-bas, surtout, se trouve Vertigo, un homme charismatique dont elle écoute la voix sur les ondes depuis des mois. Vertigo, le leader de l’Armée du 12 Octobre, groupe d’écologistes radicaux.

Ce que la jeune fille ignore, c’est que la ZAD abrite des activistes prêts à tous les sacrifices pour défendre leur cause, et qu’en s’y réfugiant, elle précipite sa famille dans une tragédie qui les dépasse tous.

Dès l’entame, c’est bien le rythme qui prend à la gorge. Les chapitres sont courts, le style à l’avenant, brossant à la va-vite le décor pour privilégier le rythme. Et petit à petit, les personnages vont prendre de l’épaisseur. Dans un futur proche, en cette fin du mois de juin, la canicule engendre des feux de forêt, en particulier dans le massif des Vosges. La famille que l’on nous présente est une famille recomposée. Julian Stark s’est mis en couple avec vanda Macare. Julian a une fille Charlie et Vanda un fils, Leny. Vanda est absente quand l’incendie menace leur maison, mais Julian entre en trombe cherche ses enfants. Il les découvre au lit et cela ajoute à son stress, tant et si bien qu’il est furieux. Il les éloigne de la zone dangereuse et décide de retourner sauver leur chien mais il arrivera trop tard.

Charlie est choquée de la réaction de son père. Elle persuade Leny de la suivre rejoindre l’île d’Oléron, où s’est déployée l’armée du 12 octobre, menée par leur leader Vertigo. En effet, le sud de l’île s’érode sous l’action du vent et un conglomérat chinois a investi dans le renflouement des plages tout en installant une base de loisirs de luxe, avec l’assentiment du gouvernement français. Les armées du 12 octobre, groupuscule écologiste, ont donc envahi le sud de l’île, revendiquant l’indépendance de leur bout de pays, qu’ils ont nommé Islanova. Leur revendication  est simple : permettre aux pays africains d’avoir accès à l’eau potable. Tant que leur demande ne sera pas exaucée, Islanova vivra comme un caillou dans une chaussure.

Construit avec des chapitres ultra-courts, le rythme de lecture est très élevé, grâce à de nombreux rebondissements. Camut et Hug nous font vivre de multiples personnages, dont chacun a une psychologie propre, des raisons personnelles d’être où ils sont, de faire ce qu’ils font. Sans que cela ne soit lourdingue, ce roman de ce point de vue est à la fois moderne et remarquablement fait. Le roman m’a fait penser à une série, passant d’un personnage à l’autre, d’un lieu à l’autre, alternant les scènes d’action et les scènes plus calmes. Ce roman s’inscrit donc dans la grande tradition du roman populaire, avec toutes les émotions que cela implique.

Car le sujet part bien d’une famille avec toutes les composantes que cela implique. Et même si c’est une famille recomposée, Julian aime ses deux enfants comme si c’étaient les siens. Il en est de même pour Vanda. Avoir pris une famille commune qui aime ses enfants est d’autant plus important pour la suite, puisqu’il fait appel à nos valeurs les plus importantes pour tout un chacun. Cela permet aussi de faire un parallèle entre la famille qui implose et la société qui explose. Le manque de communication entre eux est le même qu’entre les revendicateurs et les dirigeants de tous les états.

Dans ce contexte, Camut et Hug attaquent de front le sujet principal, et là aussi, ce roman est si touffu qu’il aborde en réalité plusieurs thèmes. Le premier est bien évidemment l’accès à l’eau des populations les plus pauvres du monde, et le fait que les pays riches ne sont pas prêts à lâcher quoi que ce soit de leur confort, même quand il s’agit d’éviter la mort de plusieurs centaines de personnes. Avec ce sujet vertueux, humaniste, ils parlent aussi d’extrémisme et de mercenarisme, et de la façon dont on juge les gens en fonction de leur situation. Si la violence et le terrorisme ne résolvent rien, ils disent clairement que dans un monde où on n’écoute personne, certains préfèrent frapper fort pour qu’on les entende. Il y est fait aussi mention de la naïveté des gens embringués dans cette mécanique et qui ne savent pas la réalité des choses (ou ne veulent pas savoir). Par contre, l’état est bizarrement presque laissé de coté, n’apparaissant que pendant quelques réunions de négociation, de même que le rôle des médias m’a paru aussi très sous-estimé.

La force de ce roman fleuve se situe clairement au niveau de la narration. A aucun moment, je n’ai senti que Camut et Hug ne prenaient position, et qu’ils laissaient le lecteur se faire sa propre opinion. Car chacun dans cette histoire est un personnage humain qui a ses propres motivations qui sont compréhensibles à défaut d’être défendables. Et c’est un sacré coup de force de nous mettre en face de nos responsabilités. Car tous autant que nous sommes, nous sommes un peu responsables de la situation dans laquelle nous sommes.

9 réflexions sur « Islanova de Camut & Hug »

  1. Bonjour Pierre,
    Très très tentant. 🙂 M’en vais aller mettre ce livre dans la liste. J’aime le sujet à défendre et qui sera hélas bientôt à nos portes. A force de fermer les yeux……. J’arrête là, je pourrais être insatiable, même pour une belge vivant en France ;-
    Bisous et bon(ne) lundi et semaine. Geneviève.

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