Les chemins de la haine d’Eva Dolan

Editeur : Liana Levi

Traducteur : Lise Garond

Les éditions Liana Levi nous proposent en ce début d’année 2018 un premier roman, qui est aussi le début d’une série qui comporte à ce jour 4 romans, d’une jeune auteure Eva Dolan. Ayant été critique de polar, Eva Dolan connait parfaitement les codes du genre, ainsi que les différents genres. D’ailleurs, si je devais situer ce roman, je le mettrais aux cotés d’un Arnaldur Indridason. Belle comparaison, non ?

Mercredi. L’inspecteur Zigic se dirige vers Highbury Street, à Peterborough. Depuis cinq ans, il est à la tête de la section des crimes de haine. C’est une volonté de la direction de mettre un immigré de « troisième génération » à la tête de ce service. La rue où il se gare est au cœur d’un des quartiers les plus pauvres. Aujourd’hui, on y trouve surtout des Bulgares ou des Estoniens, qui vivent de petits boulots, quand ils en ont un.

Au numéro 63, il trouva le cordon de police, et franchit le portail. Dans le jardin, une odeur de chair calcinée envahissait l’atmosphère. L’abri, situé au fond du jardin, s’est effondré sous les assauts du feu. A l’intérieur, il y avait un homme brulé vif. Zigic retrouva la sergente Ferreira, portugaise de naissance, qui le guida vers l’abri. L’odeur d’essence laisse à penser qu’il s’agit d’un incendie criminel, car la porte était fermée par un cadenas à l’extérieur.

Le corps dans l’abri de jardin est probablement un SDF ou un locataire. Il n’est pas rare que des gens louent leur abri de jardin à des pauvres pour 400 livres par mois. La maison appartient à Phil et Gemma Barlow. Ils dormaient quand l’abri a pris feu. Gemma confirme qu’ils ne savaient que le SDF était là. Ils ont été réveillés par les pompiers qui éteignaient l’incendie. La première étape pour Zigic et Ferreira va être de trouver l’identité du mort.

Voici donc la première enquête du duo Zigic / Ferreira, qui en comporte quatre à ce jour, si l’on en croit le site Goodreads. Si le titre français peut induire en erreur quant au contenu, il est bien trouvé pour parler de ce service des crimes de haine. Avec cette enquête, nous allons être plongés dans la vie des SDF, des sans papiers et des pauvres qui luttent pour survivre.

Et le sujet va aborder brutalement l’esclavagisme moderne, en particulier dans le BTP, les cercles d’entreprises qui utilisent des étrangers pour de la main-d’œuvre interchangeable et pas chère, voire gratuite, puisque l’on va s’apercevoir que des requins vont les utiliser sans les payer, en les torturant à la moindre rébellion. Pour tout vous dire, ce roman va bien au-delà du « travail au noir », dénonçant des entreprises organisées qui parquent les gens dans des hangars, les emmènent sur un chantier et les ramène en ne leur donnant que le strict nécessaire en termes de nourriture.

C’est d’autant plus frappant, que tout cela est décrit de façon très détaillée, mais sans aucune émotion. Le style d’Eva Dolan, son parti-pris, est de rester à distance pour laisser place à des scènes d’émotion et de dégoût, dégoût pour les salauds et les profiteurs, les esclavagistes modernes qui sont les descendants directs de leurs aïeux du 19ème siècle. Finalement, rien n’a évolué du coté de l’Homme, bien au contraire.

Fort intelligemment, Eva Dolan montrera comme un trait sur une peinture le racisme ambiant, les Anglais déçus d’être envahis et de perdre leur identité britannique. Peut-être ce sujet fera-t-il l’objet d’une prochaine enquête ? Elle se contente, avec un sujet fort comme le sien, de montrer ce scandale, dans un décor gris écrasé par les nuages bas, dans un style finalement froid comme l’ambiance d’une morgue.

J’ai beaucoup pensé à Arnaldur Indridason dans la façon de construire l’intrigue. On y trouve beaucoup de pistes, et deux enquêteurs qui par leurs origines se retrouvent motivés et impliqués dans leurs enquêtes. Eva Dolan ne passe pas des pages et des pages à décrire leur passé, se contentant de poser les bases : Zigic est tenaillé entre son boulot et sa femme Anna et sert de good cop. Ferreira a connu des brimades dans son enfance et fait office de bad cop.

Si l’ensemble est classique, le sujet évoqué prend clairement le devant de la scène et laisse augurer du meilleur dans les futures enquêtes. Bref, ne passez pas à coté de cette enquête pour ce qu’elle révèle, et suivez l’actualité des sorties pour lire les suites !

Ne ratez pas l’avis de Christophe Laurent

8 réflexions sur « Les chemins de la haine d’Eva Dolan »

  1. Bonsoir Pierre,
    Oh ! Un livre qui me tend les bras pour le sujet de fonds. Je vais aller voir cela de plus près. Là je viens de commencer « Sur ma peau »de Gillian Flynn. J’avais vu en film « les lieux sombres » son livre que j’avais adoré. Et j’ai voulu en lire un autre de cette auteure.
    Bonne soirée et à bientôt.
    Geneviève

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      1. En effet, dont on a aussi fait un film « Gone girl » que fort heureusement je n’ai pas vu sachant qu’il avait été inspiré par ce livre. Je préfère de loin le livre, ceci en général. Pour le livre Les chemins de la haine, c’est justement parce qu’il s’agit de social que cela m’intéresse. Sortir un peu d’une forme de lecture redondante. 🙂 Oui oui j’ai lu cela et je me suis inscrite à l’auteur. 🙂 Bizzz

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