Le chouchou du mois de mai 2018

Une fois n’est pas coutume, nous avons démarré ce mois de mai par un hommage à Daniel Chavarria, qui nous a quitté le 6 avril. J’ai eu l’occasion de découvrir l’humour caustique et noir de cet auteur avec Adios Muchachos (Rivages). Et j’ai eu l’énorme chance que Claude Mesplède réponde à mon appel en me proposant anecdotes, interview et son avis sur Le Rouge sur la Plume du Perroquet (Rivages).

Une nouvelle fois, la littérature française aura été largement représentée en ce mois de mai, et dans les différents genres que l’on peut trouver dans le polar. La seule exception à cette règle aura été le super roman d’action qu’est Missing : Germany de Don Winslow (Seuil), qui constitue la deuxième enquête de Franck Decker, ce détective privé spécialisé dans les recherches de personnes disparues. En voulant rendre service à un ami de l’armée, il va découvrir de sacrés trafics et être obligé de se remettre en cause, quant à ses valeurs.

Kisanga d’Emmanuel Grand (Liana Levi) est un roman qui m’a impressionné. Une entreprise chinoise et une entreprise française veulent créer une Joint Venture pour exploiter les minerais de la République Démocratique du Congo. Un groupe de jeunes embauchés a 3 mois pour démarrer l’exploitation. Entre thriller et roman d’aventures, entre géopolitique et magouilles politiciennes, Emmanuel Grand prend quelques personnages et déroule son intrigue de façon passionnante et impressionnante. Comme je le disais dans mon billet : « Et ce n’est que son troisième roman ! ». Époustouflant !

On connait Gilles Vidal et ses intrigues retorses. Une nouvelle fois, avec Ciel de Traine (Zinedi), il nous offre une histoire pas comme les autres. Chaque chapitre (ou presque) raconte un événement d’un personnage et chaque personnage n’a rien à voir avec les autres. C’est un peu comme si on additionnait des nouvelles, dont certaines sont fascinante dans leur mise en situation. Sauf que le lien entre toutes ces gens ne vous sera livré qu’au dernier chapitre.

Avec Les retournants de Michel Moatti (HC éditions), j’aurais eu un avis plus mitigé. J’avais adoré son précédent roman, et j’ai été surpris par le roman, à la fois son cadre (la guerre de 14-18) et son traitement. Il m’aura fallu attendre les remerciements de l’auteur en fin de chapitre pour comprendre où il voulait en venir.

Au rayon Roman Policier, je ne peux que vous conseiller Sœurs de Bernard Minier (XO éditions), où l’auteur remonte dans le passé et nous parle de la jeunesse de Martin Servaz. Mais il y a aussi une enquête (ou plutôt deux) qui aborde les rapports que peut entretenir un auteur de thrillers avec ses lecteurs. Une nouvelle fois, Bernard Minier nous concocte une intrigue qui repose à la fois sur des sujets forts et sur des ambiances étouffantes. Et, cerise sur le gâteau, le dénouement est génialement trouvé.

Au rayon Roman Policier, toujours, deux romans auront pris comme contexte la guerre d’Algérie mais avec deux façons distinctes de traiteur leur intrigue. Toutes ces nuits d’absence d’Alain Bron (Les chemins du hasard), nous retrouvons un écrivain qui, parce qu’il retrouve de vieilles photographies, décide de reprendre l’enquête sur l’assassinat de son amour de jeunesse. Alain Bron met sa plume magique au service d’un sujet fort.

Un travail à finir de Eric Todenne (Viviane Hamy) est le premier roman policier de ce couple d’auteurs et le premier d’une série (on l’espère !). Une mort suspecte d’un résident d’une maison de retraite va entraîner le capitaine Andréani vers des événements liés à la guerre d’Algérie et les exactions des troupes françaises. C’est un roman passionnant qui donne bigrement envie de lire une suite.

J’ai continué mon exploration de l’univers de la Compagnie des glaces avec mes billets sur les tomes 5 et 6 (French Pulp), appelés L’enfant des glaces et Les otages des glaces. Si le tome 5 ne m’a pas passionné, le tome 6 m’a semblé relancer l’intérêt. Je vous donne rendez vous donc pour la suite très prochainement.

Le titre de chouchou du mois revient donc à Par les rafales de Valentine Imhof (Rouergue), un premier roman impressionnant par sa construction et son style, qui emporte tout comme un ouragan, un tsunami littéraire à ne pas rater.

J’espère que ces suggestions vous seront utiles pour vos choix de lecture. Je vous donne rendez vo30us le mois prochain pour un nouveau titre de chouchou. En attendant, n’oubliez pas le principal, lisez !

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Kisanga d’Emmanuel Grand

Editeur : Liana Levi

Après Terminus Belz et Les salauds devront payer, Emmanuel Grand nous propose, avec son troisième roman, de quitter la France pour l’Afrique. Tout impressionne dans ce roman, si bien qu’on est tenté de le comparer aux plus grands auteurs. EXTRAORDINAIRE !

Olivier Martel est un jeune ingénieur géologue qui travaille chez Carmin, cette grosse entreprise française spécialisée dans la vente de matières premières. Ce matin, il assiste à l’enterrement de Michel Kessler à Montrouge, son mentor dans ce métier, presqu’une légende. Michel Kessler avait toujours refusé les postes de direction pour parcourir le monde à la recherche de nouvelles mines, dans tous les pays dangereux où personne ne veut aller. Malheureusement, il a été victime de rebelles au Soudan.

Raphael Da Costa est un journaliste d’investigation. 15 ans auparavant, il a enquêté sur une affaire sulfureuse concernant la CMA qui a failli voir le jour, et qu’il considère comme l’échec de sa carrière. Depuis il est journaliste indépendant mais ne retrouve pas la hargne qui l’auréolait à ses débuts. Il a rendez-vous avec Philippe Dorget, son ami et directeur du Matin. Le journal va mal depuis Internet, les abonnements diminuent et Dorget ne peut plus se permettre de payer un journaliste indépendant. Dorget l’envoie à une conférence de presse annonçant la création d’une Joint Venture entre Carmin et Shanxi Mining, une société chinoise. Son nom : Kisanga.

Da Costa reconnait le beau monde qui se presse dans les salons du Trocadéro. Outre Alain Butard le PDG de Carmin, on y voit Li Gao Yang l’ambassadeur de Chine, François-Xavier de Meyrieux le ministre des Affaires étrangères et Wao Jun le PDG de Shanxi, un redoutable stratège. Toute la presse économique est conviée, nationale et internationale. La création de cette JV est présentée comme une énorme chance de développement pour la République Démocratique du Congo. En sortant, Raphaël a la sensation d’être suivi. C’est décidé, il suivra cette affaire Kisanga.

Dès le lendemain, Alain Butard convoque dans son bureau trois jeunes cadres qui vont former son commando personnel. Ils auront en charge de démarrer les nouvelles mines en trois mois, sous la direction de Nicolas Speck, ancien soldat et actuellement son bras droit. Olivier Martel en sera mais pour ce faire, il doit faire une croix sur sa vie de famille pendant trois voire six mois, avec une belle promotion à la clé.

Cette histoire est une pure fiction. Il est vrai que des entreprises qui annoncent des contrats mirobolants, ça n’existe pas. Des contrats visant à exploiter les ressources de l’Afrique, ça n’existe pas. Des hommes politiques impliqués dans des contrats privés, ça n’existe pas. Une guerre économique à mort entre pays (France et Chine par exemple), ça n’existe pas. Des mercenaires et autres barbouzes qui font des opérations clandestines, ça n’existe pas. Les pourris de tous bords, ça n’existe pas. Bref, tout ce qui est dans ce roman n’existe pas, mais est le fait de l’imagination débordante de l’auteur.

Mais quand même … Quand on regarde les informations, les contrats faussés, les gouvernements renversés dans les pays africains, les entreprises, quelque soient leur nationalité qui mettent au pouvoir un homme qui va dans leur sens, les journalistes qui effleurent les sujets, les PDG qui s’en foutent des conséquences de leurs décisions … La force de ce roman est bien de sonner juste et et de proposer une vision bigrement lucide. Et encore n’a-t-on dans ce roman qu’une petite partie de la réalité, rythmée par les personnages.

On va passer de l’un à l’autre, sans aucun problème. Et l’une des forces de ce roman, c’est bien de faire vivre cette histoire à travers une multitude de personnages qui sont formidablement construits pour que l’on ait un immense plaisir à les suivre. Ils vont nous emmener dans cette aventure aux multiples rebondissements, nous montrant la jungle et la pauvreté des villes, le luxe des bureaux du siège de Carmin à ceux du ministre. Chacun va avoir des intérêts dans cette affaire, et agir pour en tirer parti au maximum.

Ce roman est fantastique à tel point qu’il m’a évoqué les plus grands romans du genre. Il se place fièrement à coté de La constance du jardinier de John Le Carré, avec ce rythme plus rapide, ce style plus moderne sans en faire trop. C’est un polar politique et d’’aventures, avec des barbouzes, des politiques, une entreprise française qui veut faire des profits, une entreprise chinoise qui veut mettre un pied en Afrique. Et en guise de victimes, on trouve le peuple congolais qu’on exploite, en guise de contexte. Car là encore, Emmanuel Grand n’en rajoute pas, il laisse le lecteur en avoir conscience en prenant un peu d’altitude. C’est très très fort. Et ce n’est que le troisième polar de cet auteur ! Décidément, Emmanuel est grand ! (Un grand merci à Boris, Facteur pour l’association 813, qui m’a soufflé cette dernière phrase)

Ne ratez pas les avis de Michelio, de Psycho-Pat ; de Coline ; et Joyeux Drille ;

 

La compagnie des glaces de G.J.Arnaud – Tome 5 et 6

Editeur : French Pulp

Les éditions French Pulp ont décidé de rééditer la saga de science fiction, en regroupant les romans par deux. Il s’agit, je crois, de la plus grande saga de science fiction jamais écrite puisqu’elle comporte 63 romans. Voici mon avis sur L’enfant des glaces et Les otages des glaces.

L’enfant des Glaces :

Yeuse est toujours l’attraction principale du cabaret itinérant et son dernier numéro, qui reprend le personnage de Marilyn Monroe fait un malheur. Les villes qu’elle choisit pour faire son numéro ont en fait un seul objectif : retrouver Lien Rag, en fuite depuis qu’il est considéré comme un traitre par La Compagnie.

De son coté, Lien Rag vit avec Jdrou et leur fils Jdrien. Avec sa combinaison isotherme, il travaille avec les Hommes Roux à déneiger les dômes, en tant qu’esclave. Se rendant compte que Jdrou délaisse leur enfant, il décide de s’en occuper, mais se retrouve pris entre deux feux : les Hommes Blancs et les Hommes Roux.

Après avoir posé les bases de son monde des Glaces dans les quatre premiers tomes, celui-ci semble être une sorte de pause … avant de rebondir ? Il ne se passe pas grand’ chose dans ce roman, si ce n’est le parallèle entre Lien et Yeuse et le destin de ce garçon qui grandit plus vite que les autres. On y voit aussi la peur et la folie des Hommes, prêts à tuer ceux qui ne sont pas comme eux. Cet épisode est donc loin d’être le meilleur et donc dispensable. Mais je vais continuer ma découverte de cet univers.

Les otages des Glaces :

Lien Rag a trouvé refuge dans le train pirate de Kurts. Ils roulent dans le Grand Nord, et se retrouvent pris entre deux feux : d’un coté la Panaméricaine, de l’autre la trans-européenne. Alors que tout le monde court après Lien, Kurts veut, quant à lui, le ramener au peuple des Roux, moyennant finances. L’ex-lieutenant Skoll, à la tête du peuple Roux, demande à Lien de jouer les agents doubles auprès de la Panaméricaine.

De son coté, Yeuse est toujours danseuse dans le cabaret itinérant et se charge de cacher Jdrien, le fils de Lien. A la tête du cabaret Miki, elle a bien du mal à savoir où est Lien. Elle va bientôt se retrouver prisonnière d’un colonel fou.

Entre romanesque et démesure, entre roman d’espionnage et scènes grandioses, ce roman qui débute doucement nous offre à la fois une intrigue prenante et une scène grandiose. Avec son style toujours aussi facile à lire, l’alternance entre les aventures de Lien et celles de Yeuse permet de faire avancer une intrigue passionnante.

L’aspect politique se complique, la guerre devient tactique, stratégique, et on y voit l’importance de la religion ainsi que la volonté d’indépendance du peuple Roux, qui veut créer son propre pays. Et Lien se retrouve face à des choix dramatiques avec une fin toute en suspense qui donne envie de lire le prochain tome. Super !

Un travail à finir d’Eric Todenne

Editeur : Viviane Hamy

Premier roman certes, mais apparemment pas forcément premier roman, puisque ce roman est annoncé comme un roman écrit à quatre mains par deux auteurs qui ne se dévoilent pas. La seule chose que l’on peut espérer est que ce roman soit le début d’une série …

Philippe Andreani est un vieux e la vieille à la brigade criminelle, avec ses vingt deux années au compteur. Même s’il a un taux de résolution d’affaires enviable, il n’est pas bien vu de sa hiérarchie. Cela est du à sa propension à utiliser des méthodes drastiques et directes pour mettre un point final à ses enquêtes. Seul son collègue Laurent Couturier le supporte, lui apportant un soutien grâce à ses qualités de fouineur informatique.

La dernière affaire en date risque de mettre un point final à sa carrière : Lors d’une planque pour arrêter un dealer de drogue, il est cantonné à une surveillance pendant que la brigade des stupéfiants fait sa descente. Quand il voit le dealer sortir d’une impasse pour se sauver, il n’hésite pas et tire sans sommation dans le dos du dealer, et le touche à la jambe. Andreani est immédiatement suspendu de ses fonctions en attendant l’enquête des bœufs-carottes et est obligé de participer à des entretiens avec une psychologue.

Mais ce soir, ce n’est pas ce qui l’occupe : il doit fêter l’anniversaire de sa fille Lisa, qui travaille dans une maison de retraite. Quand il arrive sur son lieu de travail, elle fond en larmes, lui annonçant qu’un de ses pensionnaires vient de se tuer en tombant sur le coin de sa table de nuit. Pour lui faire oublier ses soucis, il lui prépare un bon petit plat.

Andreani est tout de même embêté pour sa fille. Après avoir fait un détour par son bar « Le Grand Sérieux », tenu par un inénarrable ex-professeur en langues mortes Pierre Tournier, il va voir Legast le légiste. Après avoir analysé le corps du mort, plusieurs choses l’interpellent : La forme du coup derrière la tête du mort n’est pas logique puisqu’elle semble aller vers le haut, donc le corps n’est pas tombé sur la table de nuit. Sur sa nuque apparaît un étrange tatouage « SO. 3-02. AB+ ». Enfin, Lisa lui apprend que le mort n’a pas de numéro de Sécurité Sociale. Il n’en faut pas plus pour Andreani pour se jeter dans cette affaire.

Je ne vais pas vous parler de l’auteur, puisque ce roman a été écrit à quatre mains par deux auteurs qui ne se dévoilent pas. Le sachant avant d’attaquer ma lecture, j’ai effectivement ressenti une façon différente d’aborder les premiers chapitres. Est-ce du au fait que ce soit écrit à quatre mains ? En tous cas, passés les trois premiers chapitres, on est emporté par le rythme de la narration, et cela en devient passionnant.

Je ne connais pas suffisamment la réglementation pour juger si cela est réaliste ou pas, toujours est-il que quelques mystères vont rendre cette affaire douteuse et justifier qu’Andreani s’y plonge, pour aider sa fille d’abord puis par intérêt personnel, l’envie d’Andreani de rendre la justice de découvrir la vérité étant plus forte que tout. Et je dois dire que la psychologie de ce « commissaire » est bluffante.

Je dis « commissaire » car je fais référence au patron du bar « Le Grand Sérieux » qui est un second personnage énorme, qui pratique le latin comme ses clients les ballons de rouge. Ces passages, outre qu’ils sont des moments de calme dans l’enquête, s’avèrent fort drôles. Ce qui m’amène à dire que les personnages qui gravitent autour du « commissaire » sont tous très réussis et rendent le décor passionnant.

Quant à l’affaire elle-même, elle va se montrer au grand jour, après le deuxième meurtre dans la maison de retraite qui concerne un algérien. A partir de ce moment, les auteurs vont nous concocter une intrigue qui va revenir sur des moments peu glorieux de notre histoire contemporaine, voire carrément dégueulasses, nous apprenant sans en dire trop des implications de sociétés embauchant des mercenaires tuant sans foi ni loi, et n’étant jamais inquiétés.

Si le roman est relativement court, il a suffisamment posé de jalons pour nous inviter à suivre de futures enquêtes d’Andreani. Ce premier roman (puisqu’il faut le rappeler) est un pur plaisir à lire, et j’ai personnellement avalé les deux cent dernières pages en une journée, incapable que j’étais de m’arrêter dans ma lecture. Maintenant, Andreani fait partie des personnages que je vais suivre avec attention.

Toutes ces nuits d’absence d’Alain Bron

Editeur : Editions Les chemins du hasard

Son précédent roman, Le monde d’en bas, m’avait impressionné, à tel point que j’avais regretté de l’avoir laissé dormir sur mes étagères trop longtemps. Toutes ces nuits d’absence confirme qu’Alain Bron est un auteur à la plume rare qui parle de sujets graves.

Jacques Perrot est écrivain et était en train de déguster son thé, quand son chat Iago fit des siennes : perché sur une étagère, il fait tomber une boite métallique. Quand celle-ci tombe par terre, elle s’ouvre et répand son contenu : de vieilles photos datant de la jeunesse de l’auteur. Parmi elles, Jacques Perrot trouve une vieille photographie de classe, quand il était au lycée de Troyes. Il se rappelle aussitôt Brigitte, son amour de jeunesse, retrouvée assassinée.

Ce meurtre lui a laissé un gout amer dans la bouche. C’est Brigitte qui l’a initié aux joies de l’amour, en 1966. Elle avait son appartement et il la retrouvait après avoir traversé la ville sur son vélo de course jaune. Si elle avait une réputation de fille facile, il s’en moquait bien, puisque la seule chose qui comptait pour lui était son amour pour elle. Tout cela s’est terminé par un corps abandonné, après avoir été violé et étranglé.

Jacques Perrot s’arrange donc avec son éditeur pour organiser une séance de dédicace dans une librairie troyenne. Cela lui permettra de rendre visite aux bureaux du journal local, et ainsi de revenir sur ce qui s’est passé à cette époque. Il en profite pour y passer un week-end entier, et il fait la connaissance de Ninon, stagiaire au journal, qui accepte de l’aider à fouiller les archives. Il se rappelle, grâce aux articles, qu’un coupable avait été arrêté et que ce dernier s’était pendu dans sa cellule, scellant ainsi la fin de affaire. Mais il ne fait pas bon remuer la boue du passé.

Une nouvelle fois, Alain Bron nous emporte dans la passé, avec sa plume magique, qui nous fait visiter la France du début des années 60, avant les événements de mai 1968. Il y a dans sa façon de raconter une histoire, une sorte d’évidence et de naturel qui fait que l’on est prêt à suivre l’auteur dans tout ce qu’il raconte. C’est l’une des grandes qualités de ce roman qui m’a transporté ailleurs dans un passé que je connais mal.

Car le sujet de ce roman est bien cette période peu connue et trouble des années 60 qui a été occultée par ce qui s’est passé ensuite. Il nous montre la vie en ce temps-là dans une petite ville de province, avec ses notables qui dominaient les affaires, et les ouvriers qui vivaient dans un monde séparé. Dans une période de plein emploi, tout ne pouvait que bien se passer. L’affaire du meurtre de Brigitte aurait finalement pu remettre en cause cette joie de vivre de l’époque.

Sauf que la communication ne passait que par les journaux ou la radio et qu’elle était contrôlée par des gens qui avaient beaucoup d’argent. Et que ces gens là avaient des origines politiques extrémistes, issus des mouvements armés luttant contre l’indépendance de l’Algérie et que … Bref, je ne vais pas tout vous raconter, mais Alain Bron va dérouler son intrigue comme on déroule une pelote de laine … bien sale.

Contrairement à beaucoup de romans historico-contemporains, Alain Bron ne choisit pas de faire des Allers–Retours Présent – Passé mais bien de suivre l’enquête personnelle de Jacques Perrot et s’avère une belle dénonciation de la création de certains mouvements d’extrême droite et leurs financements actuels. De simple roman policier, il nous offre un roman fort intelligent dans la forme et dans le fond, en même temps qu’il est un pur plaisir à lire. Si après ce que je viens de vous dire, vous avez encore des doutes, alors je ne comprends plus rien !

Ne ratez pas l’avis de l’Oncle Paul

Par les rafales de Valentine Imhof

Editeur : Rouergue Noir

C’est indéniablement le billet de mon ami La Petite Souris qui m’a poussé vers ce roman. Quand il dit que ce roman fera partie de ses meilleures lectures de 2018, je ne peux qu’être attiré. Ce roman est incroyable à bien des égards.

4 novembre 2006, Nancy. Dans une chambre d’hôtel, ils sont nus. Elle s’appelle Alex, lui est soi-disant journaliste. Après une brève discussion dans un bar, ils finissent dans une chambre d’hôtel et jouent au jeu de la Vérité : celui qui ment enlève un vêtement. Quand elle ôte son T-shirt, il est ébahi par les innombrables runes tatouées sur son corps. Dans le lit, il veut qu’Alex serre sa cravate pour augmenter son plaisir. Alors elle serre, emplie de haine, comme pour oublier ce qu’elle a vécu dans cette petite cabane. Le cou du type craque, elle est soulagée, elle est sure qu’il était venu la buter.

4 novembre 2006, Metz. Anton entre dans le bar, demande après Alex au patron. Il lui annonce qu’elle est passée ce matin, s’est installée au fond, et a écrit son article sur le concert de Coco Robicheaux. Bien qu’il soit inquiet, il doit se faire une raison, Alex est libre de faire ce qu’elle veut, même si cela fait quelques semaines qu’ils vivent ensemble. Alex est comme sa chatte Pandora : elle disparait pendant un jour, une semaine, mais revient toujours en faisant les yeux doux. Et là, Anton ne peut résister.

4 novembre 2006, Nancy. Alex se réveille ou du moins émerge de son cauchemar couleur THC. Elle vient de tuer un homme, son troisième, lui a fracassé le visage. Elle s’habille à la hâte, descend les marches comme elle peut et attend le bus. Une bande de jeunes tentent de l’aborder, mais elle monte dans le bus en direction de la gare. Elle y débarque à 21H37, quatre minutes avant le dernier train pour Metz. Quand elle arrive, elle prend la direction du bar, se forge un regard de princesse et pousse la porte, qui souffle un air de libération pour Anton.

Pour un premier roman, Par les rafales porte bien son nom, tant il emporte tout sur son passage à la façon d’un ouragan. En prenant comme personnage central une jeune femme maltraitée et devenue paranoïaque, Valentine Imhof joue gros, au risque de lasser ses lecteurs tout au long de ses 280 pages. Et il n’en est rien. On a l’impression de lire de la grande prose, entre description de décors en perdition jusqu’aux situations stressantes, tout cela servi par une bande son de chaque instant flairant le bon, le tout bon dans tous les styles.

Tout tient dans le pari de l’auteure. Elle tente sa chance, joue son va-tout, et dévide son histoire avec passion, d’une façon tout à fait personnelle. Avec ses références culturelles, qu’elles littéraires, musicales, picturales ou cinématographiques, elle nous plonge dans son univers sans regarder en arrière. Et cette course poursuite à travers le temps, après le temps, à travers l’espace, après l’espace, s’avère un pari remarquablement réussi, tant l’écriture est addictive.

Ce roman sent la passion de partager, la rage d’écrire, la volonté de créer et Valentine Imhof nous offre là un sacré moment de roman noir, inimitable car tellement particulier et personnel, que l’on a beaucoup de mal à abandonner tant tout y est bluffant. On en vient même à regretter une fin de roman un peu trop rapide, car on aurait voulu prolonger le plaisir, qu’il ne se termine jamais.

Je pourrais citer beaucoup d’auteurs ayant essayé cet exercice de style, certains réussis, d’autres moins. Je préfère juste vous conseiller de vous jeter sur cet OVLNI (Objet Volant à Lire Non Identifié). Enorme, juste énorme ! Vous n’avez jamais lu un livre pareil !16

En plus de l’avis de la Petite Souris que j’ai inséré en début de billet, ne ratez pas les avis de Nyctalopes et Lectrice en Campagne, ainsi que l’excellente interview de mon ami le Concierge Masqué.

Missing : Germany de Don Winslow

Editeur : Seuil

Traducteur : Philippe Loubat-Delranc

On avait rencontré Fanck Decker dans sa première enquête Missing : New York, un polar musclé introduisant un personnage humain qui recherche des personnes disparues. Le voici de retour dans une deuxième enquête tout aussi musclée.

Franck Decker a connu Charlie Spraghe en Irak, où ils ont combattu ensemble. En tant que Marines, ils se sont promis de s’entraider toute leur vie. Quand Decker reçoit un coup de fil de Spraghe, disant : « Kim a disparu », il accourt à Miami. Charlie Spraghe a fait fortune dans l’immobilier, sa fortune se compte en milliards de dollars. Kim était partie au centre commercial de Merrick Park Village, et elle n’est pas revenue.

Decker et Spraghe se donnent rendez-vous là-bas. Ils trouvent la voiture de Kim mais il n’y a rien dedans, ni papiers, ni téléphone portable. Pas de trace de lutte à l’extérieur. Le centre commercial étant fermé, ils font le tour des bars mais personne ne se rappelle d’une superbe jeune femme blonde. Même sa meilleure amie Sloane ne sait pas où elle est. Une seule solution : contacter les flics. Ils tombent sur le sergent Dolores Delgado.

Decker déroule donc ses recettes : Vérifier les débits sur ses cartes de crédit, le contenu de son ordinateur, mais il fait chou blanc. Spraghe demande alors à Decker de la chercher. Il fouille la chambre de Kim mais ne trouve rien. Dans la salle de bain, il voit quelques traces de sang sur le carrelage. Après s’être assuré que Spraghe n’a pas frappé sa femme, Decker appelle Delgado. Direction le poste de police pour un interrogatoire en règle. Quelques heures plus tard, un corps est signalé.

Je ne peux que vous donner deux conseils qui n’en fait qu’un : courez chez votre libraire préféré pour acheter ce roman et surtout, surtout, ne lisez pas la quatrième de couverture ! Car je trouve qu’elle en dévoile beaucoup trop, et qu’elle dessert la qualité de narration de cette enquête. Car le mot d’ordre est clairement : Vitesse et action. Le maigre résumé que je viens de faire couvre à peine les cinquante premières pages. C’est vous dire si vous allez trouver de nombreux événements tout au long de ces 310 pages.

Vitesse disais-je. Les chapitres dépassent rarement 5 à 6 pages, le style est rapide fait de phrases courtes. Et tout se tient : chaque phrase en appelle une autre, les dialogues claquent. Nous sommes en présence d’un auteur qui clairement maîtrise son genre, et qui ne se prive pas de raconter une histoire contemporaine avec tous les ingrédients qui ont fait le succès des enquêtes de détective privé.

Et puis, on ne peut rester insensible devant Decker et ses cicatrices, ses souvenirs de la guerre, ses regrets d’avoir raté sa vie privée, et sa loyauté envers ses amis mais aussi envers ses propres promesses. On va y trouver ses scènes d’action, extraordinaires cela va sans dire, mais aussi des scènes plus poignantes. On y trouve aussi certaines remarques par moments telles que « les riches n’ont pas de problèmes aux Etats Unis » ainsi que d’autres sur les maltraitances des femmes dans les campagnes.

On peut voir Decker comme un justicier moderne, n’hésitant pas à utiliser tous les moyens pour arriver à ses fins. Avec cette enquête, c’est aussi un témoin lucide qui n’est pas étonnant de voir que tout se vend, même l’impensable. Alors, accrochez vous, le cru 2018 de Don Winslow est très bon, impossible à lâcher. Ce n’est pas au niveau de La griffe du chien ou Cartel, mais c’est un roman d’action que l’on peut placer sans rougir au dessus du panier.

Ne ratez pas les avis de Jean-Marc et Black Cat

 

And the winner 2018 is …

Voici donc le nom du gagnant du concours d’anniversaire pour fêter les 9 ans de Black Novel. Je tiens encore à remercier tous ceux qui passent ici lire mes élucubrations sans oublier les petits mots très gentils que l’on m’a laissés.

Cette année, Le cadeau est Power de Mickaël Mention, publié par les Stéphane Marsan. La quatrième de couverture est celle-ci :

« Ici, comme dans les autres ghettos, pas d’artifice à la Marilyn, ni de mythe à la Kennedy. Ici, c’est la réalité. Celle qui macère, mendie et crève. »

Enlisés au Vietnam, les États-Unis traversent une crise sans précédent : manifestations, émeutes, explosion des violences policières. Vingt millions d’Afro-Américains sont chaque jour livrés à eux-mêmes, discriminés, harcelés. Après l’assassinat de Malcolm X, la communauté noire se déchire entre la haine et la non-violence prônée par Martin Luther King, quand surgit le Black Panther Party : l’organisation défie l’Amérique raciste, armant ses milliers de militants et subvenant aux besoins des ghettos. Une véritable révolution se profile. Le gouvernement déclare alors la guerre aux Black Panthers, une guerre impitoyable qui va bouleverser les vies de Charlene, jeune militante, Neil, officier de police, et Tyrone, infiltré par le FBI. Personne ne sera épargné, à l’image du pays, happé par le chaos des sixties.

Un roman puissant et viscéral, plus que jamais d’actualité.

Vous retrouverez mon avis ici

Je ne vous fais pas languir plus longtemps. Le nom du gagnant est : Gilles Moreau

J’espère que vous prendrez du plaisir à lire, que mes chroniques vous seront utiles pour vos choix de lecture, que vous n’hésiterez pas à me donner vos avis dans les commentaires. Je vous souhaite une nouvelle année pleine de lectures enrichissantes. Et j’adresse toutes mes félicitations au gagnant.

Je n’ai plus qu’à ajouter : Merci à tous, à bientôt et n’oubliez pas le principal : lisez !

Place à l’originalité !

Parfois cela fait du bien de sortir des codes du polar, et de lire des romans en marge. L’avantage, c’est que cela nous laisse des traces, des souvenirs justement parce qu’ils se démarquent de nos lectures. Je vous propose deux romans entrant dans cette catégorie des romans inclassables.

Ciel de traîne de Gilles Vidal

Editeur : Editions Zinedi

Quand on commence un roman de Gilles Vidal, il faut s’attendre à être surpris. Car bien souvent, la forme c’est-à-dire la façon de raconter une histoire s’avère chez cet auteur bigrement originale. C’est une nouvelle fois le cas avec ce roman qui nous présente plusieurs personnages habitant la région de Virelay, une ville française imaginaire. Et il s’y passe d’étranges choses.

Antoine Rouvier a bien déclaré à la police la disparition de sa compagne Josy Gellert, mais cela n’intéresse personne. Puis des coups de téléphone anonymes lui promettent de retrouver la jeune femme. Il est guidé dans un entrepôt dans lequel, évidemment, il ne trouve rien. Désespérant.

Dans les bois autour de Virelay, on y chasse les truffes. Le corps d’un homme égorgé est retrouvé dans les bois, avec dans la main, un os d’oiseau. Le policier Franck Kamensky est en charge de l’enquête et va se retourner vers un ornithologue.

Vincent Appert revient à Virelay, la ville où il y a passé son enfance. Romancier raté, il emménage dans la maison des Sauvard et tombe sur une petite annonce proposant un secrétaire ressemblant à celui qu’il a entrevu dans son enfance.

Voici une petite galerie des personnages que l’on va rencontrer dans ce roman. On va passer d’un personnage à l’autre avec une facilité déconcertante. Chaque chapitre se retrouve donc isolé comme si on lisait des nouvelles. Et on ne peut s’empêcher de penser que le talent de l’auteur rend chaque scène fascinante car redoutable de précision et de justesse.

Surtout, chaque personnage n’a aucun lien avec le suivant, ce qui fait qu’on se demande lors de la lecture où l’auteur veut en venir. Je peux vous dire que c’est déstabilisant, et il faudra attendre le dernier chapitre pour comprendre de quoi il retourne. Plus qu’un exercice de style, ce roman s’avère donc un sacré tour de force et relève un beau défi. Original, je vous dis !

Ne ratez pas l’avis de l’ami Claude

Les retournants de Michel Moatti

Editeur : HC éditions

C’est en aout 1918 que Michel Moatti situe l’action de son dernier roman en date. Et on n’est pas surpris de ce « retournement », lui qui a l’habitude de passer d’un genre à l’autre, d’une époque à l’autre : En aout 1918, la dernière offensive va être lancée contre les troupes allemandes. Mais il n’y a bien que les généraux pour croire encore que ce sera la dernière, car les soldats, eux, qui ont vécu la boucherie de quatre années horribles ont bien du mal à y croire.

Adrien Jansen et Pierre Vasseur ont pris leur décision. Quand les troupes avancent, eux partent à contre-sens. Ils ont choisi la vie de lâche à la mort en héros. Comme tous les déserteurs, ils vont prendre la direction exactement opposée de l’armée. Les deux hommes se connaissent peu, et quand ils rencontrent un gendarme, Jansen va se rendre compte que Vasseur prend du plaisir à tuer : il fait équipe avec un psychopathe.

Je n’ai pas été surpris par le talent de Michel Moatti à peindre les ambiances. Nous quittons donc le bruit des canons et les gémissements des hommes qui meurent pour le silence de la campagne. Malgré un sujet pareil, qui rappelle un peu le Prix Goncourt de Pierre Lemaitre, Michel Moatti met l’accent sur ce qui se passe loin du front, le manque de nourriture, le marché noir, l’ignorance des gens, l’importance de la propagande … et surtout la vie de ces gens qui, après quatre ans, commencent aussi à douter du bien-fondé de cette guerre.

Puis nos deux hommes arrivent dans un château, après être passés par quelques villages et s’être créés une nouvelle identité de médecins. A partir de là, l’ambiance devient étrange entre le patriarche malade, la fille malade de la tête et la bonne qui aimerait bien que ces hommes restent. C’est probablement à partir de ce moment là que j’ai ressenti un manque. Je m’explique :

Michel Moatti nous propose plein de thèmes, pleins de possibilités avec son histoire et ses événements mais il n’en creuse aucun. Il se place avec beaucoup de recul en tant que conteur. Il en est de même avec le Chien de Sang, ce lieutenant chargé de poursuivre les déserteurs. Quel personnage génial ! Michel Moatti va l’évoquer pendant quelques chapitres (3 ou 4) alors qu’il aurait pu en faire un facteur de stress supplémentaire dans une histoire finalement bien calme.

Il m’aura fallu attendre les dernières pages et les remerciements et explications de l’auteur pour comprendre pourquoi il avait écrit ce livre. Et ce passage-là, très personnel, est très émouvant. Et si je l’avais lu avant, j’aurais apprécié différemment le roman. Car au bout du compte, je le trouve bigrement attachant. Je pense que la mention Thriller de la couverture dessert aussi le contenu. Donc mon conseil est de lire les explications de l’auteur avant d’attaquer le livre, et vous serez transporté par ce conte.

Ne ratez pas l’avis de Jean le Belge

 

Sœurs de Bernard Minier

Editeur : XO éditions

Pour ceux qui ont lu Glacé et Le Cercle, Bernard Minier est devenu une figure du polar français. Il a introduit dans le paysage français des ambiances qui, rein qu’avec quelques mots bien trouvés, créent une ambiance angoissante. Mais il n’y a pas que ça : les intrigues sont redoutablement bien montées. Bref, c’est du divertissement Haut de Gamme. Et c’est encore le cas avec son dernier opus en date.

« Immense, énorme, la forêt s’étendait devant elles … ».

1988. Ainsi comme le roman, deux sœurs s’enfoncent dans une forêt. Au départ, on croit qu’elles veulent se faire peur, ce qui est normal pour des jeunes filles de 15 et 16 ans. En fait, Ambre et Alice ont rendez-vous avec un personnage sombre, et ont amené des robes ressemblant aux habits de communiantes. Elles sont venues rencontrer Erik Lang, auteur de thrillers à succès, dont elles sont les plus grandes fans.

1989. A l’heure où les gens dorment encore, François-Régis Bercot file sur l’eau de la Garonne, pour s’octroyer quelques heures de sport intense, tendu sur son aviron. Quand il passe devant l’île du Grand Ramier, il aperçoit deux taches blanches. Il décide d’approcher et aperçoit deux corps ligotés à deux arbres, face à face, deux jeunes filles habillées en robe de communiantes.

1989. Martin Servaz essaie d’oublier le suicide de son père, quatre ans auparavant. Mais même sa femme Alexandra ou sa fille Margot n’arrivent pas à lui enlever ce poids. Il vient de débarquer tout frais émoulu de l’école de Cannes-Écluse dans le service de Kovalski. Tout le service apprécie peu ce jeune qui sait tout, ne dit rien, et plein d’illusions dans le métier de flic. Ce double meurtre va être sa première enquête … et va avoir des répercutions inattendues 25 années plus tard.

Dans mon sobre et court résumé, j’ai volontairement omis les détails de l’enquête car cela va donc vous obliger à acheter ce roman. Et surtout, cela va m’éviter d’en dire trop, ou de placer un détail qui pourrait vous mettre sur la trace …

Bernard Minier a donc décidé dans le premier tiers du roman de présenter Martin Servaz jeune, aux prises avec plusieurs problèmes, qu’ils soient personnels, affectueux ou professionnels. Dans ce démarrage, on trouve un Servaz bien différent de ce qu’il deviendra par la suite, pensant faire respecter l’ordre et suivant le règlement à la lettre. C’est un beau clin d’œil que Bernard Minier fait à ses fans. A mon avis, il lui restera à nous montrer par la suite comment il est devenu solitaire et jusqu’au-boutiste comme un loup enragé.

Le deuxième personnage fort de ce roman est incontestablement Erik Lang, auteur de thrillers horrifiques à succès, personnage adulé par ses fans, mais désagréable, distant et mystérieux. Doit-on confondre un auteur avec ses écrits ? Les fans ont-ils un quelconque droit sur un auteur, quitte à dépasser ses écrits ? Tous les auteurs se sont penchés sur la relation qu’ils peuvent avoir avec leurs lecteurs, mais aussi avec le fait de créer. Ici, Bernard Minier ne spolie pas Stephen King et son génial Misery, mais penche plutôt vers un personnage désagréable et malgré cela adulé.

Dans le deuxième tiers, retour au présent et un nouveau duel entre Servaz et Erik Lang. Servaz apparaît plus expérimenté, ne se laissant pas aller à un quelconque ressentiment, et Erik Lang, qui a atteint la soixantaine, devient la victime. Changement d’époque, changement de décor et changement de scénario. Mais toujours avec autant de passion, de réussite et de surprises. Dans le troisième tiers, nous avons droit à une apothéose comme j’en ai rarement lue : Une scène d’interrogatoire de plus de 100 pages, tout simplement géniale. A nouveau, Bernard Minier nous dévoile ses cartes, et s’amuse à détruire le château que nous avions patiemment construit. Quel talent dans ce retournement de situation final, pour nous démontrer que lz solution n’est pas celle que nous avions imaginée !

Enfin, ne croyez pas que Bernard Minier a abandonné son art de créer l’angoisse par les ambiances. Il a l’art de créer une scène et nous y plonger en nous faisant passer des frissons fort désagréables. Et c’est tellement bon ! Sur quelques unes d’entre elles, on comprend comment il construit ses scènes, prenant un soin particulier pour créer l’ambiance, les lieux, les bruits, avant de lancer son personnage. Mais cela n’altère en rien le pur plaisir de lecture qu’il nous offre une nouvelle fois avec ce nouveau roman. Bernard Minier est décidément trop fort.

Ne ratez pas l’avis de Yvan