Le chouchou du mois de janvier 2019

Allez, on redémarre pour une nouvelle année après une année 2018 fort réjouissante pour les découvertes de polars. Evidemment, je vous souhaite une excellente année 2019 pleines de lectures fantastiques !

Comme ont pu le constater les fidèles du blog, les chroniques de ce mois ont beaucoup concerné des romans au format de poche et des lectures de 2018. Le seul roman de cette rentrée littéraire étant Dix petites poupées de B.A Paris (Hugo & Cie), où cette auteure britannique arrive encore une fois à nous surprendre dans un polar psychologique ayant pour cadre la famille et le couple. Je suis fan !

L’année 2018 s’est bien mal terminée, avec la disparition soudaine de Claude Mesplède, le pape du polar, le père des blogueurs. J’ai décidé de lui dédier mes chronique Oldies de 2019, en les consacrant à la Série Noire de Gallimard, collection qu’il appréciait tant. J’ai chroniqué ce mois-ci La danse de l’ours de James Crumley, nouvellement réédité par les éditions Gallmeister, un roman qui commence simplement et qui s’avère une enquête furieuse.

Le mois de janvier, c’est aussi le mois de mon anniversaire. Je n’avais pas prévu de publier un billet mais mon amie Suzie m’a fait un cadeau en parlant des 7 jours du Talion de Patrick Senécal (Fleuve Noir), un thriller qui pose la question de la différence entre justice et vengeance, un roman à lire.

Je me lance des challenges dans mes lectures. J’ai décidé de lire La compagnie des glaces de GJ.Arnaud (French Pulp), et j’ai de quoi faire. Les tomes 7 et 8 s’appellent Le gnome halluciné et La compagnie de la banquise et ce sont deux excellents romans à la fois foisonnants et passionnants, qui relancent la série vers des contrées inexplorées. J’ai hâte de continuer !

J’ai aussi fini de lire les aventures de Charlie Parker, le détective récurrent inventé par John Connolly. Je suis à jour de ses romans quant à leur parution en format poche avec mon avis sur Le chant des dunes de John Connoly (Pocket). Encore une fois c’est un très bon thriller, où notre héros, mal en point, a affaire avec des nazis.

Je me suis lancé dans un nouveau challenge, aussi : lire ou relire les aventures de Bob Morane. Comme il y en a beaucoup, je vais me limiter au combat entre notre héros préféré et l’Ombre Jaune, l’un de ses ennemis les plus marquants. La couronne de Golconde d’Henri Vernes (Marabout) est un roman d’aventure exotique qui vaut surtout pour la première rencontre entre les deux personnages et son style imagé, simple et passionnant.

Je continue mon implication dans le Grand Prix des Balais d’Or, en tant que juré, organisé par mon ami Richard Contin. Dans ce cadre, j’ai chroniqué deux excellents polars, très différents, mais qui valent très largement le détour. Etoile morte d’Ivan Zinberg (Points) possède un scénario redoutablement bien construit et nous montre l’envers du décor du cinéma pornographique extrême, avec deux personnages principaux que l’on a envie de suivre. L’essence du mal de Luca d’Andrea (Folio) est un premier roman attachant, à l’atmosphère énigmatique et stressante qui met en scène un scénariste de reportages documentaires en train de se reconstruire et aux prises avec un mystérieux massacre dans les montagnes italiennes ; c’est une grande réussite.

Pour rester dans le noir, Enfermé-e de Jacques Saussey (French Pulp) est un roman orphelin de cet auteur prolifique que j’adore. Depuis quelques romans, Jacques Saussey vire dans une veine plus noire et plus violente. Ce roman parle et défend la cause des Trans-genres, en ne nous épargnant pas les tortures subies par son personnage principal. Lêle s’il faut s’accrocher, c’est un roman important.

Dans le veine Violence à gogo, quoi de mieux que de placer une intrigue en Afrique du Sud, l’un des pays les plus meurtriers du monde ? Avec La mort selon Turner de Tim Willocks (Sonatine), l’auteur nous montre grâce à une intrigue simple, la lutte entre les riches et les pauvres avec un personnage de flic droit et intègre. Duel au sommet et au soleil, si on peut penser à une aventure d’un Rambo moderne, il n’en reste pas moins que la tension est omniprésente.

Une secrétaire de Jérémy Bouquin (French Pulp) est le dernier roman en date de cet auteur que je défends. Conçu comme un hommage envers ses auteurs fétiches (Dantec, Palaniuck, Orwell) mais aussi envers les petites gens qui construisent leur vie comme ils le peuvent, ce roman à l’intrigue mi-policière, mi-fantastique se lit comme du petit lait.

Santiago Quinones, voilà un personnage que je suis grâce à la plume magique de son auteur. Sa troisième enquête La légende de Santiago de Boris Quercia (Asphalte) est d’une noirceur sans fond, et elle nous montre la descente aux enfers de notre inspecteur favori. C’est un roman noir énorme, rare. Et c’est mon premier chouchou !

Mon deuxième titre de chouchou revient à Brasier noir de Greg Iles (Actes sud), le pavé du mois. 1040 pages pour une intrigue se déroulant en 2005 dans le Sud des Etats-Unis. Le format ne doit pas rebuter tant le savoir faire pour passionner le lecteur est impressionnant. Quel talent pour démontrer l’importance et la puissance du Ku Klux Klan encore de nos jours, quel plaisir on prend à dévorer, quelle force émotionnelle passe à chaque chapitre. J’ai été totalement bluffé par ce roman.

Deux chouchous pour bien démarrer l’année, que demander de mieux ?

J’espère que mes avis vous auront aidé dans vos choix de lecture. Je vous donne rendez-vous le mois prochain pour un nouveau titre de chouchou. En attendant, n’oubliez pas le principal, lisez !

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Une secrétaire de Jérémy Bouquin

Editeur : French Pulp

Sortir un roman une semaine avant les fêtes de Noël est indéniablement une bonne façon de passer inaperçu. C’est le désagrément qu’a subi le dernier roman en date de Jérémy Bouquin, dont on n’a entendu parler nulle part. Alors, j’en parle …

Emilie a la quarantaine et a toujours rêvé de devenir profileuse. Mais la vie ne nous conduit pas toujours là où on veut. Elle a eu un mari, un enfant Antonin. Quand son mari s’est suicidé, elle est retournée chez son père et a du assumer la charge du foyer. Aujourd’hui, Antonin est un ado accro aux jeux sur Smartphone, et son père, atteint par la maladie d’Alzheimer, perd la mémoire.

Elle suit les cours de criminologie de Jacques Durand, une pointure du domaine. Pour arrondir ses fins de mois, elle fait pour lui des fiches de lecture sur des ouvrages traitant de meurtres en série, qu’il utilise de son coté pour dorer sa réputation d’expert international. Lui récupère les lauriers du travail d’Emilie. Il faut dire qu’avec son physique ingrat, elle a du mal à s’imposer.

Quand Jacques Durand lui parle d’un travail de secrétaire chez le juge Tarmon, elle n’hésite pas. Il s’agit de tester un nouveau logiciel capable de compiler des millions de données pour offrir de nouvelles pistes dans des affaires criminelles ou de détecter des incohérences. Ce qui est fantastique, c’est que la machine apprend elle-même. Le juge Tarmon accepte de tester la machine … et Emilie, et prend comme cas test la disparition de la petite Manon, l’affaire qui fait grand bruit en ce moment.

Ah ! que j’aime le style de Jérémy Bouquin ! Que j’aime ses phrases courtes ! Que j’aime son rythme ! Que j’aime aussi ses personnages ! ça claque, ça va vite et les scènes s’alignent avec du une célérité qui pour moi est très agréable. On n’y trouve pas de grandes descriptions, juste le strict minimum pour nous plonger dans un décor et nous parler de la psychologie des personnages.

Après Une femme de ménage, nous voici donc avec Une secrétaire et c’est une bonne façon de montrer la vie des petites gens, qui doivent bosser comme des fous et s’occuper en plus de leur famille. La vie d’Emilie, de ce point de vue là, est bien difficile, entre son fils qui passe ses journées sur sa tablette et son père atteint d’Alzheimer. A coté, elle doit travailler pour ramener de l’argent et donc s’absenter beaucoup en laissant derrière elle ses deux phénomènes en qui elle ne peut avoir confiance. Il n’est pas question pour Jérémy Bouquin de s’appesantir sur ce contexte mais il l’utilise pour mettre un peu plus de pression sur son personnage tout en marquant bien la difficulté de la vie moderne.

Cette histoire fait montre d’une belle originalité puisque Emilie va être chargée de rentrer les données dans un logiciel intelligent. C’est un sujet bien casse-gueule car cela aurait pu être ennuyeux. Que nenni ! Jérémy Bouquin va insérer dans son intrigue la passion d’Emilie et des rebondissements, qui vont nous faire avancer au rythme des découvertes d’Emilie. Et puis, petit à petit le logiciel va prendre une importance de plus en plus importante, menant même l’enquête par ses questions ciblées. On passe alors dans un domaine fantastique qui n’est pas sans rappeler les thèmes chers à Stephen King.

Et ce n’est pas la seule référence que l’on va trouver. L’intrigue fait penser aux Racines du Mal de Maurice Dantec, qui est d’ailleurs cité dans un dialogue, ainsi qu’un bel hommage global à 1984 de George Orwell. Quant à la fin, et sans vouloir vous en dire plus, elle nous fait penser à Fight Club de Chuck Palahniuk. On y trouve aussi Benoit Minville qui fait une apparition. Ne vous y trompez pas, ces références n’étouffent pas le roman, elles ne sont pas là pour pallier un manque dans le scénario. C’est plutôt une volonté de l’auteur de souligner ses goûts. L’auteur s’amuse même à évoquer ses autres romans (j’ai relevé La Meute, excellent roman à lire).

Plus le roman avance, plus la tension va monter. La situation va se complexifier pour Emilie, qui est définitivement intenable. Tout cela va débouler sur une fin apocalyptique, un peu trop rapide à mon gout, sans pour autant donner toutes les clés de l’intrigue. Comme c’est une trilogie, on peut s’attendre encore à de sacrés rebondissements dans le prochain tome. Vivement la suite !

La chronique de Suzie : Les 7 jours du Talion de Patrick Senécal

Editeur : Fleuve Noir

Bonjour amis lecteurs. Me voici de retour à la surface. Je suis remontée car une drôle de musique est parvenue jusqu’à moi. L’entendez-vous.? Elle est plus forte à ce niveau. Ça fait « Joyeux anniversaire, joyeux anniversaire, joyeux anniversaire, … »

Mais, bien sur. Aujourd’hui est un jour important dans la vie de notre hôte. C’est le jour de son anniversaire.

Donc permettez-moi de souhaiter un joyeux anniversaire à Pierre. Que cette nouvelle année lui propose de nombreux bonheurs littéraires et surtout des coups de cœur extraordinaires.

Du coup, je vais profiter de cette sortie inopinée pour vous parler de ma dernière lecture : « les 7 jours du talion » de Patrick Senécal.

Patrick Senécal, pour ceux qui ne le connaissent pas, est un auteur québécois qui possède une vingtaine de livres à son actif. Celui-ci est le cinquième à être publié en France (semblerait-il). Mais, ce roman a été publié en 2002, puis réédité en 2010 au Canada. La réédition correspond à l’adaptation du livre en film, scénarisé par l’auteur, sous le même titre avec quelques différences entre les deux supports.

Mais, retournons au livre, et en particulier vers la couverture. La couverture canadienne du format poche est très explicite. On y découvre un jeune homme blond, tête penchée, attaché à des chaines, au plafond par les poignets et un homme, de coté, dont on n’aperçoit qu’une jambe et un bras portant une masse. La couverture française est beaucoup plus sombre et plus sobre. Elle va jouer sur l’implicite au niveau des couleurs. Le titre est mis en avant avec une police orangé sur un fond sombre représentant une forêt et une maison. L’ensemble projette une ambiance de terreur et d’horreur. Les deux couvertures font leur effet et atteignent leur objectif.

Au niveau du synopsis, celui-ci est simple. Ce sont les implications et les conséquences qui vont se révéler complexes.

Lorsqu’il constate l’assassinat de sa fille unique Jasmine, à la sortie de l’école, Bruno Hamel, quadragénaire, chirurgien, voit son monde basculer. Incapable de pleurer, il essaie de faire son deuil. Jusqu’au moment où il apprend que son assassin a été arrêté. A partir de ce moment, Bruno Hamel va tout mettre en œuvre pour kidnapper ce « monstre ». Il va l’emprisonner et le torturer pendant sept jours jusqu’à sa mort, le dernier jour. Ira-t-il jusqu’au bout?

L’histoire va être structurée en huit parties. La première qui détaille la cause, le plan et l’enlèvement. Les sept autres correspondront à chacun des jours du décompte. Le synopsis va tourner autour de Bruno Hamel mais également d’un autre personnage qui est le sergent-détective Mercure. Ce dernier peut être considéré comme son alter-ego. A tour de rôle, ces deux personnages vont exprimer leurs pensées ainsi que leurs doutes. Ils ont un point commun qui les rapproche mais ils ont pris des directions différentes. Enfin, le fait de kidnapper et de torturer un « monstre » va engendrer des problèmes sociétaux. Faut-il considérer ce personnage comme une victime et déployer toutes les forces possibles ou laisser la justice personnelle s’en charger. Dans quel camp, vous rangeriez-vous? Et, si on laisse dériver, est-il encore possible de parler de justice?

Le personnage de Bruno Hamel est un personnage troublant car il ressemble à monsieur tout le monde, avec certes, plus de moyens. Mais, il est un père aimant qui ferait tout pour sa fille unique, ayant des émotions et pas aussi calme que l’on pourrait l’envisager. Il a également un coté impulsif qui apparaît sous certaines conditions. Après avoir appris le nom du meurtrier, il va se conditionner pour pouvoir accomplir ce qu’il pense devoir être fait. On a l’impression d’être face à un robot méthodique, sans émotion, qui suit le programme qui a été prévu pour lui.

Des failles vont apparaître lors de l’humanisation du « monstre ». C’est pour cela qu’il ne veut connaitre aucun renseignement sur sa victime. Enfin, bien que son plan soit axé sur la torture physique, il va découvrir que la torture psychologique est tout aussi gratifiante et synonyme d’horreur. L’espoir peut vous entraîner en enfer.

L’autre figure forte de ce roman est le sergent-détective Mercure. Celui-ci a tendance à compiler les informations qu’il récolte et à tomber juste, assez souvent. Il est calme et prend son temps pour comprendre. Il ne se précipite pas. Il a un profil similaire à celui de Bruno Hamel mais en restant humain. D’autres protagonistes secondaires vont faire avancer l’histoire dans un sens ou dans un autre, prendre parti pour un camp ou l’autre. Rien n’est blanc ou noir. On a juste une sélection de gris. Enfin, il y a une œuvre artistique qui va jouer un rôle important dans cette histoire et expliquer certains points. Laquelle? Je peux juste vous dire qu’elle est immense et que le fait de la voir est impressionnant et déconcertant.

Lorsque j’ai commencé à lire ce livre, bizarrement, l’histoire d’un film est apparue à mon esprit : « Prisoners » de Denis Villeneuve qui est également un film québécois. Quelle attitude adopterions-nous dans ce cas de figure? Je ne sais pas. Il y a une phrase dite par un personnage qui expose les différents types de monstres. Je vous laisse le plaisir de la découvrir dans son contexte original.

La question que se pose ce livre est de savoir si le personnage de Bruno va aller au bout de ses convictions ou s’il va s’arrêter avant, pris de remords ? Qu’est ce que la culpabilité, comment l’assumer? Comment vivre après un tel traumatisme? Un deuxième point va être également traité : la déshumanisation du monstre. Dans les différents films ou épisodes de séries ainsi que les livres que j’ai vu ou lu (dans la réalité, je ne sais pas si c’est le cas), on vous explique que le fait d’appeler une personne par son nom, sa qualité permet de l’ancrer dans un contexte précis et de ne pas la considérer comme une chose. Dans le cas de ce livre, le protagoniste principal fait l’inverse. Pourquoi à votre avis? Enfin, une des clés qui permet de comprendre le comportement de Bruno est représentée par un autre personnage … Je n’en dis pas plus.

C’est un livre que j’ai lu d’une traite. Le personnage de Bruno est une personne lambda qui pourrait être n’importe quel quidam. Mais, le cerveau humain peut entraîner des comportements erratiques lorsque celui-ci est soumis à un très fort traumatisme. On n’est pas égaux devant les traumatismes et la psyché se protège comme elle peut, quitte à accomplir des actes ignobles. Que feriez-vous à sa place?

Sur cette conclusion, je retourne à mon antre en souhaitant de nouveau un joyeux anniversaire à mon cher hôte. Je reviendrai prochainement avec une nouvelle lecture. A bientôt.

Brasier noir de Greg Iles

Editeur : Actes Sud

Traductrice : Aurélie Tronchet

Le Père Noël est une des personnes que je vénère le plus au monde. Il a le bon goût de me ramener chaque année des kilogrammes de pages à lire. Cette année, si la masse était aussi imposante que les autres années, le nombre de romans était moins important, à cause ou grâce au Brasier noir de Greg Iles. Presque 1050 pages vont nous plonger dans les années 60, au Mississipi et nous montrer l’importance et l’influence du Ku Klux Klan sur la vie américaine.

Natchez, Mississipi, 1964. Après avoir servi comme cuisinier pendant la seconde guerre mondiale, Albert Norris est revenu dans sa ville natale et y a ouvert un magasin d’instruments de musique. Noir de peau, son activité est respectée de tous et il accueille des jeunes pour qu’ils s’entraînent ou pour accorder leurs instruments. Albert permet aussi à des « couples illégitimes » noir/blanc de profiter de la petite pièce au fond de la boutique, au nom de l’amour.

C’est un bruit de verre cassé qui le réveille cette nuit là. En descendant à la boutique, il voit deux hommes en train de déverser des bidons d’essence dans la boutique. Ils veulent qu’il leur disent où est le jeune noir Pooky Wilson, qui retrouve parfois Katy Royal, la fille du magnat du pétrole et propriétaire de la compagnie d’assurances du coin. Albert ne sait que répondre. Alors les deux jeunes mettent le feu et retrouvent un troisième homme dehors : ils regardent la boutique partir en fumée et Albert mourir dans les flammes.

22 jours plus tard, Frank Knox, Sonny Thornfield, Glenn Morehouse et Snake Knox travaillent à l’usine de piles Triton. Ils en ont marre des noirs, des juifs et de la politique des Etats Unis qui part à vau l’eau. Ils décident de créer un groupe extrémiste plus violent encore que le Ku Klux Klan, les Aigles Bicéphales, qui sera financé par Brody Royal. Leur signe distinctif sera une pièce de monnaie trouée d’une balle pour la porter autour du cou. La cible finale des Aigles est JFK, son frère Robert Kennedy et Martin Luther King.

Natchez, Mississipi, 31 mars 1968. Cela fait deux ans que Frank est mort au Vietnam, mais les Aigles Bicéphales sont plus que jamais vivants. Snake, son frère en a pris la tête. Sonny et Snake kidnappent deux activistes noirs Luther Davis et Jimmy Revels pour les droits civiques et les emmènent vers un endroit appelé L’arbre des morts où ils les assassinent. Ils est vrai qu’ils n’en sont pas à un méfait près, puisqu’ils comptent à leur compteur plusieurs meurtres et le viol de Viola Revels, la secrétaire du docteur Tom Cage.

Trente sept ans plus tard, en 2005. Viola Turner (elle s’est mariée à Chicago et a eu un enfant) qui a fui à Chicago suite à son viol revient dans sa ville natale pour y mourir ; elle est atteinte d’un cancer incurable. Tom Cage va rendre visite à son ancienne secrétaire tous les jours. Le fils de Tom est maire de Natchez depuis quelques années. Ancien avocat, il essaie d’être juste pour sa population, et prend soin de son père, qui a fait une crise cardiaque quelques années auparavant.

Le corps de Viola est retrouvé dans sa chambre. Elle a fini par succomber à son cancer. Shad Johnson, le pire ennemi de Penn Cage l’appelle et lui annonce qu’il a dans son bureau un homme qui veut qu’on arrête son père pour meurtre. Cet homme n’est autre que Lincoln Turner, le fils de Viola, et assure que Tom a aidé Viola à terminer sa vie par un suicide assisté. Cette affaire va remuer de bien vieilles affaires monstrueuses …

La taille du roman ne doit pas vous faire peur. Ce n’est pas parce que ce roman fait 1050 pages que vous devez passer votre chemin. Au contraire, ce roman, par son format, va permettre de montrer la force et l’emprise du Ku Klux Klan sur la vie du Sud des Etats Unis, à tous les niveaux, à un point que l’on peut envisager mais ne surement pas croire. Avec ce roman là, vous allez perdre vos illusions et vos espoirs devant l’ampleur de l’intrigue et de ce qu’elle nous montre.

Je ne connaissais pas Greg Iles, n’ayant jamais lu un de ses romans, mais je dois dire que cet auteur est très doué pour planter un décor et décrire la psychologie humaine. Et avec un sujet pareil, son roman devient passionnant et, en un mot, impossible à lâcher. Car la force et la grande qualité de ce roman, c’est d’avoir descendu son intrigue au niveau des personnages, et d’en faire un roman humain plus qu’un simple polar mené par son scénario.

Et des personnages, on va en suivre un certain nombre dans ce roman, dont tous sont formidables. Au centre, on trouve Penn Cage, qui va se débattre comme un beau diable pour sauver son père, puis sa famille. Penn est en ménage avec Caitlin, grande reportrice qui a remporté le Prix Pulitzer. Tom Cage, quant à lui, va choisir de garder le silence, comme il en a le droit, mais il va semer le doute sur son innocence. Henry Sexton, reporter local, mène sa croisade personnelle contre les Aigles bicéphales et va voir dans cette affaire l’occasion de dénicher l’erreur qui lui permettra de faire tomber Brody Royal. Brody, en voilà un méchant extraordinaire, auquel on peut rajouter les Aigles vivant encore en 2005. Il y a aussi Shad, le procureur, obstiné dans sa quête de faire tomber Tom et par là même Penn ou bien subit-il des pressions ? Et je pourrais continuer cette liste longtemps …

Car la force de ce roman est là : un scénario en béton armé mais surtout une histoire que Greg Iles a choisi de raconter à hauteur d’homme, enchaînant les chapitres consacré à un personnage (sans en faire un roman choral), en décidant de rester humain. Et peu importe le nombre de chapitres, le nombre de pages ou le nombre de rebondissements, quand c’est humainement écrit, c’est passionnant et impossible à lâcher. C’est incroyable, le nombre de scène dont la puissance de force émotionnelle vous arrache des larmes, des sourires ou même des cris de rage.

Car le sujet est aussi révoltant que la forme est émotionnelle : Les arrangements entre amis, le racisme évidemment et les actions du Ku Klux Klan. Mais il y a bien plus encore : Ces exactions existent encore aujourd’hui. Et ces hommes ont tous les pouvoirs, presque jusqu’à la plus haute marche (quoiqu’on puisse se demander qui a fait élire Donald Trump !). Ces gens là détiennent la police, ou plutôt les polices, les médias, la justice et les politiciens. C’est un roman à l’ampleur rare, d’une ambition démesurée, qui a été rendu possible grâce à la passion que l’auteur a su y insuffler. Un roman à ranger aux cotés de ceux de James Ellroy dont il n’a pas à rougir. Oui, oui, à ce point là.

Ne ratez pas les avis de Wollanup et Isis

Dix petites poupées de BA.Paris

Editeur : Hugo & Cie

Traducteur : Vincent Guilluy

Après Derrière les portes et Défaillances, voici le dernier roman en date de BA.Paris, cette jeune auteure qui a débarqué il y a deux ans avec des intrigues fouillant l’intimité des couples. Une nouvelle fois, c’est un roman psychologique réussi.

Finn et Layla s’aiment comme rarement un couple le vit. De retour de vacances à Megève, ils s’arrêtent sur un parking de l’autoroute A1 pour une pause. Finn prend une pause alors que Layla va aux toilettes. Mais Layla se fait attendre. Finn déplace la voiture vers les toilettes, puis, à force d’attendre, va se renseigner en l’appelant. Personne ne répond. Quand il entre, il n’y a personne. Il la cherche puis va à la prochaine station service pour appeler la police. Layla a disparu. Voilà comment cela s’est passé. Voilà du moins ce que Finn a raconté à la police.

Il s’est passé tant de choses en 12 ans. Layla n’est jamais reparue, son corps n’a jamais été retrouvé. Harry, l’ami de Finn, a tout fait pour l’aider, le soutenir. Depuis, ils travaillent dans une entreprise d’investissements. Finn a surmonté sa peine et a rencontré la sœur de Layla, Ellen. Ils vivent ensemble maintenant, dans une maison à coté de Londres. Tout va bien pour lui, jusqu’à ce qu’une poupée russe apparaisse sur le mur de l’entrée, entourant la maison.

Ces poupées ont une histoire : quand Layla et Ellen étaient jeunes, elles avaient chacun leur lot de poupées russes. Mais Ellen a perdu la plus petite d’entre elles et a accusé sa sœur de l’avoir volé. Quelques jours plus tard, une deuxième poupée apparaît, sur le pare brise de la voiture … puis une troisième … puis une quatrième. Cela devient vite obsédant, entêtant, inquiétant … à devenir fou pour Finn.

C’est déjà le troisième roman de BA.Paris, et le contexte reste toujours le même : Nous allons suivre un couple et ses difficultés, jusqu’à aboutir à une conclusion que l’on ne voit venir que les dernières dizaines de pages. C’est donc à nouveau un roman psychologique, pendant lequel nous allons suivre Finn et ses mensonges, Finn et ses atermoiements, Finn et ses sentiments, Finn et ses hésitations, Finn et ses décisions, du moins dans la première partie.

Le roman est donc construit en trois parties, et je ne vous parlerai que de la première, pour ne pas déflorer l’intrigue. Car la construction est redoutablement vicieuse, pour nous mener en bateau … même si dans la troisième, les pièces du puzzle se mettent en place et qu’on arrive à deviner le pourquoi de l’intrigue à une cinquantaine de pages de la fin. Et cela nous fait passer un sacré moment de stress.

C’est bien dans la façon de construire son histoire que réside l’intérêt de ce roman. Dès le premier chapitre, Finn nous dit ce qu’il a raconté à la police suite à la disparition de Layla et il termine en avouant qu’il a menti. Les chapitres sont entrecoupés de passages en italique, dont on va comprendre qu’il s’agit d’une lettre que Finn a écrit à Layla, juste après sa disparition. BA. Paris nous prend par le bout du nez et on n’a pas le temps de respirer ni de se poser de questions.

Dans la deuxième partie, il va y avoir un gros retournement de situation, qui fait que nous sommes bousculés dans nos certitudes. Toutes les hypothèses échafaudées auparavant tombent à l’eau. C’est tellement bien fait qu’on se laisse malmener au rythme cardiaque de Finn qui n’y comprend plus rien. Et là où c’est fort, c’est qu’on ne commence à se poser des questions que quand Finn se remet en cause.

C’est donc une nouvelle réussite de cette auteure décidément surprenante. Son style est toujours aussi simple, aussi fluide, un peu moins basique que dans ses deux précédents romans. Et je vous garantis que ce roman procure des émotions simples telles que le stress, l’étonnement, le questionnement et on en tire du plaisir, celui de lire une bonne histoire qui fait passer un bon moment.

Le chant des dunes de John Connolly

Editeur : Presses de la cité (Grand Format) ; Pocket (Poche)

Traducteur : Jacques Martinache

Je continue mon exploration de l’univers de Charlie Parker avec sa quatorzième enquête. Une nouvelle fois, John Connolly nous enchante avec cet excellent thriller. La liste des billets chroniqués sur Black Novel sur Charlie Parker est à la fin.

Quatrième de couverture :

Pour se remettre de l’attentat qui a failli lui coûter la vie, le détective privé Charlie Parker s’est retiré à Boreas, un coin isolé sur la côte, dans le Maine. Diminué, meurtri, il tente de reprendre des forces et occupe ses journées à arpenter la plage. Mais la découverte d’un noyé trouble sa convalescence.

Suicide ? Accident ? Ou crime ? Alors que le mort porte sur l’avant-bras des chiffres tatoués évoquant un horrible passé et que la voisine juive de Parker reçoit elle-même des menaces, la question se pose. Et est-ce une coïncidence si, quelques jours plus tard, une famille entière se fait massacrer non loin de là ? L’heure de la retraite n’a pas encore sonné : Charlie Parker doit agir.

Mon avis :

Après le précédent tome où Charlie Parker a terminé à l’état de cadavre ambulant, l’intrigue démarre donc avec notre détective préféré en convalescence dans une station balnéaire calme et tranquille. Angel et Louis vont assurer la sécurité de cette maison isolée sur la plage, n’ayant pour seul voisin qu’une femme et sa fille. Le corps d’un homme nommé Perlman est repêché non loin et d’autres meurtres ont lieu dans les environs. Il semblerait que le Mal rôde.

Comme je l’ai dit précédemment, John Connolly a trouvé son style, son rythme et nous sert des thrillers passionnants à suivre. Charlie Parker ayant voué sa vie à la lutte contre le Mal, il fallait bien que l’auteur se penche sur le cas de la Shoah. Et il en profite pour mettre en évidence que les Nazis étaient aussi des voleurs de grand chemin, rançonnant les juifs en échange de la vie sauve pour leur famille. Et c’est un sujet que je n’avais jamais lu et que les Américains ne connaissaient probablement pas non plus.

On retrouve dans ce roman ce qui fait l’attrait de cette série : des méchants extraordinaires (Steiger le lépreux ou l’homme puzzle), de l’humour froid (avec Angel et Louis ou même les frères Fulci) et cette manière inimitable de faire des digressions pour introduire ses personnages secondaires, sans oublier des scènes stressantes tellement visuelles. J’y ajouterai un autre thème qui est les pouvoirs de la fille de Charlie Parker, Samantha, et qui laissent augurer de fantastiques aventures à venir.

Ce chant des dunes est à nouveau une très bonne aventure, jouant avec les genres, entre roman policier, thriller, fantastique et humour. Du très bon divertissement intelligent en somme.

Les enquêtes de Charlie Parker dans l’ordre de parution sur Black Novel sont :

Tout ce qui meurt

Laissez toute espérance …

Le Pouvoir des ténèbres

Le Baiser de Caïn

La Maison des miroirs

L’Ange noir

La Proie des ombres

Les anges de la nuit

L’empreinte des amants

Les murmures

La nuit des corbeaux

La colère des anges

Sous l’emprise des ombres

Des poches pleines de poches

Voici le retour de cette rubrique consacrée aux livres au format poche. Et je vous propose deux romans à découvrir, et dont on va entendre parler puisqu’ils sont tous deux sélectionnés pour le Grand Prix des Balais d’Or 2019, organisé par mon ami Richard le Concierge Masqué.

Etoile morte d’Ivan Zinberg

Editeur : Critic (Grand format) ; Points (Poche)

Lundi 10 aout 2015, Los Angeles. Sean Madden et Carlos Gomez, deux inspecteurs du LAPD sont appelés au centre ville, au Luxe City Center Hotel. Un homme y a été assassiné et son corps est retrouvé menotté au lit et horriblement mutilé (surtout en dessous de la ceinture). La Scientific Investigation Division termine l’examen de la chambre sans rien trouver d’intéressant, à part des traces dans la moquette qui laissent à penser que la scène du meurtre a été filmée. La victime s’appelle Paul Gamble, propriétaire d’une société de partage de musique sur Internet. Les caméras révèlent qu’il est entré à l’hôtel avec une jeune femme blonde arborant de grandes lunettes de soleil.

Mardi 11 aout 2015, Santa Monica Boulevard, Los Angeles. Michael Singer est photographe de presse, ce que d’aucuns appellent paparazzi. Il a toujours rêvé d’être enquêteur et a découvert par hasard qu’il pouvait faire beaucoup de fric en surprenant les stars. Ce jour-là, il a rendez vous avec Freddy Fox, un flic qui lui sert d’indic. Moyennant finances, il lui apporte quelques affaires en cours en avant-première. L’une d’entre elles attire son attention : Naomi Jenkins, la star présentatrice des informations a été retrouvée nue, violée dans un entrepôt, victime de la drogue GHB. Plutôt que d’utiliser ces informations comme un reportage photo traditionnel, Michael va se lancer dans l’enquête.

Avec un polar, on recherche avant tout du divertissement. Ce roman m’a plus que surpris, il m’a étonné par les qualités dont il regorge, venant du deuxième roman d’un jeune auteur. Et en premier lieu, je voudrais mettre en avant le scénario redoutable, remarquable dans sa construction. On va suivre deux enquêtes en parallèle, qui vont se rejoindre à 100 pages de la fin et jamais, on n’est perdu ou on se demande où on en est. Les personnages sont très bien fait, sans en rajouter outre mesure.

Cela fait que c’est un livre passionnant à lire qu’on n’a pas envie de lâcher. Certes l’action se situe aux Etats Unis, et on aura tendance à le comparer aux maîtres du genre. Mais je trouve qu’il tient la comparaison haut la main tant tout est très bien fait. Et puis, le sujet de fond est la pornographie et le gonzo extrême. Il nous montre le derrière des scènes de cul qui s’apparente plus à un viol qu’à un travail. Il y a une scène éloquente et très dure à vivre qui démonte le mythe que veulent nous faire croire les titres variés et insultants.

En conclusion, passée ma surprise, ma découverte d’un nouvel auteur, je m’aperçois que ce roman, outre qu’il m’a fait passer un excellent moment, a laissé en moi des traces grâce à ces personnages de Madden et Singer. Ne croyez pas que tout va y être rose bonbon, loin de là. Et nul doute que je lirai ses autres romans dont jeu d’ombres et Miroir obscur. Voilà du divertissement haut de gamme.

L’essence du mal de Luca D’Andrea

Editeur : Denoel (Grand Format) ; Folio (Poche)

Traductrice : Anaïs Bouteille-Bokobza

Jeremiah Salinger est scénariste de documentaires et rencontre le succès grâce à une série consacrée aux roadies de groupes de rock. Avec son ami et cameraman Mike McMellan, il va réaliser trois saisons de Road Crew mettant en lumière ces hommes de l’ombre qui assurent le bon déroulement des concerts. C’est aussi aux Etats Unis qu’il rencontre Annelise, originaire des Dolomites, qu’il va épouser et avec qui il va avoir une fille adorable Clara.

En crise de création, il va suivre sa femme dans son village natal du sud de Tyrol, à Siebenhoch et profiter de la vie de famille, d’autant plus que Clara est très éveillée. C’est là-bas qu’il va avoir l’idée d’un documentaire racontant la vie des sauveteurs. Mais lors d’un tournage, l’équipage va mourir et Salinger sera le seul rescapé. Marqué par cet accident, il va trouver sa planche de salut dans un événement dramatique qui a eu lieu 30 ans auparavant et qui a vu le massacre de trois jeunes gens dans la faille du Bletterbach.

« La rencontre sanglante de Stephen King avec Jo Nesbo » annoncée par le bandeau de Folio est largement exagérée, il faut le savoir. Certes, les trois jeunes gens ont été tués de façon atroce, mais cela est expliqué sans description gore. Si les relations entre Salinger et sa fille peuvent faire penser au King, l’évocation de Jo Nesbo m’interpelle. Franchement, je ne vois pas.

Par contre, on a droit à un roman qui oscille entre enquête de journaliste, chronique familiale, thriller et fantastique. C’est un mélange de genres qui fonctionne à merveille, surtout grâce au talent de l’auteur de savoir décrire simplement la vie familiale de Salinger avec des scènes visuelles dont certaines sont empreintes de mystère et qui créent une angoisse prenante.

Ah oui, on craque pour Clara, on est passionné par Werner, on a plaisir à rencontrer les habitants du village et on a beaucoup de sympathie pour Salinger qui a une obsession : trouver l’origine des meurtres comme une sorte de rédemption pour lui-même, pour qu’il se prouve qu’il vaut encore quelque chose. Et l’auteur joue des cordes sensibles, n’utilisant les scènes de tension que quand il le juge utile, et non pour relancer le rythme comme le font les Américains.

Cela donne à ce roman une forme personnelle et originale, très agréable à suivre surtout si on considère que c’est un premier roman. Et même s’il fait 500 pages, on n’a pas envie de laisser tomber le roman, tant on s’attache à ce personnage de Salinger qui nous parait si vivant et si humain. Voilà un nouvel auteur épinglé sur Black Novel, une bien belle découverte d’un auteur dont je vais suivre les prochaines publications.

Ne ratez pas l’avis de Cédric Ségapelli

La légende de Santiago de Boris Quercia

Editeur : Asphalte

Traducteur : Isabel Siklodi

Après Les rues de Santiago et Tant de chiens, voici le retour de l’inspecteur Santiago Quinones, que je retrouve avec un grand plaisir puisque j’ai mis deux coups de cœur pour ces deux romans. Inutile de vous dire que je piaffais d’impatience en entamant ma lecture. Quel roman !

Santiago est assis chez sa mère, au chevet de son beau père, qu’il appelle le monsieur. Ce dernier agonise, branché à des tuyaux, et la musique des machines emplit le calme de la chambre. Pourquoi laisser quelqu’un souffrir comme cela ? Plus pour se débarrasser de lui que dans un geste de bonté, Santiago débranche les tuyaux et regarde le monsieur quitter cette terre, tranquillement.

L’après midi de l’enterrement, Santiago et son collègue Garcia sont à la recherche de deux noirs. Après les avoir repérés, Santiago s’approche d’un kiosque pour acheter des cigarettes. Soudain, les deux noirs s’enfuient et Santiago court après l’un d’eux. Il bifurque dans une ruelle et aperçoit son homme plus loin, assis par terre. Quand il s’approche, il s’aperçoit que le trafiquant a été égorgé. Le jour même, un communiqué annonce avoir débarrassé le Chili d’un « sale rat ».

Le soir, Santiago passe devant le restaurant chinois Xan Wan, et voit le Petit Boiteux en sortir. Il l’oblige à retourner à l’intérieur et trouve le Chinois assassiné et les doigts coupés. Santiago voit des doses de cocaïne sur le comptoir et s’en empare. Puis il menace le Petit Boiteux pour qu’il ne dise rien et rentre chez lui, sans rien signaler. Chez lui, il s’aperçoit que Marina est partie. Ça va être dur de vivre seul, sans l’amour de sa vie. Heureusement il a de la cocaïne pour oublier …

Il vaut mieux avoir le moral pour entamer et lire ce roman. Car nous sommes ici dans la grande tradition du détective privé qui s’enfonce à force de prendre les mauvaises décisions. Et c’est bien dans une spirale infernale que va nous entraîner Boris Quercia, malmenant son personnage de mésaventures en mésaventures, de coups durs en coups durs, de souffrances en souffrances.

C’est un homme en déperdition, en perte de repères que nous peint l’auteur, avec son style toujours aussi efficace et direct jusqu’à en faire une torture de ce personnage emblématique que j’ai tant aimé. Et comme on compatit à tous ses malheurs, on souffre avec lui, dans cette descente vertigineuse sans fond, qui va l’amener à à la fois se sacrifier et sacrifier les autres. Et je peux vous dire, qu’émotionnellement, c’est très très fort.

J’ai adoré les deux premiers tomes, j’ai aussi adoré celui-ci. Je ne peux que vous conseiller de les lire tous, même si chaque enquête peut se lire indépendamment les unes des autres. Boris Quercia fait entrer Santiago Quinones dans le panthéon des grands détectives dépressifs et solitaires, à l’instar des Jack Taylor ou Charlie Parker (dans ses dernières aventures). C’est du roman noir, du grand roman noir, à ne rater sous aucun prétexte pour tous les amateurs du genre.

La compagnie des glaces de G.J.Arnaud – Tome 7 et 8

Editeur : French Pulp

Les éditions French Pulp ont décidé de rééditer la saga de science fiction, en regroupant les romans par deux. Il s’agit, je crois, de la plus grande saga de science fiction jamais écrite puisqu’elle comporte 63 romans. Voici mon avis sur Le gnome halluciné et

Le gnome halluciné :

Alors que Yeuse a été arrêtée, enfermée dans un train-bagne, Miki le nain directeur du cirque se retrouve avec Jdrien, le fils de Yeuse et Lien Rag sur les bras, qu’il a adopté. Son objectif est de rejoindre le sud mais sans locomotive, il est contraint de faire appel au bon vouloir de ceux qui veulent bien l’aider. Jdrien semble avoir des dons psychiques qui lui permettent d’appeler les hommes roux à la rescousse. C’est grâce à eux que toute la ta troupe arrive dans une ville dirigée par un général despote atteint de gangrène. Il semble que Jdrien arrive à soulager les souffrances.

Pour une fois, on quitte le domaine du roman politique; on quitte aussi Lien Rag, pour retrouver un personnage qui occupait le second rang jusqu’à maintenant. Du moins c’est ce qu’on pourrait croire … Car passées les 50 premières pages, l’intrigue se développe et ouvre de nouveaux horizons : Lien Rag s’occupe d’un tunnel géant creusé dans la glace (et encore une fois, on ne peut que louer l’aspect visionnaire de cette série !) ; Miki décide d’ouvrir sa propre compagnie ferroviaire et se retrouve concurrent des autres ; Jdrien, grâce à ses dons médiumniques apparait pour les religieux comme le nouveau messie. Cet épisode de la Compagnie des Glaces est foisonnant et passionnant. A ne pas rater.

La compagnie de la banquise :

Alors que Yeuse a entendu parler d’une compagnie dans l’océan pacifique, dirigée par un nain, elle décide de partir voir cela par elle-même. Miki, quant à lui, assure la construction de son système de chauffage qui bénéficiera d’un gigantesque volcan Titan. Quant à Lien Rag, il est toujours aux manettes pour la construction d’un gigantesque tunnel passant par le pôle Nord et est confronté au manque d’énergie.

Dans la même veine que le tome précédent, ce roman creuse un peu plus le sillon des forces en présence. L’aspect géopolitique est plus présent puisque l’on voit comment les compagnies avancent leurs pions pour asseoir leur pouvoir. La lutte se fera autour de la disponibilité de l’énergie et la Transsibérienne est bien placée avec ses réserves de gaz. Mais la compagnie de Miki pourrait bien tirer son épingle du jeu avec le volcan Titan.

C’est une nouvelle fois un roman passionnant, qui part dans tous les sens, qui creuse tous les sujets, de la géopolitique aux sujets plus intimes avec la recherche de Jdrien. On ne peut qu’être ébahi devant le coté visionnaire de ces romans et apprécier les talents de conteur de cet auteur hors pair. On sent bien que l’on entre dans un deuxième cycle avec ces deux romans là, et la fin laisse un suspense qui donne envie de se plonger immédiatement dans les suivants. Superbe !

La mort selon Turner de Tim Willocks

Editeur : Sonatine

Traducteur : Benjamin Legrand

Tim Willocks délaisse son cycle qui se déroule au Moyen Age (Ne ratez pas La Religion !) pour nous offrir un polar pur et dur, dont l’action se situe en Afrique du Sud. Et comme on pouvait s’y attendre, ce roman est d’une violence inouïe et d’une originalité dans sa façon de mener l’intrigue.

Ils sont six, six jeunes gars qui sont venus s’amuser au Cap, en Afrique du Sud. Ils sont venus passer leur soirée à boire, jusqu’à en oublier leur nom. Jason, Mark, Chris, Hennie, Simon et Dirk sortent du bar, pleins comme des barriques de l’alcool local. En sortant, Dirk tient à prendre le volant. Il tourne la clé de la voiture et cale. Il réessaie et ne s’aperçoit pas que la marche arrière est enclenchée. Le gros 4×4 entre dans un container de poubelles. Mais entre la voiture et le container, il y avait une pauvre fille, noire, affamée, qui voulait récupérer le Hamburger qu’ils avaient jeté. Quasiment coupée en deux, elle va agoniser sous le regard rigolard des jeunes.

Turner est un flic noir de la brigade criminelle. Il déteste la police car il a vu sa sœur tuée par des policiers mais il croit fermement en la justice. Et quand on lui donne un os à manger, il ne lâche rien. Écœuré par ce crime, il va se lancer dans cette course poursuite, et le téléphone portable qu’il retrouve près du corps va l’aider à identifier les coupables. C’est utile, les selfies ! Sur une des photos, il découvre le visage de Dirk Le Roux, le fils de Margot Le Roux, l’impitoyable reine du manganèse. Tout le monde la respecte pour avoir sauvé cette région de la misère et sa fortune est gigantesque. Mais rien ne peut arrêter la marche de la justice, la croisade que Turner va entamer, envers et contre tous.

Il ne faut pas s’attendre à un roman de gamins avec Tim Willocks. Cet auteur écrit avec une machette entre les dents, il coupe, tranche, dans de grands gestes … et peu importent les tâches de sang qui pourraient maculer les pages de ce livre. Si le début du roman sert à présenter les forces en présence, la suite va inexorablement faire monter la tension, vers un duel en forme d’apocalypse. C’est typiquement le genre de roman où on a les mains qui se crispent, s’accrochent aux pages, qui s’agrippent à en faire mal.

Il ne faut pas croire que Turner va occuper le centre du livre à lui tout seul. Tim Willocks construit son roman en nous balançant d’une scène à l’autre, sans relation apparente si ce n’est celle de construire une intrigue que l’on pourrait comparer à des montagnes russes. L’auteur veut nous secouer et il va nous secouer très fort. Et Tim Willocks ne se refuse rien, se moque des règles, des codes pour nous offrir une fresque sanglante où la valeur des vies humaines frise le zéro absolu.

Ce roman ultra violent, ultra prenant, ultra stressant n’est pas dénué de message, et nous fait entrer dans cette croisade de fou, à travers le personnage de Turner. Nul n’est au dessus des lois pour lui, même si la pauvre jeune fille était atteinte du sida et devait mourir trois mois plus tard. Il y a eu faute, il y a eu meurtre et le coupable doit payer. C’est une lutte de l’argent contre la justice, du pouvoir contre la loi. Et ce roman est déroulé comme un western, un duel à distance avant de se terminer par une scène finale explosive, dure, énorme de démesure, gigantesque comme une bataille perdue d’avance où on jette ses dernières forces. Attention aux âmes sensibles ! Ce roman va vous remuer, vous dégoutter mais la morale humaniste est une notion tangible, réelle et crue pour Turner. Impressionnant !

Ne ratez pas l’avis de Mr.K