Editeur : Editions In8
Lus en toute fin de 2019, entre deux coupes de champagne, il fallait que je vous parle des deux petits derniers Polaroids parus aux éditions In8. Petits parce qu’il s’agit de novellas, dont la taille ne dépasse pas 100 pages, mais grands par leur identité, le ton personnel donné par chaque auteur.
Rose Royal de Nicolas Mathieu :
Rose a la cinquantaine et la vie ne lui a pas fait de cadeaux. Mariée, divorcée, elle a eu deux enfants qui ont chacun fait leur vie, loin d’elle évidemment. Elle rencontre toujours quelques hommes, mais ce n’est pas pour s’attacher. Elle préfère passer son temps au Royal, un bar miteux ; et y retrouver sa copine Marie-Jeanne, qui le week-end propose de coiffer les clients. Par peur des violences masculines, mais aussi pour se donner la force de se défendre, elle porte sur elle un petit révolver. Cette nuit-là, un homme entre au bar avec son chien qui vient de se faire écraser. Rose va achever ses douleurs et lui tirer une balle dans la tête. Cet homme, Luc, est séduisant. Sera-ce la bonne rencontre pour Rose ?
Avec un style posé et imaginatif, Nicolas Mathieu, auréolé du Prix Goncourt pour Leurs Enfants Après Eux, nous raconte la vie quotidienne des petites gens, avec cette poésie noire qui n’appartient qu’à lui. Il arrive à trouver de la beauté dans les zincs crasseux, à illuminer les visages ridés et tristes, marqués par la vie. En 70 pages, il nous offre un texte lumineux pour une histoire bien noire.
Car la vie n’a pas été rose pour Rose (désolé !). Est-ce dû à de mauvais choix ? Est-ce dû au destin qui lui joue toujours de mauvais tours ? Elle qui a su résister à tant de violences va se laisser mener par un homme qui pourrait tout changer. Et nous voudrions qu’elle y arrive, qu’elle soit moins brute, qu’elle est un peu de chance. Hélas, on ne change pas une trajectoire qui se dirige vers le vide. Et Nicolas Mathieu saura nous montrer une fin brutale et brève (une phrase) d’autant plus brutale qu’on avait espéré. Mais espéré quoi ?
Donneur de Mouloud Akkouche :
Carole se réveille à coté de son compagnon Fabien. Il faut bien se rendre à l’évidence, lui qui prend tant soin de son corps et de sa santé est mort dans son sommeil. Elle sait qu’il a formulé le souhait de donner son corps à la science. Pour cela, elle doit prévenir les urgences dans les 48 heures suivant le décès. Mais elle n’arrive pas à se faire à cette idée, elle n’arrive pas à faire un choix, sauter le pas. Alors elle part pour le week-end dans la maison familiale du Pays Basque, une ancienne baraque de pêcheur que tout le monde a abandonné. Mais quand elle arrive là-bas, c’est un margoulin qui l’attend, Samir.
Avec des chapitres courts, des dialogues qui claquent, Mouloud Akkouche va nous exposer la rencontre de deux êtres abandonnés, perdus, comme deux bêtes sauvages prises dans les phares d’une voiture. Ils vont se parler, apprendre à se connaitre le temps d’un week-end. Sans esbroufe, sûr de sa force, l’auteur construit une courte histoire, un subtil moment dans une existence, une sorte de rencontre rêvée et destinée à ne pas durer. Et il nous montre l’inutilité de la solitude et l’importance des autres, car la fuite n’est pas une solution.
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Une réflexion sur « Les Polaroids de 2019 »