Le chouchou du mois d’avril 2020

C’est dans un contexte bien particulier que je boucle ma 10ème année de Black Novel. Eh oui, dès vendredi, nous fêterons le 11ème anniversaire en fanfare ! J’ai évidemment évité de publier des avis concernant des romans que vous ne pouvez pas vous procurer, donc j’ai fait la part belle au Déstockage, et balayé tous les genres. Il ne vous reste plus qu’à choisir selon vos goûts et vos envies de découverte.

Parmi les nouveautés, De mort lente de Michaël Mention (Stéphane Marsan) est un roman rageur comme seul sait le faire notre Michaël national. Il aborde ici les perturbateurs endocriniens dont on nous gave, au détriment de notre santé. Clairement dénonciateur, c’est un roman important.

Du sang sur l’asphalte de Sara Gran (Editions du Masque)est la troisième enquête de claire DeWitt, la meilleure détective du monde. Toujours minée par ses obsessions, l’auteure nous convie à la résolution de trois énigmes dans un polar complexe qui n’est pas, pour moi, le meilleur de la série.

La cité des rêves de Wojciech Chmierlarz (Agullo), quant à elle, est la quatrième enquête du Kub et comme d’habitude, il construit une enquête policière costaude pour montrer une facette de la société polonaise. Cete série est en train de devnir un incontournable des romans policiers.

Pour les habitués de Black Novel, la rubrique Oldies rend hommage, cette année, à la collections Points et j’ai parlé de Blanc comme neige de George Pelecanos (Points), le premier roman de la série Strange et Quinn, un quasi-reportage sur Washington et sa société multiculturelle, avec en premier plan, le racisme Noir/Blanc.

J’aurais aussi continué ma découverte de La compagnie des glaces avec les tomes 13 et 14 (Station Fantôme et Les Hommes-Jonas) de GJ.Arnaud (French Pulp). Si ce sont des tomes moins visionnaires, ils nous font découvrir une nouvelle civilisation et nous narrent les retrouvailles entre Lien Rag et Jdrien son fils.

Chez moi, le printemps rime avec Nouvelles. De but en noir de Gilles Vidal (La Déviation) possède des formats plus courts mais a l’avantage de balayer tous les genres. L’auteur dévoile tout son art de la nouvelle dans ce recueil à ne pas manquer. Cinq polars du XXIème siècle (Capricci), lu dans le cadre de mon déstockage, est un recueil de cinq nouvelles écrites par cinq auteurs contemporains (Anne Bourrel, Sébastien Gendron, Frédéric Jaccaud, Hervé Commère, Sophie Loubière) et qui nous parlent avec noirceur et cynisme du monde d’aujourd’hui.

Déstockage, c’est le nom de la rubrique que j’ai inauguré en 2020. Le principe est de choisir au hasard (ou presque) un roman dans mes bibliothèques. Cela m’a permis de découvrir un classique du roman policier Le petit vieux des Batignoles d’Emile Gaboriau (Flammarion), agrémenté d’une langue d’un autre siècle avec une intrigue digne de Sherlock Holmes. Cela m’a permis aussi de me rappeler mes lectures adolescentes avec Doctor Sleep de Stephen King (Livre de Poche), la suite de Shining. Cela m’a permis enfin de me conforter dans le fait que Joseph Incardona est un auteur à part et très doué avec Chaleur de Joseph Incardona (Finitude), qui nous fait revivre le championnat du monde de sauna à travers des personnages formidables à la recherche d’un dernier défi, celui de leur vie.

Enfin, last but not least, La défaite des idoles de Benjamin Dierstein (Nouveau Monde) est un fantastique roman qui balaie les années 2011 à 2012, de l’assassinat de Kadhafi à l’élection de François Hollande. Avec un style rythmé, digne d’un James Ellroy, il nous montre les magouilles dans les services de police et les Services Secrets dans une histoire qui fuse à toute allure. C’est aussi probablement ma plus belle découverte et c’est pour cette raison que j’ai décidé de distinguer ce jeune auteur à l’ambition de géant en lui attribuant le titre (honorifique) de chouchou du mois.

J’espère que ces avis vous seront utiles dans vos choix de lecture. Je vous donne rendez-vous le mois prochain pour un nouveau titre de chouchou du mois. En attendant et plus que jamais, n’oubliez pas le principal, lisez !

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Déstockage : Cinq Polars du XXIème siècle

Editeur : Capricci

Au hasard de mes fouilles dans mes bibliothèques, je tombe sur des livres dont je ne savais même pas qu’ils étaient là. Voici un recueil de nouvelles très intéressantes, qui démontrent l’amoralité moderne de la société. Je dois ajouter que ces nouvelles sont agrémentées de très beaux dessins signés Adrien Demaint et Jean Harambat.

Mirage Hôtel d’Anne Bourrel :

Robert Henry Charles Lebœuf se fait appeler Roberto quand il arpente les bals privés. Il aperçoit Rita, une superbe femme qu’il invite à danser le tango. Cette danse, qu’ils maîtrisent tous les deux, les emporte sur les rives de la passion. Roberto est fauché, Rita riche d’un héritage qui lui permet de vivre dans des palaces. De la somptuosité du tango va naître une relation faite d’amour et de sang.

C’est bien la première fois que je lis une nouvelle chorale, laissant la parole alternativement à Roberto puis à Rita. C’est avec beaucoup de subtilité et de douceur que l’on s’enfonce doucement dans cette histoire, avant de plonger dans une noirceur à la couleur rouge et au gout de sang. Le jeu des couleurs et la souplesse des mouvements font de cette nouvelle une belle expérience de lecture. Belle comme une lame effilée.

Un chagrin d’amour de Sébastien Gendron :

« On n’aurait jamais dû retourner chez la veuve Kersan ce soir-là ». Deux jeunes gens de 18 ans vivent de fantasmes et de bières. Ils rêvent de se faire la vieille Kersan et le commandant Lorseau leur propose un marché : étant amant de Mme Kersan, ils doivent se débarrasser du mari avant de pouvoir profiter de la veuve.

Voilà une histoire racontée à la première personne du singulier et écrite avec beaucoup de fluidité. Le style est à l’opposé de cette histoire, qui va pencher vers le glauque voire l’horreur de la part de jeunes gens qui ne s’appliquent aucune limite, même les plus atroces. Rythmée par des musiques modernes, cette nouvelle ignoble dans ce qu’elle implique se conclut sur une chute amorale, à l’instar de toute l’histoire.

Taire de Frédéric Jaccaud :

Hervé a perdu l’audition à l’âge de 6 ans. Il a grandi chez Maman. Devenu adolescent, il s’est créé son monde, autour de jeux de stratégie, de sa copine Leila. Et puis, il y a la voisine, Mathilde …

Il est bien difficile de faire ressentir l’enfermement et l’isolement que peut ressentir un sourd. Frédéric Jaccaud s’en sort admirablement dans cette nouvelle, en nous narrant une histoire qui peut sembler cruelle, mais qui montre surtout un Hervé qui va atteindre le plaisir, tout simple et bien noir.

Tomatic de Hervé Commère :

Il sort de prison après 6 mois pour trafic de drogue. Il retrouve ses deux potes Gary et Pouic qui ont une idée géniale : retaper un vieux distributeur automatique qui ne fonctionne qu’avec des pièces de 2 francs. Sur l’étage du haut, ils mettront des barrettes de shit dans des emballages de Mars, et vendront les pièces à leurs clients. Mais tout ne va pas de passer comme cela était prévu.

Hervé Commère nous offre une petite nouvelle bien sympathique où le petit groupe des trois amis se rêvent inventeurs de génie, en renouvelant le trafic de drogue. Sur un ton léger et fort bien écrit, il nous refait la fable de la grenouille qui veut se faire plus grosse que le bœuf dans un contexte moderne, une sorte de démonstration grinçante du marketing moderne. Et cela est bien distrayant, cyniquement noir.

Mauvaise journée, hier de Sophie Loubière :

Emilie se réveille, la tête en vrac. Impossible de se rappeler ce qu’elle a fait hier ! Le réveil affiche 7H45. Il n’a pas sonné. Elle va pour réveiller Philippe, mais sa place dans le lit, à coté d’elle est vide. Elle se lève et fonce dans la chambre des deux petits pour les houspiller, sinon ils vont être en retard à l’école. Les deux petits lits ne sont même pas défaits. Mais que s’est-il donc passé entre hier et aujourd’hui ?

D’un mystère prenant comme base une situation quotidienne banale, Sophie nous plonge dans un questionnement qui montre Emilie à la fois coupable puis innocente puis victime puis … La simplicité de l’écriture mais aussi sa précision chirurgicale font de cette nouvelle un petit bijou noir. J’adore !

Déstockage : Chaleur de Joseph Incardona

Editeur : Finitude (Grand Format), Pocket (Format poche)

Je n’ai lu que deux romans de Joseph Incardona, et à chaque fois, j’ai été impressionné par ses romans, que ce soient par les sujets ou par leur traitement. Une nouvelle fois, j’ai été époustouflé pour Chaleur !

La Finlande passe six mois de l’année dans le froid. Quand vient l’été, ils organisent donc des concours qui sont autant d’occasions de faire la fête. On y trouve pêle-mêle les championnats du monde de porter d’épouse, de football en marécage, de lancer de botte ou d’écrasement de moustiques. Nous sommes en 2010, pour l’organisation des championnats du monde de sauna, où il s’agit de rester le plus longtemps à une température humide de 110°C.

Cette année-là, 102 candidats sont inscrits dans la petite ville d’Heinola, au nord d’Helsinki. Tout le monde s’attend à un duel, comme l’année passée entre Niko Tanner et Igor Azarov. Niko est acteur professionnel de pornographie qui approche de la cinquantaine. Il est affublé d’une débutante dans le métier Loviisa Foxx et lutte contre les âges qui affaiblissent ses capacités sexuelles. Igor Azarov, âgé de 60 ans, est un marin à la retraite et considère ce championnat comme son dernier défi.

Aux cotés des deux prétendants à la victoire, on y trouve un révérend fortement attiré par la bagatelle, un Turc poilu et imposant ainsi qu’un outsider. Le concours comporte des qualifications, deux tours éliminatoires avant d’attaquer la demi-finale et la finale tant attendue. La compétition peut démarrer …

Même si ce roman se base sur un événement réel, le contexte de ce roman donne l’occasion à l’auteur de se pencher sur la motivation des compétiteurs qui participent à ce concours incroyable. Les deux principaux protagonistes sont des personnages très différents et en fin de vie : Niko sent que sa vie de hardeur touche à sa fin et Igor, à la retraite, veut briller pour une raison que vous découvrirez vers la fin du roman.

Les autres personnages servent de décor même si on sent bien que Joseph Incardona s’amuse beaucoup avec le révérend et le Turc. Autour de cet événement « sportif », on sent l’effervescence et la pression, augmentée par la présence des journalistes télévisés. Il ne faudra pas oublier Alexandra, la fille d’Igor, qui viendra ajouter un peu de piment à cette histoire.

On ne peut qu’être pris par l’enjeu, ébloui par la psychologie mais aussi enchanté par le style de l’auteur, à la fois minimaliste mais aussi pointilleux quand il s’agit de décrire un personnage par ses actes. Cela donnera quelques scènes chaudes qui, grâce à un certain recul dans la narration, viendront ajouter au suspense de ce roman, un suspense de haute volée pour un roman qui me confirme que Joseph Incardona est décidément très fort, un des meilleurs auteurs du Noir Contemporain.

Cette idée de lecture m’avait été inspirée de l’avis de Claude Le Nocher

Ce roman existe aussi en format poche chez Pocket

Du sang sur l’asphalte de Sara Gran

Editeur : Editions du Masque

Traducteur : Claire Breton

Après La ville des morts et La ville des brumes, voici donc le troisième tome des enquêtes de la meilleure enquêtrice de tous les temps, Claire DeWitt. Si vous me connaissez, vous savez que c’est avec une grande fébrilité que j’attendais ces aventures.

Oakland, 2011. Claire DeWitt se réveille dans une Ford Ka. Elle vient d’être victime d’un accident de la circulation. Enfin, accident si on veut. Elle revoit une grosse Lincoln lui foncer dessus volontairement. Cela ressemble plus à une tentative de meurtre. Mais on ne tue pas aussi facilement la meilleure détective du monde. Quand une policière s’approche, elle lui subtilise son arme, récupère le nom d’un témoin et arrive à prendre la poudre d’escampette. Qui donc veut lui faire la peau ? C’est l’affaire de l’Autoroute infinie.

Los Angeles, 1999. Claire DeWitt est détective et a rencontré la plus grande détective d’alors, Constance Darling. Adepte du grand Jacques Silette, qui a écrit le livre immortel Détection, sorte de recueil de citations philosophique à destination des détectives, elle a aidé Claire. Mais pour obtenir sa licence, Claire se rend compte qu’elle doit faire 5000 heures d’enquêtes et qu’il lui en manque 400. Adam Dubinsky accepte de lui confier une affaire d’accident de la route : le célèbre Merritt Underwood, artiste peintre, s’est tué dans un accident de la route et elle doit démontrer que c’est un meurtre. C’est l’affaire de la CBSIS.

Brooklyn, 1986. Claire DeWitt est une étudiante de 15 ans. Avec ses amies de toujours, Kelly et Tracy, elles rêvent de monter la plus célèbre agence de détectives. Alors qu’elles résolvent nombre d’affaires, Tracy disparait. Kelly et Claire n’ont pas été capables de la retrouver. Comme Jacques Silette qui n’a jamais été capable de retrouver sa petite fille. C’est l’indice du charnier.

Ceux qui ont déjà rencontré, littérairement parlant, Claire DeWitt vont comprendre ce que je dis. Les autres devraient se jeter sur le premier tome de cette série La ville des morts, puis enchaîner par le deuxième La ville des brumes. Car Claire DeWitt est un personnage attachant, speedé et complexe, aveuglée par cette volonté de devenir la meilleure détective du monde, sans écraser ses concurrents.

On reste ici dans la même veine, et l’intrigue va alterner trois lieux différents et trois enquêtes avec toujours la même volonté de placer au centre du roman ce personnage féminin hors-norme. Alors que j’avais été impressionné par La ville des brumes, par sa façon de montrer Claire au bord de l’autodestruction, on se retrouve ici face à un polar de détective plus classique, construit comme un jeu de piste linéaire.

Le style de Sara Gran est toujours aussi rapide, aussi vif et bien agréable à suivre. Et comme je suis déjà amoureux de ce personnage, j’y ai pris beaucoup de plaisir. Mais je ne peux que vous conseiller de lire les précédents, sinon vous allez être perdus, car l’intrigue est complexe. Enfin, j’ai trouvé que ce roman n’apporte pas grand-chose au personnage de Claire DeWitt. On a déjà lu son obsession pour Jacques Silette, son impuissance face à la disparition de sa meilleure amie. Cela donne donc un bon polar divertissant et j’attendrai le prochain pour être surpris et complètement emballé. Mais je suis toujours amoureux de Claire DeWitt.

Ne ratez pas l’avis de Yan

La Cité des Rêves de Wojciech Chmielarz

Editeur : Agullo

Traducteur : Erik Veaux

C’est déjà la quatrième enquête du Kub après Pyromane, La ferme aux poupées et La Colombienne. Wojciech Chmielarz s’est donné comme mission de montrer l’état de la société polonaise au travers d’un personnage fort. Une nouvelle fois, ce roman fait mouche grâce à un polar costaud.

Svitlana est ukrainienne et vit de petits boulots tels que faire le ménage dans les appartements d’une cité aisée, La Cité des Rêves. Les chants des pies et des corbeaux, ce matin-là, la rappellent à la réalité : elle est en présence du corps d’une jeune femme de 24 ans, transpercée par un couteau qu’elle vient de lâcher dans l’herbe. Elle s’écarte de la scène pour éviter les problèmes inhérents aux personnes qui travaillent au noir.

La police a été appelée par le vigile de la Cité des Rêves. L’inspecteur Jakub Mortka dit le Kub arrive sur les lieux et retrouve sa lieutenante Anna Suchocka dite la Sèche, eu égard à son physique maigre et à ses répliques dures. Les papiers de la morte donnent son identité, Zuzanna Latkowska. Mortka se heurte de suite au vigile Bartosz Hajduszkiewicz, puis au gérant de la cité, Bartosz Lorenz.

L’observation des enregistrements video montre qu’une jeune femme est sortie de la cité tôt ce matin-là, mais pas d’assassin. L’autopsie montre que Zuzanna a été violée avant d’être tuée, quelques heures ou quelques jours avant. Zuzanna était étudiante en journalisme et gardait des enfants chez Piotr Celtycki, un homme politique connu, et lui louait en colocation un appartement. Quelques jours après, Svitlana se présente au poste de police et avoue qu’elle est la meurtrière.

Kochan, l’ancien partenaire de Mortka, suspendu pour avoir frappé sa femme, revient au poste et se voit confier des enquêtes anciennes qui n’ont pas été résolues et pas encore classées. Il commence par la disparition d’Anna Stolarczyk, vingt-cinq ans que l’on n’a plus revu depuis cinq ans. C’est une affaire que Kochan va résoudre en moins d’une journée, ce qui prouve ses qualités d’enquêteur.

Wojciech Chmielarz nous écrit un polar costaud, qui sous ses dehors de classicisme, est l’air de rien une vision de la société polonaise bien noire. A partir du meurtre d’une jeune fille dans une cité, il va commencer par multiplier les pistes, complexifier l’enquête et faire entrer plusieurs personnages, en remontant petit à petit dans la hiérarchie sociale, des hommes politiques aux mafieux. L’auteur va placer cette intrigue au premier plan, délaissant quelque peu la vie privée du Kub.

Il n’y va pas par le dos de la cuiller, comme on dit, mais c’est fait avec suffisamment de subtilité que l’on suit cette enquête avec plaisir, et que surtout, on n’a aucune idée de ce qu’il veut nous montrer. Puis les pièces du puzzle prennent place pour nous montrer des étudiants sans argent, vivant dans des conditions difficiles, des journalistes prêts à n’importe quoi pour obtenir une once de célébrité, des hommes politiques prêts à tout pour le pouvoir, des mafieux qui organisent la société en sous-main, et des hommes surpuissants avides de plaisir et d’argent.

On est à mille lieux de voir une société idéale tant tout ce petit monde arrive à trouver une entente, et surtout à trouver un bras de levier, lui permettant d’avoir un petit avantage sur le concurrent ou une occasion d’ne tirer un bénéfice. Si le style et l’histoire sont consensuels, que l’intrigue ne cherche pas à hurler au scandale, le fond et la résolution de l’énigme montre bien des hommes prêts au pire pour assouvir leurs désirs, quels qu’ils soient.

Ce n’est que le quatrième roman de Wojciech Chmielarz et on sent une sacrée patte dans la construction mais aussi dans la façon de décrire les situations et les psychologies. Sans en rajouter, ce roman se présente comme un pavé qui montre plus qu’il ne dénonce les travers de la société avec un ton fataliste. Et l’intrigue vous réservera une belle pirouette dans les dernières pages que je vous conseille de découvrir. Le titre, suffisamment ironique, devrait vous y inciter.

Ne ratez pas l’avis de Jean le Belge, ni celui de Laulo et Jean-Marc Lahérrère

 

 

Espace Jeunesse : Le petit vieux des Batignolles d’Emile Gaboriau

Editeur : Flammarion

C’est sur l’insistance de ma fille que j’ai lu ce roman policier, annoncé comme un chef d’œuvre du roman populaire policier. L’écrivain anglais Valentin Williams (1883-1946) le qualifia de « meilleur roman policier jamais écrit ». Ne le ratez pas.

A la rédaction du Petit Journal, un homme mystérieux qui se fait appeler J .B. Casimir Godeuil dépose un manuscrit. Avant de le publier, les journalistes ont été incapables de retrouver trace de cet homme. Son manuscrit, présenté comme ses mémoires, s’appelle : Le Petit Vieux des Batignolles.

Le voisin de Godeuil, étudiant en médecine, se nomme Méchinet. Alors qu’ils étaient en train de jouer aux dés quand un homme vient le chercher. On le demande sur le théâtre d’un crime, un vieil homme appelé Pigoreau. Avant de mourir, la victime a eu le temps de tracer avec son sang le nom du coupable, Monistrol, le nom de son neveu et futur héritier.

Arrivés sur place, les deux compères analysent la scène. Pour la police, le coupable est évident et ils sont déjà en quête de l’assassin. Mais pour Méchinet et Godeuil, l’affaire semble moins triviale que prévue. En effet, il n’est pas possible que la victime ait écrit le nom du coupable de la main gauche. En effet, à l’époque, il y avait obligation d’écrire de la main droite.

Ce texte est écrit dans une langue d’un autre temps, d’une autre époque, et c’est avec un réel plaisir que j’ai lu cette histoire. Tous les amoureux de la langue française doivent le lire. Tous les collégiens aussi tant on se laisse tranquillement bercer par cette écriture à la fois simple et totalement expressive.

D’ailleurs, Claude Chabrol a adapté ce roman en 2009, dans un film que je n’ai pas vu mais que j’espère bien voir un jour. Car on y voit bien les relations entre les pauvres et la bourgeoisie ainsi que leur volonté de s’octroyer de l’argent facilement, thème qui collait parfaitement aux films de Claude Chabrol.

Enfin, l’intrigue est un joyau tant le déroulement et les enchaînements des scènes sont d’une logique implacable. L’histoire est parsemée d’indices et il vous faudra avoir un flair infaillible pour dénouer les fils de cette intrigue et trouver le nom du (ou des) coupables. C’est un livre qui va vous sortir de vos lectures habituelles et qui vous fera voyager deux siècles plus tôt, avec une facilité jouissive.

Parue en 1870, ce roman a inspiré beaucoup d’auteurs et il est bien difficile de ne pas penser à Holmes et Watson quand on lit cette aventure. Elle montre aussi toute l’importance des apparences, puisque la résolution du meurtre est très loin de ce que l’on a pu croire au premier abord. Enfin, cette édition du roman bénéficie d’une préface très intéressante, à ne pas rater, donc.

Déstockage : Doctor Sleep de Stephen King

Editeur : Albin Michel (Grand Format) ; Livre de Poche (Format Poche)

Traducteur : Nadine Gassie

Quand ce livre est sorti en grand format, je l’ai acheté de suite, en me disant que j’attendrai le bon moment, la bonne envie avant de le lire. Ce moment est arrivé … car Shining fait partie de mes lectures marquantes de jeune adulte. J’ai été surpris et emballé par cette suite.

Danny Torrance et sa mère Wendy ont réussi à s’enfuir de l’hôtel hanté, l’Overlook, et les propriétaires leur ont donné des indemnités pour l’explosion de la chaudière et les déboires qu’ils ont connus. Ils pensaient pouvoir tourner la page, jusqu’à ce que Danny voie un spectre apparaître dans leurs toilettes. Il fait donc appel au cuisinier Dick Halorann, qui lui apprend comment emprisonner les esprits dans sa tête.

Les années ont passé, mais les cauchemars et les visions n’ont jamais cessé pour Dan. Le seul moyen qu’il a trouvé est de se noyer dans l’alcool. Il lui arrive de se réveiller à coté de quelqu’un et de n’avoir aucune idée de son identité. A force de déambulations, il se retrouve à Frazier et trouve un poste d’infirmier dans l’hospice Helen Rivington en échange de la promesse d’arrêter de boire qu’il fait à Kingsley et de participer à des réunions d’Alcooliques Anonymes.

Mais son Don ne le laisse pas tranquille. Il lui permet de soulager les malades en fin de vie, mais aussi de prendre contact avec une fillette, Abra, née en 2001. Alors qu’elle avait quelques mois, elle a fait une crise de pleurs de plusieurs jours annonçant le 11 septembre. Depuis, son Don n’a cessé de grandir et elle trouve en Dan l’ami dont elle a besoin et qui comprend son état. Surtout, son pouvoir est d’une force gigantesque.

Ils s’appellent les Vrais et ils cherchent l’immortalité. Ni êtres humains, ni spectres, ils enlèvent de jeunes gens ayant le Don, les torturent jusqu’à la mort pour avaler la vapeur qui sort de leur corps. Cette brume leur apporte plus de vie. Leur troupe est menée par Rose O’Hara, Rose Claque comme l’appellent les membres du Nœud Vrai. Ils ont tous des noms étranges, et Rose est la plus puissante du groupe. D’ailleurs, Rose a ressenti une fillette très puissante. Ils vont se mettre à sa recherche.

Ceux qui ont lu Shining en gardent un souvenir énorme, comme une part de leur enfance. Ceux qui ont vu le film seront quelque peu désappointés. C’est pour cela que je vous conseille de lire Shining avant. Car toute la première partie fait la transition entre avant et après. Et après, c’est Doctor Sleep, et cela n’a rien à voir avec Shining si ce n’est le personnage principal. Vraisemblablement, Stephen King a voulu écrire une suite en écrivant autre chose, mais cet autre chose est très proche de lui et lui tient à cœur. Car ce roman regorge de passion et de thèmes forts.

La grande force, ce sont ses personnages. Danny qui devient Dan, est détestable en tant qu’alcoolique qui touche le fond au début du roman ; puis il devient touchant dans sa volonté de se racheter. Abra partage la vedette avec Dan et elle tient le haut du pavé tant sa présence est forte et sa psychologie très fouillée. Les Vrais ensuite sont effrayants au possible et par seulement Rose Claque. Tous ont une présence spectrale qui vous fait frissonner. Enfin, tous les autres personnages secondaires ont une importance et sont tous vraiment bien faits. C’est la magie King.

L’intrigue est simple : Dan va rencontrer Abra et devoir lutter contre les Vrais. Dit comme ça, ce n’est pas engageant. Mais c’est oublier le plaisir que l’on a à rencontrer des gens pas comme les autres et de visiter les Etats-Unis à travers les yeux du King. Car toute scène devient l’objet d’un mystère qui fait monter le stress, juste par de petites expressions ou par la peinture d’un décor. Et l’on se laisse bercer par le talent unique de conteur du King.

Malgré cela, on ne peut que déplorer quelques traductions maladroites et certaines expressions décidément mal choisies. De même, alors que cela fait presque une trentaine d’années que j’ai lu Shining, j’y ai trouvé quelques scènes où Stephen King étire ses descriptions. Parfois, on a l’impression qu’il remplit des pages, pour faire la bonne taille : 600  Pages.

Malgré cela, le plaisir est grand, intense. On referme le livre avec une satisfaction ajoutée à une impression d’avoir retrouvé un plaisir d’adolescent. On est heureux d’avoir ajouté ce livre à notre culture, parce qu’il parle de la lutte du Bien contre le Mal. Mais aussi parce qu’il parle de transmission : Le rôle que Dick Halorann a eu avec Danny, Dan va devoir l’assumer avec Abra. Et grâce à sa construction complexe (passage d’un personnage à l’autre, sauts dans le temps), si ce roman s’annonce comme la suite de Shining, il s’adresse tout de même à des adultes, des adultes qui veulent revenir quelques années en arrière, mais qui doivent assumer leur rôle de parent.

De but en noir de Gilles Vidal

Editeur : La Déviation éditeur

Une fois n’est pas coutume, je vous propose un recueil de nouvelles. Edité par un petit éditeur, ce recueil est écrit par un spécialiste du genre, Gilles Vidal, et vous ouvre les facettes du noir domestique, en balayant tous les genres de littérature.

Maty :

Bob Richard est compositeur et doit écrire une chansonnette qu’on lui a commandée trois semaines auparavant. Vivant avec Mathilde, 22 ans plus jeune que lui, ils se sont engueulés et sa main est partie. Depuis, elle a disparu, jusqu’à ce que le téléphone sonne.

Écrite avec un style simple, Gilles Vidal fouille les relations d’amour et les petits événements qui engendrent les étincelles de l’Art. Avec subtilité, avec justesse, avec douceur, il nous raconte cette histoire avec beaucoup de retenue mais avec émotion.

Plus mort tu meurs :

Dans la famille, on est tueur de père en fils. C’est à ses 18 ans que son père lui a appris à tuer. Depuis, il est devenu le meilleur. Romain Vanel, du moins est-ce le nom qu’il utilise en ce moment, va devoir réaliser un contrat bien particulier.

On en viendrait presque à éprouver de la sympathie pour ce tueur à gages tant la description qui en est faite est limpide et empreinte de sentiments. Et finalement, cette nouvelle s’avère plus noire, plus féroce, plus cynique que prévu.

A la gorge :

Fred Boland rentre chez lui retrouver sa fille Liz enceinte. Elle lui annonce qu’un paquet l’attend, déposé devant leur porte dans la journée. Quand il l’ouvre, il y a une autre boite dedans, comme des poupées russes. Puis il trouve une clé …

A partir d’une idée simple, Gilles Vidal nous enfonce dans un mystère, faisant monter le suspense et la tension, au fur et à mesure que l’on découvre Fred Boland par ses actes. Puis, Gilles Vidal oblique vers une intrigue polar plus classique.

Bas Zarb :

Dans un monde futuriste où on ne se dit pas Bonjour mais Enculé, où on ne se dit pas Au revoir mais Enculé, Zarb s’abrutit de sitcoms télévisées quand il reçoit un coup de fil d’un de ses clients.

On imagine bien un monde futuriste à la Mad Max et ce personnage crade au possible. Je suis un peu sceptique quant à cette nouvelle et son humour gras.

Un coup d’essai bien arrosé :

Séverine Bourdin est flic et elle sort tout juste d’une enquête sur un vol d’un magasin de spiritueux. Alors qu’elle rend visite à ses parents, une macabre découverte l’attend …

Tout en faux-semblants, cette nouvelle semble nous plonger dans l’horreur juste avant de nous fournir une chute surprenante et excellentissime.

On part ?

Le narrateur s’est laissé entraîner à une fête organisée dans un appartement bourgeois. Dans les brumes alcoolisées, il aperçoit une beauté à tomber. Elle s’appelle Dinah et lui propose : « On part ? ». Et c’est le début de son cauchemar.

Entre nouvelle érotique et nouvelle noire, Gilles Vidal nous concocte une histoire classique.

De l’autre coté :

Rencontre entre un survivant et une rescapée dans un paysage imaginaire ou futuriste … ou bien est-ce un songe ?

Revival :

Magnifique texte d’un homme méticuleux qui laisse vagabonder son imagination, et qui attrape au vol des souvenirs, certains joyeux, son grand-père, son cerf-volant, et d’autres beaucoup plus douloureux. C’est la nouvelle que je préfère dans ce recueil.

Come in terme :

Bienvenue dans la mafia russe. Léon et Raymond sont une équipe de tueurs à gages. L éon surveille et Raymond fait le sale travail. Sauf que Raymond n’a aucun sentiment, ni aucune attache sentimentale ; il est attardé et se laisse manipuler sans s’en rendre compte.

Cette nouvelle est une petite histoire bien noire.

Ne ratez pas l’avis de l’Oncle Paul

 

La compagnie des glaces tomes 13 et 14 de GJ.Arnaud

Editeur : French Pulp

Les éditions French Pulp ont décidé de rééditer la saga de science fiction de Georges-Jean Arnaud, en regroupant les romans par deux. Il s’agit, je crois, de la plus grande saga de science fiction jamais écrite puisqu’elle comporte 63 romans. Voici mon avis sur les tomes 13 et 14.

Station fantôme :

Dans leur fuite éperdue sur la banquise de l’ancien Pacifique, Jdrien, l’enfant-dieu, et Yeuse découvrent une immense cité, abandonnée depuis des décennies. Une civilisation y a prospéré en dehors des Instructions et a brusquement disparu.

De son coté, le Nain, toujours à la tête de sa compagnie est confronté à un problème : depuis que les Roux ont quitté la capitale, les habitants ne veulent plus les voir revenir. Or voici que l’on annonce des troupes de Roux de retour. Des manifestations ont lieu contre ce retour que beaucoup considèrent comme une invasion.

Quand Lien Rag a appris que Jdrien, son fils métisse, s’est enfui des mains de Lady Diana. Il décide de le rejoindre, quitte à arpenter des chemins inconnus. Il va emprunter la Route des Disparus.

Délaissant le coté politique et stratégique de la saga, l’auteur nous convie à un roman d’aventure où il s’agit d’aller explorer une nouvelle zone de la terre. Chacun, de Lien et Jdrien, vont partir d’un point opposé pour se retrouver au milieu. Et on a le droit à un roman d’exploration, où on découvre des décors étonnants et des idées pleines d’imagination délirante, en particulier sur les animaux rencontrés. Ce n’est pas le meilleur de la série pour moi, mais j’ai été étonné par ce que j’ai lu.

Les Hommes-Jonas :

Amertume Station est la dernière ville avant de rejoindre la compagnie de la Banquise, dirigée par le Kid. Harl Mern, ethnologue, cherche un laisser passer au milieu de cette cité emplie de truands.

Depuis de Lien Rag, Jdrien et Yeuse sont réunis, ils décident de rejoindre le Kid. Pour cela, il va falloir qu’ils construisent des milliers de kilomètres de voies ferrées avec peu de provisions, et en un temps record, puisque Lady Diana n’a pas abandonné son désir de reprendre l’enfant prodige, Jdrien. L’un de leurs compagnons va créer une invention qui pourrait remettre en cause la fondation même de la civilisation des compagnies ferroviaires.

De son coté, le Kid cherche à les rejoindre par le Réseau 160°, mais il est très occupé par les différentes factions qui lui demandent toujours plus d’argent, entre les chasseurs de baleines, les chasseurs de phoque et son allié qui revend ses actions au plus offrant.

Balayant à chaque chapitre un aspect de son intrigue, ce roman s’avère être une course contre la montre où chacun poursuit sa route sans être sur du chemin qu’il emprunte ni de la destination vers laquelle il se dirige. Aidé par un rythme soutenu, et des scènes visuelles innovantes, c’est un très bon tome de cette série.

La défaite des idoles de Benjamin Dierstein

Editeur : Nouveau Monde

J’ai laissé passer le premier roman de Benjamin Dierstein, La sirène qui fume ; mais je ne pouvais pas rater son deuxième. Ce pavé de 634 pages denses est un roman à mi-chemin entre polar et roman politique, et c’est une sacrée découverte !

Jeudi 20 octobre 2011. Un militaire portant un tatouage de serpent dans le dos et le cou observe un immeuble à Syrte. Cet immeuble, le District 2, renferme les derniers dignitaires du régime libyen, Mouammar Kadhafi et sa garde rapprochée. Ils tentent une sortie avant d’être pris pour cible par des missiles. L’homme les suit, et se rapproche de la caverne où ils se sont terrés. Le peuple arrive à attraper Kadhafi après une interminable fusillade, le roue de coups. Alors, l’homme s’approche et lui tire deux balles dans la poitrine ; Kadhafi n’est plus.

Christian Kertesz, ancien lieutenant de la Brigade de Répression du Proxénétisme, sort libre, après trois mois d’incertitude. L’IGS a réussi à le faire virer mais pas emprisonner. Il va pouvoir reprendre les affaires. Sa première visite est pour Clotilde Le Maréchal, la victime de sa précédente enquête, enfermée à l’institut Robert Merle d’Aubigné spécialisé dans les appareillages suite à des amputations. Clotilde, cette jeune pute de 17 ans dont il est fou amoureux. Puis il rejoint Didier Cheron, qui après un passage aux RG, est à la tête de Noticia, une entreprise de sécurité et renseignement. Ses clients, Patrick Rougier et Elias Khoury veulent décrocher le contrat de construction d’un hôpital à Tripoli, donc il faut des informations croustillantes sur leur concurrent. Enfin, il finit sa soirée au Liberty, un club d’entraineuse tenu par les Corses les plus recherchés de France. Ils veulent revenir sur la marché de la drogue et lui proposent un plan.

Laurence Verhaeghen est une jeune capitaine de la Police judiciaire, ambitieuse et divorcée, mère d’une petite Océane. Elle se retrouve en charge d’un meurtre dans un hôtel en réfection et, à six mois de la présidentielle, a la libération de Kertesz à gérer ; car elle ne veut pas le laisser en liberté. Dominique Muller, la victime avait reçu des menaces, peut-être le rackettait-on ? Cet hôtel appartient au groupe Bessin, qui sert à blanchir l’argent de la mafia. Zimmerman, son directeur l’appelle. Bien qu’elle ne soit pas syndiquée, elle a beaucoup de relations, certaines haut placées, et elle pourrait jouer un rôle important dans la déstabilisation de la Gauche. Il lui demande de tout faire pour trouver des armes contre Flanby, François Hollande, le candidat de la Gauche.

Je n’ai pas lu La sirène qui fume, son premier roman ; et je peux vous dire que je vais le lire très vite. Ce roman est totalement bluffant, totalement surprenant, totalement addictif. Malgré ses 640 pages, je l’ai lu en à peine quatre jours, et c’est tellement passionnant que j’aurais pu en reprendre encore quelques centaines de pages. Pourquoi ? Parce que cela me rappelle les meilleurs moments de lectures de mes auteurs favoris.

Ce roman est à la fois un polar et à la fois un roman politique. Le contexte se situe entre l’assassinat de Kadhafi et l’élection présidentielle de François Hollande, un contexte fort pour tout ce qui concerne la police, surtout si on se rappelle que Nicolas Sarkozy a été Ministre de l’Intérieur et a toujours gardé une relation particulière avec les forces de l’ordre. On va y voir une vraie bataille entre les différents services de la police, que la nouvelle structure n’a pas su effacer. Cette bataille, c’est la droite contre la gauche, un syndicat contre l’autre, une guerre idéologique contre l’autre.

Mais c’est aussi une période trouble quant à la politique extérieure de la France, en Lybie tout d’abord, ce qui est au centre de ce roman, mais aussi ailleurs, avec l’avènement de l’état islamique, tout juste abordé dans le roman. Et quand le grand banditisme, la mafia corse, veut redorer son blason sur le marché de la drogue, elle se retrouve face à des clans bien plus cruels que ce qu’elle est capable de faire. Face aux Albanais ou aux libyens, c’est toute une machination qui rapporte des millions d’euros par mois que nous démontre ce roman.

Ce roman, c’est aussi l’itinéraire de deux personnages forts, ni gentils ni méchants. Ils sont tous deux d’un coté de la ligne jaune, mais pour autant, leurs méthodes sont les mêmes. De la manipulation au chantage, des interrogatoires musclés aux meurtres, tous les moyens sont bons pour arriver à leur objectif. Ils sont tous deux forts, impressionnants, inoubliables, mais ils ont aussi chacun leur point faible qui causera leur perte ou une partie de leur vie. Kertesz et Verhaeghen, ce sont l’illustration parfaite de deux faces d’une pièces qui n’est rien d’autre que la société française actuelle, aux mains des mafieux de tous bords.

Ce roman, c’est un style extraordinaire. Les phrases sont courtes, les rebondissements abondent, les événements se suivent à fond de train. Caryl Ferey disait du précédent : « Un putain de bon roman … du DOA sous amphets, précis, nerveux, sans fioritures ». Et je suis totalement d’accord avec lui. Je vais même en rajouter une couche. Car ça pulse à toutes les pages, ça fuse, ça va vite et je n’ai pu empêcher mon rythme cardiaque d’accélérer à chaque instant. Les dialogues sont toujours bien placés, et bigrement bien faits, justes. Ce roman rappelle DOA, certes, mais aussi Dominique Manotti (par le sujet, le style) sans oublier le Grand James Ellroy, celui du Grand-Nulle-Part. Impressionnant !

Avec sa construction, qui insère dans sa narration des extraits de programmes radiophoniques, l’auteur nous plonge dans l’époque (pas si lointaine), à laquelle l’auteur a décidé de consacrer une trilogie. Après la Sirène qui fume, La défaite des idoles en est le deuxième. Et je peux vous dire que je piaffe d’impatience à l’idée que je doive attendre un an avant de lire le troisième. Je termine juste par un conseil : Ne ratez pas ce roman, c’est de l’or en barre !