Editeur : Seuil / Cadre Noir
J’avais tellement adoré Rien ne se perd, et quand j’avais rencontré Cloé au salon de Saint-Maur en Poche, elle m’avait dit travailler sur un roman totalement différent, plutôt futuriste. Je ne m’attendais pas à un roman comme ça !
Dans un futur proche, la population occidentale a délaissé l’aspect spirituel de leur vie, et abandonné toute religion. Les rumeurs ou la légende disent que Dieu a alors explosé et donné naissance à une trentaine de divinités. Ces divinités sont réunies et connues sous le nom de La Multitude, et elles choisissent un être humain pour être leur interprète, une Désignée. Outre l’accueil des nouveaux croyants, les Désignés doivent aussi porter la bonne parole et répondre aux sollicitations des médias.
Raylee Mirre est la Désignée du Dieu Dix-Neuf. Quand Raylee Mirre se lève, ce matin-là, elle manque de se prendre les pieds dans le corps de Kyle, allongé mort au milieu de la cuisine. Ses deux colocataires jumeaux, Hector et Adrian, auraient dû faire le ménage avant qu’elle descende. Si Raylee est une Désignée, les jumeaux sont à la fois ses gardes du corps et des Bourreaux au service des Dieux Rouges, les plus violents envers l’Humanité.
A côté de cette permanence de Hondatte, le gouvernement, inquiet de cette mouvance, a mis en place une organisation spéciale pour surveiller la Multitude, l’Observatoire des Divinités. Le lieutenant Hassan Bechry doit en particulier comprendre les disparitions inexpliquées de jeunes gens liés à la Multitude. Pour ce faire, il charge Jérémie Perreira de se faire embaucher pour infiltrer cette mystérieuse organisation de plus en plus influente.
Je pourrais comparer Cloé Mehdi à une équilibriste, avançant sur son câble tendu, quel que soit le décor qui s’étend sous elle, quelle que soit la force du vent qui balaie l’atmosphère. Que ce soit dans le genre de Roman Noir (Rien ne se perd) ou dans le Roman d’Anticipation ici, elle présente notre société avec une franchise et une acuité remarquables, que l’on soit d’accord ou pas avec le propos.
Encore une fois, l’intrigue telle qu’elle est présentée en quatrième de couverture peut faire penser à une charge contre les religions monothéistes. Ce qui n’est pas le cas, loin de là. Avec cette histoire, Cloé Mehdi nous parle de notre société, de ceux qui galèrent avec quelques centaines d’euros par mois et qui n’ont même plus de Dieu pour apercevoir un peu d’espoir. Elle nous parle aussi de racisme, de rejet envers ceux qui ont décidé de vivre autrement, les homosexuels, les transgenres, de la violence sous-jacente, du manque d’humanité grandissante.
Tout le roman repose sur le personnage de Raylee Mirre, jeune femme frêle qui subit son statut de désignée plutôt que d’en tirer une fierté ou un pouvoir. Quand elle reçoit des messages, des visions, elle devient malade, atteinte d’une forte fièvre. Elle ne maitrise pas les éléments ni les événements, ce qui, pour quelqu’un de si sensible devient un véritable arrache-cœur pour elle. Etant noire et homosexuelle, elle subit aussi le rejet, la haine des autres ce qui donne un personnage sans attaches, émotif mais sans rien pour libérer son trop plein de sentiments. Son apparence n’attire pas non plus la sympathie, avec son crâne rasé. Et elle va se retrouver au cœur d’une guerre entre les divinités.
Le scénario peut sembler partir dans tous les sens, mais au fur et à mesure que l’on avance dans la lecture, on se rend compte qu’il est savamment dosé, et qu’il montre une société en pleine déliquescence et qui perd ses repères. Cloé Mehdi reste fidèle à sa conduite, elle veut parler d’aujourd’hui, des gens qui veulent y vivre et choisir de traiter le sujet de la religion en partant d’une dystopie est une preuve d’intelligence et de lucidité. Ces cinquante-trois présages est un roman inclassable, vrai, lucide, intelligent, philosophique et écrit avec un recul nécessaire et bienvenu.
On a sorti notre chronique en même temps 😉.
Ce roman inclassable est un bijou !
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Oui, j’ai vu ça. Un roman à la fois plein de retenue et empli de puissance. Cloé est une sacrée conteuse ! J’adore !
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J’allais justement dire que Yvan en disait du bien aussi et qu’à vous deux, vous me poussiez à l’acquérir, mais d’ici à ce que je trouve le temps de le lire, pfiou, on en sera au moins au confinement N°36 😆
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Salut Belette, je ne vais pas insister mais quand même, tu devrais courir chez ton libraire, commerce essentiel, et le mettre au dessus de la pile. Je dis ça, je dis rien, mais quand même …
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J’entends bien, mon cher Pierre, mais tu me permettras de ne pas courir, mon genou me le ferait payer cher et je n’arriverais jamais à la librairie 😆
Les librairies avaient été déclarées essentielles chez nous, au confinement de novembre… tu veux faire réfugié politique chez nous ?? 😀
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Euh … j’aime beaucoup le Belgique mais euh … les librairies sont essentielles chez nous aussi … alors ! Veux tu que je t’envoie une canne ? Pour atteindre la librairie, je veux dire ! MDR
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ENFIN vos gouvernants s’en sont rendus compte et contrairement à la dernière fois, ont laissé les librairies ouvertes !! Ils ont copités sur nous 🙂
Oui, apporte-moi une canne, ça m’aidera à resquiller dans les files puisque l’on pensera que je suis âgée 😆
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Bon, vous êtes deux à sortir une chronique sur ce livre le même jour : je prends ça comme un signe du destin 😉
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Salut Aude, Oui, c’est un hasard et en même temps la démonstration de notre amour pour cette auteure douée et pas comme les autres. A ne rater sous aucun prétexte
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