Quel temps pourri, mes amis ! Faut-il se réjouir d’avoir plus de temps pour lire ou se plaindre de ne pouvoir sortir sans parapluie ? En tous cas, ce mois de juin aura mis en lumière les auteurs français (tous sauf un) dans des genres très différents, ce qui montre encore une fois la richesse de l’édition tricolore.
Le seul roman étranger figurant dans les avis publiés sera donc Lucy in the sky de Pete Fromm (Gallmeister), dans le cadre de la rubrique Oldies, consacrée cette année aux quinze années d’existence de Gallmeister. Il nous embarque dans la vie de Lucy, une adolescente intelligente et à l’humour ravageur, et de sa difficulté du passage à l’âge adulte. Outre qu’il sonne juste, qu’il mette en valeur un personnage féminin extraordinaire, ce roman nous fait nous poser des questions sur la façon dont nous élevons nos enfants et leur faculté à découvrir nos mensonges.
Le 6 juin, j’ai souhaité rendre un hommage à ce grand auteur qu’était Frédéric Dard, qui nous a quittés vingt ans auparavant. Pour l’occasion, j’ai pioché dans les aventures de San Antonio et en ai profité pour vous partager mon amour de sa capacité à jouer avec la langue française ainsi que son humour dévastateur. Sur les trois romans chroniqués (Messieurs les hommes, En avant la moujik, Un os dans la noce), les deux derniers sont incontournables.
Comme tous les ans, je suis allé faire un tour du côté des nouveautés chez Ska, éditeur de nouvelles et romans en numérique. La lecture numérique coïncide bien avec la lecture de nouvelles et cette année encore, Ska a déniché des petites perles à choisir parmi Sous la carapace d’Aline Baudu, Inch’Allah de Jean-Luc Manet, Deux anges en enfer de Sébastien Gehan, Condé de Jérémy Bouquin (4 nouvelles), Chères familles de Jean-Hugues Oppel, La savate à Marceau de Jean-Marc Demetz, Jours de neige d’Etel, Carnaval *** de Jean-Hugues Oppel et Une mort trop douce d’Odile Marteau-Guernion. J’aimerais juste attirer votre attention sur une novella, Vlad de Patrick Pratz mettant en scéne un flic borderline. Le style et le rythme adoptés dans cette enquête d’une petite centaine de pages font que l’on a envie de retrouver ce personnage dans une nouvelle aventure.
Colère jaune de Jérémy Bouquin (Editions In8) est le dernier roman en date de cet auteur prolifique dont j’apprécie tant le style direct. Il nous plonge dans la mouvance des Gilets Jaunes en nous présentant Sandrine, une jeune femme qui élève seule son adolescent de fils. Sans en rajouter outre mesure, Jérémy Bouquin fait preuve de beaucoup d’intelligence et de lucidité pour nous dérouler son intrigue, surprenante jusqu’à la fin, et pour en faire un témoignage sans jamais rien occulter mais sans juger. Un excellent roman social.
Alors que l’intrique de Nuit blanche aux sons des tam-tams de Patrick-Serge Boutsindi (L’Harmattan) nous laissait entrevoir les trafics d’immigration clandestine et le commerce des pharmacies, j’ai été surpris par la forme, si emplie de dialogues que j’ai eu l’impression de lire une pièce de théâtre. Si ce fut une nouvelle expérience pour moi, j’ai regretté que les sujets promis en ressortent occultés.
Aussi étrange que cela puisse paraitre, Le cavalier du septième jour de Serge Brussolo (H&O éditions) est ma première incursion chez cet auteur (lui aussi) prolifique. Il en ressort un polar plutôt classique, dans sa construction surtout (présentation des personnages, mystères puis final explosif) mais aussi un mélange des genres avec une incursion dans le genre fantastique et les croyances.
24 heures hero de Saphir Essiaf& Philippe Dylewski (Nouveau Monde) est présenté comme un roman, la vie d’un couple de toxicomanes et leur quotidien qui consiste à trouver de quoi s’acheter leur dose du jour et celle du lendemain. Pourtant, on pourrait presque croire à un document, tant tout semble réel, précis, décrit à deux voix. Même si certains passages sont durs par leur violence, ce roman est important par le message sous-jacent sur la nécessité d’arrêter de juger les drogués et de leur trouver une aide à la hauteur de leur mal-être.
Le titre du chouchou revient donc ce mois-ci à Point de fuite, pardon, au Régisseur de Jeanne Desaubry (L’Archipel), qui bénéficie pour son passage dans une grande maison d’édition d’une réécriture complète. Pour avoir lu les deux versions, les deux romans s’avèrent totalement différents, mais on y retrouve la même force émotionnelle dans cette histoire de jeune femme enceinte dont on vient d’assassiner l’amant, rejetée, accusée, plongée dans un abîme d’incertitude et d’incompréhension.
J’espère que ces avis vous auront été utiles dans vos choix de lectures. Je vous donne rendez-vous à la fin de l’été pour le titre de chouchou de l’été 2021. En attendant, n’oubliez pas le principal, protégez-vous, protégez les autres et surtout lisez !