Cela fait déjà vingt ans que Frédéric Dard nous a quittés. Avant de faire ce billet, je me suis posé la question sur la forme que j’allais donner à ce billet. Je ne suis pas un spécialiste de Frédéric Dard, mais il me semblait important de rappeler ce grand auteur, si décrié avant que Bernard Pivot ne l’invite à la télévision.
A l’époque, à la fin des années 80, je prenais les transports en commun pour poursuivre mes études. On trouvait souvent, posés sur les poubelles, des San Antonio, qu’un lecteur offrait à un futur volontaire passager, don gentillet qui a débouché à notre époque sur les « boites à lire » que l’on trouve dans certaines gares. Eh oui ! À l’époque, on savait partager. C’est comme cela que j’en ai lu beaucoup, entre deux livres de mathématiques supérieures. Et donc, j’ai choisi de lire/relire quelques San Antonio en balayant les décennies une par une :
Messieurs les hommes (1955)
San Antonio pousse la porte du troquet Fifi les Belles Noix. Il cherche clairement la bagarre et cela ne tarde pas. Quand les flics débarquent, San Antonio se fait coffrer en compagnie de Paul le Pourri, surnom lié à son exéma et non son métier de truand. Après une ruse classique, les deux énergumènes s’évadent, San Antonio flingant un gardien, et Paul le Pourri propose de se cacher chez sa nièce, l’espiègle Sofia. La mission d’infiltration de San Antonio a bien commencé.
Collant à son histoire, Frédéric Dard adapte son langage à celui que l’on accolait aux truands après la guerre. On y trouve donc un florilège d’expressions auxquelles l’auteur ajoute son grain de sel, avec des images humoristiques hilarantes. D’un point de vue inventivité, ce roman se situe dans le haut du panier ce qui n’est pas le cas de l’intrigue. Simpliste, elle se révèle aussi mal équilibrée, la fin étant bigrement rapide. Ceci dit, ce roman qui se lit d’une traite est un vrai cadeau à l’intérieur duquel on trouve nombre de citations à conserver et réutiliser et des descriptions d’une drôlerie jamais égalée.
En avant la moujik (1969)
Le roman s’ouvre sur la mariage de San Antonio avec la russe Natacha, qui ressemble plus à un 48 tonnes qu’à Claudia Schiffer. Heureusement, elle est accompagnée de son amie d’enfance Anastasia qui est tout son contraire. La raison de cette union en est simple : San Antonio doit récupérer en Russie une mystérieuse formule mise au point par un Français et le père de Natacha. Cette mission ne va pas être de tout repos pour San Antonio.
Et effectivement, nous sommes en présence d’un feu d’artifice, d’une explosion de rires, car du début à la fin, nous courons avec S.A. dans l’espoir de démêler les fils de cette pelote russe. Quand Frédéric Dard se lâche, cela donne une excellente aventure. De jeux de mots en détournements de noms, de digressions en situations hilarantes, cette aventure comporte en outre de nombreux mystères, des femmes irrésistibles, et des scènes d’action haletantes. En avant la moujik est un roman plein, complet, drôle, un sommet de l’art du maître et un des meilleurs que j’ai lus. Enorme !
Un os dans la noce (1974)
Rencontrée dans sa précédente aventure, J’ai essayé, on peut !, Zoé Robinsoncru va devenir l’épouse de San Antonio. On dirait qu’on nous a changé notre enquêteur tant il paraît heureux. Juste avant l’échange des vœux, on lui passe un mot le prévenant qu’une bombe explosera s’il dit OUI. San Antonio est donc obligé de dire non, mais quand le maire lui demande de confirmer, il dit le mot interdit. Zoé est gravement blessée et le maire n’en réchappe pas. Qui a voulu tuer notre enquêteur favori ? Il va vérifier auprès du gardien qui a eu accès à la salle des mariages, puis lui vient l’idée qu’il n’était peut-être pas la cible …
Le début peut en surprendre un grand nombre, tant le roman commence par des pensées de San Antonio et sa joie de se marier sans hésiter. Après la dramatique explosion, l’intrigue démarre et c’est un vrai bijou avec moult rebondissements et retournements de situation. A cela, il faut ajouter cette langue unique, où Frédéric Dard s’amuse à recréer le dictionnaire, détournant des expressions, imposant des jeux de mots (pour certains passés dans le langage courant), inventant des noms dans l’unique objectif de nous faire rire. De l’action, une très bonne intrigue et un style toujours plus inventif, cet opus est un excellentissime numéro.
J’ai eu une passe S.A vers 15 ans et ce, jusqu’à mes 18 ans, j’en ai lu assez bien, je dirais 60 au moins, mais je n’ai gardé que les meilleurs, les autres, je les ai donné. Maintenant, je ne saurais plus en lire un, cela ne me correspond plus, mais j’en garderai des bons souvenirs de rires et d’insouciance.
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C’est cela, une lecture insouciante, pour se fendre la gueule, rire un bon coup tout en appréciant cette langue extraordinaire !
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« pompefunébrer »… je m’en souviens encore et je ne serais pas contre le dico de Dard.
Ses jeux de mots étaient dingues, ses positions sexuelles aussi et j’ai souvent pleurer de rire.
Je n’ai gardé que « Vol au-dessus d’un nid de cocus », « on liquide et on s’en va », « si ma tante en avait », « mon culte sur la commode » et l’incontournable « les vacances de Bérurier », mon premier SA que je tiens de mon paternel.
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« Y a mille raisons d’aimer tel ou tel auteur. J’aime San-Antonio parce qu’il me met de bonne humeur, tout simplement. Il me réconcilie avec la vie quand j’ai le moral en cale sèche ou la viande qui récalcitre. Elles ne sont pas seulement drôles, bien fichues et jactées cinq étoiles, ses petites aventures truculo-trouducuto-policières. On y trouve aussi, mine de rien, une forme de philosophie pratique, un chemin buissonnier d’insouciance, de dérision, d’autodérision. Qui te rend plus humble, moins con, alors que t’avoueras, c’était mal barré, lecteur. »
(Extrait de « O Sana au plus haut des cieux ! »)
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Salut, c’est exactement cela. Quand on tombe sur deux polars moyens à la suite, un seul remède pour se réconcilier avec le polar : San Antonio. Deux jours de lecture marrante mais aussi un style qui se permet des pirouettes comme personne n’a osé le faire. Amitiés
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