Editeur : Envolume
Vous connaissez mon intérêt pour les premiers romans. Celui-ci part d’un sujet simple voire simplissime : découvrir le Corbeau qui empoisonne la vie d’un petit village. Mais quand on s’intéresse à l’humain, cela devient irrésistible. Une grande réussite.
Depuis sa rupture avec Elle, Nicolas Berger ne trouve plus goût à rien. Lui qui faisait montre de bonne humeur devient un être renfermé qui rumine sa rancœur et son malheur. Pour un journaliste, dela pose un sacré problème et c’est ce que lui explique son chef, Gérard, le rédacteur en chef de La Gironde. Une affaire de corbeau vient de surgir dans un petit village alentour et Nicolas dispose d’une semaine pour ramener un reportage.
Dans le train, il lit le dossier qu’on lui a préparé. Les accusations sont précises et tournées comme des vers poétiques mais néanmoins explicites et agressives :
« Le corbeau salue les ignorants, leur donne un peu de lumière, alors notez ceci :
La vieille militante n’a plus de fougue. Cette perdante ne l’ouvre plus. A-t-elle compris qu’elle ne servait à rien ?
Le chat de la secrétaire binoclarde n’a pas fugué. Il a été écrasé par le boucher. Trop lâche pour l’avouer, il a jeté le cadavre encore chaud dans le fossé.
Des cornes poussent sur la tête d’un adjoint. Il est ridicule, mollasson, incapable de voir que sa femme du nord se fait attraper par tout le monde, même le roi du village.
Votre dévoué corvidé »
On ne peut pas dire que l’accueil soit joyeux. Nicolas se pose au bar en face de la gare et rencontre Mathieu, l’envoyé spécial, le journaliste local, jeune homme embauché en CDD chargé de fournir un encart de temps en temps. Le pilier de bar ne se gêne pas pour dire ce qu’il pense des « fouille-merde ». Il apprend tout de même la bagarre qui a eu lieu lors du dernier conseil municipal, entre le maire et son adjoint. Malgré l’animosité ambiante, Nicolas se lance à corps (à cœur ?) perdu dans cette enquête.
Je me suis lancé plus par curiosité que par intérêt, tant les histoires de corbeaux pullulent dans les polars. Et je me suis laissé prendre au jeu. En fait, ce roman regorge de qualités, la première et la principale étant d’avoir créé ce personnage de journaliste dont la situation personnelle impacte son travail au jour le jour. Désabusé, presque déprimé, il accepte la mission qu’on lui confie, pour se changer les idées.
Et on croit à ce personnage parce qu’il est le narrateur et que l’écriture, à la fois pleine d’humour et de réparties en font un vrai plaisir de lecture. En bon journaliste, Nicolas est curieux de nature et observateur. L’auteur utilise donc un style fluide et descriptif qui nous fait croire à son personnage, et tout ça sans lourdeurs excessives. Comme je l’ai signalé plus haut, on se laisse prendre au jeu.
Et puis, on y trouve la description d’un petit village, où tout le monde se connait, où tout le monde en veut à tout le monde, où tout le monde sait tout et ne sait rien, où tout le monde a son opinion sans le dire. Les ressentiments viennent de toute part, entre les conseillers municipaux, envers les commerçants, envers les vignerons. Plus l’auteur en rajoute, plus le village de Salérac qui semblait calme et tranquille au départ, se transforme en nid de guêpes … et elles sont bigrement agressives cette année, les guêpes !
On va y rencontrer de sacrés énergumènes, des histoires tantôt belles comme des histoires d’amour ratées, tantôt détestables comme les bassesses de certains protagonistes. Le portrait de ce petit village semble tellement vrai que l’on ne peut que louer le talent de l’auteur à observer son prochain et à savoir le retranscrire dans un roman. Une étonnante et une excellente surprise, je vous dis !
La fin de ce roman dénote de l’ensemble du roman, plus violente mais ressemble à un feu d’artifice qui vient clore un beau défilé de petites gens qui grognent dans leur coin. L’auteur nous montre que la vie des villages où ça parle dans le dos, ça fait de grands sourires et ça fait circuler des bruits sur vous. Je ne peux que vous donner un conseil, laissez-vous tenter par ce roman, une très grande réussite.
Bon sang, j’avais lu « covidés » et je pensais que c’était un livre parlant de gens atteint du covid… Je sors boire du café, moi et je note sur un morceau de papier ce titre 🙂
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Ouh la ! Tu es fatiguée, toi !
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Je pense aussi !
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Merci pour cette critque. Merci pour David Gauthier qui continue à parcourir les librairies. François SIROT d’Envolume.
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Et merci à toi d’être passé ! J’ai adoré ce roman.
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