Editeur : Asphalte
Traducteurs : Isabel Siklodi et Gilles Marie
Attention, coup de cœur !
Ayant tourné le dos à son inspecteur récurrent Santiago Quinones (3 romans et 3 coups de cœur pour moi), Boris Quercia rend hommage dans son nouveau romans aux grands thèmes de la science fiction.
Ce jour-là, Natalio doit remplir une mission périlleuse avec son électroquant : débusquer un nid de dissidents. Entré dans la maison, il a vite débusqué une trappe. Quand il a ouvert la trappe, les dissidents ont balancé une bombe magnétique artisanale, létale pour son robot. Natalio a riposté avec une grenade suffocante et bloqué la trappe. Malgré son niveau de classe 5, il sait qu’il ne sera pas inquiété pour ces morts.
Les attentats ravagent la City, le centre de la ville habité par les riches dominants. La médecine permettait d’adapter les médicaments à l’aide de l’analyse des ADN, jusqu’aux événements d’Oslo. Personne n’a compris pourquoi les gens soi-disant soignés sont devenus paranoïaques et ultra-violents. Alors les riches se sont enfermés. Tous les matins, les travailleurs font la queue pour entrer à la city.
Tout le monde souffre de l’amnésie des rêves. Les revendications des dissidents luttent contre ça : « Nous avons droit à de vrais rêves ». Disculpé suite à l’enquête sur la mort des dissidents, Natalio se retrouve tout de même en disponibilité pour quatre jours. Il accepte alors une mission de sécurité pour la société Rêves Différents. Cette société propose aux travailleurs de la vieille ville de rêver pendant deux ans gratuitement.
Pendant ce temps, elle cultive des ADN modifiés pris sur les rêveurs. Ces ADN sont revendus à Recycladen et permettent aux gens des Hautes Sphères de vivre éternellement. Aucune loi n’est arrivée à empêcher Rêves Différents de fonctionner. Accompagné de son nouvel electroquant aux mimiques humaines, Natalio se voir confier sa mission : découvrir qui a usurpé une identité pour aller chez Rêves Différents.
Je sors tout juste du futur, je suis revenu meurtri en mon âme. Boris Quercia nous dépeint une société divisée entre riches et pauvres, qui a succombé au confort de la possession d’androïdes. La situation, bien que relativement compliquée, est expliquée au fur et à mesure et le talent de l’auteur fait le reste : une fois entré dans ce monde futuriste, on ne peut plus en sortir.
Avec une intrigue d’usurpation d’identité pour lier le tout, ce roman est écrit comme un roman noir : style sec, direct, avec des descriptions minimalistes, passant plus de temps à peindre le contexte que le décor. Mais ce qu’il sous-entend fait bigrement froid dans le dos. Car le propos de l’auteur va bien plus loin et nous interpelle sur les chemins que nous sommes en train d’emprunter.
A confier nos vies aux machines, à se complaire de leur laisser faire de plus en plus de choses, à se laisser séduire par le confort que cela apporte et se laisser embringuer dans un espace de jeux inutiles, nous perdons petit à petit pied, nous oublions le goût de l’effort, l’envie de réfléchir, de progresser, d’aider les autres, de vivre en société. Nous laissons même des algorithmes gérer nos opinions et à qui on veut les partager sur les réseaux « sociaux ». Il rappelle ainsi Blade Runner (le film), Philip K. Dick, Brazil (le film) ou même les robots d’Isaac Asimov.
L’auteur se permet des parallèles entre la situation actuelle et l’avenir qu’il a imaginé. Son décor se révèle alors d’une lucidité remarquable et impose une réflexion salvatrice : Les robots seraient ils plus humains que les Hommes ?
Quant à la fin, elle ne peut pas être définitive car l’humanité continue à vivre. Mais elle se révèle ouverte et surprenante comme rarement j’aurais eu l’occasion de la lire. Vous l’avez deviné, ce roman est un coup de cœur, un énorme coup de cœur.
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