Editeur : Editions du Horsain (Format Papier); Ska (Format électronique)
Je connais surtout Franck Membribe pour ses nouvelles, certaines étant éditées en lecture électronique chez Ska. Après Reflux, il nous propose un voyage à Cuba très réussi par son évocation et qui me rappelle tant de bons souvenirs.
En cette fin 2008, Vincent débarque à l’aéroport José Marti de la Havane. Au lieu du ciel bleu promis, il arrive sous un orage, ce qui est toujours mieux que le brouillard qu’i a quitté à Paris. Hervé son compagnon de voyage l’invite à manger. Les deux hommes sont venus pour auditer des musiciens et leur faire signer un contrat au profit de leur maison de disques. A la veille de la fête pour le cinquantenaire de la Révolution Cubaine, ils devraient trouver leur bonheur.
Arrivés à l’hôtel Trip Habana Libre, Hervé et Vincent font un point sur la situation de leur société de téléchargement de musique. Il leur faut trouver de nouveaux noms, surprendre le public s’ils veulent survivre. Puis Hervé reçoit un SMS lui apprenant que son audience pour son divorce est avancée au 4 janvier. Son ex-femme n’en finira donc pas de le faire chier. Il ne leur reste que quatre jours pour trouver la perle rare.
Après quelques heures de sieste, les voilà partis pour La Casa de la Musica, où ils vont écouter un trio de cubains. Puis, évitant les bars à touristes, ils arrivent à La Bodega Inomada où ils discutent d’un contrat et où Hervé leur fait une démonstration au piano. L’alcool coule à flot avant que Hervé fasse un scandale et parte de cette soirée de réveillon. Le lendemain, Vincent qui a rejoint son hôtel dans la nuit, se lève avec un mal de tête obsédant. Il n’a pas de nouvelles de son ami et s’aperçoit même qu’il a disparu. La convocation à la police va lui apprendre une nouvelle beaucoup plus dramatique.
L’auteur prend son temps pour présenter ses personnages et surtout pour nous glisser dans la peau de touristes. Et petit à petit, l’histoire va se dérouler et les événements nous montrer ce qu’est (ou ce que fut) la vie à Cuba, celle des touristes et celle des cubains. Alors, autant vous le dire, l’enquête de Vincent va avancer étape par étape et ceux qui cherchent de l’action sont priés de passer leur chemin. Car l’intérêt de ce roman là est ailleurs.
Sans en avoir l’air, de façon remarquablement subtile, Franck Membribe montre sans fioritures et sans excès la séparation qu’il y avait entre les touristes et la vie cubaine. Il valait mieux pour les étrangers ne pas sortir des zones balisées, surtout à La Havane. Et quand vous parliez à des gens, personne ne critiquait le régime en place, et tous sortaient le même discours de l’école et la médecine gratuite.
Pourquoi en parlé-je au passé ? Parce que ma femme et moi sommes allés là-bas, le siècle dernier. Parce que nous avons vu l’écart entre la vie citadine et la vie paysanne. Effectivement, nous avons arpenté les bars à touristes, nous sommes baladés dans les avenues à la Havane. Et puis, nous avons eu droit à une après-midi dans un petit village de pêcheurs. Là, nous étions libres de nous balader.
Une famille de Cubains nous a invités à prendre le café, à manger leurs biscuits. Ils étaient heureux de nous accueillir (et nous ne parlions pas espagnol !) ; ils étaient fiers de nous montrer leurs meubles, de formidables commodes ou armoires en bois brut, qui, chez nous, vaudraient une fortune. Ils nous ont raconté (en mimant) leur vie, sans critiquer le gouvernement, ni le louer, juste en montrant tant de bienveillance. Dans ces moments-là, nous ne pouvions faire qu’une chose : leur montrer notre respect.
Voilà tout ce que m’a apporté ce roman, une bouffée de nostalgie, un film retraçant un des meilleurs moments de vacances que j’ai connu. Franck Membribe nous présente des personnages vrais, des situations réalistes sans en rajouter. En un peu plus de 200 pages, il nous plonge dans le vrai Cuba et cela rend ce roman bigrement attachant. Avis aux lecteurs avides de voyages dépaysants.