Editeur : Rivages
On ne peut pas dire que j’ai lu beaucoup de romans de Hugues Pagan, si ce n’est quelques uns dans la collection de poche Rivages Noir, en particulier ses premiers parus. On retrouve ici un de ses personnages récurrents, l’inspecteur Schneider.
Novembre 1973. Le président Pompidou agonise, à l’image de son pays. Après avoir dix années en Algérie, L’inspecteur Claude Schneider aurait pu briguer un beau poste à Paris, mais il a décidé de revenir dans sa ville natale. Le voyage en train lui convient bien, ces paysages qui défilent sans dire un mot. Son ami, Monsieur Tom, dont on dit qu’il détient toute la ville l’accueille à son arrivée et le conduit à l’hôtel.
« La Ville dérivait lentement derrière les vitres, avec ses places, ses allées, les rangs de réverbères qui s’ouvraient comme de grandes jambes blanches et glacées … »
Le lendemain, sous une température glacée, Schneider se rend au Bunker, non sans avoir au préalable fumé une cigarette. Le Contrôleur Général Toussaint Mariani, Dieu en personne demande son dossier en aboyant, et le fait attendre. A force d’attendre, Schneider décide d’aller boire un coup à l’abreuvoir. Dieu débarque en rogne. Schneider ne porte pas sa légion d’honneur et ça énerve Dieu qui aimerait bien l’avoir. Schneider récupère le Groupe Criminel.
André Hoffmann, certificat d’études en poche est entré aux chemins de fer. Ne faisant pas de bruit, il a fondé une famille et ils ont eu une fille. Aujourd’hui, sa femme est morte et sa fille une adolescente de quinze ans, respectueuse de sa famille. Hoffmann arrive au Bunker pour signaler la disparition de sa fille Betty. Elle était allée à la bibliothèque et devait rentrer avant la tombée de la nuit. Schneider va prendre sa déposition, les autres fêtant la fin de la semaine au bar. Pour Schneider comme pour Hoffmann, il ne reste plus qu’à attendre pour confirmer une terrible nouvelle.
Dès qu’on ouvre ce roman, on se retrouve plongé dans une époque, dans un cadre et dans les déambulations d’un homme désabusé par son passé. Marquant ses distances avec les autres, taiseux au point de ne jamais dire plus d’une phrase, Schneider porte sa vie et son passé comme une pierre impossible à déplacer. Il regarde passer sa vie en plongeant dans le brouillard gris et les horreurs du quotidien. Et la disparition de la petite Betty, renversée par une voiture, va constituer un crime qu’il ne peut laisser passer, comme tous les autres.
Hugues Pagan prend le temps pour dérouler son intrigue, laissant son personnage le guider dans son enquête, qui ne comporte pas, comme beaucoup d’auteurs du Noir, d’événements retentissants. Hugues Pagan préfère montrer la vie des petites gens, ceux qui se confondent avec les ombres à force de ne pas les regarder. Il nous apporte un ton de véracité, nous décrit autant le décor désolant que les personnages vivant de peu, opposés aux dirigeants de la ville profitant de leur « palaces » ou aux chefs de la police à la poursuite de leur progression dans la hiérarchie.
Et puis, Hugues Pagan nous attrape, nous accroche par ses phrases justes, des phrases qui frappent, tantôt poétiques, tantôt violentes car surprenantes. On ne peut que rester ébahi, enchanté par ce style si vrai, plongeant dans un réalisme cru ; on se laisse emporter par ce pouvoir d’évocation, cette faculté de toucher à la vie qui forme notre quotidien. Ce roman policier noir est un vrai cadeau, offert par un maître du genre, où chaque page dévoile un pan de notre vie comme on ne l’avait pas vue. Un pur joyau magique, bien noir, tout simplement beau.
En suis qu’au début mais déjà l’écriture me happe !
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Je ne peux que te souhaiter de le déguster, jusqu’à la dernière ligne. A bientôt
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Sa « dernière station avant autoroute » m’avait bcp plu. Ce dernier titre, « Le carré des indigents », me parle bien …Merci pour votre chronique, qui renforce nos envies …!
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Mais de rien. Un roman aussi magnifique que frappant et noir, éblouissant par son style. A bientôt
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