Le chouchou du mois d’avril 2022

Allez ! je vous propose de terminer la douzième année d’existence de Black Novel avant de partir pour de nouvelles aventures, de nouvelles découvertes littéraires, et ce dès le 1er mai. Pour ce cent quarante quatrième mois, j’ai innové en consacrant une semaine entière (soit trois billets en ce qui me concerne) à un auteur.

Pour cette première session, c’est Maurice Attia qui est passé sous le scalpel avec sa deuxième trilogie consacrée à Paco Martinez, ancien flic devenu journaliste judiciaire et cinématographique. La blanche Caraïbe de Maurice Attia (Jigal) nous emmène en Guadeloupe en 1976, en pleine éruption de la Soufrière, où Paco débarque pour aider son ami et se retrouve dans un panier de crabes. Le rouge et le brun de Maurice Attia (Jigal) regroupe trois enquêtes dont l’une se passe en Italie lors de l’enlèvement d’Aldo Moro, alors qu’Irène, la femme de Paco, découvre un journal écrit par son père qui évoque un passage méconnu de notre histoire en 1899. Enfin, Couleurs de la vengeance de Maurice Attia (Jigal) alterne entre une tuerie dans un bar vers Marseille et l’invasion de l’Afghanistan par les Russes. Cette trilogie permet de faire œuvre de m »moire sur quelques événements de notre histoire contemporaine en adoptant une forme polyphonique jouissive.

J’aurais préféré ne pas écrire tout de suite la chronique Oldies de ce mois. Hélas, suite à la mort de Liliane Korb, j’ai voulu rendre hommage aux livres qu’elle a écrit avec sa sœur en commençant par le premier tome des enquêtes de Victor Legris. Mystère rue des Saints Pères de Claude Izner (10/18) nous plonge dans le Paris de l’Exposition Universelle de 1889 et nous apprend beaucoup de choses. Une belle introduction à cette série.

Arsène Lupin contre Herlock Sholmes de Maurice Leblanc (Archipoche) est le deuxième roman de la série et propose un duel entre le célèbre détective anglais (accompagné de son imbécile Wilson) et notre gentleman cambrioleur. Le style est vif, le ton humoristique et la lecture plaisante pour ce match nul entre ces deux personnages. A suivre …

Avec plus de sérieux, Château de cartes de Miguel Szymanski (Agullo) nous emmène dans le monde de la Haute Finance au Portugal. Premier d’une série à venir, l’auteur nous montre les dérives des banques, la corruption des politiques et les petits arrangements pour sauver de sombres truands. Bien que le domaine soit technique, l’auteur fait un effort pour nous rendre tout cela explicite et nous livre un Thriller prenant.

Parmi les auteurs que j’adore, La jeune femme et l’ogre de John Connolly (Presses de la cité) est le dernier tome des enquêtes de Charlie Parker et c’est un excellent cru. John Connolly multiplie les personnages, les pistes et les duels à distance, dans une ambiance fantastique et angoissante qui ravira les habitués et permettra de faire découvrir et enchanter les novices.

Qui voit son sang d’Elisa Vix (Editions du Rouergue) est le dernier roman noir de cette auteure qui a l’art de créer des intrigues différentes dans un style direct et expressif. Ici, Elisa Vix compose une intrigue de recherche classique et oppose l’enfermement intérieur des personnages à l’air du grand large aux abords de l’île d’Ouessant. Une fois commencé, ce livre ne peut être lâché : A ne pas rater.

Dernier recueil de nouvelles publié à la Déviation, Jusqu’ici tout va mal de Pascal Dessaint (La Déviation) est un petit bijou avec ses 17 cartes postales. De la nature et des hommes. De l’Amour et de la solitude. Vivre ensemble et respecter la nature sont les messages forts de ce recueil de nouvelles parfait.

Le titre de chouchou du mois revient donc à Tokyo revisitée de David Peace (Rivages), dernier tome de la trilogie que ce gigantesque auteur britannique a consacrée à la capitale japonaise de l’après-guerre. Même s’il prend pour trame une affaire criminelle irrésolue, il nous montre, nous assène la guerre froide à distance entre les USA et l’URSS en mettant les personnages au premier plan, en nous offrant des scènes hallucinées hallucinantes avec son style haché, rythmé comme aucun autre.

Je vous donne rendez-vous le mois prochain pour un nouveau titre de chouchou, et dès le 1er mai pour fêter le 13ème anniversaire du blog. En attendant, n’oubliez pas le principal, lisez !

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Couleurs de la vengeance de Maurice Attia

Editeur : Jigal

Nous bouclons donc cette semaine consacrée à Maurice Attia par le dernier roman de sa deuxième trilogie qui va nous transporter en 1980, une année où l’on sent de nombreux bouleversements au niveau mondial.

Marseille, jeudi 23 octobre 1980. Toujours obligé de réaliser ses reportages inintéressants, Paco veut remettre à l’honneur les petits cinémas de quartier, les lieux où il a connu tant d’émotions devant les films d’aventures ou d’horreur, étant jeune. Il se rend donc à la Belle de Mai pour interroger les propriétaires du Gyptis. Soudain, une camionnette s’arrête en face d’un bar, deux hommes cagoulés en sortent et tirent dans le tas. Paco note le numéro de la plaque d’immatriculation et appelle les secours. La tuerie fait une dizaine de victimes. Paco voit dans cet acte, une enquête potentielle qui va attiser son esprit d’ex-policier. Le tout va être de ne rien dire à Irène, sa femme.

François Nessim, ex-collègue de Paco et parrain de sa fille Bérénice, débarque à Quetta, au Pakistan, en vue de commencer son reportage sur l’Afghanistan et la résistance contre l’ennemi russe. Cette dernière le guidera jusqu’à Kandahar, la deuxième ville du pays. La première étape se situe à Chaman, la ville frontière. François doit faire attention à qui il parle, de nombreux pro-russes et des espions du KGB sont à l’affut d’ennemis. Dans ce cas, ce serait direction prison avec tortures associées.

Le roman débute sur une enquête tout ce qu’il y a de plus classique. On retrouve Paco et son mal-être en couple. Avide de mystères à résoudre, il se contente d’écrire des articles pour sa rubrique cinématographique. Le hasard le place devant une tuerie et Maurice Attia jalonne le déroulement de sa première partie par la recherche des origines de chaque victime. Mené de façon très classique, à base d’interrogatoires, je me suis posé des questions sur où l’auteur voulait m’emmener.

D’autant plus qu’en parallèle, nous allons suivre un journaliste de terrain, qui arrive au Pakistan pour suivre le conflit en Afghanistan. Dans ces passages, l’auteur va nous montrer l’invasion russe et le harcèlement réalisé par le KGB pour éliminer la résistance. François Nessim est reconnu dans son métier et va mettre à jour des révélations dont certaines nous sont connues aujourd’hui. Mais il est toujours bon de les rappeler.

A partir de la deuxième partie, le lien entre les victimes commence à s’établir et les pistes se dirigent vers l’Europe de l’Est, et des trafics avec l’Europe occidentale. La grande force de l’auteur, c’est de nous prendre à la gorge et de construire des toiles pour relier toutes les affaires. Et la dernière moitié du roman est tout simplement géniale, à la fois par le déroulement de son intrigue que par le rythme haletant adopté. Dans cette deuxième partie, on retrouve aussi ce qu’on a apprécié dans les précédents tomes, cette faculté d’alterner les avis de plusieurs personnages et de passer de l’un à l’autre.

Cette trilogie se repose sur le couple de Paco et Irène et ici, c’est plutôt Paco qui tient le devant de la scène. Dans ce couple en crise, il a envie d’aller voir ailleurs tout en éprouvant du remords. Il en découle une tendance à se jeter dans la gueule du loup et de se trouver dans des situations violentes. Enfin, cerise sur le gâteau, j’accorderai une mention aux deux flics Yul et Brynner et les dialogues cinglants qui m’ont bien fait rire. Ce roman clôt la trilogie par un polar jouissif comme un feu d’artifice.

Le Rouge et le Brun de Maurice Attia

Editeur : Jigal

Dans ce deuxième tome de la trilogie parue aux éditions Jigal, Maurice Attia reprend son couple récurrent, Paco et Irène, et les sépare pour nous parler de l’Italie des années 70 et de la France à la toute fin de 20ème siècle.

Mars 1978. Paco Martinez est envoyé en Italie, à Rome, alors qu’Aldo Moro, le président du parti de la Démocratie Chrétienne vient d’être enlevé par les Brigades Rouges. Il voit ce reportage comme une possibilité d’échapper à la routine de vie sa vie de couple. Là-bas, ne parlant pas italien, il rencontre Léa Trotski, une journaliste italienne blonde ressemblant à Marina Vlady, qui va l’aider à interroger des personnalités politiques. Après avoir bu un coup ensemble dans un bar, Léa prend son scooter et se fait renverser par une voiture qui ne s’arrête pas. Elle semble ne rien ressentir et Paco et Léa finissent la nuit ensemble. Le lendemain, Paco apprend que Léa est dans le coma à l’hôpital.

Mars 1978. Irène, restée à Aix-en-Provence avec leur fille Bérénice, décide d’aller rendre visite à sa mère. Elle sait que les absences répétées de Paco signifient que l’adrénaline apportée par les enquêtes lui manque et que cela met en danger leur couple. Alors qu’elle cherche des jouets au grenier pour sa fille, elle trouve un journal, écrit vraisemblablement par son père et qui raconte la vie de leur famille et un épisode méconnu de l’histoire française, le siège de Grand Occident de France, une association antisémite. Ecrit sous la forme d’un roman, Irène a l’impression que ce journal raconte une page sombre de sa propre famille.

On retrouve dans ce roman tout le plaisir que l’on prend à lire la plume de Maurice Attia, cette faculté de nous emmener dans la passé, accompagnés que nous sommes par Paco et Irène. Ici, on va moins parler d’eux et de leur passé que d’événements politiques forts, la fragilité de leur couple servant de prétexte à les séparer.

La première partie va être consacrée à l’enlèvement d’Aldo Moro et nous expliquer le dilemme de l’Italie, prise entre le marteau (les communistes) et l’enclume (les fascistes) dans une ambiance de guerre froide. La deuxième partie est essentiellement un roman narratif qui va nous montrer la France de la fin du 19ème siècle, en pleine période dreyfusarde et le courant antisémite qui faisait fureur à cette époque. La troisième partie reviendra elle sur Paco qui, à l’occasion d’un reportage sur un jardin floral, va se trouver impliqué dans une mort suspecte.

Ce roman ressemble donc plus à trois novellas regroupées et reliées par un fil ténu, le couple de Paco et Irène, qu’un roman à part entière. Cela n’empêche en rien le plaisir de cotoyer ce couple fantastique et a la grande qualité de nous expliquer quelques faits historiques de façon parfaitement claire, des faits parfois oubliés, ou laissés à la marge, mais qui pourtant sont des pierres qui devraient nous servir à construire un avenir meilleur.

Le roman fait aussi souvent appel à des titres de film (de par la profession et la passion de Paco) et rappelle bien entendu Le Rouge et le Noir de Stendhal, un chef d’œuvre (mais il n’est pas utile de le rappeler)

La Blanche Caraïbe de Maurice Attia

Editeur : Jigal

Une fois n’est pas coutume, j’inaugure une nouvelle idée, celle de consacrer une semaine entière à un auteur. Comme Maurice Attia regroupe ses romans par trilogie, je vous propose donc la deuxième trilogie, publiée aux éditions Jigal. Pour votre information, j’ai tellement adoré ces polars que j’ai d’ores et déjà acheté la première trilogie publiée aux éditions Babel Noir.

1976. Cela fait huit ans que Paco Martinez a démissionné de son poste de flic à la brigade criminelle de Marseille. Depuis, il est devenu journaliste pour le journal Le Provençal, où il écrit des chroniques criminelles et des critiques de films cinématographies. Sa femme Irène connait un beau succès de modiste et s’occupe de leur fille Bérénice.

Un coup de téléphone va venir bouleverser leur petite vie bien tranquille. TigranKhoupigian, dit Khoupi, l’ancien collègue de Paco, l’appelle à l’aide depuis la Guadeloupe où il a trouvé refuge depuis huit ans, et leur dernière affaire ensemble. Khoupi avait en effet descendu de sang-froid les auteurs de la séquestration et du viol d’Irène, avant de prendre la fuite aux caraïbes avec sa compagne Eva.

Paco laisse derrière sa femme et sa fille pour retrouver son ami sous les orages, alors que la Soufrière menace d’entrer en éruption. Khoupi a beaucoup changé, avec son air de vieil alcoolique. Il va raconter à Paco son arrivée en Guadeloupe, son travail de garde du corps auprès de Célestin Farapati, un architecte puis vigile sur un chantier pendant qu’Eva devenait enseignante. Une nuit, Khoupi assiste à une scène hors du commun : deux hommes enterrent le corps de Farapati et coule du béton par-dessus.

Ce roman représente exactement tout ce que j’aime dans un polar. Avec une écriture parfaitement explicite et fluide, Maurice Attia nous plonge dans une atmosphère faite d’ombre et de menaces, les menaces venant à la fois du volcan et des morts qui vont s’amonceler dans l’environnement de Khoupi. Le petit microcosme dans lequel il s’est inséré avec Eva est peuplé de couples blancs qui se sont bien implantés mais qui semblent cacher bien des choses.

Khoupi n’étant pas tout à fait neutre ni apte à avoir le recul nécessaire, c’est Paco qui va devoir enquêter et retrouver les sensations liées à son activité préférée et regrettée de l’investigation. Et plus le roman avance, plus les morts s’amoncellent, plus le danger se rapproche et plus les différents trafics se révèlent, ce qui nous en apprend beaucoup sur la vie de cette île.

Et ce roman ne se contente pas d’être excellent dans son scenario ou la psychologie des personnages. Il ose aussi devenir un roman choral, chaque chapitre étant narré par une personne différente sans aucune indication en tête de chapitre. Si cela surprend au début, on comprend vite le principe et on apprécie d’autant plus le processus qui rajoute encore à l’attrait de ce roman. Le plaisir procuré par ce roman est à la hauteur de ce qu’il nous apprend de la vie sous le soleil, où derrière le décor enjôleur se cachent d’innombrables magouilles.

Qui voit son sang d’Elisa Vix

Editeur : Editions du Rouergue

Elisa Vix nous donne à lire des romans noirs depuis quelques années déjà, et son style direct qui peut sembler froid ajouté à des scenarii toujours formidables sont les raisons pour lesquelles j’adore ses romans. Celui-ci est à nouveau une grande réussite, juste magnifique.

2019. Lancelot habite l’Anse à l’Âne en Martinique avec Rose. Vivant l’amour fou, Lancelot a toujours essayé de prévoir le pire. En se levant ce matin-là, il sait qu’il ira à l’hôpital, rendre visite à Rose qui en termine avec sa chimiothérapie. Lancelot aurait pu tout prévoir sauf cette leucémie. Maintenant, pour se remettre totalement, Rose a besoin d’une greffe de moelle osseuse, donc d’un parent donateur.

Alors que sa mère Firmine a une peau café au lait, Lancelot arbore une belle peau noire, qu’il a eue en héritage d’une aventure d’un soir de sa mère. Il a vite appris à lire, a choisi comme livre de chevet Les Trois Mousquetaires et a fait des études en métropole à la Sorbonne. Une fois son diplôme de journaliste en poche, il était revenu en Martinique et rencontré Rose à la Maison de la Canne où elle faisait la guide.

Rose n’a vécu que sur la mer, David et Christine, ses parents, vivant sur le bateau Le Nautilus sans jamais mettre pied à terre. Dans une anse de la Martinique, à treize ans, Rose avait dit stop. Elle avait alors intégré un pensionnat et y avait fini ses études, sans plus jamais prendre la mer. Et puis, David et Christine étaient partis, reprenant leur vie au gré des flots.

Lancelot sait que David vit sur un bateau, que Christine est morte lors d’une bourrasque et que le seul et unique but de sa vie est de retrouver ce beau-père absent, qui peut avoir encore une utilité. Il le trouve à La Havane et arrive à le décider à aider sa fille. Mais quand les résultats de test sanguins arrivent, il s’avère que David n’est pas le père de Rose. Entretemps, David est parti, refusant d’affronter sa fille. Il a juste laissé au couple une carte où une croix indique l’île d’Ouessant avec cette notre : « C’est ici que tout a commencé ».

Si on trouve de nombreux romans dont l’intrigue raconte la recherche de ses racines, celui-ci a ceci de remarquable qu’il a un scénario terrible, et qu’il évite des scènes faciles tout en abordant de nombreux thèmes actuels et brulants. Quatre parties vont composer ce roman, appelé des livres, car chacun va raconter un personnage féminin qui va venir s’imbriquer dans l’histoire générale.

Le roman va aussi revenir dans le passé, à l’année de naissance de Rose mais aussi bien avant pour nous dévoiler des secrets terribles dans lesquelles baigne plusieurs familles. Ainsi nous allons avoir Le livre de Rose, Le livre de Christine, Le livre d’Hannah (une professeure d’histoire géographie) et le Livre de Gwenola.

Outre le style d’Elisa Vix que j’adore, et cette construction de l’intrigue quelque peu complexe, l’auteure va aborder des thèmes tels que le racisme et l’extrême droite, le dévouement des professeurs et l’abandon des parents, l’irresponsabilité de certains adolescents et la vengeance, sans oublier l’impunité des riches ou les violences faites aux femmes. Mais elle met aussi en opposition les paysages grandioses, immenses, infinis aux personnages renfermés, reclus sur eux-mêmes.

Chacun des personnages montre ses forces et ses faiblesses, ses cicatrices et le poids de son éducation et de ses parents. Chacun se retrouve enfermé dans un carcan qu’il n’a pas demandé, en opposition à la force de l’océan qui se montre grandiose, parfois sans pitié. On se laisse porter par la narration, en admirant chaque phrase qui veut nous en dire tant, qui veut nous montrer l’air du large.

Et puis, il y a cette fin, cette dernière phrase, qui tue, qui nous laisse imaginer la suite, qui peut être heureuse ou dramatique, selon chaque lecteur. Il y a cette dernière phrase, cruelle, qui, alors que l’on était heureux d’avoir fait ce voyage de 200 pages, nous laisse dans l’incertitude, nous abandonne à la sortie d’un aéroport. Comme tant d’enfants ont été abandonnés dans cette formidable histoire.

Le titre de ce roman est tiré de l’expression : Qui voit Ouessant, voit son sang, pour illustrer les difficultés de la navigation dans la mer d’Iroise.

Jusqu’ici tout va mal de Pascal Dessaint

Editeur : La Déviation

Le titre du recueil donne le ton pessimiste des nouvelles et propose non pas une alternative à la morosité actuelle mais plutôt un regard différent sur notre monde, entre réalisme, lucidité devant la course au profit et nécessité de prendre exemple sur la nature, toute en sérénité. Ces dix-sept nouvelles que nous offre Pascal Dessaint ressemblent à des cartes postales, des saynètes de tous les jours, des morceaux de vie, balayant des thèmes aussi divers que la solitude, la morosité, la perte de l’espoir, l’amour, l’humour, les relations humaines et la nature qu’il faut protéger, sauver. Elles ne dépassent que rarement les quatre pages mais sont suffisantes pour nous présenter un ou des personnages et marteler un message.

Certains thèmes reviennent dans plusieurs nouvelles, en particulier la difficulté de vivre ensemble et la recherche de l’amour, comme dans Une érection rassurante (Suzanne, allongée à coté de l’homme, se sent bien au milieu de ses livres, et de ce membre vigoureux), ou La corneille rôde toujours (Nathan est couché à coté d’Elodie, et pourtant, il rêve qu’elle part avec le bucheron. Et la corneille les attend dehors).

L’autre thème omniprésent est évidemment la nature et l’auteur nous démontre de grande façon son amour pour la faune et la flore tout en déplorant et dénonçant la faculté qu’a l’homme à s’évertuer à détruire son environnement. Ainsi dans Le papillon orangé, Marc poursuit un papillon lors d’une promenade en montagne et se dit, en repensant au monde, mené par les grands du CAC 40, qu’il a bien raison.

Les méfaits de l’homme et ses conséquences sont bien présents plusieurs fois, dans La passion des chauves-souris (Germain accoudé à sa balustrade observe sa voisine faire l’amour et pense à la chauve-souris européenne qui a décimé ses cousines américaines), dans Lettre à un vieux naturaliste (Un amoureux de la nature montre son désespoir devant le pouvoir de destruction de l’homme), Le seau bleu (son voisin vient de lui apporter un seau d’écrevisses de Louisiane et Antoine ne se sent pas de les manger), ou même Pour des pommes (Simon se balade en bord de rivière quand il entend un homme abattre un pommier).

Il est même étonnant voire amusant de trouver dans certaines d’entre elles de l’humour, Une pêche prometteuse (Marion est chargée de récupérer un caïman en compagnie de deux pompiers Timothée et Maxence et se demande avec lequel elle va finir la nuit), et Une belle victoire (Francis aime en découdre et entre dans un bar qui retransmet un match de football) ou même Connaitre un poète (Luc vient de se faire larguer et raconte à son ami le poème qu’il lui a écrit).

On retrouve dans ces morceaux de vie de nombreux passages sur des gens solitaires en quête de l’amour comme dans Les mains parlent parfois plus que les lèvres (Yvette vient de quitter sa maison, sonnée et entre dans un bar musical où elle va rencontrer un homme), Le désir de Juliette (Le plaisir de Juliette se résume à la rencontre avec des inconnus) ou Elle pensait (Son plaisir est de faire l’amour à des inconnus avec le consentement de son mari).

Il ressort de ce recueil un ton moins de désespoir que de désabusement face à la direction que prend ce monde. Le ton est noir dans Les arbres font guérir plus vite (Laurent rend visite à Ghislain, allongé sur son lit d’hôpital. Ghislain, pour son dernier voyage, veut juste voir les arbres), révolté dans Jusqu’ici tout va mal (Gaëtan, pris de peur, s’est jeté hors du lit pour prendre son fusil et tirer par la fenêtre. Depuis, les gendarmes tiennent le siège) et sans concession dans La bernache et le faucon (Sylvain pense au faucon pèlerin qui fond sur une bernache sans arriver à la tuer) où Pascal Dessaint nous assène l’affirmation suivante :  « La nature sans l’humain serait magnifique ».

Je lis rarement un recueil de nouvelles d’une traite, préférant piocher au hasard, ce qui n’est pas le cas ici. J’ai adoré la puissance du discours, l’apparente simplicité de la plume toute en finesse expressive, et la force émotionnelle qui ressort de ces lignes. On y trouve dans ce décor désespéré une lueur d’espoir comme dans Le zizi chante le soir (Tom, en observant les oiseaux, se rend compte que l’espoir réside dans la nature). Vivre ensemble et respecter la nature sont les messages forts de ce recueil parfait.

La jeune femme et l’ogre de John Connolly

Editeur : Presses de la Cité

Traducteur : Laurent Philibert-Caillat

Je continue mon exploration de l’univers de Charlie Parker avec sa dix-septième enquête. Une nouvelle fois, John Connolly nous enchante avec cet excellent thriller, cette affaire est un excellent cru. La liste des billets chroniqués sur Black Novel sur Charlie Parker est à la fin de ce billet.

Parker et Louis se rejoignent dans un bar du front de mer de Portland. Depuis qu’Angel s’est fait opérer d’un cancer des intestins, il a besoin d’évacuer son trop-plein de colère. En sortant, ils aperçoivent un pick-up avec des drapeaux confédérés en guise de décoration. Louis, étant noir, prend ça comme une provocation et  décide de la faire exploser. Il s’agit du véhicule de Billy Ocean, surnom du richissime Robert Stonehurst.

Aux pieds de la forêt des Great North Woods, Holly Weaver observe Daniel, son fils volé de 5 ans. Il est brun, elle est blonde mais elle l’aimait du fond du cœur. Tous les soirs, elle lui raconte une histoire, mais ce soir, il veut l’histoire spéciale : La jeune femme et l’ogre. Un peu plus tard, seul dans son lit, Daniel entend un téléphone sonner. Il se lève et se rend compte que cela vient du jouet dont sa mère a enlevé les piles. Doit-il décrocher ?

A Cadillac dans l’Indiana, au Dobey’s, un bar sympathique au nom du propriétaire, Leila Patton est la dernière serveuse à débarrasser les tables. Seul un Anglais aux cheveux blancs, s’appelant Quayle, lisant de la poésie, traine à une table. Une femme à l’allure de fantôme s’affiche devant les fenêtres. Quayle annonce à Dobey qu’il est à la recherche d’un enfant de cinq ans, l’enfant de Karis Lamb.

Moxie Castin, un avocat de Portland, fait appel à Charlie Parker. Dans le comté de Piscataquis, la chute d’un arbre a révélé le corps enterré d’une jeune femme qui a passé cinq années dans la tourbe. Elle a vraisemblablement mis au monde un enfant avant de mourir. Moxie Castin veut que l’on retrouve son identité car quelqu’un a gravé une étoile de David sur l’écorce d’un arbre juste en face.

Ce roman est à classer dans la veine fantastique de la série d’enquêtes de Charlie Parker. Et les différents protagonistes de la série vont connaitre des bouleversements. Angel vient de se faire opérer et souffre des suites de son opérations. Louis, son amant, commence à péter les plombs. Et en sous-main, sa fille Sam va prendre les rênes en main, pour que cela ne finisse pas trop mal.

John Connolly n’a pas son pareil pour nous raconter une histoire complexe en nous tenant en haleine de la première à la dernière page. Il nous place des pions dans la première partie et va petit à petit tracer les lignes qui vont se rejoindre. Surtout, il n’a pas son pareil pour faire monter la tension, pour recouvrir ce roman d’un voile brumeux et menaçant. Et juste au bon moment, il nous place des moments comiques, pour relâcher le stress avant de nous replonger au fond des limbes.

Indéniablement, ce roman fait partie des excellents tomes de la série. L’enquête passe d’un personnage à l’autre, dans un rythme élevé, les chapitres étant pour la plupart très courts. L’auteur fait montre d’un savoir faire qui n’est plus à démontrer et sait comme aucun autre faire surgir l’inquiétude en partant d’objets communs (l’idée du jouet qui sonne est excellente et elle me fait encore frémir). Une enquête à ne pas rater et qui est à suivre a priori.

Les enquêtes de Charlie Parker dans l’ordre :

Tout ce qui meurt

Laissez toute espérance …

Le Pouvoir des ténèbres

Le Baiser de Caïn

La Maison des miroirs

L’Ange noir

La Proie des ombres

Les anges de la nuit

L’empreinte des amants

Les murmures

La nuit des corbeaux

La colère des anges

Sous l’emprise des ombres

Le chant des dunes

Le temps des tourments

Le pacte de l’étrange

Château de cartes de Miguel Szymanski

Editeur : Agullo

Traducteur : Daniel Matias

Je crois bien (en fait, j’en suis sûr, mais je cherchais depuis plusieurs jours comment commencer ce billet) que ce roman constitue ma première incursion dans le domaine du polar portugais. Faut-il en déduire qu’ils sont en petit nombre, ou bien que leur qualité ne leur permet pas de traverser les Pyrénées ? Quoiqu’il en soit, les éditions Agullo, dans leur rôle d’aller dénicher de nouveaux auteurs prometteurs, nous proposent le premier roman d’une série à venir.

En ce vendredi 3 juin, Marcelo Silva atterrit à Lisbonne en provenance de Berlin. Après avoir laissé derrière lui une carrière de journaliste, et le scandale de la Fondation, il a accepté le poste d’enquêteur dans un service de la répression des fraudes en lien avec les marchés financiers. Dès son arrivée, il décide d’aller voir le tout nouvel immeuble où il travaillera et d’apporter les innombrables paperasses nécessaires à l’Etat. Cela lui permettra de passer un week-end tranquille avant d’attaquer de bon pied dès le lundi suivant.

Peu avant qu’il arrive, José Manuel Paiva Melo, le Président de l’Autorité des Marchés Financiers éructe face à un jeune auditeur mettant en cause de nombreuses irrégularités dans la gestion de la Banco de Valor Global. Le dossier, dit-il, ne possède aucune preuve, n’est qu’un ramassis de rumeurs. Il ajoute qu’Antonio Carmona, son propriétaire, est un grand nom de la Finance Européenne et qu’il est un de ses amis proches.

Alors que Marcelo se balade tout le week-end dans Lisbonne, dont la façade parait immaculée pour les touristes, il se rend compte que son pays, le Portugal, en faillite, a sacrifié sa population pour dépendre de l’argent des vacanciers. Quand il déjeune avec son amie Margarida dans un restaurant de luxe, il assiste à une altercation entre Antonio Carmona et Avelino Simoes, ancien ministre de la justice et de l’intérieur, et numéro 2 de la BVG. Le lendemain, Antonio Carmona disparait.

Ne vous inquiétez pas si vous hésitez à propos de ce roman. L’auteur, qui sait parfaitement de quoi il parle, ne va pas nous noyer sous des notions financières incompréhensibles. D’ailleurs, ce roman se rapproche plus d’un roman policier, où Marcello Silva va mener son enquête sur la disparition du Président de la BVG, en même temps qu’il va découvrir ce monde de pourris.

Antonio Carmona a appliqué les préceptes de Madoff selon le principe de la pyramide de Ponzi. Je vous explique : Il créé une banque, et attire ses clients grâce à des rendements exceptionnels. En réalité, il se sert de l’argent des nouveaux clients pour payer les intérêts des anciens. Le problème survient quand le nombre de nouveaux clients diminue et que les dépenses dépassent les rentrées d’argent frais.

Mais le fond du roman n’est pas là. Miguel Szymanski préfère démonter tout le système mis en place autour de ces banques fictives, et nous montre comment les grandes banques nationales et internationales, les grandes entreprises et les états européens, sous couvert d’amitié de longue date, utilisent ces systèmes et couvrent les défaillances de paiement en cas de souci (le terme souci est soigneusement choisi pour ne pas être grossier).

Ce roman étant annoncé comme le premier d’une série, l’auteur met du temps à nous présenter la ville de Lisbonne, Marcello Silva son personnage principal, ainsi que ses amis. Marcello est un sacré personnage à l’humour vache, du genre cynisme méchant. Le grand plaisir passé à visiter Lisbonne, que j’ai tant aimé, compense une intrigue complexe et une narration parfois peu claire. Et après la dernière page, je me demande bien comment l’auteur peut rebondir, ce qui suscite une curiosité qui me fera lire le prochain opus.

Arsène Lupin contre Herlock Sholmes de Maurice Leblanc

Editeur : Archipoche

Je continue mes lectures ou relectures des aventures du gentleman cambrioleur avec un roman que je n’avais jamais ouvert. Et c’est l’occasion de trouver une autre facette de cet auteur fantastique qu’est Maurice Leblanc

Le 8 décembre, Monsieur Gerbois déniche chez un brocanteur un secrétaire en acajou qu’il pourrait offrir en cadeau d’anniversaire à sa fille Suzanne. Alors que l’affaire est entendue, un jeune insiste pour le racheter, le double du prix s’il le faut. Quelque jours plus tard, le secrétaire avait disparu, envolé, volé. A l’intérieur de ce secrétaire, un billet de loterie gagnant était caché. Arsène Lupin prend donc contact avec Monsieur Gerbois pour se partager la somme. Mais ce dernier refuse.

Le 27 mars, le général baron d’Hautrec est retrouvé mort dans la chambre de son hôtel particulier de l’avenue Henri-Martin. Alors que la maison est fermée à clé, seule la bague du baron manque à l’appel. Celle-ci était ornée d’un diamant bleu, qui faisait partie de la couronne royale de France. Le point commun avec l’affaire précédente réside dans la présence d’une mystérieuse Dame Blonde qui a disparu.

Il n’en faut pas plus à Ganimard pour soupçonner Arsène Lupin, qui aurait comme complice cette jeune femme blonde. Mais devant l’impuissance de l’inspecteur, Monsieur Gerbois et la famille du baron décident de faire appel au plus grand détective du monde : Herlock Sholmes. Lui seul a la carrure et la capacité d’arrêter Arsène Lupin.

Maurice Leblanc nous propose un duel franco-anglais dans ce deuxième tome des aventures d’Arsène Lupin. Herlock Sholmes, renommé ainsi suite à une plainte des héritiers de Sir Arthur Conan Doyle, va donc débarquer sur nos terres tricolores dans une parodie de roman policier où tout le monde se révèle bien abruti, sauf bien entendu nos deux personnages principaux.

Dans ce roman, Maurice Leblanc doit construire une intrigue à la hauteur du talent de déduction du détective anglais. Il complique donc à souhait les mystères, tout en restant particulièrement clair, ce qui est une gageure quand il s’agit de décrire des passages secrets. Il nous donne même droit à des scènes d’action et de poursuites que j’ai trouvées particulièrement modernes.

Maurice Leblanc s’amuse à se moquer du plus grand détective mais surtout de son acolyte Wilson (entendez Watson) qui apparait comme le clown de l’histoire, toujours au mauvais en droit, au mauvais moment. Et de ce match au sommet, de ce crunch pour reprendre un équivalent rugbalistique, il en ressortira une égalité presque parfaite. Comme quoi, au niveau génie, les deux pays se retrouvent dos à dos. Ce n’est pas forcément le meilleur roman de Maurice Leblanc mais il est très agréable, très drôle.

Tokyo revisitée de David Peace

Editeur : Rivages Noir

Traducteur : Jean-Paul Gratias

Nous les fans de David Peace, nous avons attendu dix ans, dix longues années avant de pouvoir enfin ouvrir le troisième tome de la trilogie consacrée à Tokyo, après Tokyo année zéro, et Tokyo ville occupée. David Peace clôt ainsi cette période d’occupation du Japon après la seconde guerre mondiale. Pour cela, il se penche sur une affaire encore inexpliquée de nos jours, la mort de Sadanori Shimoyama, le président des chemins de fer japonais,

1949. En ce 5 juillet, la température caniculaire rend l’atmosphère étouffante, irrespirable. L’inspecteur Harry Sweeney un coup de téléphone à son bureau, dans lequel un homme, japonais par son accent lui annonce : « Trop tard ». Retrouvant la trace de l’appel, il se dirige vers le café Hong Kong avec son chauffeur du jour Shintarõ, en vain. De retour au bureau, on lui apprend que Shimoyama a disparu.

L’entretien avec la femme du président lui apprend qu’il est parti tôt ce matin, accompagné de son chauffeur. Ce dernier lui dit qu’il l’a conduit dans une galerie commerciale et qu’il l’a attendu toute la journée, conformément aux ordres. A l’intérieur du centre, Sweeney ne trouve aucune trace du passage de Shimoyama. Tout le monde pense qu’il a passé la journée avec une amante.

Le lendemain, Harry Sweeney, Bill Betz, Toda son coéquipier et Ishirõ son chauffeur foncent en direction de la gare d’Ayaze. On a découvert un corps sur les rails. La police américaine et la police japonaise ne peuvent que reconnaitre le corps de Sadanori Shimoyama, découpé par le train qui lui est passé dessus. Deux théories vont alors s’affronter : un assassinat ou bien un suicide.

David Peace nous éclaire à la fin du roman sur les raisons qui l’ont poussé à aborder cette histoire véridique. A l’époque, Sadanori Shimoyama a réellement été retrouvé mort sur les rails de la gare d’Ayaze et le meurtre n’est aujourd’hui toujours pas expliqué. Dans le climat de tension de la fin de la guerre, cette affaire a fait autant de bruit au Japon que l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy aux Etats Unis. Cet homme était reconnu comme étant un homme bon, faisant son possible pour reconstruire et développer le trafic ferroviaire. Mais il se retrouvait harcelé entre l’obligation imposée par les politiques de licencier plusieurs milliers de personnes et la lutte anti-communiste menée par les Etats-Unis sur le terrain même des japonais.

David Peace va diviser son roman en trois parties et, non pas nous donner clé en main, la solution de cette énigme, mais plutôt nous plonger dans cette époque trouble, entre magouilles politiques, syndicats rouges violents, militaires américains arrogants et manipulateurs, agents secrets, agents doubles, agents triples … pour cela il a choisi trois personnages à trois époques différentes, exilés dans une contrée qui n’est pas la leur, marqués aussi par leur passé et se trouvant dans une impasse quant à leur futur.

Harry Sweeney, inspecteur doué, va ouvrir le bal et mettre à jour pour nous lecteurs les différents fils qui tirent le pays du Soleil Levant dans tous les sens. Puis, un détective privé, Murota Hideki, doit retrouver un auteur de polars, Kurota Roman, qui a disparu après avoir touché une avance confortable pour son prochain opus qui devait dévoiler les dessous de l’affaire Shimoyama. Enfin, nous finirons ce voyage en eaux troubles avec le retour au Japon de Daniel Reichenbach.

David Peace n’a pas son pareil pour construire des personnages complexes placés dans des situations complexes, pour nous faire vivre dans un pays étranger. Autant par les décors que les situations, il nous montre la situation du Japon sous l’occupation, où chacun gardait une part de l’information pour lui. Il nous montre aussi dans la première partie, la différence de culture ne serait-ce que dans des dialogues entre la police japonaise et la police américaine toute en tension, en menaces mais à travers des phrases douces et sibyllines.

David Peace n’a pas son pareil pour nous peindre une situation politique, presque géopolitique, sans être trop explicite, nous donnant les clés pour comprendre la situation de guerre froide, et comment elle avait lieu sur le terrain. Le nom du coupable a peu d’importance, car on comprend vite que, quel que soit le camp, un homme a été manipulé, tué uniquement pour des considérations idéologiques de gens de grand pouvoir.

David Peace n’a pas son pareil pour nous plonger dans des personnages extraordinaires, cassés, brisés par leur passé, cherchant des exutoires à leurs souffrances. On trouve dans ce roman des scènes hallucinées, hallucinantes, formées de longs paragraphes qui nous plongent dans les délires du personnage et qui rajoutent au mystère de ce pays. Nous nous retrouvons dans un pays, une culture qui nous est étrangère, que nous ne comprenons et nous plongeons dans une paranoïa profonde.

J’ai beaucoup parlé du meurtre de Sadanori Shimoyama, car c’est ce que j’en ai déduit en refermant ce livre. Pour autant, il se peut qu’il s’agisse d’un suicide. La résolution de l’affaire ne constitue qu’un fil narrateur de ce roman dont le message se révèle plus complexe et aboutit, dans mon cas, à un dégout des idéologies extrémistes, quel que soit le camp d’où elle vienne. Enorme !