Kids’show de Gaëtan Brixtel

Editeur : Horsain

Je vous propose une curiosité, un roman écrit avec le sang de l’auteur, un roman dont on sent que chaque mot, chaque phrase lui ont coûté. Je connaissais Gaëtan Brixtel au travers de ses nouvelles, publiées chez Ska, capables en quelques pages de parler de notre quotidien, souvent cruel, alternant entre le violent et l’attendrissant. On le retrouve ici dans un format plus long et dans un style caustique, cynique, voire par moments méchamment en colère. On ne trouve pas de langue de bois dans cette histoire de harcèlement scolaire, que du vrai, du vécu.

Certaines expressions peuvent nous paraître drôles quand on en cherche l’origine. Ainsi, pour « Bouc émissaire », on trouve ceci : Dans la Bible, on peut lire que le prêtre d’Israël posait ses deux mains sur la tête d’un bouc. De cette manière, on pensait que tous les péchés commis par les juifs étaient transmis à l’animal. Celui-ci était ensuite chassé dans le désert pour servir d’émissaire et y perdre tous les péchés. Pour « Tête de Turc », cette expression du XIXe siècle est une allusion aux dynamomètres des foires sur lesquels il fallait frapper le plus fort possible et qui représentait un visage surmonté d’un ruban. Dans un sens plus figuré, cette « tête de Turc » est la personne dont on se moque, en général méchamment, pour le blesser.

Le Show auquel nous convie Gaëtan Brixtel est introduit par la Direction du Kids’Show, qui va faire office de modérateur de cette histoire. Le narrateur, Monsieur G., nous présente Vincent qui porte sur lui une allure de victime. On ne s’étonnera pas que Vincent soit la cible de ses collègues, avec son air renfermé et sa volonté d’éviter tout conflit ou même discussion animée.

Le groupe de « durs » de cette classe de CM2 comprend Nicolas et Teddy. Vincent observe Delphine de loin, mais elle aime Bastien, comme un éternel drame de l’amour. Contre l’avis de Marc, Bastien propose à Vincent de venir jouer au football avec eux. Evidemment, Vincent ne peut refuser, sinon il serait définitivement exclu du « groupe ». Il regardera le match depuis la ligne de touche, sur le banc des remplaçants. Après leur victoire, les gamins videront leur joie sur le dos de Vincent, en lui faisant un shampooing à la boue.

Ce n’est que le premier exemple de ce conte, présenté comme un « formidable spectacle ». Le directeur de l’école est fier de présenter un orateur, Monsieur G., qui va raconter cette histoire auprès d’une audience censée être des parents, ou bien des enfants mais accompagnés d’adultes. On se prend à penser à un présentateur d’un spectacle de marionnettes ou de cirque, dans ses beaux apparats, avec sa voix de stentor.

Le narrateur prend alors la parole, et nous parle comme si nous étions assis devant lui. Il parle avec ses mots, nous détaille les scènes se déroulant tout au long de cette année de CM2. Parfois, il ressent de la sympathie pour ces garnements ; la plupart du temps, il montre leur imbécilité et leur méchanceté gratuite. Ensuite, il pointe sans pitié les instituteurs, les directeurs, les parents qui voient tout et ne font rien. Enfin, il nous prend à partie en tant que témoins avides de sang. Car c’est bien connu, le malheur des uns fait notre bonheur.

Malgré la cruauté des actes, malgré les horreurs dévoilées, malgré les réactions (ou absence de réactions) honteuses des adultes, le ton se veut humoristique, vif, mais aussi cynique, caustique, et n’hésite pas à appeler un chat un chat, à traiter de con un gamin qui en tape un autre. Et au-delà de la violence physique, il y a ce harcèlement moral, de tout instant, qui pousse certains jeunes à bout, à tel point qu’ils ont peur à l’idée de se lever le matin pour aller à l’école.

Si l’on s’amuse beaucoup à cette lecture, c’est grâce au ton volontairement provocateur. Mais on en vient à avoir des sueurs froides dans le dos en se disant que cela arrive tous les jours. On ressent bien la hargne, la rage derrière ces phrases et Monsieur G. ne s’en cache même pas. Il fait même dans l’autodérision. Monsieur G. a même du mal à se limiter dans ses insultes envers ces détenteurs de l’autorité qui sont conscients de la situation et se contentent de laisser passer l’année scolaire sans heurts, sans vagues.

La société devient de plus en plus violente, on en a l’exemple ici, même si l’action se déroule en 1999, et les gens censés représenter l’éducation et l’autorité ne jouent pas leur rôle. Et l’auteur n’hésite pas à pointer leur refus de leur responsabilité, les instituteurs, professeurs, directeurs, parents, comme s’ils donnaient leur aval à ces séances de torture quotidienne. Ce roman passionné, où l’auteur a mis son expérience et son vécu ne peut que nous interpeler, et devrait être lu, voire joué en pièce de théâtre pour tous.

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3 réflexions sur « Kids’show de Gaëtan Brixtel »

  1. Parfois l’on rit, parfois l ‘on serre les dents, à lal ecture de Kids’ Show mais ce texte provocateur ne peut pas laisser indifférent : ni par le fond : harcèlement, ni par la forme originale. Gaëtan Brixtel est un vrai écrivain, il le démontre une fois encore ! Heureuse de l’éditer.

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    1. Tu as raison Jeanne. Et Gaëtan m’avait contacté pour que je l’achète, je lui ai fait confiance et j’ai eu raison. Il nous a offert là un texte important dans une forme tout à fait personnelle. Engagé et passionnant. BIZ

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