Editeur : Le Muscadier
Les éditions Le Muscadier inaugure en ce début d’année une nouvelle collection « Noir », qui se présente ainsi :
« La collection Le Muscadier Noir propose des romans de littérature noire engagés qui s’articulent autour d’une mise en question de la société, des romans noirs de critique sociale qui s’opposent à la littérature du « moi » et proposent une littérature de société, qui s’enracinent dans les circonstances sociales dans lesquelles leur action se déroule, qui, enfin, déchiffrent et décodent le fonctionnement de la société à travers la fiction. »
Deux titres sont d’ores et déjà disponibles dès le mois de janvier, et je vous propose le premier d’entre eux, L’insurrection impériale qui va faire grincer des dents.
Jeffrey Poux de Maizieux (qu’on appelle JPM) fait partie des gens qui comptent dans notre pays, surfant sur l’argent et les entreprises qu’il dirige. Il se repose pour cela sur son chauffeur – garde du corps – homme à tout faire Gaëtan Morizet de la Barre. Ce dernier lui rappelle d’ailleurs qu’il doit assister à la réunion de préparation des championnats de monde de Waterpolo, non pas pour la beauté du sport mais pour y rencontrer le dirigeant d’une société avec laquelle JPM aimerait signer un contrat juteux. En sortant du siège de la FFWP, un homme se jette sur JPM et lui fend le crâne avec une feuille de boucher.
Il a prévu, du haut de ses vingt ans, de poursuivre ses études à la Sorbonne. Mais sa mère est tombée malade suite à un cancer foudroyant, et l’entreprise qui l’employait a profité de la COVID pour délocaliser ses activités et la licencier. Obligé d’abandonner ses perspectives d’avenir, il sent la rage monter devant l’impunité des Grands de cette société. L’idée de se venger, de montrer l’exemple, fait jour en lui et sa première victime sera JPM, le success-man le plus en vue du moment, celui qui goûtera à la feuille de boucher qu’il vient d’acquérir. Une autre personne l’insupporte, Georges-Henri Charançon, qui se permet d’organiser des repas en plein confinement …
Le commandant Olivier Lacelle, qui attend sa retraite proche de neuf mois, est chargé de cette enquête qui ne doit pas durer longtemps, dixit ses chefs ainsi que d’éminents membres du gouvernement. Son contact auprès du ministère se nomme Fleur Viam, commissaire de 31 ans atteinte du syndrome d’Asperger.
L’insurrection impériale est donc le premier roman que je lis de Christophe Léon, auteur prolifique dans beaucoup de genres, de la littérature générale à la littérature jeunesse en passant par des essais. Ce roman est un vrai polar, et montre pourquoi et comment les gens arrivent à être excédés par les attitudes de leurs dirigeants, les richesses étalées au grand jour, les impunités dont ils bénéficient.
En grossissant le trait, par moments, et en se basant sur certains faits récents montés en épingle par les médias, l’auteur construit une intrigue qui amène à faire réagir le lecteur. Alors que l’on peut s’attendre à une enquête en bonne et due forme, on se retrouve plutôt à une analyse détaillée des personnages à travers des scènes qui aboutissent à une conclusion attendue : on ne peut pas lutter contre le pouvoir.
Au début du roman, le style très littéraire et cultivé m’a semblé pompeux, ajouté à des paragraphes très longs ce que je n’apprécie pas. Au fur et à mesure de la lecture, je me suis habitué et j’ai vraiment apprécié cette lecture. Bien que l’on n’ait pas réellement affaire à un roman d’enquête, l’auteur arrive à nous accrocher et à suivre son intrigue sur deux fils directeurs en parallèle.
D’un côté, les deux policiers vont plutôt subir la situation et compter les morts, en l’absence de pistes sérieuses. De l’autre, nous avons ce jeune homme qui subit une situation familiale dramatique et qui est excédé par ce que se permettent les grands de ce monde. On en ressort avec un plaidoyer qui va opposer les deux camps si on prend un peu de recul : les révoltés (faisons tomber des têtes, comme en 1789) face aux légalistes (rien ne peut justifier un meurtre, quel qu’il soit). Comme vous le voyez, je suis aussi capable de grossir le trait.
Tout cela pour arriver à ma conclusion : lisez ce roman par son aspect original et sa démonstration de la raison pour laquelle les gens en arrivent à être excédés par ce qu’on nous montre à la télévision (aspect d’ailleurs qui aurait pu être plus détaillé). Car il remplit pleinement son rôle de réfléchir à la situation actuelle et nous poser des questions, avec ses accents de révolte.
Excellente synthèse , j’ai beaucoup aimé en dépit d’un manichéisme un peu trop simpliste. Le second du Muscadier Noir est fort différent mais tout aussi bon ( « Pourquoi tu pleures » d’Amélie Antoine).
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Salut Jean Michel, un roman parfois naïf mais empli de rage. Pas le roman de l’année, mais bien écrit. Amitiés
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