Editeur : Gallimard – Série Noire
Après avoir disséqué l’industrie du tabac dans l’excellent Leur âme au diable, Marin Ledun s’attaque à celle de la fabrication et de la vente de la bière, en se basant sur le scandale Heineken au Nigéria.
Jasmine Dooyun se fait arrêter à la Porte de Pantin à Paris pour prostitution. Etant mineure, elle risque de se faire expulser dans son pays, le Nigeria. Serena Monnier, journaliste au Monde, parvient à obtenir un entretien avec elle et apprend comment on lui a vendu du rêve, avant de la violenter pour qu’elle fasse le trottoir. Mais Jasmine veut continuer à se battre. Serena décide de poursuivre son enquête au Nigeria et est accueillie par une association féministe, les Free Queens.
Oni Goje occupe un poste de policier chargé de la circulation. Bien qu’il accepte des pots de vin, comme la plupart de ses collègues, il garde en lui une volonté d’intégrité et de justice. Il s’approche d’un attroupement géré par un cordon de policiers. En s’approchant, il découvre le corps de deux jeunes femmes assassinées que l’on a dévêtues. Il est persuadé que la police criminelle ne va rien faire et considérer que ce ne sont que des prostituées. Il décide de mener l’enquête.
Master Brewers, la multinationale qui fabrique de la bière, vient de mettre sur le marché la First. Pour son développement, elle a embauché Peter Dirksen qui va rapidement mettre en place un plan marketing. Les bières devront être présentées par des jeunes femmes peu vêtues, que ce soit dans les bars miteux ou luxueux. La stratégie est claire, « le sexe, le fric et une First » et le slogan devra faire mouche auprès de la population : la First permet d’augmenter les performances sexuelles. Peter Dirksen va donc construire un vaste réseau de prostitution en même temps qu’une campagne de corruption à tous niveaux.
Dans quasiment tous ses livres, Marin Ledun donne à ses œuvres une tonalité sociale qui ne peut qu’attirer l’œil. Son précédent roman sur l’industrie du tabac d’ailleurs a eu un fort écho et celui-ci devrait en avoir tout autant. Il revient sur un scandale qui a éclaboussé Heineken à tel point qu’ils ont dû justifier leur rôle dans le massacre des Tutsis au Rwanda, fait dont l’auteur ne parle pas ici.
Il préfère se concentrer sur le Nigéria et la façon dont les dirigeants hollandais ont décidé de déployer leur commerce en laissant les mains libres à un homme qui a vite compris que la loi et la morale devait être mise de coté. Bien que je n’aie pas été au courant de cette affaire en lisant le livre, les articles que j’ai lus depuis m’ont effaré. Car Peter Dirksen a vite choisi son camp pour remplir ses objectifs.
Marin Ledun choisit plusieurs points de vue, plusieurs personnages et le paysage qui en ressort fait froid dans le dos. Il faut se rappeler que tout se passe de nos jours, que l’on permet par l’intermédiaire de pots-de-vin d’exercer des commerces de prostitution pour améliorer les ventes de bière. Marin Ledun démontre très bien l’implication de la police, et on pouvait s’y attendre, mais aussi les hommes politiques jusqu’au plus haut niveau de l’état en passant par de grandes entreprises continentales comme Total mais aussi le PSG.
Contrairement à Leur âme au diable, Marin Ledun préfère dérouler un aspect narratif proche du polar, avec comme fil rouge la résolution du meurtre des deux jeunes filles, et s’attarde moins sur les aspects marketing. Et c’est probablement parce que cette affaire nous touche de moins près que le tabac et les cigarettes que des millions de personnes fument tous les jours.
Il n’empêche que devant toutes les horreurs décrites, ce que l’on pourrait trouver « normal, parce que ça se passe en Afrique » nous touche en plein cœur quand on a ne serait-ce qu’une once d’humanité dans le sang. Les combats des ONG pour le respect des droits des femmes ressemblent à la lutte du pot de terre contre le pot de fer. Alors, que faire ? En parler, c’est ce que fait de grande façon cet excellent polar riche et documenté.
Ok, tu me tentes, comme toujours 🙂
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Voilà tout l’objectif de ma vie 😜
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