Attention coup de cœur, gros coup de cœur ! Moi qui n’ai jamais lu de roman de Harry Crews, me voilà bien servi, avec cette publication inédite en français, un roman qui n’est pas forcément facile à appréhender mais qui recèle pour celui qui le lira des sources inépuisées et inépuisables de réflexion. Un grand merci donc à Sonatine pour avoir découvert cet inédit. Et si vous cherchez des romans de cet auteur à lire, allez donc du coté de chez Jean Marc qui nous en conseille pas mal.
L’auteur :
Après une enfance marquée par les conditions de vie difficiles dans le Sud rural et de graves problèmes de santé, Harry Crews s’engage à 17 ans dans le corps des Marines, où il passera trois années. Il intègre ensuite l’université de Floride pour des études d’anglais, qu’il interrompt en 1956 pour une virée de 18 mois en moto à travers les États-Unis. Il exercera jusqu’en 1997 comme enseignant d’anglais dans plusieurs écoles et universités de Floride.
Harry Crews, qui décide de devenir écrivain quand il découvre la littérature lors de son service dans les Marines, devra attendre 1968 pour voir son premier ouvrage publié (The Gospel Singer). Il publie ensuite régulièrement des romans, nouvelles, articles et reportages (notamment pour les magazines Playboy et Esquire dont il fut un contributeur régulier). Le récit de son enfance en Géorgie A Childhood : The Biography of a Place est considéré par l’écrivain James Crumley comme «peut-être le meilleur livre de la littérature américaine contemporaine».
Les romans de Harry Crews, caractérisés par un ton nerveux et ironique, plongent leurs racines autant dans le genre Redneck que dans le roman noir et la littérature gothique. Peuplés de paumés, de monstres, de désespérés, ils forment une fresque grotesque et saisissante sur le thème de l’Amérique profonde.
Crews apparaît au cinéma dans le film de Sean Penn, The Indian Runner, dans le rôle de M. Baker. Son roman The Hawk is Dying est adapté en film par Julian Goldberger sous le titre Dressé pour vivre en 2006.
Harry Crews s’éteint en 2012 à l’âge de 76 ans.
(Source Wikipedia)
Quatrième de couverture :
Garden Hills a connu des jours heureux. À l’époque où Jack O’Boylan, un magnat de l’industrie, a fait construire le village au fond d’une mine de phosphate qu’il a découverte et exploitée. Travail assuré, salaire, sécurité. Puis, les hommes de Jack ont quitté la place. Le créateur a abandonné sa création, la mine a fermé, les habitants ont déserté le village.
Seules une douzaine de familles ont résisté, constituant une véritable cour des Miracles qui vit aujourd’hui encore dans l’espoir du retour de Jack O’Boylan. Le village pourrait néanmoins renaître seul de ses cendres grâce à Fat Man, qui a hérité de son père, propriétaire des terrains avant la construction de la mine, une incroyable fortune. Mais personne n’attend plus rien de lui : Fat Man est un obèse qui passe son temps reclus dans sa maison à ingérer d’énormes quantités de nourriture en ignorant le monde extérieur. Reste Dolly, une ancienne reine de beauté, dont le souhait le plus ardent est de convertir Garden Hills à la modernité, c’est-à-dire au tourisme et à la débauche. Rapports de forces, manigances amoureuses et sexuelles, trahisons et machinations … Dolly ne lésinera sur rien pour abattre les vieilles idoles et mener son projet à bien.
Quelque part entre Samuel Beckett et Jim Thompson, Harry Crews nous offre avec l’histoire de ces marginaux perdus dans une ville fantôme une interprétation saisissante de la Chute originelle. On trouve dans ce roman, le deuxième de l’écrivain, publié aux États-Unis en 1969 et jusqu’ici inédit en France, la noirceur, l’humour et la compassion qui ont fait le succès de Body, Car ou encore La Foire aux serpents.
Mon avis :
Quel choc ! Vous en connaissez beaucoup des romans où vous vous arrêtez sur des phrases pour la relire plusieurs fois tant elle est évocatrice ? Cela peut vous arriver une fois dans un roman, oui ! Mais quand c’est à toutes les pages, quand à chaque fois, une image s’impose à votre regard, d’une évidence rare, vous savez que vous tenez là un roman hors du commun. Je ne veux même pas parler de chef d’œuvre, mot que je n’emploie jamais, mais de grand, d’immense roman. Peu importe que l’on parle de polar ou de roman noir, Nu dans le jardin d’Eden est un grand roman.
Harry Crews nous décrit une ville imaginaire perdue au milieu du désert. Jack O’Boylan a construit cette ville en croyant trouver du phosphate et, par dépit, il est parti. Son fils, Fat Man, 280kg au compteur vit sur une colline qui surplombe la ville. Il fait vivre cette ville de douze familles et ne sort jamais de chez lui. Tout le monde espère le retour de Jack O’Boylan, mais a-t-il seulement existé ?
J’ai déjà parlé du style, mais je peux aussi parler des thèmes abordés. Toutes ces petites gens courent après un espoir, une idée du bonheur, et se laissent emporter dans les rêves de Dolly d’amener les touristes à Garden Hills avec des attractions futiles. Quand on lit ce roman, on pense à En attendant Godot de Samuel Beckett mais aussi à n’importe quelle ville d’aujourd’hui, dévastée par la crise qui essaie de survivre par le tourisme. Mais au-delà de ça, on peut y voir une peinture de la société moderne, avec ses strates, ses différences, ses aspirations, son avenir. Un roman visionnaire !
Si vous n’êtes pas encore convaincu par ce que je viens d’écrire, sachez que le dernier chapitre est le meilleur et le plus beau chapitre que j’aie jamais lu, qu’il me reste encore en mémoire, qu’il a hanté plusieurs de mes nuits jusqu’à m’en faire faire des cauchemars. Enfin, ne ratez pas les avis de Claude et de Jean Marc, ce dernier nous donnant des titres de cet auteur parmi ceux qu’il a préférés. Bref, si je devais donner un adjectif à ce roman, ce serait : Magnifique, extraordinaire, visionnaire, biblique, coup de cœur !