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Facteurs d’ombres de Roland Sadaune (Val d’Oise éditions)

En ces temps de Noël, les idées de beaux cadeaux ne courent pas les rues. Pour les amateurs de polars, il ne faut pas hésiter, ce livre est exceptionnel, de par sa beauté, de par ses textes.

  sadaune

Né à Montmorency de mère polonaise, Roland Sadaune se passionne très tôt de cinéma et littérature policière. Sa carrière d’artiste peintre ne l’empêche pas d’avoir à son actif une trentaine de romans policiers et une cinquantaine de nouvelles noires. Pour lui, le Polar, c’est l’évasion par les chemins de traverse défoncés par le destin, avec des phénomènes de société dissimulés derrière les haies.

Il en est à sa 90ème exposition particulière, en 2006, intitulée Peintre de Polars.

Son joker préféré est le cinéma : en salle, car l’été on y est au frais et l’hiver on s’y sent bien.

Roland Sadaune est un auteur de polars mais aussi un peintre. Ne voulant pas choisir entre ces deux activités, il les réunit dans un livre regroupant 37 portraits d’auteurs d’hier et d’aujourdhui. Chacun est illustré par des textes émanant de passionnés mais aussi d’experts tels Claude Mesplede, Claude Le Nocher ou Paul Maugendre.

Avec une couverture cartonnée (comme on n’en fait plus), ses belles pages glacées rendent hommage à une œuvre que je ne connaissais pas et qui m’a tout simplement époustouflé. On y trouve aussi bien des auteurs étrangers (Mickael Connely, James Ellroy …) que des auteurs français (Christian Roux, Maurice Dantec, Jean Bernard Pouy …). Vous y trouverez d’autres esquisses ainsi que 7 nouvelles.

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michael-connelly

J’ai eu la chance de participer modestement à cette œuvre et donc je vous offre en exclusivité le texte que j’ai rédigé pour illustrer le portrait de Caryl Ferey :

Ma première rencontre (littéraire) avec Caryl Ferey, ce fut La jambe gauche de Joe Strummer. Je venais de découvrir Ken Bruen, et cette façon inimitable de créer une intimité avec un personnage. Ce roman fut une vraie découverte, en même temps qu’une envie de continuer à pénétrer dans l’univers d’un auteur. Alors je suis tombé sur Zulu, ou plutôt Zulu m’est tombé dessus. Car Zulu est un livre implacable, une démonstration en force de la cruauté des hommes, de leur imagination à faire souffrir son prochain, de l’inhumanité de l’homme.

Forcément, après une lecture pareille, on a envie de s’intéresser à l’auteur qui est derrière. Caryl Ferey est un globe-trotter qui va vivre dans un pays étranger pour s’imprégner d’une culture nouvelle, d’une histoire autre. Puis il va créer une intrigue intégrée à ce pays, pour nous dévoiler un pays et ses racines de l’intérieur. Mais il y a aussi cette maitrise de l’intrigue, cet art de surprendre le lecteur, de créer des scènes très visuelles et surprenantes sans que l’on s’y attende.

Mapuche est une poursuite dans cette veine que recherche Caryl Ferey. D’un pays qui a connu (et connait encore) une histoire forte et violente, il écrit un roman magnifique, une intrigue fantastiquement forte portée par deux personnages profondément humains. Il déploie dans ce roman tout son art pour montrer la lutte de l’amour contre la société, car l’amour est un sentiment profondément humain.

Lors de l’émission La grande librairie, on découvre une autre facette de cet auteur fascinant, sa volonté d’écrire le meilleur roman, son chef d’œuvre. Je me rappelle cette phrase, qui n’est peut-être pas de lui d’ailleurs : « Mon meilleur roman, c’est le prochain ». Et puis, il a parlé de ses personnages, de cette volonté de les placer au centre de son intrigue car ils sont et doivent rester au centre du monde. Caryl Ferey est un messager moderne dans une société numérique et inhumaine, une société qui se veut parfaite et qui oublie qu’elle doit être faite par les humains pour les humains. Il démontre que l’homme a une imagination sans limites pour créer la cruauté, pour inventer la violence. Il se pose ainsi comme un porte-parole de l’homme humain, un héraut humaniste.

Indéniablement, LE livre qu’il vous faut ou faut offrir en cette fin d’année 2013. Les images de ce billet ont été empruntées sur le Net à divers sites.

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Métier de chien de Marc Louboutin (Rouge Sang éditions)

Habituellement, je ne chronique que des romans. Et pourtant, ce livre, qui est un témoignage, vaut le détour voire plus, par son aspect direct et sa volonté de montrer la vérité du métier de policier.

L’auteur :

L’auteur se présente ainsi sur le site des éditions Rouge Sang : Quinquagénaire résolument misanthrope.

CV express 1976/2013 : commis de cuisine, animateur de centres de vacances, sous-lieutenant d’infanterie, inspecteur puis lieutenant de police (1984-2001), compétiteur d’épreuves extrêmes d’endurance, reporter-photographe, directeur de rédactions, gérant de société de presse, sdf, barman-videur de nuit, chef d’équipe dans le bâtiment, consultant en sécurité publique, auteur.

Quatrième de couverture :

Depuis des années, la sécurité publique est sur toutes les lèvres, notamment celles des responsables politiques, de droite comme de gauche. Pourtant, pour chaque policier de terrain une évidence s’impose : les discours, les articles de presse, et leurs commentateurs ignorent volontairement la réalité de leur métier.

Marc Louboutin a été inspecteur puis lieutenant de police durant dix-sept ans. À Paris, Chambéry et Quimper, il a fait partie, ou a encadré, de nombreux types d’unités de police. En 2001, constatant que l’administration lui demandait explicitement de ne plus se focaliser sur l’interpellation de délinquants, fussent-ils criminels, il a claqué la porte.

Ce récit, parfois très cru, est celui de sa carrière, sans concession envers les faits ni envers lui-même. C’est l’expérience vécue d’une partie de l’histoire des Inspecteurs de police, aujourd’hui disparus, au-delà des fictions de cinéma.

L’histoire d’une vocation devenue un dégoût avec l’arrivée de la police « moderne » au début des années 2000, celle dans laquelle, aujourd’hui, des « flics de terrain » tentent toujours de surnager.

Mon avis :

Ce livre a été publié une première fois en 2007. A la suite d’une émission télévisée, le livre a été censuré, sous prétexte qu’il pourrait attenter à la fonction de la police. On peut bien se demander pourquoi, puisque ce livre ne m’a pas semblé être un brûlot ou une dénonciation. Il s’agit plutôt d’un témoignage d’un homme, qui fut passionné par son travail, qui était de rendre service à la population, et de ses désillusions.

Dès le début du roman, l’auteur nous prend par la main voire nous prend par la peau du cou pour nous montrer sans état d’âme et sans tabou de la réalité du terrain, et de la façon dont il l’a vécu et ressenti. Et Marc Louboutin va nous détailler ses dix sept années de vie dans la Grande Maison par le menu, en commençant par la formation à l’école de police de Montereau jusqu’aux différents postes qu’il va occuper.

L’auteur va donc nous détailler de nombreuses affaires, qu’il a prises en charge ou auxquelles il a participé, pour démontrer son propos, mais surtout pour nous immerger dans un monde qui nous est finalement très étranger. Entre chaque affaire, il s’adresse au lecteur, le tutoie, le prend à partie, sans forcément prendre de gants. Ces passages, imprimés en italique, peuvent faire penser à des redites alors qu’en réalité, elles constituent un lien pour tout ce qui du propos général du livre.

Car ce qui retient l’attention, et ce qui finit par être passionnant, c’est cette façon de rendre l’ensemble d’une grande cohérence. Le fait que tout soit remarquablement écrit, formidablement bien introduit, fait que l’on suit ce livre, on tourne les pages, et qu’on le reprend avec plaisir, car on a l’impression de côtoyer quelqu’un qui a beaucoup de choses à nous apprendre.

Alors, tout ne va pas être rose, loin de là. Des scènes vont être crues, des passages détaillés de façon très sale et réaliste, on va passer en revue tous les types d’affaires possibles et imaginables, des petites affaires de braquage aux simples vols de mobylettes, des putes aux consommateurs de drogue, des affaires de meurtres aux suicides. Mais ce qui ressort de tout cela, ce sont les exigences liées à ce métier qui sont énormes …

Car on est flic 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et 365 jours par an. Il n’y a pas de juste milieu, pas de temps mort, pas de week-end, pas de jours fériés. De même, on ne peut envisager de vie privé, ou bien cela se termine rapidement par un divorce. Et quand on travaille dans un milieu sale, on rencontre forcément des gens sales. Il ressort de ce livre que les policiers doivent avoir un mental blindé pour faire ce métier, alors qu’ils ne sont peut-être pas formés ou recrutés avec ce profil.

Ce livre est avant tout un témoignage mais c’est aussi et surtout l’histoire d’un homme passionné par son métier qui s’est trouvé désavoué, trahi par ses hiérarchies. La course des hommes politiques aux chiffres font que Marc Louboutin a vu un changement dans les objectifs fixés par ses chefs. Il devenait plus important que faire du chiffre que de résoudre des affaires importantes qui auraient permis de remplir la fonction réelle de la police. En ce sens, ce livre prend son importance et permet au lecteur de se rendre compte que personne n’est tout blanc ou tout noir et que la réalité du terrain, la sécurité des gens, n’est peut-être pas la priorité de tout le monde. Lisez ce livre, car sa lecture est importante et fort passionnante.

Vous pouvez commander ce livre sur le site des éditions Rouge-Sang ici : http://www.rouge-sang-editions.com/livres/metier-de-chien/