Archives pour la catégorie Littérature belge

Un monde merveilleux de Paul Colize

Depuis Back-up et Un long moment de silence, je suis et resterai à jamais fan des écrits de Paul Colize, pour ses personnages, ses intrigues et son message humaniste. Comme d’habitude, on trouve dans ce dernier roman plusieurs niveaux de lecture.

Le premier maréchal des logis Daniel Sabre a choisi le poste d’instructeur-chef de char, situé dans une base militaire belge en Allemagne. Marié à Catherine, il conçoit sa vie comme son métier : ordonné, respectueux des règles et aveuglément obéissant aux ordres. Ce matin-là, il est convoqué par le colonel Brabant. Afin de valider sa demande de promotion, il devra réaliser une mission spéciale.

Le colonel Brabant lui demande de quitter l’Allemagne pour la Belgique, et de récupérer à Bruxelles une jeune femme. Il devra suivre ses indications à la lettre, la conduire où elle veut pour une durée indéterminée, ne pas poser de questions et ne pas lui donner d’informations. Sabre rentre chez lui préparer ses affaires et quitte Düren en direction de la capitale belge à bord de la Mercedes 220D qu’on lui a fournie.

Le rendez-vous est fixé à midi et à 11h58, une jeune femme à l’allure altière, vêtue d’un long manteau gris l’attend sur le trottoir. Tel un chauffeur, il pose ses bagages dans le coffre,  juste au dessus de l’arme qu’il a pris soin de cacher sous la roue de secours. Marlène s’installe à l’arrière, et commence à remplir un petit cahier dans lequel elle écrit les souvenirs de ce voyage. Elle lui indique la direction de Lyon, et le voyage commence.

Paul Colize est connu pour allier la forme et le fonds à son sujet. On n’y trouvera donc pas de courses poursuites effrénées mais plutôt un aspect psychologique fouillé venant supporter un sujet historique, au moins pour ses derniers romans. Pour ce Monde merveilleux, il choisit le format d’un huis-clos pour opposer deux personnages qui n’ont rien en commun et remet en lumière un événement remontant à la deuxième guerre mondiale.

Deux personnages donc, vont intervenir dans ce roman, en alternance. L’un est un soldat et a été élevé pour obéir aveuglément aux ordres. L’autre est une jeune femme libre, à la recherche de son passé. Ils vont être enfermés dans une voiture et Paul Colize va nous montrer tout ce qui les oppose avant de trouver quelques événements qui va les amener à se découvrir, ou au moins à s’écouter voire se comprendre.

De façon totalement incroyable, Paul Colize nous passionne avec ces deux caractères forts qui ne sont pas prêts à remettre en cause leur éducation. Et il en profite pour nous poser la question de la conséquence de l’obéissance aveugle, qui aboutit entre autres aux horreurs que l’on a connues pendant la deuxième guerre mondiale. Ce qui, sans vouloir déflorer le scénario du roman, en devient un des sujets.

Entre chaque chapitre (ou presque), Paul Colize introduit de courts passages nous présentant des exemples précis de personnages réels ayant réalisé des actes ignobles et/ou horribles et certains (rares) de bonnes actions. Dans ce deuxième niveau de lecture, il nous montre ou plutôt nous demande si finalement, l’Homme n’est pas naturellement mauvais. A la lecture, on sent bien que cet humaniste dans l’âme est miné par les horreurs que l’on rencontre dans n’importe quel fait divers. Et le titre, qui fait référence à la chanson de Louis Armstrong, est formidablement trouvé pour tous ces thèmes qui s’emmêlent comme une remise en question de la nature de l’Homme. Excellentissime.

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24 heures hero de Saphir Essiaf & Philippe Dylewski

Editeur : Nouveau Monde

Tenir un blog permet de découvrir des romans que je n’aurais pas ouverts. En lisant la quatrième de couverture, le sujet ne me tentait pas et le bandeau se réclamant de Brett Easton Ellis m’apparait comme une comparaison inappropriée. Je m’explique : Brett Easton Ellis a certes mis en place des personnages drogués mais c’était pour mieux mettre en évidence les maux de la société américaine. Ici, nous allons suivre un couple de drogués dans ce qui se rapproche d’un livre document.

Le roman se déroule à Charleroi mais il pourrait prendre place n’importe où. Nadia et Arnaud sont un couple, liés à la vie à la mort par l’Héroïne. Arnaud reconnait qu’elle lui a sauvé la vie un nombre incalculable de fois, Nadia le trouve beau et il est la seule personne à savoir la piquer sans qu’elle n’ait ni peur, ni mal. On les voit donc arpenter les rues de cette petite ville à la recherche de leur survie.

Ce roman nous propose de suivre une de leur journée, qui commence à 6H47 et va se terminer à 23H15. Elle commence tôt, quand Arnaud est pris de convulsions, de vomissements et de diarrhées. Le manque se fait sentir et il doit rapidement prendre quelque chose pour stopper la souffrance. Puis, quand Nadia s’éveille, il s’occupe d’elle en lui faisant sa première piqure. La journée commence …

Le reste de la journée va consister à récupérer de l’argent pour se payer suffisamment de doses pour passer la journée, voire en avoir un peu d’avance pour le lendemain. De la manche au vol à la tire, tout nous est montré dans le détail tout en nous détaillant la psychologie des personnages. Cette journée qui aurait pu être la même que les précédentes va pourtant être primordiale pour ce couple pas comme les autres.

La construction de ce roman constitue une des forces de ce roman. De façon alternative, chacun va prendre la parole et cela permet aux auteurs de montrer les pensées de Nadia et Arnaud mais aussi leurs motivations, leurs réactions ainsi que leur passé. Alors qu’Arnaud a fait de hautes études et un travail bien payé, Nadia vient d’une famille modeste et a connu des traumatismes lors de son adolescence.

Les deux personnages se retrouvent donc liés par le lien de la drogue, s’engueulant souvent, se tapant dessus parfois, mais se raccrochant toujours l’un à l’autre. On ne va pas parler de fierté ou de futur, Arnaud et Nadia ont dépassé le stade d’envisager de vivre. Leur seul objectif est de trouver une dose pour aujourd’hui et une pour le réveil du matin. D’ailleurs, se droguer ne leur procure que rarement un bien-être ; cela devient plutôt un besoin vital, comme une nourriture ou une boisson.

Je ne me suis pas attaché à ces personnages, mais je dois reconnaitre que cette plongée dans un monde que je connais mal est remarquable dans sa forme et dans son fond. Cette lecture me confirme qu’on n’a pas le droit de juger ces jeunes gens mais qu’on a un devoir de les aider. D’ailleurs, le roman nous montre une scène dans un local d’une association qui donne un semblant de solution.

Avec cette immersion, ce roman marquant nous emmène dans un monde qu’on ne veut pas voir, mais qu’il faut bien combattre, surtout quand on apprend qu’on peut acheter une dose d’héroïne pour moins de dix euros. Je dois tout de même signaler que cette lecture est à réserver à des personnes averties pour la violence de certaines scènes et pour les descriptions explicites. Un roman document à lire !

Espace Bob Morane : Le cycle de l’Ombre Jaune 6

Le retour de l’Ombre Jaune d’Henri Vernes

Editeur : Marabout – 1961

J’ai lu beaucoup d’aventures de Bob Morane quand j’étais au collège, peut-être une centaine, et j’en ai gardé un souvenir extraordinaire. Il fallait bien que je me limite dans les centaines de romans publiés et donc j’ai choisi le cycle de l’Ombre Jaune tel qu’il est décrit dans Wikipedia, soit 23 romans.

Alors qu’il attend son ami Bill Ballantine dans un hôtel londonien, il a rendez-vous avec Lord Bardsley, le célèbre archéologue spécialiste de l’Orient antique. En effet, ce dernier revient d’une expédition au Thibet et a quelque chose d’important à lui montrer. Le téléphone sonne : Lord Badsley, affolé, lui demande de venir immédiatement car il s’estime menacé de mort.

N’écoutant que son courage, Bob Morane fonce vers la maison de l’archéologue. Quelle n’est pas sa surprise, au milieu du smog londonien, d’être bousculé par un homme ressemblant en tous points à Lord Bardsley. Il n’a pas le temps de s’attarder et se précipite chez son ami, qu’il découvre étendu mort, le cou brisé. Quand la police débarque avec Bill, Bob Morane apprend que de nombreux archéologues et historiens ont été retrouvés assassinés. Soudain, le cri des Dacoïts retentit. L’Ombre Jaune n’est pas loin.

D’un coté, on se retrouve avec un roman d’action, nous faisant courir d’un quartier de Londres à l’autre, passant par les égouts et les bas-fonds, de l’autre, l’ambiance de brouillard est omniprésente pèse sur le stress des protagonistes.

Cette aventure est intéressante par la façon dont elle est menée. On croit que Bob Morane est maitre de sa course-poursuite, alors qu’en réalité, il se fait mener par le bout du nez par l’infâme Ombre Jaune.

Il n’empêche que ce tome ressemble à un volume de transition, et l’on ressent la construction de l’intrigue autour de trois scènes principales. Entre celles-ci, on a tout de même l’impression qu’Henri Vernes fait du remplissage. Ce n’est donc pas la meilleure aventure de Bob Morane.

Dans le livre que j’ai lu, édité par Marabout Junior, on revient sur les robots à apparence humaine, les cyborgs en abordant le mythe du Golem de Prague.

De quoi enrichir sa culture en s’amusant !

Les romans chroniqués ici sur le duel entre Bob Morane et L’Ombre Jaune sont :

  1. La couronne de Golconde
  2. L’Ombre Jaune
  3. La revanche de l’Ombre Jaune
  4. Le châtiment de L’Ombre Jaune
  5. Le retour de l’Ombre Jaune

Espace Bob Morane : Le cycle de l’Ombre Jaune 5

Le retour de l’Ombre Jaune d’Henri Vernes

Editeur : Marabout – 1960

J’ai lu beaucoup d’aventures de Bob Morane quand j’étais au collège, peut-être une centaine, et j’en ai gardé un souvenir extraordinaire. Il fallait bien que je me limite dans les centaines de romans publiés et donc j’ai choisi le cycle de l’Ombre Jaune tel qu’il est décrit dans Wikipedia, soit 23 romans.

Alors que Bob Morane et Bill Balantine vont rendre visite à Tania Orloff, la nièce de l’Ombre Jaune, dans sa villa à Cannes,  ils crèvent un pneu de leur Jaguar. Bien vite, ils trouvent un clou placé là à leur attention, et sont faits prisonniers. Plus tard, ils arrivent à se libérer de leurs liens, et arrivent trop tard. Tania est partie ou a été enlevée. Elle a juste laissé un mot composé d’un nom, celui d’une ville : Calcutta.

De retour à leur hôtel, ils sont attendus par Sir Archibald Baywatter, commissioner de Scotland Yard et par le commissaire Silviani de la police de Nice. Ils leur annoncent qu’il y a de fortes présomptions qu’Il soit revenu. Il, c’est l’Ombre Jaune, M.Ming. Pourtant, Bob Morane l’a vu mourir de ses propres yeux. Si quelqu’un peut lui répondre à ce sujet, c’est Tania. Direction Calcutta donc pour les deux aventuriers.

Comme le précédent tome, j’avais lu cette aventure il y a plus de quarante ans. Et en le relisant, je me suis rappelé de certaines scènes, de quelques dialogues. J’ai pris le même plaisir aujourd’hui que celui que j’avais ressenti auparavant. J’ai adoré cette aventure à la fois mouvementée et totalement innovante, faisant preuve d’une imagination sans bornes et d’une inventivité incroyable.

Car ce roman a tous les ingrédients d’un excellent roman d’aventures, pour les adolescents mais aussi pour les adultes. On va voyager de Cannes à Calcutta, puis en Birmanie pour terminer au Tibet. Les décors sont impressionnants, l’atmosphère stressante, le déroulement trépident, et les chapitres moins calibrés que les romans précédents. C’est simple : cette aventure est extraordinaire, probablement l’une des meilleure et de celles qui ont construit le mythe de ce duel entre Bob Morane et L’Ombre Jaune. Fantastique !

Dans le livre que j’ai lu, édité par Marabout Junior, l’accent est mis sur les automates, puisque l’Ombre Jaune va en utiliser de nombreux et même les créer de toutes pièces. Si, avec l’avènement actuel de l’Intelligence Artificielle, cet article est suranné, on ne peut que louer les qualités visionnaires d’Henri Vernes d’avoir pensé à des robots à figure humaine. Quant aux clones humains, on n’y est pas encore … quoique. De quoi enrichir sa culture en s’amusant !

Les romans chroniqués sur le duel entre Bob Morane et L’Ombre Jaune sont :

La couronne de Golconde

L’Ombre Jaune

La revanche de l’Ombre Jaune

Le châtiment de L’Ombre Jaune

Toute la violence des hommes de Paul Colize

Editeur : HC éditions

Je suis fan de Paul Colize pour plusieurs raisons. Tout d’abord, chacun de ses romans est différent ; cela peut passer du polar au roman policier, du roman psychologique à la comédie, et tout ça avec une facilité que beaucoup peuvent lui envier. Ensuite, ses personnages sont criants de vérité. Enfin, Paul Colize pointe du doigt des événements importants, en rappelant ce qui est important : l’Humain. Et ce roman est aussi grand que son titre … et quel titre !

Nikola Stankovic est arrêté pour suspicion de meurtre. Ivanka Jankovic, une jeune femme a été retrouvée chez elle, poignardée de 9 coups de couteau, 5 dans le dos et 4 dans le ventre. Pour la police, sa culpabilité ne fait aucun doute : Empreintes, traces de sang appartenant à Ivanka sur ses chaussures, semelles de ses chaussures marquées dans le sang coagulé. Ivanka était connue pour s’adonner à la prostitution pour payer ses études. Règlement de comptes ou jalousie, nul ne le sait. Car Nikola ne prononce qu’une seule phrase : « Ce n’est pas moi ».

Il faut dire que Nikola est fortement soupçonné d’être le « funambule », cet artiste croate qui peint des fresques géantes en une nuit sur des pans d’immeuble, laissant les passants ébahis devant la grandeur de l’œuvre. Œuvre gigantesque mais aussi œuvre choquante, puisqu’il a peint des meurtres, des scènes de viol avec un réalisme affolant. Son premier avocat n’arrive pas à lui soutirer une autre phrase. Alors, il abandonne la partie.

Nikola est envoyé dans un institut psychiatrique pour déterminer s’il était ou non conscient de ses actes. L’institut est dirigé par Pauline Derval, qui va suivre cette affaire de près, aidée en cela par Sébastien, infirmier dévoué à sa cause. Son nouvel avocat, Philippe Larivière va aussi chercher à établir un contact. Car soit Nikola est conscient donc responsable de ses actes et il risque 10 ans de prison, soit il ne l’est pas et il sera enfermé à vie dans cet asile.

1991, Vukovar. Le petit Niko a 8 ans quand sa vie, sa ville s’écroule. Il est obligé de vivre dans une cave avec sa mère, pour survivre aux 87 jours de bombardements serbes. Son père est parti un matin, et n’est jamais revenu. Résister ou mourir sont les deux choix qui lui restent à sa mère et lui. Car Vukovar est l’enfer sur Terre …

On peut lire ce roman à plusieurs niveaux, comme à chaque fois chez Paul Colize ; ce n’est pas pour autant un roman intellectuel, mais une formidable démonstration du message qu’il veut nous faire passer, et qu’il serine à chaque roman. Il y a la résolution de l’enquête, à propos de laquelle je ne m’étendrais pas. Coupable, pas coupable ? vous ne saurez le fin mot de l’histoire qu’à la toute fin du roman … mais auparavant vous aurez parcouru tant de chemin, tant de pages pour vous sentir concerné et vous révolter.

La construction du roman, en alternance entre le présent et la vie de Niko à Vukovar est faite pour mettre en valeur les personnages. Si Niko enfant (vous l’aurez compris Niko et Nikola ne font qu’un) va vous montrer une ville détruite avec toute l’horreur associée, les autres personnages sont aussi importants. Sébastien est l’inverse de ce que l’on pense d’un infirmier, puisqu’il fait preuve d’empathie et c’est grâce à elle qu’il va pénétrer dans le monde intérieur de Nikola. Pauline Derval est une femme de poigne, froide, distante mais surtout perfectionniste ; elle ne veut pas se tromper sur ce cas. Quant à Philippe Larivière, il veut bien faire son travail et est intrigué par son client. Ce qui est extraordinaire dans ce roman, c’est que Pauline et Philippe, qui sont des personnages froids et distants par leur fonction, vont petit à petit s’ouvrir à l’émotion, et peut-être réaliser qu’ils ont en face d’eux un être humain et non juste un cas psychiatrique de plus. C’en est d’autant impressionnant qu’à la fin de roman, j’ai versé ma petite larme …

Rapidement, Paul Colize va pointer les aberrations d’un système judiciaire (c’est le cas en Belgique, mais je suis sûr que nous avons la même chose en France). Si Nikola est considéré comme non responsable de ses actes, il passera plus de temps enfermé que s’il est jugé responsable de ceux-ci. Cette assertion est martelée plusieurs fois et on peut se demander s’il ne faudrait pas, à la lumière des avancées juridiques et psychologiques actuelles, revoir des lois qui ont été mises en place il y a plusieurs décennies.

Car la loi est dure, cruelle et bigrement matérialiste, factuelle. A l’opposé, on trouve l’esprit et l’importance de l’art. Evidemment, Paul Colize met en valeur les beautés de l’esprit, même si elles représentent des horreurs. Il montre l’importance de l’art, de la relation au présent, de la représentation de la réalité, et de l’importance des jugements. A tel point, que Paul Colize a eu l’occasion d’interviewer un peintre graffeur et que l’interview, présente en fin de roman, montre a quel point il y a une performance technique (peindre en équilibre sur un mur) mais aussi le moment d’absence, de folie, qui lui permet de créer son œuvre.

Enfin, et je voulais le garder pour la fin, il y a Vukovar et cette bataille, qui a eu lieu en 1991, durant trois mois, un véritable massacre à propos duquel tout le monde a fermé les yeux. Pourtant ce n’était pas si loin de chez nous ! Ce roman, c’est l’illustration de la violence des hommes, la peinture de l’ignominie, quelques pages pour que l’on n’oublie pas le plus terrible acte guerrier depuis la deuxième guerre mondiale. Choisir ce fait historique, c’est aussi la démonstration que Paul Colize est un des meilleurs auteurs humanistes, et qu’avec ce roman, il a écrit, à mon avis, l’un de ses meilleurs romans depuis Un long moment de silence.

Vous devez lire ce roman, car vous n’avez pas le droit de fermer les yeux.

Un jour comme les autres de Paul Colize

Editeur : HC éditions

Les romans de Paul Colize se suivent et ne se ressemblent pas. J’adore cet auteur belge doué pour inventer des intrigues solides tout en adaptant son style à son histoire, capable aussi de se fondre dans différents genres. Après Zanzara, un roman qui nous emmenait à 100 km/h, ce roman change totalement de registre pour nous plonger dans un roman psychologique complexe.

Un matin Eric Deguide, chargé de cours à l’université libre de Bruxelles, dans sa voiture, jette un coup d’œil à sa maison. Sa femme dort encore. Il tourne la clé de contact et démarre.

Cela fait 614 jours que son compagnon a disparu. Emily ne perd pas espoir, ne veut pas lâcher, abandonner Eric qui a disparu sans laisser de traces. Traductrice de son état, elle se perd dans la musique classique, en chantant des morceaux de soprano. La seule trace qu’il reste de lui est son véhicule SAAB, retrouvé sur le parking de l’aéroport de Zaventem. Mais même en regardant les caméras de surveillance, personne ne peut déterminer comment elle est arrivée là.

Michel Lambert, la cinquantaine, est un grand solitaire, divorcé, atteint d’insuffisance rénale, passionné d’affaires criminelles. Il a ouvert un forum sur Internet, où les gens peuvent poster des avis de recherche, mais aussi discuter des cas en cours. Il ouvre une rubrique consacrée à la disparition d’Eric Deguide. Suite à ses recherches, il est persuadé qu’Emily est innocente et commence ses recherches. Quand il la rencontre, il est subjugué par sa beauté calme et douloureuse.

Emily reçoit un témoignage sur le site de Michel. Une femme affirme avoir vu « cet homme » à la station service de Barchon sur l’autoroute E40. Le message est signé Axe-L. Emily décide, avec l’accord de Michel de prendre contact avec le mystérieux informateur. Son témoignage va confirmer Emily dans sa détermination à retrouver son compagnon, à connaitre la vérité.

Déstabilisant et psychologique. Comme je le disais, ce roman est totalement différent du précédent et des autres. Divisé en quatre parties, comme un opéra, le roman va nous présenter Emily, par des chapitres à la première personne et Michel, son amoureux fou et sans espoir. Cette première partie est remarquable dans sa façon d’aborder une femme en prise au vide, à l’absence, et c’est probablement le meilleur passage que Paul Colize ait écrit tant tout y est fait avec minutie et subtilité.

Déstabilisant et policier. Dans une deuxième partie, suite à un événement majeur survenu quelques pages plus tôt, nous changeons de personnages et passons à deux journalistes au Soir : Frédéric Peeters et son patron Alain Lallemand. Si l’enquête commence, l’accent est encore une fois mise du coté de la psychologie, et en particulier du jeune Peeters, passionné et Lallemand plus posé, mesuré et sachant guider le jeune journaliste dans son travail. Avec un auteur chevronné tel que Paul Colize, on s’attend à ce que l’intrigue soit bien menée. Elle l’est, fouillée, précise, et multipliant les pistes … en même temps que les mystères se nimbent de brouillard, en particulier en ce qui concerne les personnages d’Eric et Emily.

Déstabilisant et brillant. Je ne vais pas vous raconter de quoi le roman parle, mais sachez juste que le sujet est important et qu’il faut le savoir. Il passe juste un peu au second plan devant la force des caractères et devant le talent à avoir construit un roman aux confins de tous les genres. Paul Colize semble s’être lancé un défi : tenir en haleine le lecteur pendant 420 pages avec un roman psychologique. Vous avez bien lu : en haleine ! Impossible à lâcher, ce roman décidément inclassable se révèle un défi pleinement réussi qui déstabilisera beaucoup mais qui au bout du compte s’avère un bel exercice de style.

Ne ratez pas les avis de Fred K, Musemania et Yvan bien sur

Espace Bob Morane : Le cycle de l’Ombre Jaune 3

La revanche de l’Ombre Jaune d’Henri Vernes

Editeur : Marabout – 1959

J’ai lu beaucoup d’aventures de Bob Morane quand j’étais au collège, peut-être une centaine, et j’en ai gardé un souvenir extraordinaire. Il fallait bien que je me limite dans les centaines de romans publiés et donc j’ai choisi le cycle de l’Ombre Jaune tel qu’il est décrit dans Wikipedia, soit 23 romans.

Par un bel après-midi de printemps, Bob Morane rentre chez lui, dans sa Jaguar, en passant par les quais de Seine. Il aperçoit un mendiant, entouré par un groupe d’enfants, faisant des tours avec un petit singe. Intrigué mais obligé de rouler, il a le temps de voir le visage, caché sous un large chapeau, et des yeux jaunes inoubliables. Se pourrait-il que ce soit l’Ombre Jaune ?

Curieux mais aussi fortement inquiet, il ressort de chez lui, pour arpenter le Quai Voltaire, sans rien apercevoir. En s’arrêtant dans une brasserie de Saint-Germain-des-Prés, une diseuse de bonne aventure lui prédit sa mort. Fichtre ! Lui qui n’est pas sujet aux diverses croyances, il fait quelques recherches et s’aperçoit que des morts mystérieuses ont eu lieu à la suite prédictions funestes. Il décide d’en avoir le cœur net et de retourner sur les quais le lendemain.

Troisième confrontation entre Bob Morane et l’Ombre Jaune, où la tension est à son comble. Le roman tourne à un véritable duel entre les deux hommes, avec un Bill Balantine qui va arriver toujours trop tard. Si Bob a sauvé M.Ming dans le premier, s’il a tué l’Ombre Jaune dans le deuxième, ce roman ressemble à une revanche d’où le titre du  livre. Et la fin donne fichtrement envie de lire la suite.

Ce roman va nous faire voyager : des puces de Paris à la visite des égouts, après un passage par Bruxelles, pour rencontrer un spécialiste en botanique, Bob Morane va poursuivre son ennemi juré jusqu’en Egypte, sur l’île Éléphantine. Ce roman s’avère moins rythmé. J’y ai même trouvé des moments un peu longuets où l’auteur tire un peu son intrigue, comme les explications sur les égouts de Paris. Ce n’est probablement pas le meilleur de la série, mais la fin relève l’ensemble avec un suspense insoutenable.

Dans le livre que j’ai lu, édité par Marabout Junior, l’accent est mis sur les prothèses animées telles celle que M.Ming a pour remplacer sa main perdue. Comme le roman date un peu, nous savons aujourd’hui que de grands progrès ont été faits depuis les années 60. Et on ne peut que louer l’aspect visionnaire des progrès scientifiques à venir d’Henri Vernes.

Les romans chroniqués sur le duel entre Bob Morane et L’Ombre Jaune sont :

La couronne de Golconde

L’Ombre Jaune

La vraie vie d’Adeline Dieudonné

Editeur : L’Iconoclaste

J’ai tellement entendu parler de ce roman en bien, dont la fidèle Belette, que je me devais de le lire. Pour un premier roman, c’est une bombe, qui vous prend à la gorge du début à la fin … et quelle fin ! Si ce roman a reçu le prix du roman FNAC, ce n’en est que justice, tant ce roman est marquant.

La narratrice, dont on ne connaitra jamais le prénom, a 10 ans et vit chez ses parents avec son petit frère Gilles. Sa mère est effacée, elle l’appelle l’amibe. Et on ne communique pas avec une amibe. Quant au père, il est violent et passionné de chasse. Il part d’ailleurs en safari et il ramène toujours des animaux empaillés qu’il stocke dans la « chambre des cadavres ».

Malgré l’ambiance menaçante du foyer, les deux enfants sont heureux, jouent tout le temps ensemble. Un été, le marchand de glace va se prendre une soupape dans la tête et mourir devant les enfants. A partir de ce moment, l’adolescente va se rendre compte que Gilles a changé : il ne rit plus, ne joue plus, ne parle plus. Elle va tout faire pour changer le passé, revenir au temps où ils étaient heureux.

Elle va aussi ressentir la menace peser : celle qui émane de la chambre des cadavres. Elle croit entendre le rire de la hyène, a peur des tête de lion, et ébahie devant la défense d’éléphant. On dit que la voisine est magicienne. Alors elle va lui demander comment fabriquer une voiture qui revient dans le passé, comme dans Retour vers le futur.

Qu’il est difficile de faire parler une enfant, quel pari risqué de choisir cette narration à la première personne avec tout ce que cela implique de phrases simples, de descriptions imagées et de sentiments exacerbés. Ce premier roman est un pari réussi, c’est une bombe du début à la fin.

On y trouve au début quelques maladresses comme si l’adolescente ne savait pas bien exprimer ses sentiments, dérouler son histoire. Puis, les années passant, le style s’affirme, l’intrigue se fortifie, et surtout les scènes deviennent de plus en plus prenantes, de plus en plus fortes émotionnellement.

On suit cette adolescente, on la voit grandir, avec pour seule motivation améliorer la situation, sauver son petit frère. Et on y croit, on serre les dents, on l’encourage même, on est horrifié par tous les événements qu’elle subit, les coups ne parvenant pas à la mettre à terre mais la rendant encore plus forte, plus déterminée.

Il y a une belle galerie de personnages secondaires dans ce roman même si j’aurais aimé que certains soient plus développés. Mais il restera en moi cette plume à fleur de peau, cette belle âme à fleur de peau qui va nous conter une histoire terrible et nous la rendre belle. C’est un roman rare, de ceux que je garde sur ma table de nuit, pour en relire certains passages. Il est impossible que vous n’aimiez pas ce roman.

Espace Bob Morane : Le cycle de l’Ombre Jaune 2

L’ombre jaune d’Henri Vernes

Editeur : Marabout – 1959

J’ai lu beaucoup d’aventures de Bob Morane quand j’étais au collège, peut-être une centaine, et j’en ai gardé un souvenir extraordinaire. Il fallait bien que je me limite dans les centaines de romans publiés et donc j’ai choisi le cycle de l’Ombre Jaune tel qu’il est décrit dans Wikipedia, soit 23 romans.

Londres, Vers une heure du matin, les constables Wilkins et McReady font leur tournée d’inspection quand ils rencontrent un homme qui dort. L’homme ne veut se réveiller, il ne sent pas l’alcool. A la lueur de leur torche, Sur l’homme, les deux policiers remarquent un billet, destiné au Commissionner de Scotland Yard : si le gouvernement ne stoppe pas ses recherches atomiques sous huit jours, l’homme mourra. Puis, l’homme se mit à ânonner : « L’Ombre Jaune est la vie, mais elle est aussi la mort … Elle peut sauver l’humanité mais elle peut aussi la détruire. »

Bob Morane est à Londres, où il a donné rendez-vous à son ami Bill Balantine. En rentrant à son hôtel à pied, quand il entend une jeune femme appeler à l’aide. Elle a affaire avec des voleurs qui veulent lui dérober son sac. Bob arrive à mettre les malotrus en fuite et fait la connaissance de Tatiana Orloff. Elle accepte donc de le conduire à son hôtel. Pendant la nuit, un homme frappe à sa porte. Quand il ouvre, il découvre un cadavre. Il n’a plus qu’à appeler Scotland Yard …

Bob Morane va donc retrouver dans cet épisode son ennemi juré, l’Ombre Jaune, dit M.Ming. Il va aussi être aidé par son ami Bill Balantine, et heureusement qu’il sera à ses cotés pour le sauver de plusieurs situations dangereuses. Car l’intrigue va consister à retrouver Jack Star, un ami kidnappé par le maléfique M.Ming.

C’est un épisode trépignant, plein de péripéties que nous propose Henri Vernes. C’est simple : il y a 14 chapitres, chacun comportant 2 scènes d’action. Total : en 140 pages, on a droit à 28 scènes d’action où l’ambiance mystérieuse est mise en avant. C’est du pur plaisir de lecture et c’est un épisode que j’avais déjà lu et dont je me suis très bien rappelé ce qui s’y passait quarante ans après l’avoir lu ! Un must du roman d’aventures !

Comme l’a dit L’oncle Paul, certains événements ont inspiré nombre de films, de La guerre des étoiles à Indiana Jones. Par exemple, le décor où Bob Morane retrouve L’Ombre Jaune à la fin du roman, sorte de caverne qu’il découvre à la sortie d’un tunnel, rappelle celui d’Indiana Jones et le Temple Maudit. Cela rend ce roman d’autant plus marquant.

Dans l’édition que j’ai lue, Marabout Junior, il nous est présenté le jiu-jitsu, cet art martial mortel dont use Bob Morane pour se défaire de ses adversaires. Une nouvelle fois, c’est une bonne façon d’apprendre des choses autres que ce que l’on nous apprend tous les jours, et en particulier la différence entre le jiu-jitsu et le Judo.

Je vous rappelle mon avis sur La couronne de Golconde d’Henri Vernes ici

Espace Bob Morane : Le cycle de l’Ombre Jaune 1

La couronne de Golconde d’Henri Vernes

Editeur : Marabout – 1959

Tout ça, c’est de la faute de l’Oncle Paul. C’est en lisant ses billets sur les romans d’Henri Vernes qu’il m’a donné envie de relire les Bob Morane. En effet, j’ai lu beaucoup de ses aventures quand j’étais au collège, peut-être une centaine, et j’en ai gardé un souvenir extraordinaire. Il fallait bien que je me limite dans les centaines de romans publiés et donc j’ai choisi le cycle de l’Ombre Jaune tel qu’il est décrit dans Wikipedia, soit 23 romans.

En croisière sur le Gange pour rejoindre l’Inde, Bob Morane assiste à une partie de poker entre deux hommes. L’un d’entre eux, Hubert Jason, est particulièrement chanceux et arrogant. Il gagne tout l’argent de son adversaire et demande si quelqu’un veut l’affronter. Bob Morane accepte à contrecœur et arrive à mettre en déroute Hubert Jason. Mais comme il n’est pas intéressé par l’argent, il propose de tout jouer à quitte ou double, en tirant une carte au hasard. Hubert Jason tire un as de pique et Bob Morane s’avoue vaincu alors qu’il a tiré un as de cœur.

Une jeune femme se présente alors à Bob Morane. Elle dit s’appeler Miss Diamond et a besoin de lui pour retrouver un héritage familial qui comporte la célèbre couronne de Golconde. Bob Morane n’est pas très chaud pour se lancer dans cette aventure, jusqu’à ce qu’il surprenne une discussion entre Hubert Jason et un acolyte, où les malfrats se mettent d’accord pour voler le trésor de Miss Diamond pour répondre aux ordres de M.Ming. Bob Morane luttant pour la justice, il va donc aider la jeune femme.

Reprendre 40 ans après la lecture d’un Bob Morane, c’est pour moi un rajeunissement. Et au fur et à mesure de l’avancement de ma lecture, j’ai compris pourquoi un adolescent adore les aventures de cet aventurier hors norme. D’abord, sur le personnage, c’est un personnage bon, droit, honnête et moral. Pour autant, ce n’est pas un super héros, et on est loin des surhommes que l’on voit apparaître aujourd’hui. Si on s’identifie immédiatement à lui, sa psychologie n’est pas laissée de coté, loin de là. Ce n’est pas un personnage creux, il est confronté aux doutes, entre envie d’aider et conscience du danger.

La construction du scénario est simple, chaque chapitre représentant une scène ce qui correspond bien au public visé. Mais les scènes sont très visuelles et on est vraiment plongé dans une ambiance d’un autre monde. Et puis, si on peut penser que le style est un peu suranné, il n’en reste pas moins que c’est remarquablement bien écrit. Cela permet de se trouver au milieu de scènes dans un état de stress important. Les scènes finales sont de pures scènes d’action et elles sont très prenantes.

Dans l’édition que j’ai lue, Marabout Junior, il nous est présenté le yoga qui est une bonne façon d’apprendre des choses autres que ce que l’on nous apprend tous les jours. J’ai appris plein de choses sur ce sport de relaxation et quelques poses, ainsi que leur signification. Cette première confrontation entre Bob Morane et M.Ming (qui va devenir l’Ombre Jaune) aura été une bouffée de nostalgie bienvenue, un très bon roman d’aventures, mâtiné d’action et de fantastique.

Entre parenthèses, il serait peut-être grand temps de rééditer les aventures de Bob Morane et de les voir revenir sur les étals de nos libraires !