Archives pour la catégorie Littérature Danoise

Victime 2117 de Jussi Adler Olsen

Editeur : Albin Michel

Traducteur : Caroline Berg

Les fidèles des enquêtes du Département V attendaient avec impatience que se lève le voile sur le passé d’Assad. A l’origine, Carl Mørck a pris la tête de ce service dédié aux affaires anciennes, et s’est retrouvé affublé de Rose, la secrétaire et d’Assad, originaire du Moyen Orient. Ce roman va raconter une partie du passé de l’énigmatique Assad.

Joan Aiguader est journaliste free-lance pour le Hores Del Dia. En manque d’argent, il voit à la télévision un reportage sur des immigrés sur une plage de Chypre, la plage d’Ayia Napa. Un compteur montre le nombre de corps rejetés par la Méditerranée. Ce matin, le nombre de morts était déjà de 2080. Alors, il vole l’argent de sa petite amie et vole vers Chypre pour décrocher un scoop.

Quand il arrive là-bas, le compteur en est à 2117. C’est le corps d’une vieille femme qui vient de s’échouer sur la plage. Il prend des photos et envoie son scoop. Cette photographie va faire le tour de l’Europe, mais pas pour la bonne raison. Lui qui pensait émouvoir les gens sur le sort se retrouve en fait avec une image d’une vielle femme assassinée. Il se retrouve ridiculisé et se lance dans une enquête pour savoir qui est la morte.

Alors que Rose vit recluse chez elle, Assad vient lui rendre visite et découvre les murs de son appartement couverts de photos de presse. L’une d’elles attire son regard : celle d’une vieille femme, avec juste derrière deux femmes et un homme. Assad connait la vieille femme ; elle l’a aidé dans une autre vie. Les deux femmes ressemblent à sa propre femme et sa fille. Quant à l’homme, il est sûr qu’il s’agit d’Abdul Azim, dit Ghaalib, son ennemi qui a tenté de le tuer. Assad ne va pouvoir retenir sa soif de vengeance.

Contrairement aux autres enquêtes du Département V, ce roman va nous faire voyager dans plusieurs pays d’Europe, dont l’Allemagne. C’est une course poursuite entre Assad et Ghaalib, à laquelle vont participer un certain nombre de services policiers pour éviter un potentiel attentat. C’est donc, contrairement à ce que l’on pourrait croire, un roman rythmé et non l’histoire d’Assad. Certes, Assad va raconter son passé à Carl et Rose, mais cela se passe dans la première moitié du roman, et l’auteur a choisi de faire un roman de duel entre les deux ennemis.

Jussi Adler Olsen étant un auteur d’expérience, il va nous tenir en haleine passant d’un personnage à l’autre, avec beaucoup de savoir-faire. Les pages se tournent toutes seules, et il y ajoute la vie privée de Carl, quelque peu compliquée puisqu’il va bientôt être père à plus de cinquante ans. Bref, c’est un polar costaud, populaire, agréable à lire qui, pour autant m’a laissé un peu sur ma faim.

J’aurais aimé plus d’immersion dans les pays visités, Chypre en particulier, mais aussi l’Irak, lors des passages qui racontent le passé d’Assad. De même, certains personnages semblent faire de la figuration, et on ne comprend pas bien ce qu’ils font là, et en premier lieu, Joan le journaliste. Enfin, certains passages souffrent d’une traduction approximative, en particulier dans les conjugaisons.

Sans être aussi catastrophique que Selfies, que je n’avais pas du tout aimé car trop bordélique, ce roman est un bon passe-temps alors que j’en attendais tant. Je ne suis pas déçu, juste sorti avec une sensation de manque; je suis resté sur ma faim. Et puis, les premiers romans avaient une construction complexe, une sorte de passion dans l’écriture, et un humour bienvenu qui faisaient de ces enquêtes un excellent divertissement.

Alors je suis partagé entre la volonté de savoir comment le Département V va rebondir et le souhait que Jussi Adler Olsen tourne la page et se lance dans une nouvelle série. Soyons patients, l’avenir nous le dira.

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Profanation de Jussi Adler Olsen

Editeur : Albin Michel (Grand Format) ; Livre de poche (Format poche)

Traducteur : Caroline Berg

La sortie du nouveau roman de Jussi Adler Olsen m’a donné l’envie de reprendre un de ses anciens romans, avant de me plonger dans le nouveau. En effet, cet auteur s’est imposé en quelques années comme un des excellents auteurs de romans policiers, en créant le Département V, qui est chargé de résoudre des affaires anciennes non résolues.

Grâce à la précédente affaire, où le département V a retrouvé Merett Lyngaard, Carl Mörck a obtenu une certaine renommée et une reconnaissance de ce nouveau service. D’ailleurs, son chef lui annonce la visite d’une délégation norvégienne, pour savoir comment il travaille. Pour autant, il n’a toujours pas envie de travailler, et cherche toutes les excuses pour ne rien faire. Et cette visite va l’obliger à faire du rangement dans son cagibi, situé dans les sous-sols du commissariat.

Etrangement, un dossier est tout le temps remis sur le haut de sa pile et Assad, son assistant, lui assure que ce n’est pas lui qui fait cela. Ce dossier concerne la torture et l’assassinat d’une façon horrible d’un frère et de sa sœur. Carl ne voit pas l’intérêt de travailler sur cette affaire : un homme a avoué les meurtres et est actuellement en prison. Avec tous les dossiers qui encombrent son bureau, celui-ci n’est pas sa priorité. D’ailleurs, on lui octroie bientôt une personne supplémentaire pour classer les dossiers : Rose.

Le lendemain, le dossier est à nouveau positionné sur le dessus de la pile. Carl décide de l’ouvrir et apprend que cette affaire concerne un groupe de 6 adolescents, devenus quasiment tous aujourd’hui des célébrités nationales extrêmement riches. On y trouve Ditlev Pram, propriétaire de plusieurs cliniques de luxe ; Torsten Florin, le célèbre designer ; Ulrik Gybbol-Jensen, connu mondialement en tant qu’analyste financier ; Kristian Wolf, l’armateur, mort depuis ; Kirsten-Marie Lassen, superbe créature de la jet set, qui est toujours vivante mais dont on n’a plus de nouvelles. Le seul du groupe d’amis qui n’était pas issu d’une famille riche était Bjarne Thogersen, et c’est lui qui a avoué les meurtres. Carl demande donc à Assad de se renseigner s’il y a eu des crimes similaires.

Ceux qui ont lu la première enquête ne seront pas surpris quant aux retrouvailles des personnages. Cette affaire se situant dans le temps juste après l’affaire Lyngaard, on retrouve un Carl Mörck toujours aussi fainéant, et brillant dans ses déductions. Afez El Assad est toujours aussi travailleur, efficace, drôle et surprenant ; on va le découvrir plus à l’aise dans les interrogatoires, n’hésitant pas à secouer les témoins pour avoir une réponse rapide. Et nous allons découvrir une troisième personne, Rose, qui va beaucoup aider dans les recherches mais qui prendra son essor dans les prochaines enquêtes.

Par rapport au premier roman (et aux suivants), le ton est définitivement plus noir et plus violent. Ce roman n’est pas réellement une enquête policière au sens où le roman avance en alternance entre le département V, Kimmy, une SDF, et les vrais assassins. L’intérêt du roman tient plutôt dans la façon dont Carl et son équipe vont arriver à coincer ces malades, ces enfoirés, ces …

Jussi Adler Olsen a, me semble-t-il, mis beaucoup de passion et de cœur dans ce roman. Il montre et dénonce les gens qui, parce qu’ils sont riches, pensent qu’ils peuvent tout acheter, tout faire, parce qu’ils se considèrent au dessus des lois. Certes, l’auteur a grossi le trait, les a créés ignobles, a dessiné une Kimmy que l’on a envie de plaindre. Il y a de la rage et de la hargne aussi bien dans l’écriture que dans l’intrigue. Jussi Adler Olsen y a mis tant de passion que je n’ai pas ressenti que l’on était à la limite de la caricature. Au contraire, j’ai été totalement passionné par cette lecture. J’ai avalé le livre en m’attendant à un final explosif et je peux vous assurer que l’auteur nous a concocté un final de fou, incroyablement visuel et violent, à l’image de ses personnages. Rien que pour ça, Profanation est mon épisode préféré de la série, à ce jour.

Pour rappel, les titres de la série sont :

Miséricorde

Profanation

Délivrance

Dossier 64

L’effet papillon

Promesse

Selfies

Promesse de Jussi Adler Olsen (Albin Michel)

Cela faisait un petit bout de temps que j’avais laissé de côté mes amis du Département V, chargé de résoudre des enquêtes vieilles et délaissées. Il était donc temps pour moi de renouer des liens avec ces personnages sympathiques que sont Carl Morck, Assad et Rose.

Carl Morck est en train de travailler dans son bureau ; comprenez qu’il est en train de faire sa sieste. Le téléphone sonne. Un policier nommé Christian Habersaat se présente à lui et lui demande son aide dans une affaire vieille de 17 ans. Une jeune fille avait été renversée par une voiture, son corps projeté dans un arbre. Carl lui annonce brutalement qu’au département V, ils sont débordés. Puis, le téléphone sonne à nouveau. Sa mère lui apprend que son cousin part en Thaïlande pour récupérer le corps de son autre cousin mort là-bas, suite à un massage. C’est une nouvelle qui met Carl mal à l’aise.

Le lendemain, Rose apprend à Carl que Christian Habersaat s’est suicidé lors de son pot de départ à la retraite. Si Carl est peu affecté par cet événement, Rose de son coté, se sent plus coupable. Elle prend donc des billets d’avion pour toute l’équipe du département V à destination de l’île de Bornholm. Il s’avère que Habersaat a été marqué par l’accident d’Alberte, au point de s’y consacrer jours et nuits. Il y a même perdu sa vie de famille puisqu’il a divorcé. Personne au commissariat ne voit d’inconvénient à leur laisser cette affaire, puisqu’il n’y a pas d’enquête.

Quand ils débarquent chez Habersaat, ils découvrent des tonnes de documents, des murs entiers recouverts de coupures de presse, de photos, d’extraits d’enquêtes. Alors qu’il était simple policier de quartier, il a consacré sa vie à la résolution de ce mystère. Sa femme June ne veut pas entendre parler de lui. Par contre, quand quelques jours plus tard, le fils de Habersaat se suicide en laissant un mot de pardon envers son père, le Département V au complet décide de se consacrer à plain temps sur cette affaire.

On retrouve avec plaisir ces trois personnages bien particuliers et si vous ne les connaissez pas, courez donc acheter le premier tome de la série. Carl est plus fainéant que jamais, et poussé par son équipe. Rose est très impliquée, et se montre finalement la plus humaine des trois. Quant à Assad, il est plus mystérieux que jamais, et ce n’est pas dans cette enquête que l’on va en savoir plus.

Ceci dit, on en apprend un peu plus et en même temps, l’image que l’on s’en faisait de chacun est modifiée, altérée ce qui va surement relancer l’intérêt de cette série. On découvre un Carl un peu plus inhumain, toujours aussi égocentrique mais avec un caractère de lâche qu’on ne lui avait pas forcément vu auparavant. De plus, il s’est passé des choses dans son passé que l’on pourrait bien voir ressurgir. Assad est toujours aussi énigmatique, et alors qu’on le pensait syrien et musulman, on le découvre sous un autre jour, mais on ressort surtout avec encore plus de questions à son sujet. Quant à Rose, toujours aussi volontaire, c’est dans les dernières pages que l’on va s’inquiéter pour elle. Un quatrième personnage va rejoindre le groupe, apparemment apparu lors du précédent opus, mais je dois dire que je n’ai pas été convaincu par le présence de Gordon. A suivre …

Avec un peu de recul, il faut bien s’avouer que ce roman est une belle mécanique, bien huilée, réalisée avec métier, avec tous les arguments qu’il faut pour plaire au plus grand nombre. Avec un démarrage qui comporte bien peu d’indices, l’intrigue va se dérouler sans anicroches, tranquillement, et avec une logique qui force le respect. Alors, certes, le rythme est lent (plus que dans certains épisodes précédents) mais cela se lit bien et c’est passionnant parce que c’est porté de bout en bout par ces formidables personnages.

Je me demande d’ailleurs si cet épisode en forme de roman policier plutôt classique, qui consiste surtout à trouver l’identité d’un gourou de secte, ne sert pas à Jussi Adler Olsen de transition entre les épisodes précédents et ceux à venir. J’ai réellement l’impression qu’après avoir résolu des enquêtes sur le passé, l’auteur va maintenant se pencher sur le passé de ses personnages. En tous cas, cela donne vraiment envie de lire la suite, l’année prochaine puisqu’il sort un épisode par an. Quant à cet épisode-ci, il démontre une nouvelle fois tout le savoir faire de cet auteur de talent, et vous aurez l’assurance d’avoir entre les mains un roman policier nordique certes classique, mais bien fait.

Noir septembre de Inger Wolf (Mirobole)

Avis aux amateurs de romans policiers !

Avis aux amateurs de romans Scandinaves !

Il va falloir que vous inscriviez un nouveau nom sur votre liste de noms d’auteurs déjà longue, car avec ce roman, Inger Wolf montre un savoir faire qui force le respect.

Dans un bois aux alentours de Århus, au Danemark, le corps nu d’une jeune femme assassinée est découvert. Ce qui attire l’œil au premier abord, c’est un bouquet de cigüe posé sur son ventre. Le médecin légiste va rapidement s’apercevoir qu’il y a des traces de sperme sur son ventre. Elle aurait donc été violée. Puis un nom apparait dans cette affaire : la victime s’appellerait Anna Kiehl.

C’est l’équipe de Daniel Trokic qui est en charge de l’affaire, et il accueille dans son service une nouvelle recrue en la personne de Lisa Kornelius, une transfuge du service informatique. Elle avait de plus en plus de mal à supporter la traque des malades sexuels et autres pédophiles. Daniel, de son coté, est d’origine croate mais parle peu de son passé. Il semble avoir tourné la page.

Plusieurs questions apparaissent dans cette affaire. Il semblerait que Anna soit rentrée chez elle, avant de ressortir pour être assassinée. Ensuite, le bouquet posé sur son ventre est en fait un bouquet de fleurs séchées. Enfin, Anna était étudiante et en contact avec un savant reconnu qui a disparu, Christoffer Holm.

Comme je le disais au dessus, c’est un roman policier dans la plus pure tradition que nous offre Inger Wolf. On va y trouver un assassinat, des mystères sur la scène du crime, de nombreuses pistes vont très vite s’ouvrir et l’enquête va être menée vite (le livre couvre huit jours d’enquête) et bien au milieu de questions bien difficiles à résoudre. On va y croiser des recherches sur des traitements médicaux contre la dépression, mais aussi des personnages mystérieux sans oublier une secte qui pourrait s’apparenter aux témoins de Jehovah.

Bref, les amateurs d’enquêtes à résoudre vont avoir du pain sur la planche. D’autant plus que Inger Wolf ne donne pas toutes ses pistes en même temps mais une par une. C’est classique, mais cela donne surtout une certaine logique à l’enquête. Et puis, les enquêteurs ont aussi leur part d’ombre, leur non-dit, qui laissent augurer d’autres épisodes que l’on aura plaisir à suivre.

Je tiens juste à signaler que si de nombreux auteurs scandinaves ont l’habitude de prendre leur temps pour placer leur intrigue et instaurer une ambiance, on est plutôt dans la rapidité ici. Les chapitres sont courts, cela va vite et cela donne surtout une lecture que l’on a envie de dévorer. Je trouve juste la traduction parfois un peu trop simpliste et j’aurais aimé un peu plus de subtilité dans les termes choisis. Par contre, la couverture est magnifique.

Mais ne boudons pas notre plaisir. Voici un nouveau personnage de flic à suivre, qui semble simple a priori mais qui cache bien des mystères qu’Inger Wolf saura, avec son grand talent nous dévoiler petit à petit. A suivre donc …

Délivrance de Jussi Adler Olsen (Albin Michel)

Après Miséricorde et Profanation, Délivrance est la troisième enquête du trio Carl Morck,  Hafez El Assad et Rose la secrétaire. Mais je devrais plutôt dire duo, car Rose, dès le début du roman, est en colère de ne pouvoir poursuivre le décodage d’une mystérieuse lettre. Elle part donc et laisse sa place à sa sœur Yrsa, toute aussi déjantée. Ah, pardon, vous ne savez pas de quelle lettre je parle ?

A Wick, en Ecosse, une bouteille jetée à la mer atterrit entre les mains d’un policier qui, par inadvertance, va la laisser trainer sur un rebord de fenêtre. Sa remplaçante va ainsi en hériter et découvrir dans ladite bouteille, un message d’appel au secours, écrit avec du sang et en Danois. Après tant de temps, le message a été partiellement effacé, mais quelques lettres sont encore lisibles : Au secours !

Le message va donc arriver au Département V, celui dirigé par Carl Morck, dont la mission est de résoudre d’anciens dossiers pas encore classés. Carl n’y croit pas du tout, mais Hafez et Rose cherchent à résoudre ce puzzle. C’est lors d’une de leurs disputes que Rose décide de s’en aller, et de laisser sa place à Yrsa. Ils réalisent rapidement que le message a été écrit par un jeune garçon, enlevé avec son frère dans les années 90. Et il semble bien que le meurtrier soit encore en activité : deux enfants viennent d’être enlevés.

Déjà à la lecture de Miséricorde, j’avais beaucoup aimé la façon dont Jussi Adler Olsen avait de faire vivre ses personnages. C’est donc avec un énorme plaisir que j’ai retrouvé Carl et ses deux coéquipiers. Bien que je n’aie pas (encore) lu Profanation, les qualités de narration sont toujours aussi plaisantes. L’enquête avance lentement, certes, mais avec une rigueur et une application méthodique que le lecteur a l’impression de mener lui-même l’enquête.

L’aspect dont je ne me rappelle pas, ou qui est plus présent ici, c’est le décalage des situations et des dialogues dans l’équipe de Carl, qui font que le début du bouquin s’avale très vite avec un grand sourire aux lèvres. On retrouve aussi Carl, en proie avec ses démons (c’est quelqu’un qui n’a pas vraiment envie de travailler, qui est poussé par son équipe), et avec ses problèmes personnels (sa femme qui parle de revenir, son collègue et ami paraplégique qui débarque chez lui). Hafez s’avère, lui, plus mystérieux que jamais. On n’en saura pas plus sur ce syrien, mais quelques scènes laissent planer un brouillard quant à sa véritable identité et ses motivations et actions hors du travail. Il y a de quoi alimenter les prochaines enquêtes. Enfin, nous avons perdu Rose, mais on n’y a pas perdu au change. Yrsa, sa sœur jumelle, est tout aussi déchainée et déjantée. Les personnages étaient une des grandes qualités de Miséricorde, c’est encore une des forces de ce livre.

Et l’enquête, me direz-vous ? Certains pourront reprocher le rythme lent du livre, mais il faut plutôt ressortir la grande qualité de l’intrigue et sa parfaite logique. L’enquête avance avec une grande rigueur, et on n’y trouve aucun indice tombé du ciel. A tel point que l’on a l’impression de réaliser l’enquête avec Carl lui-même. La psychologie du tueur est de la même façon parfaitement analysée, grâce aux chapitres intercalés qui vont détailler à la fois son passé, ses actes présents et les personnes qui le rencontrent au jour le jour.

Cela donne un roman complet, exemplaire qui se positionne comme un roman promis à un grand succès public, ce qui est amplement mérité tant ce livre est passionnant et remarquablement bien fait. Indubitablement, Délivrance se positionne comme un divertissement haut de gamme en ce début d’année 2013.

A noter qie Miséricorde vient de sortir en version poche au Livre de poche.

La vierge africaine de Helle Vincentz (Prisma noir)

Je vous avais parlé il y a quelque temps de l’arrivée d’une nouvelle collection de romans noirs et thrillers, édités par Prisma. Voici un de ces titres, qui a toutes les qualités d’un bon page turner, et que j’ai dévoré avec beaucoup de plaisir.

Caroline Kayser travaille chez Dana Oil, une entreprise danoise d’exploitation du pétrole. Evidemment, Dana Oil a du mal à passer au travers de la crise financière. Un plan social est à envisager, mais les salariés ne savent pas sur qui cela va tomber. Elle travaille au Corporate Social Responsability & Communication, le service chargé de l’éthique de la société. Justement, elle vient de recevoir un mail de son chef Markvart la conviant à une réunion à 16H. Lors d’un déjeuner à la cantine avec son collègue des DRH Viktor, il lui confirme qu’il y a des listes mais qu’elle fait partie de celle des « Peut-être viré ». Donc, le rendez-vous de 16H ne peut pas être pour la virer.

Effectivement, Markvart lui demande d’accepter une mission au Kenya, où ils sont en train de chercher du pétrole. Leur antenne là-bas est dirigée par un dénommé John Hansen, un vieux de la vieille qui lui mènera la vie dure. Le problème ? Une dénommée Mama Lucy accuse Dana Oil de faire du mal à son village, Asabo. Dans cette situation, Caroline ne peut qu’accepter cette mission. Sur une des dernières lettres de Mama Lucy est écrit : « Un homme blanc enlève des petites filles à Asabo. Elles disent qu’il leur fait de mauvaises choses. »

Caroline n’a d’autre choix que d’accepter cette mission imprévue. Effectivement, John Hansen se révèle arrogant, voire menaçant puisqu’il termine leur entrevue en lui interdisant d’aller à Asabo sinon … Le problème, c’est que peu de temps après l’arrivée de Caroline, Mama Lucy est retrouvée assassinée …

Prenez une femme plutôt sympathique, empêtrée dans ses problèmes personnels, et obligée de prendre une mission suicide dans un pays dont elle ne connait rien. Accumulez les problèmes, sans aucune issue, jetez là en plein milieu d’un marasme qui va vite s’avérer un brouillard inextricable, et vous aurez quelques règles pour construire une intrigue de page-turner.

Sauf qu’il faut quand même savoir écrire des situations, des personnages, sans en faire trop, mais en étant juste descriptif comme il faut. Eh bien, je me suis laissé prendre au jeu de ce roman, parce que justement, le sujet, parfois gros, trop gros m’a intéressé et parce que c’est tout de même bien écrit. Il y a ce je ne sais quoi qui m’a accroché. Pour vous dire, j’avais à peine relevé la tête du bouquin que j’en étais déjà à la page 200.

Si le roman est centré sur quelques personnages, les chapitres alternant entre Caroline, John Hansen et Sally une petite fille qui s’est fait violer, quelques descriptions par ci par là nous immergent dans le Kenya d’aujourd’hui (des villages aux bidonvilles). Et si j’en aurais aimé un peu plus, je dois dire que ce n’était pas lourdingue à lire loin de là.

Arrivé à 100 pages de la fin, on finit par connaitre le nom du coupable. Et c’est là que Helle Vincentz décide de vous prendre à la gorge. Car les dernières pages vont tomber dans une noirceur implacable. Alors que l’on était gentiment emmené tout au long de l’intrigue, les émotions de la fin sont d’autant plus fortes. Vous espériez un Happy end ? Mais comment peut-il en être ainsi avec un tel sujet ? Voilà un roman remarquablement bien fait car il remplit sa fonction : Faire du divertissement en ouvrant les yeux du lecteur. Mission remplie pour moi, en tous cas.

Je ne porte pas mon nom de Anna Grue (Points)

Ce roman est le premier d’une jeune auteure danoise, qui inaugure avec Je ne porte pas mon nom, le cycle des enquêtes du détective chauve. Ce roman fait aussi partie de la sélection Meilleurpolar.com, organisé par les éditions Points.

Dan Sommerdahl est un publiciste à succès, naturellement doué pour son métier. Il est rapidement monté dans la hiérarchie, se laissant déborder par son travail, jusqu’à ce qu’il craque. Il tombe en dépression, et sa femme, Marianne, qui est médecin, va l’aider à se soigner. Il va donc passer une longue période en arrêt maladie, loin de Kurt & Co, la société qui l’emploie.

Justement, comme tous les soirs, la société de nettoyage fait le ménage chez Kurt & Co. Ils sont deux, Benjamin et Lilliana. Lilliana va être découverte étranglée dans la petite cuisine de la société. Le commissaire Flemming Torp va être chargé de l’enquête, et ce soir là, il dinait avec Dan. Il va d’ailleurs se faire aider de Dan pour mieux comprendre les salariés de Kurt & Co, et Dan va s’inventer Détective.

Lilliana va s’avérer estonienne, sans papiers. Personne ne connait son nom. Dan va rapidement découvrir où elle habite, le nom de sa colocataire, et le fait qu’elle est employée au noir. Plus l’intrigue va avancer, plus la peinture de l’ensemble va s’avérer sombre. Et Dan va devenir aux yeux de la presse Le détective chauve.

Ce roman est un roman policier classique. Tout démarre avec le meurtre, écrit du point de vue de l’assassin, et c’est très bien fait. Mais c’est aussi un premier roman, avec quelques défauts. Le deuxième chapitre nous explique le passé de Dan Sommerdahl, et j’ai trouvé ça balourd et maladroit, ou en tous cas pas forcément utile dans la narration de l’histoire.

Passé ce deuxième chapitre, l’auteur prend son envol, elle déroule tranquillement son enquête, et comme beaucoup d’auteurs nordistes, elle prend son temps pour décrire les personnages, les lieux. Le rythme est plutôt lent, avec des dialogues fort bien faits qui tiennent le lecteur accroché à sa lecture.

Enfin les personnages, qui sont sans contradiction, sont attachants. Et c’est un peu ce que je retiendrai, un bon roman policier qui inaugure un cycle que j’espère avec un peu plus de folie et autant d’émotion. Car, Anna Grue a la volonté de montrer que sous ses dehors lisses, la société danoise a bien des cotés pourris et qu’il ne faut pas soulever le tapis, au risque de trouver des rats crevés. Je ne porte pas mon nom est finalement un bon polar sans prétention, pour amateurs d’enquêtes nordiques.

Miséricorde de Jussi Adler Olsen (Albin Michel)

Auréolé de superlatifs disproportionnés, Jussi Adler Olsen débarque en France avec Miséricorde, premier opus d’une série policière mettant en scène Carl Morck et Hafez El Assad. En fait, c’est quand j’ai lu dans la revue Alibi que Adler Olsen était premier des ventes en Europe, que je me suis décidé à emmener le roman sur les plages estivales.

Je ne sais pas si vous connaissez Cold Case, cette série américaine mettant en scène une équipe de policiers (dont Lilly Rush) en charge de résoudre des affaires vieilles de plusieurs années et n’ayant jamais été ou mal résolues. Je dois vous avouer que je n’aime pas la télévision, et encore moins les séries américaines, mais je dois dire que la première saison de Cold Case m’avait séduit par le coté écorché vif de son héroïne.

Je m’égare ? Point du tout ! Carl Morck est un flic qui est en arrêt maladie, suite à une affaire qui s’est redoutablement mal terminée, puisque ses deux partenaires ne s’en sont pas sortis indemnes : Anker est mort et Hardy à l’hôpital, vraisemblablement handicapé à vie. Sa femme Vigga est partie, lui laissant leur fils Jesper sur les bras. Carl n’a pas trop la tête au travail, préférant réfléchir à la chance qu’il a de ne s’en sortir qu’avec une cicatrice sous le cuir chevelu.

D’ailleurs, ses partenaires le trouvant désagréable malgré un certain talent de déduction, ont bien en tête de l’évincer. Quand le gouvernement veut créer un Département V, destiné aux affaires nationales non résolues, son chef lui propose tout de suite la direction de ce service comme on proposerait un placard à un balai. Et de fait, il en profite pour faire des jeux video plutôt que de se lancer dans des enquêtes.

Carl accepte, pensant qu’il pourra s’adonner à sa nouvelle paresse, demande et obtient un chauffeur (en l’occurrence Assad) et commence par l’enquête sur la disparition de Merete Lynggaard, la vice présidente du parti Démocrate. Cela fait 5 ans qu’elle a disparu sans laisser de traces, et le nombre de suspects sont nombreux entre son frère handicapé, les membres de son propre parti ou ceux du parti opposé.

Si l’on peut résumer mon avis en deux mots, c’est que ce roman est un roman policier classique. Cela veut donc dire que l’intrigue est menée avec beaucoup de rigueur, que les pistes sont nombreuses et les fausses pistes aussi. Il faut aussi ajouter que, comme c’est le début d’une série, l’auteur prend son temps pour présenter les personnages et mettre ses héros en situation. Bref, l’enquête démarre au bout de 100 pages, entrecoupées par des passages situés dans le passé de Merete.

Si je n’ai rien trouvé d’extraordinaire dans ce roman, malgré que ce soit bien écrit et bien mené, j’ai beaucoup aimé les relations entre les deux personnages, Carl et Assad. Assad étant syrien débarqué de fraiche date au Danemark, il ne comprend pas forcément très bien ce qu’on lui demande, ce qui donne des passages drôles, mais aussi laisse quelques zones d’ombre pour les futures aventures de nos deux énergumènes.

Et cela donne une lecture agréable, pas révolutionnaire, mais sympathique car on passe un bon moment en leur compagnie. Et même si on devine le mobile vers le milieu du livre, si les coupables sont dévoilés à 100 pages de la fin, l’impression d’ensemble est que j’aimerais bien lire une autre de leurs enquêtes. Ce qui tombe bien, puisque vient de paraitre Profanation. Nul doute que vous entendrez parler de la suite ici même.

Darling Jim de Christian Mork (Pocket)

Ce livre là est l’un des sélectionnés pour Polar SNCF. A priori, je serais passé au travers, et cela aurait été bien dommage.Car il nous convie à un véritable conte pour adultes.

Castletownbere, Irlande, ‘il n’y a pas si longtemps’. Moira Hegarty et ses deux nièces, Fiona et Róisín sont retrouvées assassinées sauvagement. Dans un petit village tranquille, cela créé un choc. Mais comme tout cauchemar, tout le monde s’empêche d’oublier ce drame. Quelque temps plus tard, Niall, le jeune postier du village, récupère une enveloppe contenant le journal intime de Fiona. Il se retrouve envoûté par ce personnage et décide de comprendre ce qui se cache derrière ces meurtres. Il découvre alors l’existence de Jim Quick : un ‘seanchai’, conteur de légendes irlandaises et cherche à comprendre toute l’histoire, aidé en cela par le journal intime de la deuxième nièce.

Il est bien difficile de parler simplement de ce roman foisonnant. Car l’imagination est au rendez vous dans ce livre. Bien que j’ai mis beaucoup de temps pour le lire, pour des raisons de santé, jamais je n’ai voulu le lâcher. Car sa lecture est envoûtante. Autant que le personnage de conteur. Christian Mork a une grande qualité, c’est qu’il vous prend par la main, et vous embarque dans son imaginaire. Il construit son histoire comme on construit un conte, ou un château, pierre par pierre, morceau par morceau. Et le mystère qui plane autour des personnages nous force à vouloir aller plus loin, à essayer de démêler les fils de ce drame.

La construction du livre y est pour beaucoup. Alternant entre l’enquête de Niall et les journaux intimes des deux nièces, cela devient vite passionnant, d’autant que c’est un très bon moyen de manipuler le lecteur. Car dans un journal intime, on ne fait apparaître qu’une partie de la vérité, on cache ou on omet certaines choses. Et il a le talent d’avoir agencé cela comme des poupées russes, mêlant une histoire dans une histoire dans une histoire. Et tout cela sans que le lecteur ne ressente aucune confusion. Très fort.

Alors oui, comme tous les auditeurs du conteur Jim Quick, je me suis laissé prendre à cette histoire, regrettant parfois certains effets de styles, certaines maladresses de style de description ou de faux suspense. J’ai trouvé que Christian Mork était beaucoup plus à l’aise dans les journaux intimes que dans l’avancée de l’enquête de Niall. Mais au bout du compte, j’en ai retiré énormément de plaisir à lire ce conte moderne. Sans oublier, bien sur, le suspense et l’explication finale qui n’intervient que dans les toutes dernières pages.

Comme pas mal de mes collègues blogueurs, j’ai été surpris, bluffé par le talent de conteur de Christian Mork, et je pense qu’il va falloir que je lise les prochains. D’ailleurs, Jim Quick n’est-il pas le double de Christian Mork ? En tous cas, ce conte moderne pour adultes vaut largement d’être lu et dévoré.

Les autres avis dont je vous parlais sont chez

Lecture sans frontières, yspaddaden, Cynic63, et  Pages d’écriture entre autres.