Les éditions Asphalte ont décidément le don de trouver des romans pas comme les autres. Parfois, j’accroche, pour d’autres pas. Pour celui-ci, j’adore.
Jeremias est un jeune étudiant. Tous les jours, il traverse la ville, en bus ou en combi. Ces trajets lui permettent de regarder, d’observer et de parler des autres. Par petites tranches de vie, par petites touches, par petites anecdotes, il va nous dépeindre les gens, leur vie, la ville.
Ce sera le tour des pauvres qui font la manche, de quelques amis riches, de jeunes filles qui ont été violées par leur père ou d’un groupe de jeunes délinquants qui dévalisent, frappent ou tue pour une montre. C’est un pays de désolation que nous montre Martin Mucha, un monde de violence pour la survie, où seule la loi du plus fort y a ses droits.
Mais ne croyez pas que c’est un roman empli de rage. Tout est décrit très simplement, avec quelques moments de pure beauté, de pure poésie. Et ces petites scènes mises bout à bout font que l’on se met à la place de Jeremias, que l’on se met à vivre parmi eux, tout cela en une ou deux phrases, en une ou deux pages.
Et quand il évoque, à Lima, cette ville coupée en deux par un mur, avec d’un coté les riches, leurs voitures rutilantes, leurs maisons immenses, et de l’autre coté la bataille pour manger, pour assouvir ses besoins basiques, on est pris à la gorge. Ce mur, comme un fossé infranchissable, dont il ne se rappelle même pas quand il a été construit, et qui fait partie de leur vie sans remise en cause.
Alors, quand dans la dernière partie, nommé Epilogue, Martin Mucha présente des témoignages de gens qui ont connu Jeremias, il m’est venu une grande tristesse, je sentais que j’allais perdre un type que je connais depuis longtemps. Et malgré sa forme de petites scènes, ce roman devient un témoignage à lui tout seul, le puzzle se construit, et quand on a fini la dernière phrase, on ne sait toujours pas ce qui est arrivé à Jeremias, on tourne la dernière page, et on se dit qu’on reviendra vers ce petit condensé de voyage pour sa beauté.
Tes yeux dans une ville grise se révèle un livre beau, tout simple, bigrement attachant. Et j’espère que vous aurez le courage ou l’envie, le besoin ou le plaisir de découvrir un poète contemporain, un magicien des images, un équilibriste sans peur, un grand auteur tout simplement.
Jean Marc a aimé aussi ici