Editeur : Agullo
Traductrice : Florence Rigollet
Avec ce roman, les éditions Agullo nous proposent ce qui est déjà la cinquième enquête du commissaire Soneri, après Le fleuve des brumes, La pension de la via Saffi, Les ombres de Montelupo, et Les mains vides. Avec ce nouveau tome, on est déjà en terrain connu, voire conquis.
Le brouillard enveloppe la ville de Parme et le commissaire Soneri adore profiter de ces moments de mystère où tout se fond dans le flou. Son collègue l’inspecteur Juvara interrompt ses rêveries en lui annonçant au téléphone qu’un gigantesque carambolage a eu lieu au nord de la ville, sur l’autoroute. Comme les tziganes rôdent pour piller les véhicules accidentés et que le commissaire est le seul à connaitre les routes annexes du coin, les deux policiers vont se rendre sur place.
Empruntant les routes de campagne dont certaines ne sont que des chemins de terre, évitant des taureaux qui fuient, ils s’arrêtent à proximité du pont où ont eu lieu les accidents. En contrebas du pont, ils finissent par trouver un corps carbonisé. Pour Soneri, ce corps ne vient pas de l’accident puisqu’il ne trouve aucune trace d’herbe brûlée autour du corps. Il a donc été tué ailleurs et balancé du pont.
Le commissaire Soneri rend visite au camp de tziganes, non pas pour y traquer des voleurs mais pour savoir s’ils ont aperçu quelqu’un s’arrêter sur le pont et transporter un objet lourd. Mais il revient bredouille. Le corps s’avère être celui d’Ines Iliescu, femme de ménage roumaine sans papiers mais aussi amante de plusieurs hommes riches et en vue de Parme. Puis, la découverte d’un vieil homme mort de causes naturelles dans un car à destination de Bucarest conforte le commissaire Soneri à analyser les coïncidences de plus près.
Une fois qu’on s’est laissé emporter par la finesse de l’écriture de Valerio Varesi, il est difficile voire impossible de résister à un nouvel opus. Dès le début de cette enquête, on se croirait plongé dans le premier tome (paru en France), Le fleuve de brumes. Mais l’auteur ne va utiliser ce décor que pour justifier le carambolage de l’autoroute, avant de l’utiliser comme métaphore à chaque dialogue.
Dans ce roman, les dialogues y apparaissent parfaits, justes et mettant en valeur la puissance des mots prononcés et des non-dits. Le commissaire Soneri va devoir démêler les sous-entendus et interpréter les phrases, les informations qu’elles implicites ou explicites. Et il lui faudra sa logique propre pour comprendre que dans un monde divisé entre riches et pauvres, les couleurs se divisent en divers tons de gris.
Valerio Varesi aborde beaucoup de thèmes dans son roman dont la fracture de la société entre les pauvres qui fouillent les poubelles des supermarchés, et les riches qui se paient des femmes pour leur plaisir. Et il insiste à travers les différents personnages rencontrés sur l’importance de l’apparence, sur le jugement que l’on se fait des gens, remettant au gout du jour l’adage : L’habit ne fait pas le moine. Valerio Varesi pousse tellement le bouchon qu’on en vient à être dégoutté de certaines personnes, poussés par la pitié que l’on éprouve pour les sans-papiers.
Mais on y trouve aussi dans ce roman un commissaire perdu dans sa vie personnelle, navigant à vue, dans le brouillard. Son enquête surgit comme un coup de semonce contre son couple qu’il forme avec Angela. Elle parait plus distante, ne répond pas au téléphone et il se sent perdu, jaloux envers une jeune femme plus jeune que lui, comme Ines avec ses amants. Ce sentiment fort va le perturber mais aussi donner le fil directeur de son enquête.
Cette enquête va nous montrer un policier en plein doute, perturbé dans sa vie personnelle mais aussi malmené par des indices qui tombent et ne s’imbriquent pas bien. C’est bien la première fois que l’on voit un policier autant en difficulté. La dernière fois que j’ai ressenti une telle force dans un sujet semblable, ce fut pour Méfaits d’hiver de Philippe Georget. Il faut des auteurs de beaucoup de sensibilité et de talent pour aborder ce thème douloureux.