Archives du mot-clé Après Guerre

Blackwater de Michael McDowell : Tomes 5 & 6

Editeur : Monsieur Toussaint Louverture

Traductrices : Yoko Lacour et Hélène Charrier

Annoncé comme un événement éditorial, Blackwater arrive enfin chez nous après quarante années d’attente. L’auteur, Michael McDowell, voulait divertir son public, et lui offrir une intrigue en six tomes à raison d’un par mois. Chez nous, les sorties se font à un rythme d’un tome toutes les deux semaines. Et quand on voit les couvertures, sublimes, on se plonge avec délectation parmi les flots agités de la Blackwater.

Evidemment, il vaut mieux avoir lu les tomes précédents avant de se lire ce billet.

Tome 5 : La fortune

La deuxième guerre mondiale est terminée et la scierie des Caskey qui a bien profité du conflit, tourne à plein pot pour la reconstruction du pays. Le doyen James Caskey venant de mourir, l’héritage est partagé à parts égales entre Queenie sa belle-sœur, Grace sa fille et Danjo qui est resté en Allemagne. Billy Bronze, le mari de Frances, se sentant inutile propose à la famille de gérer leur fortune.

Frances, la fille d’Elinor, se retrouve enceinte et la taille de son ventre laisse à penser qu’elle attend des jumeaux, ce qui la rend inquiète. Seront-ils normaux ? Billy conseille à la famille d’investir dans des terres, et Elinor suggère d’acheter des marécages au nord de la Floride, qui, d’après elle, regorgent de pétrole. Quant à Sister, la sœur d’Oscar, elle reçoit une lettre de son mari Early Haskew lui annonçant son retour après la construction d’un pont. Mais Sister ne veut plus voir son mari, alors elle va faire appel à la magie d’Ivey, leur domestique noire.

Tome 6 : Pluie

Le premier tome débutait en 1919, celui-ci commence en 1958. Le clan Caskey a bien vieilli, Sister Haskew reste toujours alitée dans la crainte de voir revenir son mari. Queenie lui tient compagnie, lui racontant tous les commérages du village. Miriam mène d’une main de fer l’entreprise qui s’est diversifiée dans le pétrole, aidée par Billy Bronze qui s’oublie dans le travail depuis la mort de sa femme Frances.

La proximité de Billy et Miriam fait croire à Sister que ces deux-là vont se marier. Mais contre toute attente, Miriam décide de se fiancer avec Malcolm, le fils de Queenie revenu après ses années à bourlinguer. Le mariage va être le plus majestueux de la région, et Miriam qui songe à avoir un enfant, trouve l’idée de se venger de l’abandon de sa mère Elinor : héberger chez elle Lilah, la fille de Frances.

Mon avis :

On retrouve tous les ingrédients que l’on a aimés dans ces deux derniers tomes. La fortune va modifier les liens entre les différents membres, parce qu’avec Michael McDowell, même quand on espère un peu de calme dans le clan Caskey, il invente de nouvelles intrigues. Et les menaces vont pulluler autour des différents personnages et avoir des conséquences sur leur psychologie.

Quant au dernier tome de la série, nous assistons avec émotion au clap de fin, quittant à regret ce clan que nous avons suivi pendant 1500 pages. L’aspect fantastique est plus présent puisqu’il faut terminer le cycle et effectuer la boucle finale avec le commencement de cette saga. Ainsi, les deux derniers ancêtres Oscar et Elinor vont rencontrer leur destin, hantés par le passé et la ville se retrouver sous les flots.

Décidément, les éditions Monsieur Toussaint Louverture auront eu une riche idée de publier cette saga qui est un monument de littérature populaire, et pendant laquelle nous n’aurons pas eu l’occasion de nous ennuyer. Nous refermons le dernier tome avec un pincement au cœur, heureux d’avoir vécu cinquante années parmi le clan Caskey, heureux aussi d’avoir entre nos mains des romans aussi beaux, visuellement et littérairement.  

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Nous avons les mains rouges de Jean Meckert

Editeur : Joëlle Losfeld

Attention, coup de cœur !

Les éditions Joëlle Losfeld ont décidé de rééditer les romans de Jean Meckert, ce qui n’est que justice pour un auteur majeur injustement tombé dans l’oubli. Je connaissais son nom, pas ses romans, et j’ai dans mes bibliothèques quelques romans policiers signés Jean Amila. Si j’ai choisi ce roman, c’est parce que le Blog813 a publié un coup de cœur de Pierre Séguélas, que Laulo a fait paraître un excellent billet et que mon ami Jean le Belge a été dithyrambique à propos de ce roman (je joins les avis en fin de billet).

Laurent Lavalette sort de prison, après avoir purgé un peu moins de deux ans pour un meurtre en état de légitime défense. Il n’a pas de point de chute et se retrouve dans le village de Sainte Macreuse, accoudé au bar, à écouter les commérages du coin. Il cherche un endroit où dormir en attendant le train pour Paris quand deux hommes l’abordent. Monsieur d’Essartaut et son homme à tout faire Armand le convainquent de les suivre.

Monsieur d’Essartaut est le propriétaire d’une scierie. Il y aura donc forcément de la place pour le loger. En plus, ils ont besoin de main d’œuvre et donc peuvent le former et l’embaucher. Laurent Lavalette ne peut pas refuser cette proposition et envisage finalement d’y rester quelques mois, le temps de se refaire une santé et de gagner un peu d’argent.

Quand il arrive à la scierie, il est accueilli par le groupe, qui forme comme un groupe d’amis. Armand, le bras droit de Monsieur d’Essartaut, mais aussi le Pasteur Bertod qui est la voix de Dieu ou le communiste Lucas Barachaud vont l’accepter mais Laurent aura bien du mal à faire sa place. Et puis, il y a les filles de d’Essartaud, Hélène, femme mature ayant une position forte dans la maison, et Christine muette de naissance et encore mineure.Toutes deux attirent les convoitises de l’ancien taulard qu’il est. Rapidement, Laurent se rend compte que ce groupe d’anciens maquisards effectue des expéditions visant à punir les traîtres à la patrie, les faux résistants et vrais collaborateurs de l’ennemi.

Le contexte se situe juste à la fin de la guerre, quand les Allemands ont été vaincus et que les combattants de l’ombre se retrouvent sans objectif, comme perdus devant un avenir qu’ils ont du mal à discerner. Il nous présente donc une situation datée mais, pour autant, ce roman est d’une modernité extraordinaire, tant le propos y est toujours d’actualité et la forme absolument pas lénifiante, car ils sont portés par des personnages intelligemment construits.

On y trouve donc Laurent, en mal de repères, de but, et qui se place comme un observateur, compréhensif et discret, détaché des idéologies politiques pour laisser libre cours à ses envies humaines et bassement matérielles (Manger, boire, dormir, faire l’amour …). Il y a ce groupe d’anciens maquisards qui, eux, ont trouvé un objectif à l’absence de combats, celui d’épurer la France des faux résistants, quitte à verser du côté des meurtriers, comme les Allemands hier, comme ceux qu’ils chassent. Dans ce groupe, on trouve le chef extrémiste, le religieux ou les politiques, et tous ont un point commun : ils sont déçus de la société dans laquelle ils vivent et ne voient pas où elle va et ce qu’elle peut leur apporter. Même les deux femmes du livre sont deux images fortes du sexe dit faible, opposées dans leur être (l’une forte, l’autre faible à cause de son handicap) et dans leur psychologie (l’une forte en gueule et l’autre timide).

Ce roman est donc une photographie de la société telle qu’elle était au sortir de la guerre, mais elle est aussi une fantastique image de l’Homme face à un contexte, une démonstration de sa faculté d’adaptation (ou pas), et aussi de sa propension à revenir à un état animal : quand on ne maîtrise pas une situation, il n’y a rien de plus simple (et rassurant ?) que d’avoir recours à la violence. Je précise que ceci est une question et non un avis personnel. Il n’en reste pas moins que ce roman est une belle base de réflexion.

Et ce roman est aussi un formidable moment de littérature. Avec une langue simple, Jean Meckert aborde une période sombre de notre histoire mais sans jamais la placer au centre de l’intrigue. Cela en fait un monument de littérature dramatique, humaniste, dont le ton désespéré envers le genre humain, se positionne surtout comme un plaidoyer contre les guerres et toutes les idéologies visant à la violence. Utilisant Laurent Lavalette comme héraut, l’auteur déroule son intrigue dramatique de grandiose façon, tout en nous assénant des vérités, des situations où il nous place d’abord en tant que témoin, puis en tant que complice. Et c’est d’autant plus dérangeant (donc intéressant) que chaque personnage n’est ni totalement bon ni totalement mauvais et que chacun exprime son opinion.

Je n’utilise jamais le terme de chef d’œuvre et je ne l’utiliserai pas ici. Mais il faut bien s’avouer que l’on a entre les mains un grand moment de littérature en même temps qu’une belle réflexion intemporelle sur la société, sur le genre Humain, voire sur la politique, que l’on peut aisément extrapoler aux événements dramatiques contemporains. C’est un roman que l’on devrait faire lire à tous les lycéens, à tous les hommes politiques (à tout le monde, en fait !) et qu’il faut redécouvrir pour sa puissance d’évocation et son intrigue brutale. Quel roman !

Coup de cœur !

Ne ratez pas les avis de Jean le Belge et Laulo

La chronique de Suzie : Le point zéro de Seichô Matsumoto

Editeur : Atelier Akatombo

Traducteurs : Dominique et Franck Sylvain

Dès que l’on parle du Japon, je fais appel à Suzie. Alors, bien que j’aie lu ce roman, je préfère la laisser nous évoquer ce roman policier devenu un classique de la littérature nippone et que l’on peut enfin découvrir en France. Pour ma part, j’ai adoré ce roman et son style nonchalant, tout en ambiances et nous présentant la place de la femme dans la société japonaise. J’ai aussi adoré la fin, et son genre roman policier à la Agatha Christie assumé. Mais il vaut mieux que je laisse la parole à Suzie qui va vous expliquer tout cela mieux que moi :

 

Bonjour amis lecteurs,

Bizarre, ce temps! Je ne pensais pas être restée aussi longtemps dans mon antre ! Ah, c’est juste la météo qui s’amuse avec nous. On est bien au mois de mai. Bon, comme je suis remontée, je vais vous parler d’un nouveau roman, « Le point zéro » de Seichô Matsumoto ( ゼロの焦点  en japonais).

Ce roman a été édité au Japon en 1959 après une existence sous forme de feuilleton dans deux magazines connus et il arrive enfin dans nos contrées occidentales. Son auteur, extrêmement prolifique car il a écrit plus de 450 œuvres, a déjà été publié en France dans la période allant de 1982 à 1997 et en 2010 avec cinq romans. « Le point zéro » est son sixième roman traduit en français. Ce monsieur a révolutionné le roman policier japonais en lui donnant une nouvelle ligne directrice.

D’ailleurs, il existe également deux adaptations de ce livre dont le titre anglais est « Zero focus ». La première date de mars 1961, donc juste deux ans après la publication du roman. Ce film est en noir et blanc et il y a quelques différences avec l’histoire originelle. La deuxième version est un remake de celle de 1961. Elle est plus récente, 2009, et également plus fidèle à l’œuvre d’origine. Toutes les deux sont visibles en DVD pour les curieux.

Il semble qu’outre les films, il existe aussi des interprétations pour la télévision (1961, 1971, 1976, 1983, 1991, 1994). Seule, la dernière semble être une série car composée de quatre épisodes. D’après le nombre de versions, les personnages de ce roman ont inspiré les réalisateurs et les scénaristes. Si vous êtes curieux, je vous conseille de rechercher les jaquettes des DVD ainsi que les bandes annonces (disponible uniquement en japonais sans sous-titres, enfin, celles que j’ai trouvées), vous comprendrez beaucoup de choses. Petit conseil, faites-le uniquement après avoir lu le livre. Hum, je sens qu’une séance cinématographique sur PC s’impose …

Mais revenons à notre histoire. L’intrigue se focalise sur une jeune femme Teiko qui accepte un mariage arrangé avec Kenichi Uhara. Après une semaine de vie commune, ce dernier disparaît lors d’un voyage d’affaires à Kanazawa. Teiko, bien décidée à comprendre ce qui s’est passé, se rend dans cette ville de la préfecture d’Ishikawa. Elle découvrira que les apparences sont trompeuses.

Pour nous mettre dans l’ambiance, comparons les deux couvertures de ce roman, la version française et la version japonaise. Toutes les deux correspondent à un aspect stratégique de l’histoire. Sur la première, on voit une femme vêtue d’un manteau rouge vif, sous la neige, qui marche, seule. Les habitations de la rue ont l’air ancien. Çà pourrait être une rue d’un des quartiers historiques de Kanazawa. En revanche, la deuxième met en avant des falaises qui surplombent une mer agitée comme si le point zéro correspondrait au niveau de l’eau. Chacune de ces versions est intrigante. Faut-il se baser sur ces couvertures pour comprendre l’intrigue? Ou n’est-ce qu’une illusion?

Le livre est structuré en 13 chapitres avec un titre qui correspond à ce qu’on peut y trouver. L’intrigue est lente à se mettre en place. L’auteur prend le temps de poser ses indices au fur et à mesure de l’avancée de l’histoire. Telle Teiko qui connait peu de choses de ce mari disparu, on va essayer de faire s’imbriquer les différents indices, de comprendre ce qui s’est passé.

Mais, le puzzle comporte énormément de pièces qui n’ont pas de point commun, de ligne directrice. De plus, au détour d’une page, on peut tomber sur une belle illustration en noir et blanc qui donne des informations sur le paysage, un point en particulier. Le rythme va commencer à s’accélérer avec la rencontre d’une femme en particulier et relancer l’intrigue sur les bons rails jusqu’au dénouement final.

En ce qui concerne les personnages, on va rencontrer un certain nombre d’archétypes de femmes japonaises à travers Teiko, sa mère et sa belle-sœur mais également Sachiko Murota, l’épouse du président d’une société. Les hommes ne font que graviter autour de ces héroïnes, donner le contexte qui va leur permettre de les mettre en avant, tout en restant dans une position correspondant à leur statut. Ils sont juste des écrins qui mettent en valeur les personnalités de ces femmes.

Si on se concentre sur Teiko, c’est une jeune femme qui découvre une nouvelle vie, celle de femme mariée avec ses avantages et ses inconvénients. Tout fonctionne comme si, auparavant, elle était une page blanche sur laquelle un mari viendrait écrire son histoire. La disparition de ce dernier et les questions qui en découlent vont mettre à mal cette innocence maritale. Elle a du mal à se rattacher à quelque chose. La structure qu’elle avait envisagée a éclaté en mille morceaux et elle doit comprendre la disparition de son mari pour pouvoir se reconstruire.

Chacune de ses femmes montre un aspect particulier de la société japonaise et les conséquences qui peuvent en découler car l’écrin se brise. Qu’auriez-vous fait à leur place?

Un autre personnage a presque autant d’importance que ces héroïnes dans cette histoire, c’est cette ville de Kanazawa et les villes qui se trouvent aux alentours. Il avait déjà commencé à ensorceler l’héroïne à distance. Ce qui va la pousser à chercher son mari, c’est également de pouvoir contempler ces divers paysages ainsi que la saison d’hiver de cette région. Bien que caché, ce personnage distille, déploie sa magie jusqu’à vous enchaîner. Il devient difficile de l’oublier. Il y a comme un gout « d’y revenir ».

Ce qui est bizarre, c’est ce que j’ai eu l’occasion de visiter la ville de Kanazawa l’année dernière, presque soixante ans après la publication de ce livre. J’ai eu la possibilité de voir cette ville en été et non en hiver, comme cela est décrit dans le livre. Malheureusement, je n’ai pas eu le temps de me promener dans les alentours. J’ai pu retrouver une partie de l’atmosphère qui est décrite dans ce livre. J’y étais sans doute plus sensible.

Maintenant, vous pouvez faire le trajet décrit en seulement 2h30. Je suis donc partie avec un apriori positif sur cette histoire. L’intrigue monte en puissance doucement comme si l’auteur voulait vous laisser le temps d’apprécier cette partie du Japon, ces paysages particuliers. A travers Teiko, j’ai retrouvé cet aspect des femmes japonaises qui se coulent dans un moule codifié à l’extérieur de leur demeure et qui respectent les traditions et cette société profondément patriarcale. L’auteur montre que le monde de l’apparence est ce qui compte et il le fait à travers le personnage de Sachiko Murota. Le regard des autres peut tuer dans cette société stricte. La place des femmes est bien définie et elles ne doivent pas en changer.

C’est un roman que j’ai beaucoup apprécié et qui montre les mœurs de l’époque qui se répercute encore à l’heure actuelle. Pendant un moment, je n’ai pas compris où l’auteur voulait me mener. Mais, en assemblant certains indices, j’ai découvert la vérité un peu avant l’héroïne qui, au vu de la situation, ne pouvait comprendre tout de suite la réalité. L’auteur m’a fait passer par un labyrinthe assez complexe pour trouver la solution de l’énigme et je peux dire que certaines situations étaient plutôt tordues.

Enfin, un des personnages importants de cette histoire reste les différents paysages de la  préfecture d’Ishikawa qui se dressent tout au long de l’histoire pour nous enchaîner, nous ensorceler à travers ces divers coins de la nature. Quasiment toutes les questions trouvent une réponse. J’en suis sortie fascinée, désirant voir Kanazawa sous la neige et goûter cette atmosphère si particulière. Cela m’a également donné envie de lire les autres romans policiers de l’auteur pour retrouver ce lyrisme littéraire. Si vous voulez en apprendre plus sur cette région et sur une période de l’histoire du Japon qui reste méconnue, je vous conseille de vous jeter sur ce roman. Vous aurez du mal à le lâcher avant la fin et vous prendrez ensuite un billet pour le Japon.

Maintenant, il est temps de vous abandonner pour me m’aérer l’esprit avec de nouveaux livres. Mais, je reviendrai bientôt vous parler d’une autre de mes lectures. portez-vous bien et bonne lecture !

Le douzième corps de Janine Teisson

Editeur : Editions Chèvre-feuille

Ce livre m’est arrivé dans les mains totalement par hasard et c’est à nouveau par hasard que je l’ai pioché dans ma PAL. Une belle découverte !

L’auteure :

Janine Teisson est née à Toulon.

Son premier roman La Petite Cinglée, a obtenu en 1994 le prix du premier roman et le prix Antigone. Pour ses lecteurs de 5 à 105 ans elle aborde romans contemporains, historiques, policiers, nouvelles, contes, théâtre, poésie.

Sérieux et humour se mêlent dans ses livres. Certains sont traduits en sept langues. Sa rencontre avec les éditions Chèvre-feuille étoilée a été féconde : Liens de sangs, un roman sur l’Algérie, plein de violence et d’amour, est publié en 2010, suivi de La Salle de bain d’Hortense et de L’Enfant Plume. Chèvre-feuille étoilée a l’audace de rééditer Cher Azad, recueil de contes érotiques orientaux. Thalasso-crime est le premier policier publié dans la collection D’un noir l’autre, qu’elle dirige. La Métamorphose du rossignol suivra en 2015. Le Douzième Corps est son quarante-deuxième titre et le septième titre de la collection.

L’écriture pour Janine Teisson est une rencontre, avec elle, avec le monde, avec les autres de toutes générations.

Quatrième de couverture :

Orléans, 1941

Hans rencontre Marguerite. Ils s’aiment profondément dans le cataclysme de la seconde guerre mondiale mais la dernière lettre que son amante a envoyée à Hans après la Libération n’aura jamais de réponse.

Qu’est devenu Hans ? Soixante ans plus tard, alors que la mémoire de Marguerite est en ruine, sa petite-fille Romane ouvre l’enquête. Elle parcourt le Périgord de village en village selon le trajet sanglant suivi autrefois par la division Das Reich. Elle fait ressurgir des crimes cachés, des secrets mal enterrés, encore assez vifs pour la mettre en danger.

Qui est enterré dans le champ maudit ?

Dans ce roman policier sur la mémoire, le passé ressurgit et se mêle au présent, pour l’empoisonner ou l’illuminer.

Mon avis :

C’est une belle surprise que ce roman, écrit simplement, et qui nous narre la recherche d’une jeune fille sur ses racines. Découpé en trois parties, le roman va nous plonger dans le passé de la deuxième guerre mondiale par courts chapitres, nous faisant voyager d’Orléans à Berlin en passant par la Russie ou l’Ukraine. On va avoir affaire à plusieurs personnages, appartenant à deux familles, l’une française et l’autre allemande. Je dois dire que je me suis laissé emporter par cette première partie, grâce à cette simplicité de l’écriture qui en fait une saga familiale passionnante. Il y avait presque un livre entier à écrire avec un sujet tel que celui là.

Puis la deuxième partie nous transporte aujourd’hui, avec Romane qui reçoit en cadeau de sa tante Elise (que l’on a rencontré dans la première partie) une vieille valise appartenant à sa grand-mère. Elle commence l’enquête alors que sa mère n’est pas intéressée à remuer les douleurs du passé. Une nouvelle fois, c’est bien fait, bien qu’un peu plus bavard, mais toujours de bons sentiments malgré quelques horreurs des nazis, et cette histoire continue à nous intéresser jusqu’au dénouement final.

Si ce roman ne va pas révolutionner le genre, il s’avère une lecture recommandable pour lire sur la plage, le genre de roman populaire (dans le bon sens du terme) qui vous transporte dans un autre lieu, dans un autre temps, et vous fait passer un bon moment.18

Week-end Piacentini : Carrières noires d’Elena Piacentini

Editeur : Au-delà du raisonnable ; Pocket (Format poche)

Ça y est, je suis à jour à propos des enquêtes de Pierre Arsène Leoni ! Vous les trouverez donc toutes chroniquées et je vous les rappelle dans l’ordre :

Un corse à Lille

Art brut

Vendetta chez les Ch’tis

Carrières Noires

Le cimetière des chimères

Des forêts et des âmes – Coup de cœur Black Novel

Aux vents mauvais (Paru le 5 janvier 2017)

Joséphine Flament, que tout le monde appelle Josy, est une soixantenaire bonne enfant. Elle n’est pas le genre à se prendre la tête, ni avec le quotidien, ni avec des hommes. C’est pour cela qu’elle vit avec ses amies d’enfance Chantal et Marie-Claude, dans sa petite maison. Alors qu’elle faisait le ménage chez la sénatrice Justine Maes, Josy découvre une forte somme d’argent qu’elle rend à sa propriétaire.

Mais elle a l’occasion de découvrir où se situe le coffre fort. Elle imagine alors un plan, qui consisterait à vider le coffre pour offrir à ses amies une maison à La Panne. Comme elle connait Angelo, un petit braqueur, elle lui demande de l’aide. Celui-ci lui apprend comment ouvrir le coffre et Josy arrive à mettre la main sur son contenu : de l’argent, des bijoux et des documents.

Pierre-Arsène Leoni s’est mis en disponibilité de la police suite à la mort de Marie, sa femme et mère de sa fille. Il envisage de retourner dans son île natale, la Corse, avec sa grand-mère Mémé Angèle. Alors qu’il attend le début d’un concert avec Eliane Ducatel, son amie médecin légiste, la sénatrice qui doit faire un discours se fait attendre. Quand ils se rendent chez elle, juste à coté, ils s’aperçoivent qu’elle est morte. Et quand le téléphone sonne, Eliane prend le combiné et tombe sur un maître chanteur qui demande de l’argent contre les documents. Il semblerait bien que ce soit un meurtre …

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Je trouve qu’avec ce roman, Elena Piacentini a franchi un cap. Elle garde ce talent de peindre des personnages à la psychologie si fouillée, mais je trouve qu’elle a acquis une sorte d’efficacité qui fait que ce roman policier est impossible à laisser tomber. Car si l’intrigue peut sembler simple au premier abord, il nous réserve bien des surprises tout au long de ces pages si bien écrites.

La première partie est consacrée à Josy et à la sénatrice Justine Maes. On y plonge dans le monde des petites gens d’une part, puis dans le monde des magouilles politiques d’autre part. Et ce n’est qu’après un peu moins de 100 pages que Pierre-Arsène Leoni fait son entrée avec une Eliane plus dégourdie et craquante que jamais. Et c’est tout l’art des dialogues d’Elena Piacentini qui apparait, car Eliane et Pierre-Arsène forment un couple à la fois excitant et drôle ! La dernière partie va se dérouler dans les carrières de craie de Lezennes, qui forment un véritable labyrinthe, dans lequel les policiers vont chercher des enfants disparus. Mais c’est aussi un endroit montré sombre et stressant par l’auteure, et ces pages m’ont crispé au livre !

Ce roman tient à la fois sur l’intrigue et sur la façon dont Pierre-Arsène et Eliane vont démêler la pelote, mais aussi sur ces formidables personnages dont on est toujours triste de quitter à la fin. Avec ce roman, Elena Piacentini nous démontre de belle façon qu’elle est une grande du roman policier et qu’avec ce roman, elle semble entamer un deuxième cycle, chez un nouvel éditeur (Au-delà du raisonnable) après avoir sorti trois tomes chez Ravet-Anceau.

Fausse route de Pierre Merindol

Editeur : Les éditions de minuit, 1950 – Le Dilettante, 2016

C’est dans la revue 813 de l’association du même nom que j’ai trouvé cette idée de lecture. Si l’histoire se passe après guerre et est donc datée, le style en fait une œuvre moderne, noire, et poétique.

L’auteur :

Pierre Mérindol, pseudonyme de Gaston Didier, est un journaliste et écrivain français né le 13 août 1926. Il a été grand reporter au Progrès de Lyon pour qui il a notamment couvert le procès de Klaus Barbie en 1987. Il est décédé à 86 ans à la suite d’une crise cardiaque le 8 août 2013 à l’hôpital du Tonkin de Villeurbanne (Rhône) à 2 h 53. Il aurait eu 87 ans quelques jours après.

Résumé de l’éditeur :

Mérindol, nom rêvé pour un village, ou pour un couteau de poche, l’un qu’on respire fleuri à souhait, l’autre, fidèle, à la main. En l’occurrence, notre Mérindol à nous, Pierre, né Gaston Didier, c’est un zigue de première, complice de Robert « Bob » Giraud, l’auteur du Vin des rues, l’Homère des rades, et Robert Doisneau, l’Orphée du Rolleiflex. Formé après-guerre, le trio triole à souhait quelques années puis s’explose, chacun prenant sa voie : Robert Doisneau devient Doisneau, Giraud reste Bob, se fondant dans son paysage intime, notant, zinc après zinc, les « choses bues » du Paris populaire. Pierre Mérindol, lui, nous apprend Philibert Humm dans sa goûteuse préface, après avoir bezotté pour le galeriste Pierre Loeb, rôdé à la Contrescarpe et poussé une dernière fois, sur scène, la grande Fréhel, s’exfiltre, gagnant Lyon où il se mue en localier au Progrès.

De lui nous reste, paru en 1950 aux Éditions de Minuit, aujourd’hui réédité par Le Dilettante, Fausse route. L’histoire d’une paire de drôles, le conteur et son pote Édouard, qui se camionnent la France en tous sens. Ils héritent en cours de route de la Françoise, une drôlesse finaudement mélancolique qui devient leur part à deux, à la pause ou sur les cageots de légumes et finit par se mettre avec Édouard, ouvrant un bar de poche rue Mouffetard. Sortie de route prévisible, hélas, quand se joindra au trio le gars Jules, nigaud ardent et brouilleur de cartes. Sans pause pipi, ni arrêt buffet, au fil de ce road-book noirissime, les routiers de Mérindol taillent la route à la diable, bitume et toiles cirées, en tous sens, panneaux publicitaires succédant à de somptueuses apparitions de villes ou éclosions de campagnes. Le Ciel est aux violents, dit-on, l’enfer aux fous du volant, dont acte.

Mon avis :

Dans l’après-guerre, il n’y avait pas encore d’autoroutes. Alors les trajets se faisaient par des « Routes Nationales », qui bien souvent faisaient des tours et des détours et traversaient tous les villages sur le chemin. C’est vrai qu’aujourd’hui, nous sommes une société qui va vite. A l’époque, il devait aussi y avoir moins de circulation. Toujours est-il que les transports de marchandises circulaient tous les jours, du lundi au samedi.

Le narrateur (on ne connaitra pas son nom) est conducteur de camions de marchandises et il transporte les fruits et légumes vers la capitale, vers les Halles de Paris, qui étaient à l’époque en plein centre de Paris. Que ce soit de jour ou de nuit, ce métier lui convient bien, se laissant bercer par les ahanements du camion, et admirant la calme beauté des différents paysages qu’il a l’occasion de traverser.

Quand tout se passe bien, il est agréable de se faire masser par les soubresauts du siège. Il est agréable de fréquenter les bistrots, de prendre son café – rhum, de rencontrer les collègues, même s’il n’aime pas beaucoup parler. Et le fait d’être seul lui permet de toucher plus d’argent. C’est à Paris qu’il rencontre Edouard et cela se passe moyennement à coup de tête et de poings. Puis, à force, Edouard devient le co-pilote.

Quand tout se passe bien, il est agréable de faire la route avec un ami, même s’il ne parle pas beaucoup. Les filles, c’en est presque devenu un sujet de discussion, voire un fantasme. Celles qui acceptent de passer la nuit sont communes. Jusqu’à ce qu’ils croisent Françoise. Elle est à l’un, elle est à l’autre, jusqu’à ce qu’elle devienne celle de l’un mais folâtre avec un troisième. La rancœur et la jalousie noircissent le tableau.

Quand tout se passe mal, le paysage devient noir et rouge sang. Le rythme du camion devient lancinant, sa vitesse trop lente, énervante. D’un drame annoncé et subtilement amené, cela sera dépeint comme un tableau de maitre, comme un vulgaire fait divers, alors que ce roman est bien plus que cela : un si beau et si doux moment de vie au ton désenchanté et noircissime.