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Un voisin trop discret de Iain Levison

Editeur : Liana Levi

Traducteur : Fanchita Gonzalez Batlle

Sélectionné pour les trophées 813 du roman étranger, je ne pouvais laisser passer le dernier roman en date de cet auteur écossais que j’affectionne particulièrement, pour son acuité à décrire notre monde.

Même s’il n’a pas réellement besoin d’argent, Jim Smith occupe ses journées à prendre des courses de taxi UBER, en faisant attention de se montrer aimable, pour être bien noté par l’application. Car de nos jours, tout le monde a le droit de donner son avis sur tout sans se rendre compte des conséquences. Il essaie malgré tout d’éviter tout contact social qui ne lui soit pas nécessaire.

Sauf qu’il rencontre sa nouvelle voisine, Corina, qui élève son petit garçon pendant que son mari Robert Grolschest en mission pour l’armée en Afghanistan. Petit à petit, sa présence va envahir l’espace protégé de Jim. De son côté Grolsch appartient à la 159ème compagnie, destinée aux opérations sur le terrain. Suite à une action dramatique où le sniper Dawes y laisse la vie, Grolsch doit faire équipe avec un nouvel équipier.

Grolsch rencontre donc Kyle Boggs, un jeune texan qui veut utiliser l’armée comme un tremplin vers des fonctions importantes au sein de l’état. Pourquoi pas ambassadeur ? Le seul problème, et il est important dans l’armée, est que Kyle est homosexuel. Il s’arrange donc avec Madison, une amie du lycée, pour l’épouser et ainsi sauver les apparences. Mais un grain de sable va enrayer les engrenages.

Comme à son habitude, Iain Levison nous présente des personnages confrontés à un contexte plus global. Il nous propose de regarder par le petit bout de la lorgnette la vie de petites gens mais toujours un certain décalage, un humour gentiment cynique qui nous frappe d’autant plus par de petites remarques sur lesquelles il pointe le doigt alors que cela nous parait parfaitement normal.

On ne peut que s’esclaffer sur la façon dont UBER fournit des trajets à ses « esclaves » (c’est de l’humour !) en fonction des notes que leurs clients leur donnent dans l’application connectée. Ou même l’avis de l’auteur sur le fait que n’importe qui peut donner son avis sur les réseaux sociaux même quand ils ne savent pas de quoi ils parlent. Ou encore, la gigantesque hypocrisie qui consiste à donner des termes politiquement corrects à des groupes de personnes pour ne pas les froisser, quand la population noire était appelée nègre, puis noire, puis black puis afro-américaine.

Iain Levison situe son intrigue aux Etats-Unis, mais on sent bien qu’il veut généraliser son propos tant cette culture nous envahit de jour en jour. Et le meilleur moyen pour porter son message est encore de la faire avec un humour cynique pour dénoncer entre autres, les actions militaires non justifiées, l’homophobie, la difficulté des soldats lors du retour à la vie civile, l’opportunisme comme une obligation de réussite de sa vie professionnelle, l’accès libre aux armes, les problèmes à élever des enfants dans une société faite de petits arrangements, et j’en passe.

Il serait injuste de ma part de ne pas dire un mot du scénario de cet excellent roman. Si au commencement, nous rencontrons trois familles n’ayant aucun lien apparent, ils vont petit à petit se rapprocher et les hasards de leur vie vont aboutir à un dernier chapitre en guise de conclusion qui m’a juste fait éclater de rire. L’auteur nous offre une conclusion absurde et juste irrésistible.

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Dog Island de Michel Moatti

Editeur : HC éditions

Si vous êtes un fidèle de ce blog, vous savez que j’affectionne particulièrement les écrits de Michel Moatti pour la profondeur psychologique de ses personnages et pour son talent à peindre une ambiance (souvent stressante). Ce ne fut donc pas une surprise de le voir aborder un huis-clos dans ce roman, ni de rendre un hommage appuyé et non dissimulé à la grande Agatha Christie.

Au large de Manhattan, à 18 km, une mystérieuse île se dresse dans le brouillard. Son nom vient de la forme des récifs au Nord, qui fait penser au museau d’un chien. Habitée à l’origine par des Indiens, elle bénéficie de légendes dont Odosh’a, une étrange divinité qui chante la nuit venue. Depuis le 17ème siècle, il est advenu de nombreux événements sur cette île, que personne ne connait. D’ailleurs, des membres de l’armée américaine gardent toujours ses rives, en interdisant l’accès et assurent la sécurité de la douzaine de résidents.

Lydia Schluback fait partie des anciens puisqu’elle est arrivée sur l’île très tôt. Passionnée de cuisine, elle est reconnue en tant que cordon bleu. Pendant qu’elle fait frire sa pâte, elle pense à la jeune Tania Greene qui a débarqué pour faire des photographies et qui doit bien s’ennuyer. Puis elle repense à sa nuit, au vent qui faisait penser à des chants ; peut-être s’est-elle laissée bercer par Odosh’a.

Du haut de sa chambre mansardée, Tania Greene contemple le rivage, les vagues et le temps menaçant. L’île lui parait vivante, présente comme un bonhomme de neige. Elle jette encore un coup d’œil à sa carte, aux installations militaires désaffectées, aux endroits potentiels où des milliers de gens ont été enterrés, car l’île a servi autrefois de fosse commune. Puis une idée folle traverse son esprit : et si elle se déguisait en bonhomme de neige ?

Jack Charnotta tient l’épicerie de l’île. En fait, il s’agit d’une sorte de réserve de produit en conserve pour les quelques habitants. Il est ravitaillé une fois par semaine par la navette fluviale, puisque les voyages quotidiens sont réservés aux étudiants Léo Warren et Nick Merryl, qui vont au lycée à New-York. Jack est seul autochtone à être né sur l’île ; il en connait donc tous les recoins, son histoire et ses secrets.

Le sergent Marcus Warren s’inquiète de la santé de sa femme Lily. Lily sait que Susan Merryl, la sœur de Nick, veut devenir écrivain. Susan ne cesse de répéter que Brett Easton Ellis est le plus grand écrivain américain vivant. Lily propose à son mari d’aller passer le week-end à New-York. Quand ils en reviennent, Marcus est attendu par son adjoint Don Merryl : on vient de retrouver Tania Greene pendue chez elle, habillée dans une sorte d’habit de clown.

Une île, douze habitants, un décor mystérieux à l’aube d’un hiver rigoureux, tous les ingrédients d’un huis-clos sont réunis pour intriguer le lecteur. Michel Moatti possède un talent : celui de créer une ambiance. C’est ce que j’avais adoré avec son premier roman Retour à Whitechappel. Le choix d’implanter cette intrigue sur cette île entre totalement dans ce qu’il affectionne de faire mais aussi dans ce qu’il excelle à faire.

Car outre cette ambiance de bout du monde, Michel Moatti nous parle d’une île qui existe vraiment, qui possède son histoire, vraie ou inventée, ses légendes, vraies ou fantasmées. Même s’il détaille dans sa note en fin de livre tous les aspects véridiques et inventés, il s’amuse à mêler le vrai et le faux, pour nous informer (les massacres de Indiens), nous révolter (l’implantation de missiles ou l’enterrement de malades du SIDA) et arrive à faire naitre un doute sur lequel l’Administration Américaine pose un étouffoir.

Au-delà de ce fait historique et géographique, on admire toujours cette faculté à dérouler une intrigue en semant des doutes. Le fait de détailler les décors en faisant planer un doute fait monter inconsciemment un stress. Et le fait de ne jamais détailler les émotions des personnages en rajoute encore à la tension sous-jacente qui ressort de ces pages … jusqu’à une conclusion très inattendue.

A la fois hommage à Agatha Christie, mais aussi aux grands auteurs, à la fois exercice de style, à la fois roman stressant plus qu’effrayant, ce roman au rythme lent comme la vie sur cette île est aussi original dans le fond que dans la forme. Je reste persuadé qu’aucun autre auteur aurait été capable d’écrire cette histoire-là de cette façon-là. Et je me pose des questions : Les Américains ont-ils vraiment utilisé cette île comme un mouroir au 20ème siècle ? Fichtre !

Avant les diamants de Dominique Maisons

Editeur : Editions de la Martinière

Attention, coup de cœur !

Après toutes les bonnes critiques parues sur ce roman, je me joins aux autres … avec un peu de retard … pour vous inciter à acquérir et à dévorer ce roman qui nous plonge dans le monde d’Hollywood de 1953. Le plaisir et l’immersion sont totaux.

17 mars 1953, Nevada Test Site, Mercury, Comté de Nye. Plusieurs invités viennent assister à la démonstration de force organisée par l’armée américaine. La bombe Annie vient confirmer la prédominance des Etats-Unis dans la course aux armes atomiques. Convoqué par le général Trautman, le major Chance Buckman se voit confier une mission de la plus haute importance : Comme le Maccarthisme s’essouffle, l’armée doit subventionner des producteurs indépendants des grands studios qui diffuseront des messages démontrant la grandeur de l’Amérique. A l’avenir, chaque pays aura deux cultures : la sienne et la culture américaine. Pour cette mission, il sera secondé par l’agent Annie Morrisson.

17 mars 1953, Lone Pine, Comté d’Inyo, Californie Larkin Moffat, producteur maniable de westerns à petits budgets, travaille au bouclage de son dernier film en date, avec une figure vieillissante du cinéma américain, Wild Johnny Savage. Il est obligé d’aller chercher la star dans sa roulotte car le tournage des scènes va bientôt démarrer. Il découvre un acteur épuisé, endormi dans ses vapeurs de drogue. Sans hésiter, le producteur sans scrupules appelle un docteur pour qu’il lui injecte un remontant pas tout à fait légal, de quoi lui faire tourner les scènes du jour. Puis il va passer ses nerfs sur sa compagne, Didi, à coups de ceinturons, avant de la violer. C’est le prix à payer pour devenir une Star.

17 mars 1953, Little Church of the West, Las Vegas, Nevada. Le père Santino Starace a réussi à faire fructifier son église et devient incontournable au sein de la Legion of Decency,  une ligue de vertu donnant des étiquettes de visionnage très strictes aux films pour préserver la morale du peuple américain. Ayant terminé sa journée, il retrouve son amant Juanito, qui a la moitié de son âge et qui rêve de devenir acteur. Quand Buckman et Morrisson le contactent, il accepte de faire l’intermédiaire avec Jack Dragna, qui gère les affaires du mafioso Mickey Cohen, incarcéré depuis peu pour évasion fiscale. En échange, le père Starace négocie des papiers en règle pour Jancinto. Dragna y voit l’occasion de diversifier les investissements de la mafia et la possibilité d’un rendement extraordinaire.

Je ne sais pas ce qu’il en est de vous, mais je suis passionné par le cinéma américain d’après-guerre. C’est aussi le cas de Dominique Maisons, dont chaque ligne de ce roman est écrite avec passion. Et c’est un vrai grand beau roman noir auquel on a droit avec ce pavé de 500 pages, comme une sorte de voyage enchanté dans un monde féérique, mais aussi superficiel et irrémédiablement violent.

La comparaison en quatrième de couverture avec les grands auteurs contemporains est flatteuse (James Ellroy, Robert Littell ou Don Winslow) et ce roman n’a pas besoin de ces références pour se situer au-dessus du lot. Ce roman formidablement évocateur, possède sa propre identité et se place parmi les meilleurs romans évocateurs de cette période. Car, avec une plume érudite et une puissance évocatrice, le lecteur que je suis a fait un voyage dans le temps, et découvert l’envers du décor imprimé sur la toile de cinéma.

L’auteur n’avait pas besoin de parsemer son histoire de personnages illustres (on y croise entre autres Errol Flynn, Clark Gable, Gary Cooper, Franck Sinatra, ou HedyLamarr) pour sonner vrai. Et pourtant, ils sont tellement bien utilisés dans l’intrigue qu’ils se fondent dans le décor. On y sent l’odeur de la peinture fraiche, on y entend les caméras tourner, on y voit des acteurs ou actrices malades se transformer dès qu’on entend le mot « Moteur ».

Et puis, derrière les fastes exhibés devant la caméra, l’ambiance tourne au scénario le plus noir que l’on puisse imaginer. Des luttes d’influence aux relations entre l’armée, le cinéma et la mafia, des actions violentes perpétrées pour assouvir un besoin sexuel, ou une envie de meurtre ou juste un besoin de vengeance, quand ce n’est pas pour éliminer une concurrente, ce roman ne nous épargne rien, tout en restant en retrait, factuel comme un témoin de cette époque apparemment idéale mais en réalité si cruelle et immonde.

Pour illustrer ces aspects, des personnages fictifs vont émailler cette intrigue, Didi, Liz, Juanito, Buckman, Annie, Moffat, Storance, et tous sont justes, vrais, psychologiquement impeccables, tout au long de cette année 1953 que parcourt cette histoire. Ils vont tous être tour à tour innocents, coupables, bourreau et victimes. Hollywood vend du rêve mais l’envers du décor ressemble plutôt à une machine à broyer des êtres humains.

Avec son scenario en béton, sans oublier sa fin apocalyptique, avec ses personnages formidables, avec sa puissance d’évocation, et son style si fluide et hypnotique, Dominique Maisons a écrit un grand livre, que je ne suis pas prêt d’oublier. Il a aussi garder sa passion intacte, ne jamais faiblir tout au long des 500 pages, et nous offrir un grand moment de littérature, tout simplement.

Coup de cœur !

Si j’ai lu (dévoré) ce roman, c’est surtout grâce aux billets de Laulo et Yvan

Déstockage : Chaleur de Joseph Incardona

Editeur : Finitude (Grand Format), Pocket (Format poche)

Je n’ai lu que deux romans de Joseph Incardona, et à chaque fois, j’ai été impressionné par ses romans, que ce soient par les sujets ou par leur traitement. Une nouvelle fois, j’ai été époustouflé pour Chaleur !

La Finlande passe six mois de l’année dans le froid. Quand vient l’été, ils organisent donc des concours qui sont autant d’occasions de faire la fête. On y trouve pêle-mêle les championnats du monde de porter d’épouse, de football en marécage, de lancer de botte ou d’écrasement de moustiques. Nous sommes en 2010, pour l’organisation des championnats du monde de sauna, où il s’agit de rester le plus longtemps à une température humide de 110°C.

Cette année-là, 102 candidats sont inscrits dans la petite ville d’Heinola, au nord d’Helsinki. Tout le monde s’attend à un duel, comme l’année passée entre Niko Tanner et Igor Azarov. Niko est acteur professionnel de pornographie qui approche de la cinquantaine. Il est affublé d’une débutante dans le métier Loviisa Foxx et lutte contre les âges qui affaiblissent ses capacités sexuelles. Igor Azarov, âgé de 60 ans, est un marin à la retraite et considère ce championnat comme son dernier défi.

Aux cotés des deux prétendants à la victoire, on y trouve un révérend fortement attiré par la bagatelle, un Turc poilu et imposant ainsi qu’un outsider. Le concours comporte des qualifications, deux tours éliminatoires avant d’attaquer la demi-finale et la finale tant attendue. La compétition peut démarrer …

Même si ce roman se base sur un événement réel, le contexte de ce roman donne l’occasion à l’auteur de se pencher sur la motivation des compétiteurs qui participent à ce concours incroyable. Les deux principaux protagonistes sont des personnages très différents et en fin de vie : Niko sent que sa vie de hardeur touche à sa fin et Igor, à la retraite, veut briller pour une raison que vous découvrirez vers la fin du roman.

Les autres personnages servent de décor même si on sent bien que Joseph Incardona s’amuse beaucoup avec le révérend et le Turc. Autour de cet événement « sportif », on sent l’effervescence et la pression, augmentée par la présence des journalistes télévisés. Il ne faudra pas oublier Alexandra, la fille d’Igor, qui viendra ajouter un peu de piment à cette histoire.

On ne peut qu’être pris par l’enjeu, ébloui par la psychologie mais aussi enchanté par le style de l’auteur, à la fois minimaliste mais aussi pointilleux quand il s’agit de décrire un personnage par ses actes. Cela donnera quelques scènes chaudes qui, grâce à un certain recul dans la narration, viendront ajouter au suspense de ce roman, un suspense de haute volée pour un roman qui me confirme que Joseph Incardona est décidément très fort, un des meilleurs auteurs du Noir Contemporain.

Cette idée de lecture m’avait été inspirée de l’avis de Claude Le Nocher

Ce roman existe aussi en format poche chez Pocket

La guerre est une ruse de Frédéric Paulin

Editeur : Agullo

Attention, coup de cœur !

On avait plutôt pris l’habitude de lire chez Agullo des romans étrangers (excellents, d’ailleurs) et c’est avec une surprise non dissimulée que je me suis jeté sur leur première parution hexagonale.

1992. Les élections démocratiques d’Algérie ont donné une majorité au Front Islamiste du Salut. Suite à ce résultat, l’armée réalise un coup d’état pour conserver le pouvoir. En réaction à ce coup d’état, de nombreux groupes islamistes se forment et entreprennent des actions armées pour faire valoir leur droit gagné par les urnes. Ces attentats arrangent les généraux en place, légitimant leur pouvoir par la lutte contre le terrorisme.

Au centre de cet imbroglio où tout le monde place ses pions, se méfie de l’autre et cherche à avoir un coup d’avance, le GSR, les services secrets de l’armée, est chargé d’assurer la position du gouvernement. Il est aidé et soutenu par la DGSE française, qui conserve plusieurs postes en Algérie et partage ses renseignements pour légitimer une présence dans son ancienne colonie.

Le commandant Bellevue a connu toutes les luttes dans les colonies françaises. Doté d’un esprit de déduction et d’une faculté d’analyse psychologique hors du commun, il est capable de prévoir les actions des uns et des autres longtemps à l’avance. L’un des agents les plus prometteurs de Bellevue est le lieutenant Tedj Benlazar, qu’il guide comme un pion, là où il a besoin d’informations. Car ce dont la France a peur, c’est bien que le conflit arrive dans l’hexagone.

Lors d’une séance de torture « habituelle », Benlazar surprend des phrases lui confirmant que la victime serait transférée dans un camp au sud de l’Algérie. La rumeur selon laquelle il existerait des camps de concentration en plein désert devient une possibilité. Benlazar envoie donc un de ses agents pour suivre la voiture qui s’éloigne vers le sud. Mais il y a pire : L’un des membres du GSR serait en contact avec des terroristes du GIA. Bienvenue dans la manipulation haut de gamme !

Ce roman va aborder les années de sang en Algérie de 1992 à 1995, commençant juste après le coup d’état pour se terminer par l’attentat à la station Saint Michel. Et c’est un sujet bien difficile, qui nous touche de près pour l’avoir vécu pour certains d’entre nous, sans en avoir compris les raisons. C’est d’ailleurs un gros point noir dans mes connaissances, que cette guerre d’Algérie et tout ce qui a pu se passer après.

Ce roman ne se veut pas un cours d’histoire, ni une dénonciation, ni une quelconque leçon de morale pour un camp ou pour l’autre. Il va, comme tous les grands polars historiques, ramener une guerre contemporaine à hauteur d’homme. En prenant des faits historiques connus, il va construire ce qui va devenir l’un des plus grands massacres que le XXème siècle ait connu. Je vais juste vous donner un chiffre : il y aurait eu plus de 500 000 morts en Algérie pendant cette période.

Ce roman va nous montrer sans être démonstratif tous les rouages qui œuvrent pour le pouvoir, au détriment du peuple, engendrant des attentats et des massacres tout simplement hallucinants. Si Tedj Benlazar est au centre de l’intrigue, nous allons suivre pléthore de personnages sans jamais être perdu. Et ce roman va parler de l’Algérie mais aussi la France qui a du mal à lâcher son ancienne colonie. Frédéric Paulin ne met pas d’émotions mais il fait pour autant vivre ses personnages.

Ce roman est tout simplement un grand roman, qui aborde une période trop méconnue où les intérêts des uns convergent avec les autres. L’armée veut imposer sa loi, les islamistes veulent faire respecter le résultat du scrutin, et la France veut surtout protéger ses fesses et éviter que le conflit arrive sur son sol. A aucun moment, personne ne s’inquiète des victimes, que ce soit du coté des militaires ou des espions divers et variés.

Ce roman possède un souffle romanesque, une efficacité stylistique, une agilité et un rythme qui le montent au niveau des meilleurs romans du genre. Ses personnages ont une force telle qu’il est difficile de les oublier. Oui, il y a du DOA dans ce roman dans l’ampleur du traitement du sujet. Oui, il y a du Don Winslow dans la construction des scènes. Et il y a du Frédéric Paulin dans la passion qu’il a mis dans ce roman et qu’il nous transmet à chaque page.

Coup de cœur, je vous dis !

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