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Dans les règles de l’art de Makis Malafékas

Editeur : Asphalte

Traducteur : Nicolas Pallier

Cela faisait un petit bout de temps que je ne m’étais pas penché du côté de chez Asphalte. Il a suffi que mon dealer de livres attire mon attention sur ce premier roman pour que je plonge aussitôt. Accrochez-vous, ça va vite.

Ecrivain grec vivant à Paris, Mikhalis Krokos profite du lancement de son dernier roman consacré un musicien de jazz John Coltrane pour revenir à Athènes. Tout est prévu pour que le livre soit annoncé en grandes pompes lors de la Documenta, la grande exposition d’art contemporain, qui est pour la première fois décentralisée en Grèce.

Il retrouve Christina, sa grande amie, qui lui demande un service. Lors d’une soirée orgiaque, leur ami Harry a demandé à ses invités de dessiner sur un tableau pour créer une œuvre nouvelle. Alors qu’elle avait abusée d’alcool et de drogues, elle a fait un pari de dérober le tableau, ce qu’elle a fait. Mais, pleine de remords, elle voudrait le rendre à Harry et ne sait pas comment le faire.

Le lendemain matin, malheureusement, Christina se rend compte que quelqu’un a pénétré chez elle et a dérobé le tableau. Krokos, par gentillesse, accepte de rendre visite à son ami Harry dans sa luxueuse villa d’Hydra pour savoir s’il est l’auteur du vol ou s’il tient vraiment à récupérer cette peinture sans aucun intérêt. Krokos vient de mettre un doigt dans un engrenage qui va le dépasser.

Ce roman comporte tous les ingrédients d’un polar pour me plaire. On se retrouve avec un personnage principal jeté en pâture dans une affaire qui au départ peut paraitre simple et qui va se compliquer au fur et à mesure. On apprécie le style simple et rythmé ainsi que les événements qui s’enchainent et qui créent un tourbillon qui nous entraine dans sa course folle. Bref, c’est du pur plaisir.

J’ai été surpris de la facilité de l’auteur à nous faire vivre l’ambiance chaude (cela se passe en été) d’Athènes, à nous décrire la ville et à nous présenter le festival, les coulisses, les antis qui montent leur propre contre festival. Et on a droit aussi à des fêtes, toutes plus orgiaques les unes que les autres, avec drogues, alcools et sexe à gogo, ce qui entre en opposition avec l’état de délabrement du pays.

Et c’est ce chemin là que Makis Malafékas nous propose d’emprunter avec le trafic d’œuvres d’art, élargissant même son propos au niveau international, dans lequel il ne se gêne pas pour montrer une Grèce plus victime que proactive sur ce terrain. Je ne sais pas si ce qu’il raconte à des bases réelles, le fait est que j’ai passé un bon moment avec ce roman et que je le recommande chaudement (je vous rappelle que cela se passe à Athènes en été !). Et puis, un auteur qui cite Richard Brautigan est forcément à suivre !

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Les rêves qui nous restent de Boris Quercia

Editeur : Asphalte

Traducteurs : Isabel Siklodi et Gilles Marie

Attention, coup de cœur !

Ayant tourné le dos à son inspecteur récurrent Santiago Quinones (3 romans et 3 coups de cœur pour moi), Boris Quercia rend hommage dans son nouveau romans aux grands thèmes de la science fiction.

Ce jour-là, Natalio doit remplir une mission périlleuse avec son électroquant : débusquer un nid de dissidents. Entré dans la maison, il a vite débusqué une trappe. Quand il a ouvert la trappe, les dissidents ont balancé une bombe magnétique artisanale, létale pour son robot. Natalio a riposté avec une grenade suffocante et bloqué la trappe. Malgré son niveau de classe 5, il sait qu’il ne sera pas inquiété pour ces morts.

Les attentats ravagent la City, le centre de la ville habité par les riches dominants. La médecine permettait d’adapter les médicaments à l’aide de l’analyse des ADN, jusqu’aux événements d’Oslo. Personne n’a compris pourquoi les gens soi-disant soignés sont devenus paranoïaques et ultra-violents. Alors les riches se sont enfermés. Tous les matins, les travailleurs font la queue pour entrer à la city.

Tout le monde souffre de l’amnésie des rêves. Les revendications des dissidents luttent contre ça : « Nous avons droit à de vrais rêves ». Disculpé suite à l’enquête sur la mort des dissidents, Natalio se retrouve tout de même en disponibilité pour quatre jours. Il accepte alors une mission de sécurité pour la société Rêves Différents. Cette société propose aux travailleurs de la vieille ville de rêver pendant deux ans gratuitement.

Pendant ce temps, elle cultive des ADN modifiés pris sur les rêveurs. Ces ADN sont revendus à Recycladen et permettent aux gens des Hautes Sphères de vivre éternellement. Aucune loi n’est arrivée à empêcher Rêves Différents de fonctionner. Accompagné de son nouvel electroquant aux mimiques humaines, Natalio se voir confier sa mission : découvrir qui a usurpé une identité pour aller chez Rêves Différents.

Je sors tout juste du futur, je suis revenu meurtri en mon âme. Boris Quercia nous dépeint une société divisée entre riches et pauvres, qui a succombé au confort de la possession d’androïdes. La situation, bien que relativement compliquée, est expliquée au fur et à mesure et le talent de l’auteur fait le reste : une fois entré dans ce monde futuriste, on ne peut plus en sortir.

Avec une intrigue d’usurpation d’identité pour lier le tout, ce roman est écrit comme un roman noir : style sec, direct, avec des descriptions minimalistes, passant plus de temps à peindre le contexte que le décor. Mais ce qu’il sous-entend fait bigrement froid dans le dos. Car le propos de l’auteur va bien plus loin et nous interpelle sur les chemins que nous sommes en train d’emprunter.

A confier nos vies aux machines, à se complaire de leur laisser faire de plus en plus de choses, à se laisser séduire par le confort que cela apporte et se laisser embringuer dans un espace de jeux inutiles, nous perdons petit à petit pied, nous oublions le goût de l’effort, l’envie de réfléchir, de progresser, d’aider les autres, de vivre en société. Nous laissons même des algorithmes gérer nos opinions et à qui on veut les partager sur les réseaux « sociaux ». Il rappelle ainsi Blade Runner (le film), Philip K. Dick, Brazil (le film) ou même les robots d’Isaac Asimov.

L’auteur se permet des parallèles entre la situation actuelle et l’avenir qu’il a imaginé. Son décor se révèle alors d’une lucidité remarquable et impose une réflexion salvatrice : Les robots seraient ils plus humains que les Hommes ?

Quant à la fin, elle ne peut pas être définitive car l’humanité continue à vivre. Mais elle se révèle ouverte et surprenante comme rarement j’aurais eu l’occasion de la lire. Vous l’avez deviné, ce roman est un coup de cœur, un énorme coup de cœur.

Le chouchou du mois de janvier 2019

Allez, on redémarre pour une nouvelle année après une année 2018 fort réjouissante pour les découvertes de polars. Evidemment, je vous souhaite une excellente année 2019 pleines de lectures fantastiques !

Comme ont pu le constater les fidèles du blog, les chroniques de ce mois ont beaucoup concerné des romans au format de poche et des lectures de 2018. Le seul roman de cette rentrée littéraire étant Dix petites poupées de B.A Paris (Hugo & Cie), où cette auteure britannique arrive encore une fois à nous surprendre dans un polar psychologique ayant pour cadre la famille et le couple. Je suis fan !

L’année 2018 s’est bien mal terminée, avec la disparition soudaine de Claude Mesplède, le pape du polar, le père des blogueurs. J’ai décidé de lui dédier mes chronique Oldies de 2019, en les consacrant à la Série Noire de Gallimard, collection qu’il appréciait tant. J’ai chroniqué ce mois-ci La danse de l’ours de James Crumley, nouvellement réédité par les éditions Gallmeister, un roman qui commence simplement et qui s’avère une enquête furieuse.

Le mois de janvier, c’est aussi le mois de mon anniversaire. Je n’avais pas prévu de publier un billet mais mon amie Suzie m’a fait un cadeau en parlant des 7 jours du Talion de Patrick Senécal (Fleuve Noir), un thriller qui pose la question de la différence entre justice et vengeance, un roman à lire.

Je me lance des challenges dans mes lectures. J’ai décidé de lire La compagnie des glaces de GJ.Arnaud (French Pulp), et j’ai de quoi faire. Les tomes 7 et 8 s’appellent Le gnome halluciné et La compagnie de la banquise et ce sont deux excellents romans à la fois foisonnants et passionnants, qui relancent la série vers des contrées inexplorées. J’ai hâte de continuer !

J’ai aussi fini de lire les aventures de Charlie Parker, le détective récurrent inventé par John Connolly. Je suis à jour de ses romans quant à leur parution en format poche avec mon avis sur Le chant des dunes de John Connoly (Pocket). Encore une fois c’est un très bon thriller, où notre héros, mal en point, a affaire avec des nazis.

Je me suis lancé dans un nouveau challenge, aussi : lire ou relire les aventures de Bob Morane. Comme il y en a beaucoup, je vais me limiter au combat entre notre héros préféré et l’Ombre Jaune, l’un de ses ennemis les plus marquants. La couronne de Golconde d’Henri Vernes (Marabout) est un roman d’aventure exotique qui vaut surtout pour la première rencontre entre les deux personnages et son style imagé, simple et passionnant.

Je continue mon implication dans le Grand Prix des Balais d’Or, en tant que juré, organisé par mon ami Richard Contin. Dans ce cadre, j’ai chroniqué deux excellents polars, très différents, mais qui valent très largement le détour. Etoile morte d’Ivan Zinberg (Points) possède un scénario redoutablement bien construit et nous montre l’envers du décor du cinéma pornographique extrême, avec deux personnages principaux que l’on a envie de suivre. L’essence du mal de Luca d’Andrea (Folio) est un premier roman attachant, à l’atmosphère énigmatique et stressante qui met en scène un scénariste de reportages documentaires en train de se reconstruire et aux prises avec un mystérieux massacre dans les montagnes italiennes ; c’est une grande réussite.

Pour rester dans le noir, Enfermé-e de Jacques Saussey (French Pulp) est un roman orphelin de cet auteur prolifique que j’adore. Depuis quelques romans, Jacques Saussey vire dans une veine plus noire et plus violente. Ce roman parle et défend la cause des Trans-genres, en ne nous épargnant pas les tortures subies par son personnage principal. Lêle s’il faut s’accrocher, c’est un roman important.

Dans le veine Violence à gogo, quoi de mieux que de placer une intrigue en Afrique du Sud, l’un des pays les plus meurtriers du monde ? Avec La mort selon Turner de Tim Willocks (Sonatine), l’auteur nous montre grâce à une intrigue simple, la lutte entre les riches et les pauvres avec un personnage de flic droit et intègre. Duel au sommet et au soleil, si on peut penser à une aventure d’un Rambo moderne, il n’en reste pas moins que la tension est omniprésente.

Une secrétaire de Jérémy Bouquin (French Pulp) est le dernier roman en date de cet auteur que je défends. Conçu comme un hommage envers ses auteurs fétiches (Dantec, Palaniuck, Orwell) mais aussi envers les petites gens qui construisent leur vie comme ils le peuvent, ce roman à l’intrigue mi-policière, mi-fantastique se lit comme du petit lait.

Santiago Quinones, voilà un personnage que je suis grâce à la plume magique de son auteur. Sa troisième enquête La légende de Santiago de Boris Quercia (Asphalte) est d’une noirceur sans fond, et elle nous montre la descente aux enfers de notre inspecteur favori. C’est un roman noir énorme, rare. Et c’est mon premier chouchou !

Mon deuxième titre de chouchou revient à Brasier noir de Greg Iles (Actes sud), le pavé du mois. 1040 pages pour une intrigue se déroulant en 2005 dans le Sud des Etats-Unis. Le format ne doit pas rebuter tant le savoir faire pour passionner le lecteur est impressionnant. Quel talent pour démontrer l’importance et la puissance du Ku Klux Klan encore de nos jours, quel plaisir on prend à dévorer, quelle force émotionnelle passe à chaque chapitre. J’ai été totalement bluffé par ce roman.

Deux chouchous pour bien démarrer l’année, que demander de mieux ?

J’espère que mes avis vous auront aidé dans vos choix de lecture. Je vous donne rendez-vous le mois prochain pour un nouveau titre de chouchou. En attendant, n’oubliez pas le principal, lisez !

La légende de Santiago de Boris Quercia

Editeur : Asphalte

Traducteur : Isabel Siklodi

Après Les rues de Santiago et Tant de chiens, voici le retour de l’inspecteur Santiago Quinones, que je retrouve avec un grand plaisir puisque j’ai mis deux coups de cœur pour ces deux romans. Inutile de vous dire que je piaffais d’impatience en entamant ma lecture. Quel roman !

Santiago est assis chez sa mère, au chevet de son beau père, qu’il appelle le monsieur. Ce dernier agonise, branché à des tuyaux, et la musique des machines emplit le calme de la chambre. Pourquoi laisser quelqu’un souffrir comme cela ? Plus pour se débarrasser de lui que dans un geste de bonté, Santiago débranche les tuyaux et regarde le monsieur quitter cette terre, tranquillement.

L’après midi de l’enterrement, Santiago et son collègue Garcia sont à la recherche de deux noirs. Après les avoir repérés, Santiago s’approche d’un kiosque pour acheter des cigarettes. Soudain, les deux noirs s’enfuient et Santiago court après l’un d’eux. Il bifurque dans une ruelle et aperçoit son homme plus loin, assis par terre. Quand il s’approche, il s’aperçoit que le trafiquant a été égorgé. Le jour même, un communiqué annonce avoir débarrassé le Chili d’un « sale rat ».

Le soir, Santiago passe devant le restaurant chinois Xan Wan, et voit le Petit Boiteux en sortir. Il l’oblige à retourner à l’intérieur et trouve le Chinois assassiné et les doigts coupés. Santiago voit des doses de cocaïne sur le comptoir et s’en empare. Puis il menace le Petit Boiteux pour qu’il ne dise rien et rentre chez lui, sans rien signaler. Chez lui, il s’aperçoit que Marina est partie. Ça va être dur de vivre seul, sans l’amour de sa vie. Heureusement il a de la cocaïne pour oublier …

Il vaut mieux avoir le moral pour entamer et lire ce roman. Car nous sommes ici dans la grande tradition du détective privé qui s’enfonce à force de prendre les mauvaises décisions. Et c’est bien dans une spirale infernale que va nous entraîner Boris Quercia, malmenant son personnage de mésaventures en mésaventures, de coups durs en coups durs, de souffrances en souffrances.

C’est un homme en déperdition, en perte de repères que nous peint l’auteur, avec son style toujours aussi efficace et direct jusqu’à en faire une torture de ce personnage emblématique que j’ai tant aimé. Et comme on compatit à tous ses malheurs, on souffre avec lui, dans cette descente vertigineuse sans fond, qui va l’amener à à la fois se sacrifier et sacrifier les autres. Et je peux vous dire, qu’émotionnellement, c’est très très fort.

J’ai adoré les deux premiers tomes, j’ai aussi adoré celui-ci. Je ne peux que vous conseiller de les lire tous, même si chaque enquête peut se lire indépendamment les unes des autres. Boris Quercia fait entrer Santiago Quinones dans le panthéon des grands détectives dépressifs et solitaires, à l’instar des Jack Taylor ou Charlie Parker (dans ses dernières aventures). C’est du roman noir, du grand roman noir, à ne rater sous aucun prétexte pour tous les amateurs du genre.

Le chouchou du mois de juin 2018

Quand le mois de juin débarque, on ne peut s’empêcher de penser aux vacances estivales. C’est donc une période où je lis des romans plus courts … pour vous proposer des idées d’allègement des bagages. Donc, comme chaque année, je vous propose des nouvelles électroniques éditées chez Ska et ma sélection vous propose quelques petits bijoux. Les nouvelles chroniquées sont :

Justice pour tous de Gaëtan Brixtel : une histoire simple pleine de cynisme

Vendredi 13 de Jérémy Bouquin : une ambiance d’enfer digne de Strange days

Bad dog de Frédérique Trigodet : quand un chien fait de la concurrence

Une odeur de brûlé de Gaëtan Brixtel : terrible histoire d’une noirceur sans pareille

Crapule de Sébastien Gehan : Visite du Havre en compagnie de marginaux

Popa de Louisa Kern : Nouvelle formidablement sensible et bien écrite

Une vie contre une autre d’Eva Scardapelle : belle découverte d’une auteure

Parmi les romans, commençons par les auteurs que j’affectionne particulièrement, voire plus. Quand se lève le brouillard rouge de Robin Cook (Rivages) a été l’occasion de lire le dernier roman d’un de mes auteurs favoris dans le cadre de ma rubrique Oldies. C’est un roman bien noir, bien violent où l’on s’aperçoit que le monde est hors contrôle et que la police ou les truands emploient pour seul langage : la mort.

Je vous propose aussi de plonger dans l’univers fantastique de Charlie Parker avec Sous l’emprise des ombres de John Connoly (Pocket). Depuis quelques romans, l’auteur a trouvé une recette qui mélange le polar, le roman noir et des aspects imaginaires liés au Mal. Ce roman présente un décor énorme, un village bâti sur des cavernes où règne des créatures malfaisantes. Il creuse donc un aspect religieux, tout en dénonçant le peu de soutien apporté aux Etats Unis envers les SDF et les pauvres.

Deux novellas remarquables sont aussi à souligner parce qu’elles sont écrites par des auteurs discrets mais importants dans le paysage du polar, et parce qu’elles proposent chacune un aspect social intéressant et passionnant. Les biffins de Marc Villard (Editions Joëlle Losfeld) nous présente le quotidien des vendeurs à la sauvette, à la façon d’un roman reportage, avec un personnage principal humain et attachant. C’est superbe. Quant à La petite gauloise de Jérôme Leroy (Manufacture de livres), c’est un roman au cynisme noir qui commence par une bavure et nous démontre le ridicule des situations face à la peur du terrorisme.

En ce qui me concerne, ce mois de juin aura été surtout le mois des découvertes, de belles découvertes :

Nestor Burma, je connais. Sergueï Dounovetz, je ne connaissais pas. Dans Les loups de Belleville de Sergueï Dounovetz (French Pulp), on a droit à un florilège d’humour et de réparties à chaque page. Si on ajoute à cela une intrigue complexe peuplée d’espions et de trafquants, cela donne un excellent divertissement.

Le vase rose d’Eric Oliva (Taurnada) m’a surpris, en bien, en très bien. Avec un premier chapitre dur, qui narre la mort du fils du personnage principal, l’auteur nous plonge dans la réaction psychologique d’un père qui veut connaitre la vérité. Loin d’en faire un héros, l’auteur arrive remarquablement bien à montrer les hauts et les bas d’un homme qui doute.

Little monsters de Kara Thomas (Castelmore) est classé en littérature Young Adult. Il n’empêche que c’est un vrai bon roman psychologique qui montre des adolescents qui veulent vivre vite. Et la conséquence de leurs mensonges et de leurs omissions. C’est une lecture à découvrir pour les jeunes et moins jeunes.

Nombre de premiers romans sont aussi venus s’ajouter à mes découvertes, et tous m’ont impressionné dans des styles radicalement différents.

Du feu dans la plaine de Thomas Sands (Les Arènes-Equinox) : retenez ce nom car ce tout jeune auteur a déjà un style, une vision et une lucidité pour nous peindre un personnage délaissé par la société de consommation. Roman culte !

Tuez-moi demain de Dominique Terrier (Carnet à spirales) : Rien de tel qu’un peu d’humour pour éclairer des journées grises. Émaille de références cinématographiques et musicales, les descriptions sont irrésistibles de drôlerie … et tant pis si certaines situations manquent de crédibilité, on rigole … et beaucoup.

Le parisien de Jean-François Paillard (Asphalte) : Marseille a une réputation sulfureuse et ce n’est pas ce roman qui va améliorer les choses. Sur une trame classique, ce roman fort bien fait montre un ancien soldat qui se retrouve dans une situation de guerre civile … comme un certain Rambo, non ?

Dans l’ombre du viaduc d’Alain Delmas (Editions Intervalles) se détache dès le début par son style littéraire et visuel. Ce roman nous plonge dans l’Espagne des années 50, dans un village où on se méfie des étrangers. Un roman très intéressant.

Le titre du chouchou du mois revient donc à Racket de Dominique Manotti (Les Arènes-Equinox), et pas parce que je veux mettre en avant l’auteure (que je vénère) mais pour son sujet et la façon dont il est traité. Rappelez-vous le rachat d’Alsthom (La branche énergie) par General Electric. Dominique Manotti prend à bras le corps ce sujet pour imaginer (ou pas) toutes les magouilles qui ont pu advenir (ou pas). Effarant, révoltant, à ne pas rater !

J’espère que cette liste vous aura permis de choisir vos prochaines lectures. Je vous donne rendez-vous fin août pour le titre de chouchou de l’été. En attendant, n’oubliez pas le principal, lisez !

Le Parisien de Jean-François Paillard

Editeur : Asphalte

On a plutôt l’habitude de lire des romans sud-américains chez Asphalte, ou du moins des romans d’origine hispanique. La curiosité et l’attente est donc grande quand Asphalte propose un roman français, qui plus est un premier roman.

Il se fait appeler Narval. Son métier est d’assurer la sécurité de certaines personnes, et parfois de réaliser quelques extras en tant que tueur à gages. Il ne dit pas son âge, mais approche doucement de la cinquantaine. Ancien militaire, il a arpenté le monde, partout où il y a avait des combats, du Congo à l’Irak, de l’Afghanistan à l’ancienne Yougoslavie. Dans le désert, il faisait équipe avec Giorgi.

C’est Giorgi qui l’a recommandé pour ce travail. Narval débarque à Marseille à une semaine du Classico Marseille – PSG. Après avoir pris possession de sa chambre (prépayée), il doit se rendre au Tahiti pour connaitre sa mission. Il est accueilli par le directeur de l’établissement, José Battisti et fait la connaissance du secrétaire particulier du maire, Bertrand Dubreuil, ainsi que des services de police municipale.

On lui présente la photo de Karim Drili, qui règne en maître dans les cités de la Castellane grâce au trafic de drogue. Drili est soupçonné d’avoir tué un jeune mineur et menace le maire de mort car le maire veut abattre les tours de la Castellane. Sa mission s’il l’accepte sera de protéger le maire. Quand il rentre à son hôtel, des hommes lourdement armés sont dans la chambre. Il semblerait que Narval soit tombé dans un beau traquenard.

Sur un thème classique, Jean-François Paillard utilise la rivalité entre Parisiens et Marseillais pour dérouler son intrigue et nous livre donc un roman d’action efficace. Narval se retrouve donc dans une ville qu’il ne connait pas et tout cela est décrit comme s’il se retrouvait au milieu de la jungle, dans un environnement hostile. D’ailleurs l’auteur ajoute des passages qui reviennent sur le passé de Narval, mettant en parallèle la situation actuelle à Marseille avec les combats sur le front de la guerre.

Si le roman laisse penser que Marseille est une ville mafieuse où rien n’est sous contrôle, je pense que l’auteur a surtout voulu mettre en évidence un soldat qui, après être revenu de la guerre, retrouve un contexte identique dans la société dite en situation de paix. La vie à Marseille ressemble au front, du moins c’est comme ça que Narval prend ce qui lui arrive. On se retrouve donc avec un thème plus proche de Premier sang de David Morell (qui a donné Rambo au cinéma) ou L’année du dragon de Robert Daley (roman dispensable mais film génial de Mickael Cimino) que d’une description de la corruption marseillaise à tous les niveaux.

Si je retiendrai une belle visite de la ville de Marseille et une belle efficacité dans les scènes d’action, certaines descriptions ont tendance à être un peu longues et m’ont fait sortir la tête du roman. Par contre, la fin est géniale et laisse à penser qu’il pourrait y avoir une suite … ou pas. Énigmatique fin, qui du coup, m’a fait réaliser que j’aurais eu une attirance envers ce roman, comme une addiction et que j’aimerais bien y retourner, dans ces pages. C’est donc un bon roman, qui a un goût de Reviens-y !

Visite des abattoirs

Le hasard veut que j’aie lu à la suite deux romans totalement différents, dont le contexte était le même, de près ou de loin. Dans les deux cas, on y parle d’abattoir, ces usines où on abat puis découpe les bêtes pour nous les vendre en barquettes dans les supermarchés. J’ai donc eu l’idée de les regrouper dans le même billet.

Jusqu’à la bête de Timothée Demeillers (Asphalte)

Editeur : Asphalte

Du fond de sa cellule, Erwan ronge son frein. Il se rappelle le travail à la chaîne, à l’abattoir, à suspendre les carcasses de bœuf aux crochets. Il se rappelle le bruit incessant des esses qui claquent les unes contre les autres. Il se rappelle son soulagement quand il sortait, les tournées dans les bars, les soirées devant les programmes de télévision abêtissants. Mais rien n’était capable de lui faire oublier le bruit … clac … clac … clac …

Et il y avait Laetitia …

Ecrit à la première personne du singulier, Erwan nous raconte son quotidien, l’abrutissement du travail à la chaîne, son manque d’espoir par manque d’avenir. Sans esbroufe, l’auteur utilise un langage franc, direct, qui sonne vrai. Si au début cela peut sembler déstabilisant, plus on s’enfonce dans le roman, plus cela devient prenant et même impressionnant. Car c’est bien au fur et à mesure des pages que sa personnalité se construit, que le drame se joue, que l’issue se dessine de façon inéluctable.

Le résultat comme je viens de le dire, est redoutable, tout de violence contenue, on lit ce livre avec beaucoup de compassion, et on ne peut s’empêcher de suivre Erwan dans sa descente aux enfers. On est révolté contre les augmentations du rythme de production, réalisé de façon sournoise sans prévenir. On est outré par les conditions de travail, physiques, mentales surtout. Et on ne peut s’empêcher de trouver dans ce roman à la fois éprouvant mais aussi remarquablement bien fait, une forme qui s’allie avec ce qu’il veut montrer : l’horrible conséquence du taylorisme dans ce qu’il a de plus inhumain. C’est un roman dur, lucide, cynique à ne pas manquer.

Ne ratez les avis de Charybde, Jérôme, Yan et Emmanuelle

Bleu, saignant ou à point de James Holin (Ravet-Anceau)

Editeur : Ravet-Anceau

Michèle Scanzoni est avocate en droit du travail à Paris. Alors qu’elle est harcelée par son client présentateur célèbre de télévision, son amie la contacte pour défendre son père, Gilbert Castillon, vétérinaire dans l’énorme usine de viande hachée de Plankaert dont il vient de se faire virer. Comme l’oncle de Michèle est à l’hôpital au Touquet, au stade terminal d’un cancer, cela lui donne deux occasions d’aller dans le Nord.

Comme j’ai lu tous les livres de James Holin, je dois dire que je suis content de l’avoir défendu. Car ce roman est réellement un excellent divertissement, en même temps qu’il est une dénonciation des trafics sur la fabrication et la vente de la viande. C’est sur qu’après avoir lu ce roman, vous n’achèterez plus vos steaks hachés en grande surface, voire même vos boites de raviolis. Car en guise de bœuf haché, James Holin nous montre comment on y insère du porc, du cheval, et même de la viande avariée !

Mais revenons à l’auteur et ses écrits. Depuis son premier roman, il a doucement penché pour un comique de situation. Il enfonce le clou ici en insérant dans son intrigue des scènes tout simplement hilarantes, introduites doucement jusqu’à arriver à des situations absurdes. En cela, cela m’a fait penser à Donald Westlake dans sa façon de faire. Et je peux vous dire que j’ai bien rigolé à la lecture de ce roman.

Cela n’a pas d’impact sur le message de ce roman, et cela lui confère plus de force. Par un souci de gagner encore plus d’argent, tout est bon pour « faire de la merde » et la vendre sous une étiquette alléchante, comme dirait le regretté Jean-Pierre Coffe. Tout cela semble tellement réaliste qu’on ne peut que s’inquiéter en faisant ses courses. Je ne peux que vous engager à lire ce roman, ne serait-ce que pour passer un excellent moment de comédie intelligente.

Ne ratez pas l’avis de l‘oncle Paul

Le chouchou du mois de mars 2017

Si vous vouliez trouver une lecture distrayante, il ne fallait pas venir voir du coté de Black Novel ce mois-ci. Car à part Mystère au camping de Martin Widmark (PKJ), quatrième tome de la série des enquêtes de Leo et Maya destiné aux enfants à partir de 8 ans, et Mör de Johana Gustawsson (Bragelone) qui est un thriller dans la plus pure tradition, que nous a partagé Suzie, tous les autres romans, d’une façon ou une autre nous ont proposé une réflexion, qu’elle soit philosophique ou sociétale.

Tous les romans que j’aurais chroniqués ce mois-ci laisseront des marques, me laisseront des souvenirs quant aux sujets qu’ils ont abordés. Et finalement, n’est-ce pas aussi pour cela que nous lisons : pour que ces romans nous apportent quelque chose ? Bon, j’arrête sinon je vais vous saouler sur l’importance de la lecture. Que disais-je ? Ah oui, réfléchissons en nous amusant …

En termes de réflexion sur la peine de mort, Le sixième commandement de William Muir (Gallimard-Série Noire) en est un excellent exemple. Avec son personnage principal irresponsable, l’auteur nous place face à un dilemme sur la culpabilité et ses conséquences. Dans un autre genre, Antonin Varenne nous emmène au Far-West avec Equateur (Albin Michel) et nous propose à travers son personnage une belle métaphore de la fuite et de la recherche du paradis perdu. Plus classique, Retours amers de Fabrice Pichon (Lajouanie) reprend le thème de la vengeance et se distingue de ses prédécesseurs par la force de ses personnages. Dans Cet été là de Martin Lee (Sonatine), ce roman remarquablement écrit nous questionne sur la responsabilité de chacun dans notre société. Enfin, Dompteur d’anges de Claire Favan (Robert Laffont) nous montre les dangers de l’éducation des enfants, et la forme du thriller est un bon moyen pour marquer les imaginations et poser de vraies questions.

Sous la terre des Maoris de Colin Nixon (Editions de l’Aube) est peut-être un roman qui n’en a pas l’air, mais il nous montre bien le chocs entre la culture occidentale et celle des maoris. Elijah de Noël Boudou (Flamant noir), quant à lui, ne prend pas de gants et montre au grand jour les violences conjugales. Récit d’un avocat d’Antoine Bréa (Seuil), dans un registre plus subtil, nous montre un personnage d’avocat introverti qui va s’ouvrir au monde. Toutes taxes comprises de Patrick Nieto (Editions du Cairn) revient sur le scandale de la taxe carbone, dans un roman choral extraordinaire à la fin très drôle et cynique.

Et si vous voulez savoir comment se porte notre monde, il vous suffit de lire Pssica d’Edyr Augusto (Asphalte) ou Tu ne perds rien pour attendre de Janis Otsiemi (Plon) pour avoir une idée de la violence et de la corruption, réciproquement au Brésil et au Gabon. Et finalement, on se rend compte qu’on n’a pas besoin d’aller chercher très loin pour avoir la même chose …

Trêve de plaisanterie. Vous allez me dire que je n’ai pas choisi de chouchou. Eh bien, après beaucoup d’hésitations et d’atermoiements, j’ai choisi Pssica d’Edyr Augusto (Asphalte), car cela faisait bien longtemps que je n’avais pas été secoué de cette façon. Au-delà du message clairement politique, l’auteur choisit un parti-pris artistique pour faire de son roman un grand roman.

Je vous donne rendez-vous le mois prochain. En attendant, n’oubliez pas le principal, lisez !

Pssica d’Edyr Augusto

Editeur : Asphalte

Traducteur : Dinhiz Galhos

J’avais été enchanté, effaré par Nid de vipères, un roman court et violent, autopsiant la société brésilienne et la corruption généralisée, à travers une histoire de vengeance terrible. Et si l’histoire était marquante, le style si particulier fut pour moi une révélation. Pssica (qui veut dire Malédiction), pour moi, va encore plus loin, et fait plus mal.

Janalice est une collégienne comme les autres. Et pourtant, ce jour là est pour elle comme l’ouverture d’une porte vers l’enfer. Sa beauté, sa couleur de peau blanche en font une des vedettes du lycée. Quand elle est convoquée par la directrice, c’est pour apprendre que son petit ami Fenque a filmé leurs ébats sexuels et les a mis sur un réseau dit social.

La directrice lui demande de partir et de revenir avec ses parents. Quand elle arrive chez elle, elle en parle à sa mère, qui est effondrée. La réaction du père est plus extrême, il lui demande de partir de la maison et il la jette dehors. Elle trouve refuge chez une amie, et essaie de tourner la page. Mais en se promenant dans la rue, elle est enlevée dans une camionnette par deux hommes. Le père de Janalice a des remords. Il fait appel à Amadeu, un policier à la retraite, pour retrouver sa fille.

On va suivre aussi beaucoup d’autres personnages dans ce roman. Manoel Tourinhos a fui son pays d’origine l’Angola quand la révolution a éclaté et a rejoint l’île de Marajo, où il ouvre un commerce avec sa femme Ana Maura. Une bande de délinquants débarque et tue atrocement sa femme. Prea a pris la suite de son père à la tête du gang de tueurs. Leur activité va du vol au meurtre, du trafic de drogue à la corruption. Prea est un des exemples de chefs de gangs dans un milieu ultra-violent.

Comme je l’ai dit pour le précédent roman, le style du roman est particulier, complètement personnel. Là où dans le précédent roman, le lecteur devait emboiter les pièces pour construire l’histoire, on se retrouve ici avec une histoire plutôt linéaire ou plutôt plusieurs histoires en parallèle. Et dans ce cas là, son style fait mouche. Les phrases sont courtes et frappent le lecteur. Les dialogues ne sont pas séparés, ils sont inclus dans un même paragraphe, et le lecteur n’a aucune difficulté à s’y retrouver. En fait, on a plutôt l’impression que Edyr Augusto nous prend la tête entre ses mains et nous la secoue bien fort.

Car la situation est proprement hallucinante, voire déprimante, nous montrant des gens communs aux mains de tueurs qui n’ont aucune limite. Les scènes sont éloquentes, l’auteur ne nous cachant rien. Il faut s’attendre à des scènes crues et être préparé à ce voyage en enfer. Car les victimes vont s’amonceler et le lecteur n’en sortira pas indemne. Si on peut qualifier ce roman de roman noir, c’est aussi et surtout un roman de dénonciation.

Car à travers la galerie de personnages, tous personnage principal de l’histoire à un moment donné, Edyr Augusto livre un témoignage éloquent sur l’état de son pays, aux mains de tueurs sans états d’âmes, inhumains jusqu’au bout des ongles, de tous les trafics qui nourrissent ces gangs, de l’argent qui va remplir les poches des politiciens. Et la morale, dans tout cela ? J’ai bien peur qu’elle ait été enterrée avant le début de ce roman.

Avec ce roman, Edyr Augusto va encore plus loin dans la dénonciation et la dérive de son pays. Il ne met pas de gants, et ne nous épargne rien. C’est un roman fort, un roman coup de poing, qui mérite d’avoir un large écho pour que son message porte. C’est un roman dur, apre, dans lequel on ne trouvera aucune rédemption, aucun espoir, aucun avenir. Et peut-être faut-il que l’on se prenne des claques dans la figure pour nous en rendre compte ? Vous l’avez compris, il faut absolument lire ce roman hallucinant.

Ne ratez pas les avis de Yan, de Jean-Marc et l’excellent billet de la librairie Charybde

Tant de chiens de Boris Quercia (Asphalte)

Attention coup de cœur !

Pour son précédent roman, Les rues de Santiago, je lui avais déjà donné un coup de cœur, ici. Ce roman reprend le même personnage de flic, Santiago Quiñones, et Boris Quercia en profite pour continuer son autopsie de la société chilienne. Bienvenue dans du pur Hard-boiled dans la plus pure tradition du genre.

Santiago Quiñones est au cœur d’une fusillade, comme dans le premier roman. Sauf qu’il est avec son collègue et ami Jimenez. Ce dernier n’a pas de chance, une balle lui transperce la cuisse. Quand les forcenés lâchent des chiens, quatre énormes Rottweilers, Jiménez ne peut se défendre. Les bêtes le prennent à la gorge. Jiménez ne s’en sortira pas.

Santiago Quiñones passera quelques jours à l’hôpital, puis retournera à son poste. Il a à peine le temps de se remettre de cette descente de folie, contre des trafiquants que les bœufs-carottes lui tombent dessus. Ils sont deux, persuadés que Jiménez était un pourri. Si Santiago pouvait tomber aussi, cela améliorerait leur compteur.

Et puis, il y a Yesenia. Elle est belle comme le jour, connait Santiago ; ils habitaient le même quartier. Il est le seul à pouvoir l’aider. Elle veut tuer son beau-père. Elle lui raconte comment il a abusé d’elle, comment sa mère n’a jamais rien fait pour l’aider, comment la police n’a rien fait, comment la justice l’a innocenté. Comment faire autrement sinon le tuer comme un chien ? Santiago accepte de voir ce qu’il peut faire. Mais cela va s’avérer être une bien mauvaise idée.

Si vous pensez, comme moi, avoir déjà tout vu, tout lu dans le domaine du polar, comme cela m’arrive (rarement, heureusement), détrompez vous et jetez vous sur ce roman noir immédiatement. Nous sommes dans le domaine du hard-boiled, le pur, le dur, le vrai. Nous sommes dans une société qui n’en a rien à faire des gens, dans une société où seuls l’argent et le pouvoir importent. Et, parfois, il existe des gens qui aident les autres, ceux qui ne cherchent qu’à survivre.

Boris Quercia dégaine son revolver pour écrire ce roman. Les chapitres sont courts, les phrases claquent comme des coups de feu, et le suspense est haletant, presque intenable. Il nous montre la vie des gens, au Chili, obligés de vivre dans un contexte ultra-violent, obligés de subir les agressions, les meurtres, les drogués, les obsédés sexuels. Il nous montre une société où la morale n’existe plus, où même la vie humaine n’a plus de valeur.

Et Boris Quercia nous construit cette intrigue en la complexifiant au fur et à mesure. D’une simple affaire de vengeance pour dépanner une ancienne voisine, Santiago va s’enfoncer dans des affaires tout simplement incroyables. Et comme cela va à une vitesse de folie, je n’ai pas relevé la tête, mais plutôt encaissé les coups que Boris Quercia m’a distribué, sans aucune pitié, sans aucun remords (clin d’œil, au passage, à M. Nicolas Lebel).

Ce roman est d’autant plus exceptionnel qu’il n’est pas dépourvu d’émotions. Ecrit à la première personne du singulier, nous avons droit à tous les états d’âme de Santiago. Mais nous avons aussi des chapitres racontés par les gens qu’il rencontre ou interrogent. Ceux-là sont d’une puissance émotionnelle incroyable (c’est la deuxième fois que je le dis), d’une violence à la limite du soutenable (sans effusion de sang). Dans ces chapitres, on y montre des atteintes à la dignité humaine qui m’ont révolté. Et pourtant, j’en ai lu, des romans de tous genres, je peux vous le dire.

Avec son personnage humaniste, obligé de courir pour sauver sa peau, Boris Quercia nous montre une société inhumaine, animale, peuplée de chiens assoiffés de sang, d’argent, de pouvoir. Il nous construit un roman d’une puissance d’évocation incroyable (et de trois !), qui ne pourra que vous toucher dans ce que vous avez de plus cher. Vous l’aurez compris, c’est un roman inoubliable, un coup de cœur !

Ne ratez pas les avis unanimes de BMR-MAM, des amis Yan, et Jean-Marc.