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L’inspecteur Dalil à Beyrouth de Soufiane Chakkouche

Editeur : Jigal

La première enquête de L’inspecteur Dalil à Paris m’avait enthousiasmé, par son ton léger, décalé et sa vision de la France par une personne extérieure. Lire la suite me paraissait donc logique.

Alors que l’inspecteur Dalil revient enfin à Casablanca pour profiter de sa retraite, il est convoqué par le ministre de l’intérieur pour une mission risquée. Une célèbre chanteuse marocaine Nejma Anouar a été retrouvée égorgée dans sa chambre d’hôtel. Officiellement, il doit participer à l’enquête et assister la police libanaise. Officieusement, la situation est beaucoup plus complexe mais c’est bien connu : Dalil sait tout faire.

L’inspecteur Dalil est donc chargé d’identifier le lieu de stockage de missiles iraniens qui pourraient servir à un groupe terroriste algérien dans le cadre de la guérilla au Sahara occidental. Ces missiles seraient détenus par le Hezbollah aux alentours de Beyrouth, mais beaucoup de gens lorgnent sur ces armes. Si l’inspecteur Dalil n’est pas couvert pour cette opération, on lui assure le soutien d’un espion sur place.

En arrivant à son hôtel, le même que celui où a eu lieu le meurtre de la chanteuse, l’inspecteur Dalil est agréablement surpris de rencontrer son contact. Et, en fait d’espion, il s’agit d’une espionne. Nabila, dite La Chatte, l’interpelle au bar de l’hôtel et l’inspecteur Dalil est surpris d’avoir affaire à une égyptienne. Les surprises ne s’arrêtent pas là quand il est kidnappé par le terroriste Abou Jâafar, qui cherche aussi ces missiles.

Même si je ne suis pas un grand fan des romans d’espionnage, j’ai entamé ce roman sans grande appréhension. La première enquête de l’inspecteur Dalil m’avait tellement plu, m’avait tellement rire et sourire que je me suis demandé si j’allais retrouver le plaisir que j’y avais trouvé. Et puis, ce sexagénaire accompagné de la Petite Voix dans sa tête devenait forcément attachant. Eh bien, rassurez-vous, avec cette deuxième enquête, Soufiane Chakkouche passe le cap du deuxième roman avec la mention Très Bien.

Même si on peut douter de la crédibilité de l’intrigue, l’intérêt repose surtout sur le personnage de l’inspecteur Dalil, capable tel un poisson de se faufiler entre les nombreux écueils positionnés sur sa route. Et on s’aperçoit vite qu’il s’avère bien difficile pour un poisson de survivre dans un panier de crabes. Sa trajectoire, la façon dont il va mener son enquête et ses recherches, lui appartiennent ; il donne l’impression de se laisser mener par les événements, de subir la situation, ce qui est contredit au fur et à mesure de roman. Ce qui montre la grande qualité de la construction de cette intrigue.

Enfin, je retrouve dans ce roman toute la dérision, l’humour fin de l’auteur, qu’il parsème tout au long de ces pages. Même si le sujet peut sembler sérieux, l’auteur garde toujours la petite distance, place la petite remarque ou la pensée de la Petite Voix, pour désamorcer tout risque de se prendre au sérieux. La nonchalance de l’inspecteur Dalil, son regard poétique ou décalé (je n’ai jamais lu un passage aussi drôle et décalé sur une allumette que l’on allume et que l’on laisse tomber parterre), vont donc vous faire passer un excellent moment où chaque paragraphe vous fera sourire, et où même la fin vous stressera.

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Tant qu’il y a de l’amour de Sandrine Cohen

Editeur : Editions du Caïman

Auréolée du Grand Prix de la Littérature Policière pour Rosine, une criminelle ordinaire, qui était son premier roman, Sandrine Cohen nous revient avec un deuxième roman qui comporte la même fougue et la même charge émotionnelle. Un roman fort, bouleversant.

Dans un pavillon de Saint Denis, Suzanne élève ses quatre enfants qu’elle a eus de quatre pères différents. Avec son salaire de caissière de supermarché, les fins de mois sont difficiles. Heureusement Achille, l’ainé de 17 ans, joue l’homme de la maison auprès des petits. Suzanne mène sa troupe comme un capitaine de frégate face aux soubresauts de la tempête. Elle a voulu son foyer comme un cocon contre les agressions extérieures, où la bonne humeur est reine. D’ailleurs les enfants se nomment eux-mêmes « Les trois mousquetaires », unis comme les doigts de la main, à la vie, à la mort, Achille, Jules, Arthur et Mathilde.

Suzanne aime les gens, tout le monde mais pas le monde. Elle est capable de tomber amoureuse d’un regard, ce qui explique tous ses enfants. Suzanne est née début novembre, comme Mathilde. Comme c’est un mois triste, on fêtera celui de Mathilde le 18 juin. Son dernier amour en date, Ismaël ne donne pas de nouvelles, ne lui a pas souhaité son anniversaire, alors inquiète, elle demande aux enfants de scruter son profil sur un réseau social. Mais Jules reste penché sur son jeu de Smartphone, Arthur s’acharne sur son devoir d’école tandis que Mathilde rayonne au milieu de cette joyeuse troupe.

Malgré les mauvaises nouvelles serinées par BFMTV, toute la famille décide de mettre de la musique et danse, avant d’aller se coucher. Mathilde a peur de dormir toute seule, la faute à son père violent Toni, tout juste sorti de prison, Mathilde que le clan protègera envers en contre tous. Jules lui, vient de recevoir une nouvelle promesse de son père Clément, un week-end à Eurodisney, à laquelle il croit mais qui n’aura jamais lieu.

Le lendemain, les enfants vont à l’école et Suzanne a décidé que cette journée serait belle. A ce moment, elle reçoit un texto d’Ismaël, son dernier amour en date. Il s’excuse de son silence, de son absence, et passe la voir. Il lui fêtera son anniversaire samedi prochain. Mais pour cette famille qui vit positivement, le monde va s’acharner à coups de mauvaises nouvelles, à commencer par les attentats du 13 novembre, puis l’absence d‘Ismaël. Suzanne va en finir avec ce monde et les enfants vont devoir trouver des solutions pour que Mathilde ne retourne pas auprès de son père.

Bien que ce ne s’agisse pas à proprement parler d’un polar, on retrouve dans ce roman toute la fougue, la verve, le rythme et le ton que l’on avait apprécié dans Rosine, une criminelle ordinaire. Sandrine Cohen y ajoute une passion, celle de conter l’histoire de cette famille hors du commun, que l’on pourrait juger, vu de l’extérieur, comme irresponsable. Seulement, à force de montrer chaque enfant vivre, Suzanne en capitaine de l’équipe, on arrive à croire à ce groupe. Mieux même on va vivre avec eux.

Cette magie, ce pari hautement relevé, se réalise non seulement grâce aux personnages bigrement réels (à tel point que je me suis demandé si Sandrine Cohen ne connaissait pas une telle famille), mais aussi à ces situations et à ces dialogues savoureux et d’une véracité incroyable. On se prend d’affection pour ce groupe, tous un par un, du plus grand au plus petit et même pour ceux qui gravitent autour, Clément, Ismaël et l’autre Mathilde.

Ces trois mousquetaires, protégés du monde extérieur grâce à la force insufflée par Suzanne, va tout de même devoir faire avec les règles et leur injustice, les lois et leur rigidité, car il s’agit pour eux d’une question de survie. Sandrine Cohen pointe l’absence de compréhension, le refus de chercher à comprendre les gens différents de la normalité, la facilité d’appliquer à la lettre des règlements qui ne s’appliquent pas à des cas particuliers.

Elle nous montre aussi dans ce très beau roman, qu’il reste encore une place pour le bonheur, qu’il réside peut-être juste dans une soirée crêpes, qu’il suffit de regarder jouer un enfant, ou bien de mettre un morceau de musique pour se mettre à danser, qu’il faudrait retrouver notre âme d’enfant pour que ce monde devienne un peu meilleur, un peu moins cruel et un peu moins injuste.

Malgré les informations qui tentent de ruiner le moral de cette troupe, la télévision branchée sur BFMTV (Syrie, les disparitions d’enfants, les journalistes, les experts autoproclamés …) pour nous rappeler les malheurs du monde, Sandrine Cohen, à travers ses personnages parsème son intrigue de morceaux de musique (dont Suzanne de Leonard Cohen, bien sûr), qui sont autant de bouffées d’air au milieu de la mélasse. Ce roman, c’est juste un écrin fragile, qu’il faut lire et relire pour retrouver le sourire, un souffle de renouveau, un appel à regarder le monde autrement même si la fin nécessite quelques mouchoirs. Magnifique deuxième roman !

Je vous signale que Rosine sort le 14 septembre chez J’ai lu et que cette une lecture immanquable :

Venture de Philippe Paternolli

Editeur : Editions du Caïman

Ce roman constitue une belle découverte en ce qui me concerne et ce n’est qu’après avoir tourné les premières pages que je me suis aperçu qu’il s’agissait déjà du septième roman mettant en scène Vincent Erno, membre d’un groupe de barbouzes dirigé directement par le premier ministre. Comment ai-je pu passer au travers de ce cycle ? Toujours est-il que je n’ai ressenti aucune gêne en n’ayant lu aucune des aventures précédentes, ce qui est très bon signe.

L’ambiance bat son plein au Stade Vélodrome pour le « Classico » français, opposant L’olympique de Marseille au Paris Saint-Germain. Pour l’occasion, le gouvernement s’est déplacé, si ce n’est en nombre, au moins en importance : Deux hommes du gouvernement Fréville se sont déplacés, Xavier Bréhémont le premier ministre et Laurent Chazelet le ministre de l’intérieur.

Juste avant le coup d’envoi, deux hommes pénètrent sur la pelouse. L’un d’entre eux chipe la balle et va marquer un but au gardien parisien pendant que le deuxième filme tout sur son portable. La foule en liesse les encense, pendant que les deux hommes du gouvernement révisent leur discours de fin de match, qui ont été écrit à l’avance. Chacun a prévu un message différent en fonction du futur score. Soudain, la tribune présidentielle explose.

Heureusement, les deux hommes politiques s’en sortent indemnes. Le premier ministre convoque Vincent Erno, qui a démissionné du Cube, cette cellule secrète dirigé par Xavier Bréhémont. On lui donne tous les pouvoirs, bénéficiera d’un contrat spécial et devra faire le jour sur cette tentative d’attentat, avec la DCRI dirigée Par Laurent Chazelet. Vincent Erno va devoir démêler le vrai du faux qui se cache dans ce panier de crabes, d’autant plus que le président Fréville a annoncé ne pas vouloir se représenter, laissant la place à ses deux dauphins.

Comme je le disais, je suis rentré dans ce roman sans aucune gêne, malgré le fait que cela constitue le septième tome des enquêtes de Vincent Erno (et le dernier, nous dit l’auteur en fin de volume). Et a situation, pour compliquée qu’elle puisse paraitre, s’avère remarquablement bien expliquée pour qu’elle nous devienne limpide. Voilà déjà une des grandes qualités de ce roman.

Le scénario va comporter beaucoup de fausses pistes et nous mène en bourrique un peu à la façon de ceux de Mission Impossible. Par contre, s’il y a quelques scènes d’action, ce n’est pas le but de l’auteur. Philippe Paternolli nous concocte plutôt une enquête classique qui va petit à petit devenir un roman intime quand Vincent Erno va être obligé de se planquer chez une projectionniste de cinéma.

Et dans ce moment-là, on apprécie à sa juste valeur la fluidité du style de l’auteur et sa faculté à être aussi à l’aise dans les scènes d’enquête que dans les scènes intimes. A tel point, qu’on est triste de laisser les personnages de ce livre et qu’on a pris du plaisir à fréquenter Vincent et Raphaëlle. En ce qui me concerne, ce roman est une très bonne découverte, une belle réussite, alors n’hésitez pas !

Sois zen et tue-le de Cicéron Angledroit

Editeur : Palémon

Cela faisait un moment que je voulais me lancer dans la série de polars humoristiques de Cicéron Angledroit, dit Claude Picq. J’ai mis un peu de temps à me procurer le premier tome, sans doute épuisé, et ça y est ! A la lecture du nom de l’auteur, on sait à quoi s’attendre : tout ce qui est narré n’est pas sérieux et a un unique objectif : nous divertir.

Cicéron Angledroit, notre détective narrateur, traverse une mauvaise passe financière. La seule affaire qu’on lui propose de résoudre consiste à trouver la cause de la mort du mari de madame Costa, survenu dix ans plus tôt ! On pourrait penser que la vieille débloque à plein tube mais comme elle semble motivée à dépenser de l’argent, Cicéron ne peut laisser échapper cette enquête.

Chaque matin, Cicéron va boire son café au bar de la galerie marchande de l’Interpascher. Juste avant qu’il entre, une déflagration intervient. Momo, le SDF qui squatte le lieu a perdu son bras dans l’explosion, qui allé se figer dans le ventilateur du plafond, distribuant une pluie de sang qu’un Yorkshire déguste comme du petit lait. Cicéron a tout juste le temps d’aller au bar avant que la police ne boucle les lieux.

Au bar, il retrouve René, chargé de ramener et ranger les caddies. Momo est son pote et il ira lui rendre visite à l’hôpital dès qu’il sera sauvé. Quant à Cicéron, il poursuit sa journée en retrouvant sa fille Elvira lors d’un déjeuner chez sa mère. René, Momo et Cicéron vont donc trouver la solution à ces deux énigmes : la mort de Costa et le ou les auteurs des attentats qui vont ensanglanter la paisible ville de banlieue de Vitry.

Ils sont quelques-uns à porter haut l’étendard des héritiers de San Antonio (ou de Michel Audiard pour les bons mots). Parmi eux, je citerai Stanislas Petroski et sa série de Requiem, ou Samuel Sutra et sa série de Tonton, ainsi que Nick Gardel. Il va me falloir rajouter à cette liste Cicéron Angledroit qui nous présente dans ce premier tome les protagonistes que l’on va retrouver par la suite, à savoir Momo, René, Elvira, Brigitte son amante ainsi qu’un certain nombre de personnages secondaires.

Tout ce roman est fait pour passer un bon moment et n’a d’autre ambition que de nous offrir quelques heures de pure comédie. L’intrigue et les enquêtes passent clairement au second plan, l’auteur préférant laisser la place aux réflexions du détective, ainsi que des jeux de mots, des jeux de langues, des citations réutilisables à foison. J’ai particulièrement apprécié sa façon de jouer avec la langue française, pointant ses incohérences et même ses propositions de création de nouveaux mots.

Alors, quand Claude Picq va-t-il entrer à l’Académie Française ? Car grâce à lui et ses confrères, cela permet de faire bouger les règles immuables et immobiles du français. Vous l’aurez compris, Cicéron propose un jeu au lecteur, et s’amuse même de ses propres abus, nous indiquant qu’il fait dans certains chapitres, du remplissage avec des scènes de sexe. Franchement, on se marre. A suivre …

Ne me cherche pas demain d’Adrian McKinty

Editeur : Actes Sud

Traducteur : Laure Manceau

Après Une terre si froide et Dans la rue j’entends les sirènes, cela faisait sept ans que nous attendions la troisième enquête de Sean Duffy ; et ceci d’autant plus que chaque tome de cette série nous laisse en suspens quant au devenir de notre inspecteur.

Fin 1983. Cela fait plusieurs mois que Sean Duffy a été rétrogradé au poste de simple policier de patrouille. Ce jour-là, il rentre au poste avec ses hommes, en prenant soin de ne pas se faire tirer dessus par les membres de l’IRA. Après cette journée éprouvante, une de plus, Duffy finit au pub avec son groupe avant de raccompagner chez eux ceux qui ont trop bu et qui sont incapables de conduire, dont McGivvin dont la femme vent de partir avec les trois enfants.

Lors du trajet, leur voiture heurte un obstacle mais continue sa route. Alors que Sean Duffy ne conduisait pas, sa hiérarchie le désigne comme coupable d’avoir heurté un piéton et le renvoie de la police. Même McFaul qui était au volant, ne s’insurge pas contre cette injustice. Commencent alors pour lui des jours passés entre télévision et bière jusqu’à ce que le MI5 ne débarque et lui propose de retrouver Dermot McCann, un chef artificier de l’IRA qui vient de s’évader de prison, en échange de son immunité.

Duffy se lance donc sur les traces d’un homme qu’il a connu au lycée, bien qu’ils ne fussent pas en bons termes. La dernière fois qu’ils se sont côtoyés, c’était après le Bloody Sunday, quand Duffy a demandé à McCann de rejoindre l’IRA ; proposition qui lui a été refusée sous prétexte que Duffy obtenait de bons résultats scolaires et que l’IRA avait besoin de futures têtes. Duffy va donc visiter la famille puis les amis sans grand résultat, jusqu’à ce qu’on lui propose de résoudre un mystère de chambre close en échange d’informations capitales concernant McCann.

Après les deux fantastiques premières enquêtes de Sean Duffy, on pouvait se demander comment Adrian McKinty allait pouvoir rebondir et nous intéresser avec un travail de patrouilleur. Dès les premières pages, le stress nous prend à la gorge, dans une simple scène où la patrouille de Duffy rentre au poste, une scène tellement visuelle où la menace de se faire tirer dessus suffit à insuffler la tension.

Après le renvoi de Duffy, l’auteur choisit donc une pirouette pour retrouver Dermot McCann, en faisant intervenir le MI5. Cela va à la fois lancer l’intrigue principale, avec le risque associé d’un potentiel attentat à la bombe, mais aussi introduire le deuxième fil directeur du livre, une enquête plus classique de mystère en chambre close. Une nouvelle fois, on se laisse emmener dans cette histoire qui parait improvisée comme l’est la vie …

On retrouve tout le contexte des années 1983 / 1984, la menace perpétuelle des attaques de l’IRA, la grève des miniers en Angleterre qui débute, la poigne de fer de Margaret Thatcher qui ne cède rien, et les Irlandais toujours divisés en deux clans, sans que l’on sache qui fait partie de l’IRA et qui n’en est pas. Si l’enquête policière s’avère des plus classiques, le dernier tiers du roman fait monter le stress comme seuls les grands auteurs savent le faire.

On en apprend aussi un peu plus sur Sean Duffy, sur sa jeunesse et sur sa personnalité. Auparavant, on avait l’impression d’avoir à faire avec un inspecteur doué et obnubilé par la justice. On s’aperçoit qu’il a voulu s’insurger après le Bloody Sunday et demandé à rejoindre l’IRA. Cela laisse augurer de nombreuses possibilités pour la suite. Et on en regretterait presque la toute fin, presque trop romanesque, dans la chambre d’hôpital.

Enfin, Adrian McKinty garde cette plume acérée, descriptive mais sans un mot de trop, et ces formidables dialogues aux réparties cinglantes, à l’humour noir omniprésent teinté d’un cynisme typiquement irlandais. On a toujours droit aussi à une bande-son sans faute (d’ailleurs, les Smiths apparaissent pour mon plus grand plaisir). Toutes ces qualités font de cette série un passage obligé pour tout amateur de polar. D’autant plus qu’il en reste deux à traduire … A suivre ? Il en reste deux à traduire …

Et n’oubliez pas qu’il vous reste quelques jours pour jouer et tenter de gagner la trilogie complète !

L’artiste d’Antonin Varenne

Editeur : Manufacture de livres

La Manufacture de livres ressort donc le premier roman d’Antonin Varenne, Le fruit de vos entrailles, sous un nouveau titre. Cette édition a été complètement revue et corrigée par l’auteur. Comme j’avais lu la version précédente, j’ai donc lu ou relu cette version en ayant l’impression de lire une nouvelle version d’un scénario que je connaissais. Comme Antonin Varenne, je reprends donc mon billet et le complète par rapport à mon ressenti d’aujourd’hui.

Nous sommes en 2001, plus précisément juste après les attentas du 11 septembre. La paranoïa s’installe partout, d’autant plus que l’explosion dans l’usine AZF n’est pas là pour rassurer les gens. A Paris, comme ailleurs, les CRS pullulent sur les trottoirs, alors que les affaires criminelles ne sont ni plus ni moins inquiétantes qu’avant.

En quelques semaines, plusieurs affaires voient le jour. Une jeune femme se suicide en se jetant par la fenêtre de son appartement du deuxième étage avec ses deux enfants dans les bras. Un artiste peintre habitant Menilmontant est sauvagement poignardé chez lui, et son corps disposé d’une façon que l’on pourrait qualifier d’artistique. Puis d’autres artistes sont aux aussi assassinés chez eux.

Deux personnages à part vont s’intéresser à ces affaires. Maximilien est un ancien détective privé reconverti en laveur de vitres. Sa femme attend un enfant, alors il s’ennuie et se mêle de ces affaires. Virgile Heckmann est un inspecteur doué, mais hautain et autodestructeur. Son éducation dans une famille très aisée a fait de lui un homme qui refuse tout contact avec les autres humains. Ces deux énergumènes, avec l’aide d’un vieil original, ancien médecin ayant pratiqué l’avortement illégal, vont s’allier pour chercher et comprendre les motivations de ce mystérieux assassin.

Le roman repose sur trois personnages forts avec une psychologie complexe. Ils sont vrais et on sent qu’Antonin Varenne les aime. Ce sont des écorchés vifs, autodestructeurs, survivants d’un suicide quotidien. Ils sont extrêmes, jusqu’au-boutistes, incompris et exilés au milieu d’une société qui avance sans eux, marginaux sans le vouloir car ne rentrant pas dans le moule. D’ailleurs, ils sont tellement jusqu’au boutistes qu’ils vont devenir amis, ou du moins se rapprocher de ce qu’ils peuvent accepter dans un contact humain.

La société justement tient une place importante dans le roman. Antonin Varenne a placé son intrigue entre le 11 septembre et les émeutes de novembre. Cela donne un contexte violent, anarchiste, où toutes les actions de répression sont justifiées par l’insécurité extérieure comme intérieure. Et cela donne une thématique intéressante à ce roman où les personnages sont plongés dans une incertitude totale, un chaos avec une réponse militariste du gouvernement et où leur seule réponse est le rejet des autres, l’enfermement sur soi, le refus de l’engagement, l’absence de sentiments.

C’est étrange d’avoir relu ce roman car j’ai eu l’impression d’en lire un autre mais avec les mêmes personnages et le même scénario. Le contexte se retrouve placé en tant que décor et les personnages plus mis en lumière. Les défauts précédents ont été gommés et le style s’est affermi, devient visuel et plus direct. Les effets de style ont aussi été enlevés et certains messages explicites remplacés par des situations où le lecteur fera sa propre déduction. La fin reste la même et est toujours aussi noire, dure à lire. C’est donc une autre version de son premier roman qu’Antonin Varenne nous propose comme on fait des « remakes » de certains films, et il faut l’apprécier comme tel.

Des poches pleines de poches

Suite de cette nouvelle rubrique dans Black Novel, consacrée aux livres de poche. La précédente était là.

Entre deux romans grand format, je lis aussi des romans au format de poche et je ne prends jamais le temps d’en parler. D’où ce titre énigmatique qui répertorie des romans de plus court format qui sont aussi bien des novellas que des romans.

Pyromane de Wojciech Chmielarz

Editeur : Livre de poche (Grand format : Agullo)

Traducteur : Erik Veaux

Le fait que cet hiver soit aussi froid à Varsovie arrange plutôt le criminel qui va mettre le feu à une maison bourgeoise de la banlieue de Varsovie. Il va trouver une échelle dans le jardin, et balancer son cocktail Molotov par la cheminée. A l’intérieur, Klaudia Kameron, ancienne star de la chanson s’efforce de sortir du dressing dans lequel elle est bloquée. Elle arrivera à sortir avec de nombreuses blessures en sautant par la fenêtre alors que son mari, l’industriel Jan Kameron, finira carbonisé.

L’inspecteur Jakub Mortka, dit le Kub, est chargé de l’enquête et se rend sur le site avec son adjoint Kochan. Le responsable des pompiers demande à le voir : l’aspirant Marcin Kowalski lui confirme l’origine criminelle de l’incendie par la présence de morceaux de verre et l’odeur d’essence. Kowalski annonce ensuite au Kub qu’il s’agit du troisième incendie de ce type, les deux autres n’ayant pas fait de victimes.

Premier roman de Wojciech Chmielarz et premier roman d’une série mettant en scène le Kub, cette lecture constitue une très belle découverte. Elle permet en tous, au travers d’une enquête policière que je qualifierai de classique, d’avoir une bonne vision de la société polonaise, pays qui connait des températures extrêmes en hiver. C’est l’un des aspects très intéressant de ce roman, avec le personnage du Kub, rustre et solitaire, divorcé et loin des enquêteurs doués que l’on connait, puisque l’on découvre un policier travailleur et acharné, aimant aller au bout des choses avec obstination.

L’autre aspect de ce roman est de montrer un peuple mystérieux et taiseux, où certains hommes frappent leur femme, où la pègre est bien implantée et a mis la main sur les industriels, où les travailleurs subissent le règne de l’argent volé par les mafias. Le dernier aspect qui va vous décider à lire ce livre est bien l’intrigue, qui malgré quelques longueurs est remarquablement bien menée et qui réserve une surprise de taille dans le dernier chapitre. Décidément, c’est un premier roman qui donne envie de lire la suite, qui est déjà sortie chez Agullo, qui s’appelle La ferme des poupées et dont je devrais vous parler très bientôt.

La dernière expérience d’Annelie Wendeberg

Editeur : 10/18 (Grand format : Presses de la cité)

Traductrice : Mélanie Blanc-Jouveaux

Après une première enquête menée avec Sherlock Holmes (voir Le Diable de la Tamise), Anna Kronberg s’est retirée dans son cottage du Sussex. La jeune femme médecin pensait qu’elle et son célèbre coéquipier étaient parvenus à annihiler une organisation secrète qui expérimentait des bactéries pour en faire des armes de guerre. Mais le professeur Moriarty, véritable dirigeant de l’organisation, a survécu.

Et il a décidé d’utiliser Anna pour entamer des recherches sur la peste… Pour arriver à ses fins, Moriarty kidnappe Anna ainsi que son père. Si la jeune femme veut revoir ce dernier en vie, elle devra obéir. Vivant désormais sous haute surveillance entre la demeure luxueuse de son geôlier à Londres et un entrepôt où elle réalise ses expériences, Anna tente de trouver un moyen pour prendre contact avec Holmes.

Alors qu’elle fomente le meurtre de Moriarty, une relation ambiguë s’instaure avec cet homme violent, manipulateur et effrayant.

Ceux qui ont lu Le Diable de la Tamise vont se jeter sur cette deuxième aventure d’Anna Kronberg, cette jeune femme brillante qui s’est déguisée en homme pour obtenir son diplôme de médecin dans l’Angleterre victorienne. Ceux qui ne l’ont pas lu devront le faire avant de lire celui-ci car l’auteure dévoile beaucoup de choses de l’intrigue de la précédente aventure.

C’est un roman de séquestration auquel Annelie Wenderberg nous convie, et donc on n’y trouvera point d’enquêtes. Tout juste y verra-t-on l’esprit brillant de la jeune chercheuse à l’œuvre pour en déduire où elle est, et son aptitude à monter des stratagèmes pour s’en sortir. Il est tout de même intéressant de voir comment Anna est écartelée entre le professeur Moriarty à la fois brillant et violent et entre son désir de lutter contre la manœuvre maléfique basée sur une guerre bactériologique.

Construit de façon chronologique, égrenant les jours les uns après les autres, nous allons suivre Anna dans un roman très psychologique, avec peu d’action mais beaucoup de détails quant à ses recherches qu’elle est obligée de mener sous peine de voir son père assassiné. Sherlock Holmes fera quelques apparitions comme quelqu’un qui agit dans l’ombre et la fin appelle un tome supplémentaire qui promet, je ne vous dis que ça. Ce roman est tout de même à réserver aux aficionados du grand enquêteur anglais.

Ne ratez pas l’avis de la Belette, grande spécialiste de Sherlock Holmes et de l’ami Claude

Le festin de l’aube de Janis Otsiemi

Editeur : Jigal

Après un passage chez Plon avec Tu ne perds rien pour attendre, Janis Otsiemi nous propose son petit dernier chez son éditeur historique, et poursuit sa description de la société gabonaise avec ses personnages récurrents, que l’on a rencontré précédemment.

Libreville, Gabon, de nos jours. Le gendarme Louis Boukinda rentre tard en voiture avec sa compagne Jacqueline. Quand une jeune femme débouche de la forêt, Boukinda ne peut l’éviter et le choc est terrible. Boukinda décide d’amener la jeune femme aux urgences car il lui semble qu’elle est encore en vie.

Le lendemain, il retourne à l’hôpital avec son collègue Hervé Envame pour apprendre que la jeune femme est morte dans la nuit. Ce n’est pas l’accident de la route qui l’a tuée, mais le nombre impressionnant de piqûres de serpent qu’elle a sur le corps. De plus, elle a des traces montrant qu’elle a été ligotée et martyrisée, brûlée par des cigarettes. Le seul indice que Boukinda et Envame possèdent est un tatouage qu’elle a sur le cou.

De son coté, la Police Judiciaire est sur une affaire délicate. On a découvert un grillage découpé dans un camp militaire. Des armes ont disparu : des fusils d’assaut, des explosifs et des détonateurs. Il est à craindre que le Grand Banditisme soit aux origines de ce vol, mais il reste à déterminer ce qu’ils vont en faire. Car la proximité des élections pour désigner le futur président du pays met tout le monde sur les dents.

Que dire de nouveau qui n’a pas déjà été dit ? Janis Otsiemi nous invite à visiter son pays, mais du point de vue du touriste, plutôt en allant voir du coté de quartiers que personne ne voit. Il agrémente son intrigue d’un langage local, utilisant des expressions qui sont parfaitement compréhensibles mais qui donnent une couleur locale. Et en début de chaque chapitre, on a une citation, qui fait appel au bon sens commun. Tout cela pour dire que lire Janis Otsiemi, c’est un dépaysement garanti en même temps qu’un plaisir de chaque ligne, ajouté à une impression de découvrir une nouvelle langue française.

Personnellement, j’ai l’impression que ce roman est parmi ses meilleurs pour les raisons suivantes. Bien que nous ayons affaire à des personnages récurrents, cette enquête peut être lue indépendamment des autres. J’ai l’impression que Janis Otsiemi a consolidé son intrigue, qu’elle est plus costaude, plus impressionnante. J’ai aussi l’impression qu’il a décidé d’intégrer plus d’expressions gabonaises, ce qu’il avait tendance à abandonner un peu. Enfin, j’ai l’impression que Janis Otsiemi a réussi à intégrer une tension permanente dans son décor, dans la situation politique du pays.

Après avoir lu le roman, que je trouve extraordinaire parce que passionnant de bout en bout, les remerciements montrent que l’auteur a choisi minutieusement les scènes, les situations et la façon de traiter le contexte pour ne pas être soumis à une éventuelle censure. C’est donc aussi un roman à lire entre les lignes dans un pays qui pourrait tomber dans l’instabilité. En cela aussi, la posture de Janis Otsiemi de témoin de son pays et de son temps est importante. Ne ratez pas cet excellent polar.

Ne ratez pas l’avis de l’ami Claude

Privé d’origine de Jérémy Bouquin

Editeur : French Pulp

Je suis un ardent défenseur de Jérémy Bouquin, et vous qui êtes un fidèle de cet humble blog, vous devez le savoir. Ce roman est sorti en fin d’année dernière, dans un anonymat que je qualifierais de scandaleux. Lisez Jérémy Bouquin !

Kloé, avril 2014. Elle est bassiste dans le groupe de rock Vynille Rondelle. Après des mois de tournée, le groupe est enfin récompensé de succès. Il n’y a qu’à entendre les vivats du public du printemps de Bourges, qui en redemande ! Du vrai punk ! En sortant de scène, elle a un message. Jasper Zenderro lui annonce qu’il a des informations sur son père. Cela fait deux ans maintenant qu’elle est partie à la recherche de ses origines, elle qui est une enfant abandonnée à la naissance.

Rota, avril 1979. Depuis 1969, les brigades rouges sèment la terreur en Italie. Le commissaire Rota est appelé sur une scène de crime, le casse d’une bijouterie qui a mal tourné, puisque le propriétaire a été abattu. Si les armes utilisées fait penser à l’organisation d’extrême gauche, Rota pense que le bijoutier a voulu se défendre avec une arme et l’a payé de sa vie. La présence de sang sur le trottoir laisse à penser qu’un des voleurs a été blessé.

KLoé, avril 2014. Elle prend rendez- vous avec Zenderro, dans un petit bar de Mehun-sur-Yèvre. Il annonce avoir cherché du coté de l’hôpital où Kloé est née. Elle voit son vrai prénom écrit : Chloé. Zenderro n’en sait pas plus sur sa mère. En ce qui concerne sa mère, des amis « bien placés » lui ont conseillé d’abandonner. Ils ont été tellement persuasifs qu’il a décidé d’abandonner l’affaire, qui flirte avec des dossiers de terrorisme international.

Tony Marretti, avril 1979. Après le casse manqué, les camarades ont porté Tony, blessé, dans la voiture. Tony a perdu beaucoup de sang ; Giuseppe lui tient la main, lui parle. Il plonge dans le coma, se réveille sur un bateau, replonge, puis se retrouve en Corse chez un docteur … enfin, un vétérinaire, Peyo. Tony va devoir tout abandonner, sa vie, son identité, et fuir pour éviter de se retrouver en prison.

J’ai plutôt l’habitude de retrouver Jérémy Bouquin dans des intrigues bien ancrées dans notre quotidien. Il a l’habitude de prendre des personnages marginaux, et de grossir le trait dans un style direct et redoutablement évocateur. Et dans tous les cas, on retrouve sa patte, sa façon de peindre les décors et d’éviter les morales à deux balles pour offrir du vrai bon polar populaire (dans le bon sens du terme).

Quelle ne fut pas ma surprise quand j’ai ouvert ce roman ! La narration fait des allers retours entre aujourd’hui et les années 80. Entre la recherche de Kloé sur ses racines et les groupes terroristes d’il y a 30 ans, on a droit à la fois à des moments d’émotion pure, d’action, de mystère, et de découvertes. Jérémy Bouquin s’est surpassé pour nous fournir un roman plein, documenté juste comme il faut pour ne pas alourdir l’histoire, et des rebondissements qui vont nous retourner jusqu’à la dernière page (ou au moins jusqu’au dernier chapitre).

Avec ce roman là, Jérémy Bouquin a densifié ses personnages, qu’ils soient au premier plan ou pas, les a multipliés aussi, s’est évertué à construire une grande intrigue, en prenant son temps tout en restant passionnant. Il n’est pas question de juger les uns ou les autres, juste de se mettre au service de l’histoire. Jérémy Bouquin n’a pas monté une marche, il a grimpé un étage d’un coup, et a écrit avec ce roman son meilleur à ce jour. Enfin, c’est mon avis. J’ai adoré.

Ne ratez pas les avis de Laulo, Mel, et Garoupe.

Animal boy de Karim Madani

Editeur : Le Serpent à Plumes

Allez savoir pourquoi, j’avais lu Cauchemar Périphérique, qui était sélectionné à l’époque pour le Polar SNCF, et j’avais trouvé ce roman époustouflant d’ambition. Puis était venue cette idée folle de créer une ville imaginaire, à l’ambiance noire, une ville où on ne dort pas : Arkestra. Avaient alors suivi Le jour du fléau, Casher Nostra et même un épisode du Poulpe : Blood Sample. Tous trois venaient démontrer un pur talent pour écrire du polar noir, costaud. Voici donc le retour au polar noir de Karim Madani, avec Animal Boy.

Paris, vendredi 13 novembre 2015. Alex Kavini est batteur dans un groupe de deuxième zone Moloko. Le hasard veut qu’il décide de traîner du coté du Bataclan. Ce soir là, des nanars californiens font le show pour des bobos qui n’y connaissent rien. IL cherche un bout de came pour passer son temps. Il cherche à rentrer mais se fait refouler. Quatre mecs débarquent, genre arabes, et sortent des mitraillettes. C’est le carnage et Alex n’y comprend rien, si ce n’est qu’il est au mauvais endroit au mauvais moment. Une  fille sort de la sortie principale, elle s’est prise une balle dans le cou, elle s’écroule dans ses bras, elle vide son sang sur ses mains. Au milieu du chaos, il devient un survivant.

Alex est transporté aux urgences, les docteurs le traitent comme s’il avait survécu au carnage. Puis ce sont les flics qui l’emmènent au 36 quai des Orfèvres car il est un témoin essentiel. Elle s’appelait Pauline et s’invente un rôle, celui qui l’accompagnait au concert. Ses réponses sont floues, laissent planer le doute. Il aura droit à des séances de psy, souffrant du syndrome de Lazare.

De retour dans vie de merde, il retrouve sa compagne, Charlotte, une droguée, accro à tout ce qui permet de planer ailleurs. Charlotte  essaie de décrocher. Elle lui demande de dire la vérité, d’arrêter de mentir. Les journalistes le harcèlent au téléphone. Lou Slama, son pote de prison n’est pas de cet avis : il y a du fric à se faire. Puis, ce sont les parents de Pauline qui veulent le voir. Ils sont plein de pognon. Et Alex voit dans cette rencontre l’occasion de devenir quelqu’un.

Attention, Le Serpent à Plumes est de retour !

Attention, Karim Madani est de retour !

Délaissant Arkestra, il prend à bras le corps un sujet presque tabou, et nous concocte une histoire bien noire, qui n’est finalement pas très loin de l’univers qu’il avait créé avec Arkestra. La vérité dépasse la fiction, dit-on. Il y a bien eu le cas d’un jeune homme qui avait inventé la mort d’un de ses copains au Bataclan. Karim Madani avait écrit cette histoire avant, mais il force le trait, appuie sur la plaie, jusqu’à s’en faire mal. Car en l’occurrence, c’est un sujet qui permet de creuser des psychologies malades.

Le personnage principal porte tout le livre sur ses frêles épaules, apparaissant comme un loser né pour être un loser et laissant les autres et les événements de sa vie mener son chemin. Il prend donc toujours les mauvaises décisions, ou du moins, se laisse vivre, malmener, jusqu’à s’enfoncer. D’un simple mensonge qui lui fait entrevoir autre chose, qui lui permettrait de devenir quelque chose, d’être quelqu’un aux yeux des autres, il va s’enfoncer dans un destin des plus noirs, refusant une vie qui aurait pu lui ouvrir les bras.

Dans une ville comme Paris, qui brille de ses mille feux, au contact d’une famille, celle de Pauline, qui a réussi et est prête à le payer pour lui raconter ce qu’elle veut entendre, la pseudo-vie de Pauline, il pourrait devenir le centre d’attraction, vivre une vie normale. Car derrière les lumières de la ville lumière (justement), il y a les pauvres, les drogués, les assassins, les ratés qui se cachent derrière les décors enluminés.

Rythmé par les Ramones, groupe punk américain, dont chaque chapitre reprend un titre de leurs chansons, ce roman comporte une rage et une noirceur peu commune. Ecrit comme des slams de rap, il montre aussi le décalage du personnage d’Alex entre ses goûts et son époque, entre sa vie et le décor dans lequel il vit. Il n’y a pas de place pour les marginaux dans une ville qui veut se voir plus belle qu’elle n’est.

Du sujet initial à l’intrigue violemment amorale, de l’intrigue aux coups des mots qui font mal, ce roman est un véritable roman choc, car si on ne ressent pas de sympathie pour Alex, il n’en reste pas moins qu’on le suit avec une certaine avidité. Car le chemin est mince pour passer d’un coté à l’autre de la ligne blanche. Et si ce roman se veut une pure invention, il n’en reste pas moins qu’il comporte des messages qui parlent, qui en font un cri humaniste qui me parle ; et sa fin ouverte nous poursuit longtemps après avoir tourné la dernière page, nous posant de multiples questions.

Ne ratez pas les avis de Mr K. et de Jean-Marc