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Skaer de Philippe Setbon

Editeur : Editions du Caïman

Philippe Setbon fait partie de ces auteurs capables de vous emmener dans des scénarii prenants, toujours portés par des personnages forts auxquels on croit d’emblée. Il ne faut pas rater Skaer !

Skaer a acheté et retapé une petite cahute juchée sur une colline en plein pays basque, du côté d’Ilbaritz. En contrebas, se tient une belle demeure, dans laquelle vient d’arriver une famille. Toujours à l’affut, il observe le mari qui semble énervé. En descendant prudemment et sans faire de bruit, il entend le mari frapper sa femme et lui intimer de ranger la maison, avant de s’en aller en ville.

Stéphanie est en train d’éponger le sang qui coule de son nez quand Skaer entre dans la propriété. Il n’a jamais apprécié que l’on s’en prenne à une femme. Il conseille à Stéphanie et Celestia, sa fille adolescente, de ne pas s’inquiéter. Son mari ne la violentera plus, il en fait une affaire personnelle. Derrière sa barbe qui cache des cicatrices, Skaer devrait faire peur mais il dégage une aura de confiance.

Skaer s’introduit dans la chambre d’hôtel du mari. Quand ce dernier rentre, il lui met le marché en main : ne plus avoir aucun contact avec sa femme et sa fille. Comme il refuse, Skaer le tue et maquille le meurtre en accident. Pour le lieutenant Paul Burgonges, l’accident ne fait aucun doute. Lorsqu’il annonce le drame à Stéphanie, il rencontre Skaer. Les deux hommes se trouvent un objectif commun, trouver le tueur d’enfants qui a déjà fait cinq victimes.

Je ne vais pas tourner autour du pot, ce roman est un petit bijou de polar. La fluidité du style de l’auteur n’est plus à démontrer, son talent à bâtir des intrigues costaudes non plus. Mais il me semble qu’il a mis beaucoup d’application dans la construction de l’intrigue qui est tout simplement remarquable et qu’il n’a laissé aucune zone d’ombre en ce qui concerne le passé des personnages et leur psychologie.

Stéphanie peut apparaitre comme la victime, et Skaer comme le sauveur, le chevalier. Mais c’est surtout le personnage de Celestia qui crève l’écran, tant elle prend de l’ampleur au fur et à mesure de l’intrigue au point de voler la vedette à Skaer. Cette gamine apparait comme une battante, elle soutient sa mère, se montre d’un courage proche de l’inconscience et elle est bigrement attachante. Skaer est construit comme un personnage plus classique. Il est présenté comme un barbouze, un soldat déserteur, capable de revêtir différentes identités, de se fondre dans l’ombre et d’être sans pitié quand il le faut. Enfin, Burgonges aurait pu être le niais dépassé par les événements mais l’auteur l’a voulu comme le complice de Skaer … et je ne vous en dis pas plus.

A construire son roman comme il l’a fait, on imagine sans mal cette histoire adaptée au cinéma, tant l’écriture est visuelle, le scénario remarquable, le découpage des scènes implacable et les dialogues savoureux et évidents. Toutes ces qualités font de ce roman un divertissement très haut de gamme, le genre de polar dont vous souviendrez longtemps tant vous y aurez trouvé du plaisir à sa lecture.

Au passage, la photographie en couverture est superbe.

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Manaus de Dominique Forma

Editeur : Manufacture de livres

L’année dernière, est paru un petit roman aux éditions manufacture de livres, de la part d’un auteur qui sait tirer partie des formats courts, grâce à une plume efficace et imagée. Il nous convie à un retour dans les années 60 …

Plus exactement en 1964, lors du voyage présidentiel du Général de Gaulle en Amérique du Sud. En trois semaines, le convoi présidentiel visitera dix pays, pour renforcer la grandeur de la France et contrer la mainmise des Etats-Unis. Or, l’Amérique du Sud est réputé pour être un continent qui abrite nombre d’anciens nazis, de trafiquants de drogue et d’anciens généraux de l’OAS ayant fui l’Algérie.

Au milieu des officiels et des gardes du corps qui accompagnent le Général, François, un espion des Services Secrets, se cache avec une mission bien précise. Dès l’atterrissage en Argentine, il devra s’esquiver pour éliminer un traitre au Paraguay, avant de rejoindre le cortège officiel au Brésil, juste avant son retour en France. Mais il va devoir faire un petit détour non prévu dans sa mission.

Ecrire une histoire complète et complexe peut s’avérer un vrai casse-tête. Mais pour Dominique Forma, cela semble d’une facilité déconcertante, qui offre au lecteur une totale immersion dans un monde qu’il n’a jamais côtoyé. Quelques phrases pour parler du contexte, une phrase formidablement évocatrice pour dessiner les décors et des dialogues ne dépassant que rarement trois ou quatre phrases, voici les ingrédients qu’utilise l’auteur pour nous parler de cette histoire glauque.

Car on plonge dans un monde de barbouzes, où tout le monde se méfie de tout le monde, où chacun rêve de tuer son prochain car c’est un gage de survie, où chaque personnage ment, ou arrange la vérité pour vivre. Car la période des années 60 fut un tel brouillamini, que tous les pays cherchaient à avancer leurs pions pour être les mieux placés possibles, au nom de la géopolitique.

Les petites mains, ce sont des tueurs, comme le personnage principal de cette histoire, un soldat à qui on confie une mission, à qui on demande surtout de ne pas réfléchir, juste obéir. Au milieu de ce miasme, il va réaliser sa mission, mais aussi ne dire que le strict nécessaire pour sauver sa peau. Va-t-il réussir ? je vous laisse le découvrir en lisant ce petit roman par la taille, grand par le talent de son auteur, qui nous concocte un polar rapide et efficace.