Comme tous les ans, je vous propose une petite revue des derniers titres parus chez Ska, ou du moins certains d’entre eux. Voici donc quelques lectures électroniques noires, pour notre plus grand bien. L’ordre des billets ne respecte pas mon avis mais l’ordre de mes lectures. Tous ces titres et plus encore sont à retrouver sur le site de Ska : https://skaediteur.net/
Je voudrais juste vous signaler deux choses : La saison 2 d’Itinéraire d’un flic de Luis Alfredo sera traitée dans un billet à part, ainsi que la nouvelle série écrite par plusieurs auteurs à la manière d’un Poulpe et qui s’appelle : Il était N.
Le jour des morts de Régine Paquet
Deux nouvelles nous sont proposées : Dans l’odeur des lavandes (Accompagnée par l’odeur de la lavande, la narratrice, âgée de 66 ans) annonce à sa fille qu’elle va se marier et veut choisir sa robe blanche immaculée) et Un 15 janvier 1950 (Les femmes se réunissent pour la mort de Chrétien, le géant simplet du village)
Derrière une simplicité et un naturel si difficile à atteindre, Régine Paquet a réussi à me faire pleurer dans Dans l’odeur des lavandes, avec sa chute terrible et si sereine. La deuxième, écrite comme un conte, narre une histoire de village qui deviendra sans nul doute une légende.
Naissance des ogres de Alain Emery
Le corps de Rubens Carat est découvert dans la rivière, la gorge tranchée. Il fabriquait de l’alcool dans ses alambics clandestins et était connu pour être colérique et violent. Le lieutenant Dessouches mène l’enquête et focalise son attention sur Rudy Mayence.
L’auteur nous convie à un voyage temporel au début du vingtième siècle, pour une intrigue située dans un village et où la justice consiste surtout à se débarrasser des gens qui déplaisent. Accompagné d’une plume fort agréable, très classique dans la forme, cette nouvelle se termine dans un rire jaune sarcastique et mystérieux.
L’empathe saute le pas de Claude Picq
Quand on parle du Tréport, on pense à ses falaises. Les petites vieilles qui en sont tombées aussi, probablement, mais pas longtemps. Quand on en dénombre trois en un mois, cela s’appelle une hécatombe. Georges Marchais travaillait à la Poste, jusqu’à ce qu’il se découvre Empathe, capable de ressentir des émotions sur les scènes de crime. Depuis, il est devenu policier et travaille sur des missions particulières, telle celle-ci.
J’avais découvert Claude Picq sous le pseudonyme de Cicéron Angledroit tout récemment. Ce fut une surprise de le retrouver chez Ska pour une nouvelle série maniant l’humour noir et la verve, comme à son habitude. On suit donc l’homonyme de l’ex-premier secrétaire du parti communiste dans sa première affaire qui se délecte pour ses bons mots, malgré des paragraphes trop longs à mon gout.
Carrousel d’Aline Tosca
La brune, grande, masculine, androgyne regarde dans les rayons à la recherche d’une paire de chaussures. La blonde, féminine, aux formes généreuses l’observe avant de se préparer à prendre son poste à la poissonnerie. Le chef du magasin quant à lui se sent bien seul au milieu de ces femmes.
Aline Tosca m’a surpris avec cette esquisse, ce tableau représentant un supermarché et sa galerie. De portraits en mouvements éthérés, elle donne l’impression de tracer des traits sur sa toile, donnant à l’ensemble une impression de douceur et d’impressions, que viennent rehausser les impressions de solitude et de mal-être des personnages. Cette nouvelle est une superbe illustration des gens qui se suivent, se rencontrent, s’entendent, parfois s’écoutent mais jamais ne vivent ensemble.
Les lendemains qui déchantent de Sébastien Géhan
Dimanche matin, enfin, 13h06. Malgré une douche froide, le narrateur est harcelé par un mal de tête lancinant, conséquence de la cuite de la veille. En prenant la direction du Palace, supérette tenue par des asiatiques, Il finit au Vincennes, le bar-PMU, le temps d’avaler une mousse et de faire un pari aux courses de chevaux, puis continue son périple.
Dans une ville peuplée d’âmes en peine, l’auteur raconte une errance de lendemain de cuite, le genre de trajet parsemé de rencontres inédites, pour peu que l’on s’intéresse aux gens. Parsemé d’anecdotes plus vraies que nature, l’auteur arrive à nous faire vivre une ville morte en apparence, et termine avec un optimisme bienvenu.
L’imposition du cireur Touchet de Jean-Hugues Oppel
Le Trésor Public réclamait à Jean-Louis Touchet, artisan cireur de chaussures établi à son compte, une somme astronomique. Ce qui obligea le brave homme à se reconvertir … et pourquoi ne pas envisager d’écrire un polar ?
A la fois hommage à Jean-Patrick Manchette et clin d’œil à des anciens du polar, cette histoire courte est savoureuse et cynique à souhait. On ne peut résister au rire qui nous prend malgré le malheur qui frappe ce pauvre Touchet.
Les fumiers de Pierrisnard
Ah, ça discute dans les bars de ce village de campagne ! Ah, ça rigole de mauvaises blagues, de foutage de gueule devant le Ricard ! Ah, ça énerve de les voir, les piliers de bar, toujours prêts à se plaindre alors qu’ils planquent des lingots dans leur jardin ! Les fumiers !
Je ne peux m’empêcher de faire ma propre accroche sur cette nouvelle qui fleure bon les vieux imbibés qui refont le monde tous les jours. Avec son style parlé, son agressivité qui tourne à la haine, l’auteur se laisse aller à une histoire noire mais jouissive avec un ton original. Un auteur à suivre, pour sûr.
Quand je serai grand, je serai tueur en série de Gaëtan Brixtel
Monsieur G. tel qu’il veut qu’on le nomme reçoit dans sa cellule sa psychologue Claire Frémont, qui doit évaluer son état. Il raconte alors comment il s’est présenté chez les parents de Mélanie Dariel pour leur annoncer comment il l’avait tuée.
On trouve dans cette nouvelle une bonne dose d’humour noir, où le tueur en série explique posément et poliment comment et pourquoi il a tué ces gens, qui sont pour lui extrêmement malpolis et agressifs. Une lecture jouissive.