Editeur : Marchialy
Je n’aurais probablement pas lu ce roman sans le billet de BMR & MAM et leur coup de cœur bigrement tentant. Ils avaient raison de conseiller ce portrait attachant d’un flic loin des clichés, avec un vrai pas dans la réalité.
Le 27 décembre 1977, les chasseurs s’enfoncent dans les bois. L’air étouffant et les odeurs de moisissure leur confirment qu’ils s’approchent du bayou. Au détour d’un bosquet, ils ne peuvent que constater qu’on a abandonné là un corps humain. L’inspecteur en chef Jackie Walker Jr se rend sur place et récupère les ossements qu’il va envoyer à un illustre médecin légiste, Clyde Snow. Ce dernier va lui détailler ses analyses : la jeune femme a été étranglée et elle portait une perruque. Elle avait une dent en or. Grâce à une reconstitution faciale en plâtre, il peut donner vie à ce cadavre abandonné. Après plusieurs mois de recherche, l’enquête est stoppée.
Quand Darren Versiga s’engage dans un défi, il y va généralement pour gagner. C’est ainsi qu’il est devenu l’un des meilleurs tireurs du comté. Il a bourlingué, a fait des conneries étant jeune, est entré dans la police, puis a ouvert une agence de détective privé avant de revenir à la police de Pascagoula après la crise financière de 2008. Il arbore le meilleur taux d’élucidation et s’ennuie entre les bagarres de pochetrons à la sortie des bars et les maris jaloux.
Sur la demande du Biloxi Sun Herald, il décide donc de se pencher sur les cold cases, ces affaires jamais résolues, qui laissent des familles dans la peine et l’incertitude. Il tombe sur le cas de Melinda LaPree, une prostituée dont on a retrouvé le corps dans un fossé en septembre 1982. En cherchant les cas similaires, il tombe sur le dossier d’ossements trouvés en 1977, que l’on a nommé Jane Doe. Cette affaire va l’occuper pendant plus de douze années.
Faisant suite à un long reportage pour le magazine Society sur la vie d’un flic dans le Mississippi, l’auteur s’est rendu compte qu’il avait beaucoup d’autres choses à dire. Alors il a construit ce livre comme un roman policier, l’histoire de la chasse d’un serial killer, par un lieutenant de police qui a connu tous les honneurs mais aussi tous les déboires.
Construisant sa vie comme une compétition permanente, Darren Versiga a pour philosophie que tout ce qu’il engage doit être fait et bien fait, et en toutes circonstances il doit être le meilleur. On s’éloigne des personnages de polar brisés, Darren Versiga est méticuleux, persévérant, méthodique et doué d’un certain sens de la déduction. L’auteur nous montre que dans la vraie vie, tous les flics ne sont pas tous alcooliques et / ou drogués. Et au-delà de l’identité du meurtrier, c’est le nom de la victime qui va l’obséder.
Malgré cela, il a tendance à manquer d’humilité face aux événements qu’il ne peut contrôler. On trouve des passages passionnants, psychologiquement parlant, quand il est obligé de fermer son agence de détective privés ou quand il va subir de plein fouet l’ouragan Katrina, mettant en danger toute sa famille. Il échappe ainsi à la caricature du bon flic bien gentil, bien sous tous rapports.
Mi reportage, mi biographie, mi roman policier, ce roman écrit sobrement joue avec les genres avec une réussite surprenante. Bien que l’on n’y trouve aucun dialogue, on se prend à suivre ce lieutenant, on se passionne pour son enquête, pour sa vie et on se retrouve curieux de connaitre la fin. Voilà un roman qui m’a surpris et qui m’a changé de mes lectures habituelles.