Editeur : Albin Michel (Grand Format) ; Livre de Poche (Format Poche)
Traducteur : Nadine Gassie
Quand ce livre est sorti en grand format, je l’ai acheté de suite, en me disant que j’attendrai le bon moment, la bonne envie avant de le lire. Ce moment est arrivé … car Shining fait partie de mes lectures marquantes de jeune adulte. J’ai été surpris et emballé par cette suite.
Danny Torrance et sa mère Wendy ont réussi à s’enfuir de l’hôtel hanté, l’Overlook, et les propriétaires leur ont donné des indemnités pour l’explosion de la chaudière et les déboires qu’ils ont connus. Ils pensaient pouvoir tourner la page, jusqu’à ce que Danny voie un spectre apparaître dans leurs toilettes. Il fait donc appel au cuisinier Dick Halorann, qui lui apprend comment emprisonner les esprits dans sa tête.
Les années ont passé, mais les cauchemars et les visions n’ont jamais cessé pour Dan. Le seul moyen qu’il a trouvé est de se noyer dans l’alcool. Il lui arrive de se réveiller à coté de quelqu’un et de n’avoir aucune idée de son identité. A force de déambulations, il se retrouve à Frazier et trouve un poste d’infirmier dans l’hospice Helen Rivington en échange de la promesse d’arrêter de boire qu’il fait à Kingsley et de participer à des réunions d’Alcooliques Anonymes.
Mais son Don ne le laisse pas tranquille. Il lui permet de soulager les malades en fin de vie, mais aussi de prendre contact avec une fillette, Abra, née en 2001. Alors qu’elle avait quelques mois, elle a fait une crise de pleurs de plusieurs jours annonçant le 11 septembre. Depuis, son Don n’a cessé de grandir et elle trouve en Dan l’ami dont elle a besoin et qui comprend son état. Surtout, son pouvoir est d’une force gigantesque.
Ils s’appellent les Vrais et ils cherchent l’immortalité. Ni êtres humains, ni spectres, ils enlèvent de jeunes gens ayant le Don, les torturent jusqu’à la mort pour avaler la vapeur qui sort de leur corps. Cette brume leur apporte plus de vie. Leur troupe est menée par Rose O’Hara, Rose Claque comme l’appellent les membres du Nœud Vrai. Ils ont tous des noms étranges, et Rose est la plus puissante du groupe. D’ailleurs, Rose a ressenti une fillette très puissante. Ils vont se mettre à sa recherche.
Ceux qui ont lu Shining en gardent un souvenir énorme, comme une part de leur enfance. Ceux qui ont vu le film seront quelque peu désappointés. C’est pour cela que je vous conseille de lire Shining avant. Car toute la première partie fait la transition entre avant et après. Et après, c’est Doctor Sleep, et cela n’a rien à voir avec Shining si ce n’est le personnage principal. Vraisemblablement, Stephen King a voulu écrire une suite en écrivant autre chose, mais cet autre chose est très proche de lui et lui tient à cœur. Car ce roman regorge de passion et de thèmes forts.
La grande force, ce sont ses personnages. Danny qui devient Dan, est détestable en tant qu’alcoolique qui touche le fond au début du roman ; puis il devient touchant dans sa volonté de se racheter. Abra partage la vedette avec Dan et elle tient le haut du pavé tant sa présence est forte et sa psychologie très fouillée. Les Vrais ensuite sont effrayants au possible et par seulement Rose Claque. Tous ont une présence spectrale qui vous fait frissonner. Enfin, tous les autres personnages secondaires ont une importance et sont tous vraiment bien faits. C’est la magie King.
L’intrigue est simple : Dan va rencontrer Abra et devoir lutter contre les Vrais. Dit comme ça, ce n’est pas engageant. Mais c’est oublier le plaisir que l’on a à rencontrer des gens pas comme les autres et de visiter les Etats-Unis à travers les yeux du King. Car toute scène devient l’objet d’un mystère qui fait monter le stress, juste par de petites expressions ou par la peinture d’un décor. Et l’on se laisse bercer par le talent unique de conteur du King.
Malgré cela, on ne peut que déplorer quelques traductions maladroites et certaines expressions décidément mal choisies. De même, alors que cela fait presque une trentaine d’années que j’ai lu Shining, j’y ai trouvé quelques scènes où Stephen King étire ses descriptions. Parfois, on a l’impression qu’il remplit des pages, pour faire la bonne taille : 600 Pages.
Malgré cela, le plaisir est grand, intense. On referme le livre avec une satisfaction ajoutée à une impression d’avoir retrouvé un plaisir d’adolescent. On est heureux d’avoir ajouté ce livre à notre culture, parce qu’il parle de la lutte du Bien contre le Mal. Mais aussi parce qu’il parle de transmission : Le rôle que Dick Halorann a eu avec Danny, Dan va devoir l’assumer avec Abra. Et grâce à sa construction complexe (passage d’un personnage à l’autre, sauts dans le temps), si ce roman s’annonce comme la suite de Shining, il s’adresse tout de même à des adultes, des adultes qui veulent revenir quelques années en arrière, mais qui doivent assumer leur rôle de parent.