Editeur : Christian Bourgois (Grand Format) ; 10/18 (Format Poche)
Attention, coup de cœur ! Roman culte ! Amour inconditionnel !
Quand j’ai choisi de rendre hommage aux éditions 10/18 pour leurs 60 années d’existence, je savais que je terminerais par Un privé à Babylone de Richard Brautigan, roman que j’ai dû lire une dizaine de fois.
L’auteur :
Richard Brautigan (30 janvier 1935 – 14 septembre 1984) est un écrivain et poète américain.
Issu d’un milieu social défavorisé de la côte Ouest, Brautigan trouve sa raison d’être dans l’écriture et rejoint le mouvement littéraire de San Francisco en 1956. Il y fréquente les artistes de la Beat Generation et participe à de nombreux évènements de la contre-culture. En 1967, durant le Summer of Love, il est révélé au monde par son best-seller La Pêche à la truite en Amérique et est surnommé le « dernier des Beats ». Ses écrits suivants auront moins de succès et dès les années 1970, il tombe progressivement dans l’anonymat et l’alcoolisme. Il met fin à ses jours en septembre 1984. Son dernier roman Cahier d’un retour de Troie sera publié 10 ans plus tard en France.
Enfance
Lulu Mary « Mary Lou » Kehoe et Bernard F. Brautigan, les parents de Richard Brautigan, se marient le 18 juillet 1927 à Tacoma dans l’État de Washington, au nord de la côte Ouest américaine. Après sept ans de vie commune, ils se séparent en avril 1934. Dans ses mémoires, You Can’t Catch Death, Ianthe, la fille unique de Brautigan, rapporte ce témoignage de Mary Lou : « Je l’ai quitté [Bernard] avec tout ce que je possédais dans un sac en papier. Je ne savais pas que j’étais enceinte »
Richard Gary Brautigan naît le 30 janvier 1935 à Tacoma. Bernard Brautigan apparaît sur son acte de naissance comme étant le père. Il est cependant difficile de savoir si Bernard fut informé de ce fait. Mary Lou affirme ne le lui avoir jamais dit et Bernard, interviewé à la suite du suicide de Brautigan, s’indigne de n’avoir jamais su la chose. « Je ne sais rien de lui, excepté qu’il a le même nom de famille que moi. Pourquoi ont-ils attendu cinquante ans pour me dire que j’avais un fils ? » D’ailleurs, il est enrôlé dans l’armée américaine le 4 mai 1942 et indique sur son statut marital « divorcé, sans enfants ». Paradoxalement, à sa fille Ianthe et à un de ses meilleurs amis Keith Abbott (et futur biographe), Brautigan raconte avoir rencontré deux fois son père durant son enfance.
L’enfance de Brautigan est marquée par la pauvreté, les déménagements, les abandons et les mauvais traitements dus à ses multiples beaux-pères.
Il grandit jusqu’à l’âge de 8 ans à Tacoma. Mary Lou et le jeune Brautigan emménagent avec Arthur M. Titland, un camionneur. Le 1er mai 1939, Barbara Jo Titland voit le jour. C’est le deuxième enfant de Mary Lou et Arthur Titland en est le père officiel. En 1943, Arthur Titland part faire son service militaire dans la marine de guerre des États-Unis, en pleine Seconde Guerre mondiale.
De son côté, Mary Lou épouse Robert Geoffrey « Tex » Porterfield le 20 janvier 1943. Cette nouvelle relation fait déménager toute la famille à Eugene dans l’Oregon entre 1943 et 1944. Porterfield y travaille en tant que cuisiner. Richard passe sa scolarité en portant le nom de famille de son beau-père « Porterfield » et ne retrouve son véritable nom de famille qu’en 1953, juste avant son diplôme de fin d’études secondaires. Le 1er avril 1945, Mary Lou met au monde Sandra Jean Porterfield. C’est la deuxième demi-sœur de Brautigan alors âgé de 10 ans. La vie du couple est houleuse, faite de violence domestique et de précarité. Après plusieurs séparations, ils divorcent en juillet 1950.
La famille de Brautigan vit de l’aide sociale. À l’école, il est vu comme un marginal du fait de sa pauvreté. Leurs difficultés financières amènent également Brautigan à pêcher et chasser pour leur subsistance. Il exerçait divers petits boulots également (recyclage de bouteilles consignées, vente de vers de terre, tonte de pelouse). Bien plus tard, son roman Mémoires sauvés du vent (1982) évoque cette période.
La mère de Brautigan se marie avec William Folston en juin 1950, un mois avant son divorce officiel de Robert Porterfield.
Adolescence et début dans l’écriture
Brautigan passe sa scolarité à Woodrow Wilson Junior High School puis à Eugene High School entre 1950 et 1953. C’est durant l’année 1952 que Richard retrouve son nom d’origine. À partir de cette date, il n’utilisera plus le nom « Porterfield » mais celui de « Brautigan ». Cette même année, il publie son premier poème The Light dans le journal de son lycée. Il ne participe à aucune activité extrascolaire, ni aucun club d’étudiant. Il est décrit comme un type très grand, discret et solitaire.
Une enseignante en langue anglaise, Juliet Gibson, aurait familiarisé Brautigan à la poésie d’Emily Dickinson et de William Carlos Williams. Ces deux écrivains auront une influence notable dans le style de Brautigan.
Ses premiers poèmes sont notamment encouragés par Peter Webster, son meilleur ami. « Déjà à l’époque, c’était un grand poète et j’aimais le son de sa voix. » La famille Webster représentait un refuge pour Brautigan qui fuyait la violence et l’incompréhension de son foyer. Barbara Titland, demi-sœur de Brautigan, explique : « Mes parents le harcelaient. Ils n’ont jamais écouté ce qu’il écrivait et n’ont pas compris l’importance qu’avait l’écriture pour lui. » C’est d’ailleurs à Edna Webster, la mère de Peter, que Brautigan confie ses écrits de jeunesse avant de quitter Eugene pour San Francisco.
Le 9 juin 1953, Brautigan obtient son diplôme de fin d’études secondaires et est déterminé à devenir écrivain. Dès lors, son objectif est de rejoindre la Beat Generation à San Francisco, le centre de la révolution littéraire de l’époque.
En attendant, il travaille épisodiquement pour l’Eugene Fruit Growers Association, une usine conditionnant des haricots verts et trouve quelques autres petits boulots. Durant ces années, il écrit constamment et plusieurs de ses poèmes sont publiés.
En novembre 1955, Brautigan confie à Edna Webster plusieurs manuscrits et des effets personnels. Ces écrits, ainsi que d’autres qui viendront les rejoindre, constitueront le recueil Edna Webster Collection of Undiscovered Writings.
Séjour à l’asile de Salem
Le 14 décembre 1955, Brautigan pénètre dans le poste de police d’Eugène, déclare qu’il va commettre un délit puis brise une vitre avec une pierre et demande à être enfermé. Il est arrêté et jugé pour désordre public. Il est condamné à 10 jours de prison et à 25 dollars d’amende. Les motivations de ce geste sont plurielles. Certains évoquent le fait que les conditions de vie de Brautigan étaient tellement misérables qu’il aurait commis ce geste pour des raisons alimentaires. On rapporte aussi que ses parents le croyaient fou et envisageaient de le faire interner. Brautigan aurait également mal supporté la culpabilité liée à ses sentiments pour Linda Webster, âgée de 14 ans à l’époque.
Le 24 décembre 1955, après sept jours de prison, Brautigan est transféré à l’Oregon State Hospital pour une période d’« observation et de traitement ». Il est diagnostiqué schizophrène paranoïaque et subit douze séries d’électrochocs. Durant son hospitalisation, il prend conscience de la gravité de ses actes et met tout en œuvre pour devenir le patient modèle et sortir au plus vite de l’hôpital. Il écrit à Edna et Linda Webster pour les rassurer sur sa santé mentale. Il correspond avec D.Vincent Smith en vue de faire publier son roman The God of the Martians (encore inédit à ce jour). Brautigan s’écrit également à lui-même pour vérifier qu’il ne perd pas la mémoire à cause du traitement.
Le 19 février 1956, Brautigan est relâché de l’hôpital. Son séjour aura duré trois mois. Il quitte définitivement l’Oregon, laissant sans nouvelles sa famille. Sa mère avoua ne pas s’être soucié de son devenir dès lors. « Quand vous savez que votre enfant est célèbre, vous ne vous en faites pas pour lui, non ? » Seules Barbara et Sandra, ses demi-sœurs, tentèrent de garder le contact, sans succès jusqu’au 18 juillet 1970, où Brautigan leur signifia une fin de non-recevoir.
San Francisco 1956-1967
En automne 1956, Brautigan déménage à San Francisco. Il tente d’intégrer le milieu littéraire et y rencontre le mouvement Beat. Il gagne sa vie grâce à divers jobs, tel que la livraison de télégrammes pour Western-Union. Sans domicile fixe, il dort dans des terminaux de bus, des voitures ou des hôtels bon marché.
Brautigan fréquente « The Place » sur Grant Avenue et en particulier ses « Blabbermouth Night », un concours hebdomadaire autour d’une lecture publique, organisé par John Alley Ryan et John Gibbons Langan. On le croise aussi au Vesuvio, un bar très populaire de North Beach, et au Co-Existence Bagel Shop. Pierre Delattre, jeune pasteur protestant, dirige la mission « Bread and Wine » qui offre le couvert aux nécessiteux et diverses actions sociales. Cette mission devient le point de ralliement de la contre-culture et du Dharma Committee qui rassemble Joanne Kyger, Philip Whalen et Robert Duncan. Brautigan les rejoint pour des lectures de poésie et des repas gratuits au même titre que Bob Kaufman ou Gary Snyder.
Le 8 juin 1957, il épouse Virginia Dionne Adler. Ils vivent à North Beach et Virginia subvient aux besoins du foyer grâce à son travail de secrétariat. Brautigan, libéré des contingences matérielles, se consacre entièrement à l’écriture.
En automne 1957, l’anthologie « Four New Poets » est publiée, faisant apparaître quatre poèmes de Brautigan chez Inferno Press. Au même titre que Martin Hoberman, Carl Larsen, and James M. Singer. C’est la première fois que Brautigan apparaît dans un livre.
Enmai 1958, The Return of the Rivers est publié par Inferno Press. Ce poème est imprimé sur une double page, dans une couverture noire et est considéré comme le premier livre de Brautigan. Les 100 exemplaires produits sont tous signés de la main de Brautigan. Cette même année voit la publication chez White Rabbit Press de The Galilee Hitch-Hiker dont le leitmotiv est une représentation fictive de Charles Baudelaire. Suivi de Lay the Marble Tea en 1959 et de The Octopus Frontier, un recueil de 22 poèmes en 1960.
Le 25 mars 1960, sa fille unique Ianthe Elizabeth Brautigan naît. L’été 1961, Brautigan fait du camping en famille dans l’Idaho et commence l’écriture de son futur best-seller, La Pêche à la truite en Amérique. À Noël 1962, Brautigan et sa femme se séparent et il faudra attendre février 1970 pour le divorce officiel. Virginia part vivre à Hawaï fin 1975.
Le premier roman publié de Brautigan, Un général sudiste de Big Sur (1964), est un échec commercial. Grove Press est échaudé et refuse de publier les trois romans suivants (La Pêche à la truite en Amérique, Sucre de pastèque et L’Avortement). Le contrat qui liait Brautigan et Grove Press est rompu en 1966. Brautigan se trouve à nouveau sans revenus autres que les ventes de ses recueils de poèmes mais il persévère dans son désir de devenir un écrivain lu et reconnu. Il participe à de nombreuses lectures publiques et à des rencontres artistiques qui rythmaient la vie de San Francisco. Brautigan apparaît notamment sur la célèbre photographie de Larry Keenan The Last Gathering of Beat Poets& Artists, City Lights Books qui tente de regrouper devant la librairie les artistes Beat de 1965 à San Francisco. Sur cette photographie, on peut voir Brautigan au deuxième rang, portant un chapeau blanc.
Tandis que le mouvement Hippie prend son ampleur à San Francisco, Brautigan se rapproche en 1966 des Diggers, un groupe d’anarchistes militants du quartier de Haight-Ashbury dont il partage l’idéalisme hippie et les causes. Il admire particulièrement leurs actions envers les nécessiteux et leurs soupes populaires. Il déménage à Geary Street et devient le voisin d’Erik Weber, un ami et photographe qui réalisera la plupart des portraits promotionnels de Brautigan.
En 1966-1967, Brautigan est nommé poète en résidence au California Institute of Technology. Il participe également à plusieurs événements organisés par les Diggers, travaille à la Communication Company, leur imprimerie artisanale de propagande, et distribue des tracts dans les rues, notamment à Haight Street. Il apparaît toujours lors de diverses lectures publiques de ses écrits. The Communication Company édite un poème de Brautigan intitulé All Watched Over by Machines of Loving Grace.
Le succès de La Pêche à la truite en Amérique
La Pêche à la truite en Amérique est publié en 1967 chez Four Seasons Foundation, dirigé par Donald Allen. La presse critique et le public acclament ce livre. Brautigan multiplie les lectures publiques et les colloques à travers le pays.
L’année suivante, Four Seasons sort Sucre de pastèque et The Pill versus The Springhill Mine Disaster, un recueil de la plupart de ses précédents poèmes édités. Please Plant This Book est publié également par Graham Mackintosh. Il s’agit d’un ensemble de huit poèmes imprimés sur les sachets de graines, distribué gratuitement dans la rue.
Prévenu du succès de Brautigan sur la côte Ouest par l’intermédiaire de Kurt Vonnegut, le New Yorkais George T. Delacorte rachète les droits de La Pêche à la truite en Amérique, The Pill versus The Springhill Mine Disaster, In Watermelon Sugar à Four Seasons Foundation et compile les trois livres en un volume qui est vendu à 300 000 exemplaires l’année de sa publication. Plusieurs nouvelles de Brautigan paraissent dans les magazines Rolling Stone, Vogue et Playboy.
Delacorte publie le nouveau recueil de poèmes de Brautigan titré Rommel Drives On Deep Into Egypt en 1970. Life fait paraître en août 1970 un article dédié à Brautigan : Gentle Poet of the Young: A Cult Grows around Richard Brautigan de John Stickney.
Initialement prévu sous le label Zapple Records, un enregistrement de plusieurs poèmes et courts écrits Listening to Richard Brautigan, lu par Brautigan chez Harvest Records, une annexe britannique de Capital Records. Les prises sonores eurent lieu aux studios Golden State Recorders ainsi que dans l’appartement de Brautigan, sur Geary Street.
Les éditions Simon and Schuster publient The Revenge of the Lawn: Stories 1962-1970 et L’Avortement au début des années 1970. Brautigan est au sommet du succès et les années qui s’annoncent verront le déclin irrémédiable de cette popularité.
Bolinas
En décembre 1971, Brautigan achète une maison de style Arts & Crafts à bardeaux du début du XXème siècle faisant face à l’océan, dans la ville de Bolinas, une localité juste au nord de San Francisco. Cette demeure a été décrite comme hantée par le fantôme d’une servante chinoise qui se serait suicidée et aurait été enterrée sur la propriété. C’est dans le salon de cette maison que Brautigan mettra fin à ses jours, treize ans plus tard.
À Bolinas, on retrouve une communauté d’artistes, d’écrivains et d’éditeurs tels que Donald Allen, Bill Berkson, Ted Berrigan, Jim Carroll, Robert Creeley, Lawrence Ferlinghetti, Bobbie Louise Hawkins, Joanne Kyger, Thomas McGuane, David Meltzer, Daniel Moore, Alice Notley, Nancy Peters, Aram Saroyan et Philip Whalen. L’État de Washington décerne un prix de littérature à Brautigan pour son recueil de nouvelles La Vengeance de la pelouse en avril 1972.
Brautigan écrit Le Monstre des Hawkline en 1972 à Pine Creek, dans le Montana, à l’occasion de son premier voyage dans cet État. Il y fait la rencontre d’une communauté d’artistes surnommée le « Montana gang », comprenant des écrivains et des acteurs, tous plus ou moins voisins. Les éditions du Seuil publient la première traduction française de Brautigan : L’Avortement, en 1973.
Les grands espaces du Montana
1974 est l’année de la publication de Le Monstre des Hawkline ((en) The Hawkline Monster: A Gothic Western) et de la première traduction en français de La Pêche à la truite en Amérique et de Sucre de pastèque aux éditions Bourgois. Brautigan achète aussi un ranch à Pine Creek, dans le Montana pour avoir un pied à terre dans la région. Cette propriété de 42 acres est constituée d’une maison et d’une grange dans laquelle est aménagée une salle d’écriture avec vue sur les montagnes d’Absaroka. Il y retrouve le « Montana gang » et compte parmi ses voisins William J. Hjortsberg (futur biographe), Jim Harrison, Peter Fonda et sa femme Becky, Jeff Bridges, Warren Oates, le cinéaste Sam Peckinpah.
Willard et ses trophées de bowling (Willard and His Bowling Trophies: A Perverse Mystery) est publié en 1975. À San Francisco, les travaux bruyants sur le tunnel de Geary font quitter Geary Street à Brautigan qui déménage à Union Street.
Sa passion pour le Japon
De janvier à juillet 1976, Brautigan visite le Japon pour la première fois. Il est installé au Keio Plaza Hotel de Tokyo. Durant ces sept mois, il écrit le matériel que l’on retrouve dans Journal japonais et dans Tokyo-Montana Express. Il rencontre également Akiko Nishizawa Yoshimura qu’il épousera l’année suivante. Au Japon, il trouve la célébrité qui s’étiole en Amérique et Brautigan est un grand admirateur de certains écrivains japonais. Dès lors, Brautigan voyage régulièrement au Japon plusieurs mois par an.
Cette même année 1976, deux livres de Brautigan sont publiés : Loading Mercury With a Pitchfork, un recueil de poèmes, ainsi que Retombées de sombrero (Sombrero Fallout: A Japanese Novel). 1977 voit la publication d’un nouveau roman parodique : Un privé à Babylone (Dreaming of Babylon), reprenant les canons des romans noirs autour d’un narrateur Antihéros. Le 1er décembre 1977, Brautigan épouse Akiko Nishizawa Yoshimura à Richmond en Californie. Un nouveau recueil de poèmes profondément teinté par le Japon est publié en 1978 : Journal japonais (June 30th, June 30th).C’est en décembre 1979 que Brautigan et Akiko se séparent pour finalement divorcer en 1980.
Les livres de Brautigan ne reçoivent plus un accueil chaleureux du public et son œuvre est progressivement ignorée. Dans ce contexte peu favorable, Brautigan publie Tokyo-Montana Express et reprend ses efforts promotionnels en participant à des lectures publiques et des actions diverses pour faire connaître son nouvel ouvrage.
Sa fille, Ianthe Brautigan, épouse Paul Swensenen septembre 1981. Brautigan n’approuve pas ce mariage, estimant sa fille trop jeune pour un tel engagement (Ianthe avait alors 21 ans). Il refuse de se montrer lors de la cérémonie et il déclare « Je préférerai ton second époux. »
Pour la publication de Mémoires sauvés du vent (So The Wind Won’t Blow It All Away), Brautigan poursuit ses actions marketing et ses voyages aux États-Unis, en Europe et au Japon, mais le roman passe inaperçu et est vendu à seulement 15 000 exemplaires. Il écrit son dernier roman, An Unfortunate Woman, qui ne connaîtra qu’une publication posthume.
Son suicide à Bolinas
Le 25 octobre 1984, après un long moment sans nouvelles de Brautigan, on part à sa recherche et découvre son corps dans sa maison de Bolinas, une blessure par balle à la tête. On trouve également un revolver Smith &Wesson de calibre 44 avec une unique douille dans le barillet. L’état de décomposition du corps laisse à penser que l’auteur était mort depuis plusieurs semaines. La nouvelle du suicide de Brautigan fait le tour du monde et suscite de vives réactions de la part de ses amis et de ses lecteurs.
C’est le 14 septembre 1984 que Brautigan laisse ses derniers signes de vie. Il aurait été vu par plusieurs personnes au restaurant japonais Cho-Cho de San Francisco. Très alcoolisé, il rentre chez lui à Bolinas en fin de soirée. Marcia Clay dit l’avoir eu au téléphone peu après 23h. Brautigan prétexte devoir raccrocher pour retrouver un texte qu’il voulait lire à Marcia et cesse de répondre au téléphone malgré les multiples rappels de Marcia. Dès ce moment, seul le répondeur réceptionne les appels et plus personne n’a de nouvelles de Brautigan.
La question de la préméditation est posée. De notoriété publique, Brautigan pouvait se montrer profondément déprimé et parlait à mots plus ou moins voilés de suicide depuis bien longtemps. Brautigan se définissait essentiellement par son métier d’écrivain ; or la baisse des ventes de ses livres et l’abandon progressif du public l’entraînait sur le chemin de l’alcoolisme et de l’autodestruction. Dans ses mémoires En marge, Jim Harrison rapporte une discussion durant laquelle Brautigan déclara qu’il ne s’ôterait pas la vie tant qu’il serait capable d’écrire et tant que sa fille Ianthe dépendrait de lui. Harrison se pose également la question de l’œuf et de la poule : Brautigan était-il un « écrivain poussé au suicide ou un suicidaire devenu écrivain ? »
Le corps de Brautigan fut incinéré et ses cendres reposent dans une urne chez Ianthe Brautigan. Elle avait l’intention de l’enterrer dans un cimetière sur le littoral californien (probablement Bodega Calvary Cemetery) mais ne sachant quelle épitaphe graver dans le marbre, elle ne put se résoudre à inhumer les cendres de son père dans le cimetière.
(Source Wikipedia)
Quatrième de couverture :
San Francisco, 1942. C.Card est un détective privé dont les affaires ne marchent pas très fort. Et pour cause : au lieu de s’occuper de la sordide histoire de cadavre volé dans laquelle l’a embarqué une femme mystérieuse (et fatale, comme il se doit), ou de trouver une nouvelle secrétaire après que la précédente a claqué la porte, C.Card passe son temps à rêver. En imagination, le voici qui se transporte dans le temps et l’espace à Babylone, où il devient le fin limier le plus célèbre et adulé de la cité antique.
Détournement jubilatoire des codes du polar, portrait hilarant et poignant d’un homme pour qui la vie est littéralement un songe, Un privé à Babylone est l’un des joyaux de l’œuvre de Richard Brautigan, et sans doute l’un des romans les plus personnels de cet écrivain culte, devenu le saint patron littéraire de tous ceux qui tournent le dos au monde pour mieux le ré-enchanter par la fantaisie et la poésie.
Mon avis :
Coup de cœur ! Roman culte ! Coup de foudre !
Quand j’ai découvert ce roman, en format poche, en 1994, je suis tombé amoureux de la poésie de Richard Brautigan, de son univers loufoque et de la vision de sa vie. D’ailleurs, ne ratez sous aucun prétexte Mémoires sauvés du vent, que je considère comme un chef d’œuvre et Tokyo-Montana express pour les amateurs de nouvelles. L’auteur nous présente dans ce roman un détective privé extrêmement pauvre dans un monde absurde et noir qui ne trouve pas d’autre moyen pour s’échapper que de rêver à Babylone, lieu où il est une vedette, tantôt écrivain de science-fiction, tantôt chanteur irrésistible.
Au premier degré, Richard Brautigan utilise les codes du polar, les étrangle, les malmène, les détourne dans une enquête délirante. C.Card n’a même pas cinq cents en poche pour manger quand il décroche un potentiel client qu’il doit rencontrer dans la soirée. Il tient absolument à trouver des balles pour son revolver, et va faire le tour de ses connaissances (il n’a plus d’amis depuis bien longtemps) à qui il a déjà emprunté beaucoup d’argent.
Derrière tous les registres humoristiques possibles, Richard excelle dans les phrases définitives, nous propose des dialogues simplissimes et donc génialissimes, et nous emmène dans une quête qui commence par des balles et se termine par un cadavre dans une intrigue totalement folle. Tout cela est raconté par C.Card lui-même, le détective qui ne porte qu’une seule chaussette et qui rêve.
Derrière ce roman comique, on y trouve des portions de la vie de l’auteur, comme sa pauvreté, l’errance et le rejet de tous, les relations biaisées avec les autres, mais aussi le fait que C.Card ait tué son père à l’âge de quatre ans et que sa mère le lui reproche continuellement. Tout au long de ce roman, on ne peut qu’éprouver de la compassion pour C.Card et pour Richard Brautigan lui-même.
Et puis, on y trouve cette allégorie de Babylone, ce pays imaginaire qui lui permet de s’évader de son quotidien. Il nous parle de la force de l’imagination, de la puissance de la littérature qui nous permet de sortir du quotidien, de la poésie comme un sauvetage de l’humanité, et toujours avec un humour décalé irrésistible.
J’ai lu ce roman une dizaine de fois ; j’y reviens souvent ; il me sert de soupape, au même titre que Tous les matins je me lève de Jean-Paul Dubois. Dans ces deux romans, on y trouve un homme qui rêve, qui s’échappe grâce à la force de l’imagination. N’y cherchez pas un message personnel, il faut juste ne pas oublier le principal, lisez !
Coup de cœur ! Roman personnellement culte ! Coup de foudre !