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Oldies : Flood d’Andrew Vachss

Editeur : Presses de la cité (Grand format) ; Livre de Poche (Format poche)

Traducteur : Jacques Martinache

Les titres de la rubrique Oldies de l’année 2023 sont consacrés aux éditions du Livre de Poche pour fêter leurs 70 années d’existence.

J’ai encore beaucoup de grands romans noirs à découvrir, ce roman en est la preuve. Il nous présente un nouveau personnage récurrent, Burke, qui apparait dans 18 enquêtes, dont seulement quatre ont été publiées en France.

L’auteur :

Andrew Henry Vachss, né le 19 octobre 1942 à New York et mort le 23 novembre 2021 dans le Nord-Ouest Pacifique, est un écrivain et avocat américain, auteur de roman policier. Il remporte le grand prix de littérature policière en 1988 avec le roman La Sorcière de Brooklyn.

Après des études supérieures à l’université Case Western Reserve de Cleveland (Ohio), il obtient son diplôme en 1965. Il est ensuite chargé d’une enquête sur l’éradication de la syphilis et constate l’importance des abus sexuels dont sont victimes de très jeunes enfants.

De 1966 à 1970, il devient travailleur social dans un ghetto de New York, puis sur place pendant la dernière année de la guerre du Biafra. De retour en Amérique, il dirige un programme pour de jeunes délinquants emprisonnés et d’autres projets de nature similaire. Il reprend ses études, suit des cours de droit à l’Université de Boston et devient avocat en 1975. Il se spécialise alors dans la défense des enfants victimes de violences.

Il amorce sa carrière littéraire en 1985 avec Flood, le premier d’une série de romans noirs ayant pour héros le personnage singulier de Burke, un ancien détenu et roi de l’arnaque, devenu un détective privé new-yorkais pas toujours très honnête. Sorte de vengeur solitaire, Burke n’hésite pas à devenir un justicier pour éliminer de façon violente les sadiques qui croisent son chemin. La Sorcière de Brooklyn (Strega), deuxième roman de la série, remporte le grand prix de littérature policière en 1988.

Quatrième de couverture :

Ça grouille autour de Times Square, à New York : clients en quête de porno, petites filles juchées sur leurs hauts talons, garçonnets maquillés, marchands de chair et autres monstres. Burke est un familier de la « fosse à purin », il y pêche la vermine. Flic privé ? Un peu. Arnaqueur à l’occasion. Plutôt spécialiste de la survie. Solitaire ? Pas tout à fait. Pour surnager, il faut des amis : Michelle, le travelo intello, qui tapine en rêvant de se faire opérer en Suède ; la Taupe, sorte de gnome rondouillard, capable de vous bricoler un laser ; Max le silencieux, un Tibétain sourd-muet, expert en arts martiaux. Et Flood, un petit bout de femme, qui vous fracture trois côtes d’un coup de poing…

Mon avis :

Voilà une sacrée découverte que ce polar, premier d’une série mettant en scène Burke, un détective privé bien particulier. On ressent toute la passion de l’auteur pour les abus envers les enfants et les femmes mais aussi une vision extrêmement noire de New-York et de la société américaine. Andrew Vachss dénonce tout un pan de la violence sous-jacente qu’on ne veut surtout pas voir, ni montrer.

Par son expérience professionnelle, on se doute qu’il partage ici certaines anecdotes qu’il a rencontrées, et cela fait froid dans le dos. De la façon dont sont traitées les prostituées à la maltraitance des enfants, en passant par les films pornographiques et pire, Andrew Vachss nous dresse un portrait effrayant de la Bien-pensante Amérique, qui n’a pas évolué aujourd’hui. L’intrigue va donc s’appuyer sur ce décor, et nous montrer un New-York comme une jungle inhumaine et sans pitié pour les faibles.

En tant que premier roman d’une série, ce roman est juste remarquable. La difficulté de cet exercice est à la fois de présenter le personnage central et son entourage, et de présenter une intrigue passionnante. Burke nous est présenté comme un personnage paranoïaque, qui a installé dans son appartement de New-York toutes sortes de pièges, en cas de visite inopinée d’un potentiel ennemi. A cela, s’ajoute sa chienne Pansy dressée pour attaquer au moindre geste anormal.

Cela peut prêter à rire, et d’ailleurs, le second degré nous fait sourire. Quand Burke sort dehors, on comprend mieux sa réaction, son besoin de survie dans une faune dangereuse et violente qui n’accorde aucune chance aux plus faibles. Ce décor, cette ambiance, cette menace permanente fait peser un poids sur nos épaules, un stress permanent car on ne sait ce qui risque d’arriver la page suivante.

Burke doit retrouver Wilson un violeur pour le compte d’une jeune femme Flood, asiatique adepte des arts martiaux. Andrew Vachss nous présente Flood come une femme forte, mortelle plus que fatale, mais qui est restée une enfant dans sa tête. Il n’en n’oublie pas des scènes comiques quand Flood fait des gaffes lors de la recherche de Wilson, ni de belles séquences émotives. Mais Burke arrive à lui faire comprendre qu’elle n’arrivera pas à trouver Wilson dans ce monde ultra-violent auquel elle est étrangère.

Autour de Burke, on trouve une troupe folklorique pour laquelle on ne peut que craquer. Mama Wong, sorte d’ange gardien, l’étouffe de conseils ; Max le Silencieux est un sourd muet capable de tuer un homme avec un doigt ; La Taupe vit sous terre et se présente comme un expert en technologie ; enfin, Michèle, homme-femme, est la seule à ne pas avoir de dons et la gentille du groupe … quoique …

Et Andrew Vacchs parsème dans son roman des scènes d’une force incroyable, de celles qu’on ne peut oublier. Il enrobe tout cela avec des anecdotes que l’on devine tirées de son expérience personnelle et comme je l’ai dit, cela fait froid dans le dos. Après avoir tourné la dernière page, on comprend la démarche de survie de Burke et on se demande bien dans quel monde on vit. Quelle horreur ! Par contre, il faut absolument que je me procure les autres enquêtes de Burke, cela en devient urgent.

D’ailleurs, je lance un appel aux éditeurs volontaires : S’il vous plait, pourriez-vous éditer les 18 enquêtes de Burke ? C’est trop bien ! Et j’en profite aussi pur remercier Serge Breton membre de l’Association 813 qui a attiré mon attention sur ce roman.

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Nés sous X de Cicéron Angledroit

Editeur : Palémon

Après Sois zen et tue-le … voici le deuxième tome des aventures de Cicéron Angledroit (dit Claude Picq), René et Momo.

Margueron arrive à vivre en commettant de petits larcins avec un ou deux complices. Cette fois-ci, il a eu un bol pas possible. Suivant des braqueurs de banque, il les a vus se séparer et l’un d’eux cacher son butin dans une maison avant de ressortir. Margueron n’avait eu qu’à entrer par effraction et mettre la main sur quelques belles liasses, qu’il ne devrait pas partager pour une fois.

René vient déranger Cicéron alors qu’il garde sa fille, pour lui proposer une nouvelle affaire, une affaire pas ordinaire. Margueron déjà attablé au bar de l’Interpascher lui montre la une du Parisien, une rafle spectaculaire de la police à Mennecy. Bizarre que la police ait débarqué  une demi-heure après Margueron dans la maison où la braqueur a déposé son butin. Mais chose plus étrange encore, le braqueur que Margueron a suivi pose en photo, non pas avec les menottes aux mains mais en tant que policier ayant procédé à l’interpellation. Il y a du pourri dans l’air !

Cette affaire ne va pas lui mettre plus de beurre dans les épinards. Mourad N’Guyen, son peut-être futur potentiel client et connaissance de René, Il lui montre un extrait de journal des Yvelines où, lors d’une prise d’otages, le forcené a été tué. A première vue, ce n’est qu’un fait divers, mais l’homme en question est le sosie, trait pour trait, de Mourad. A Cicéron de trouver une potentielle possible lignée, pour un plein gratuit pour la Fiat, car Mourad tient la pompe à essence.

On retrouve donc nos trois compères dans de nouvelles aventures avec au centre Cicéron qui aimerait passer plus de temps avec sa fille. Mais entre l’envie de faire tomber des flics pourris pour aider le commissaire Saint Antoine (ce dernier n’avait pas de nom dans le premier tome, et puis avouez que c’est un bel hommage !) et cette mystérieuse histoire de ressemblance, il a de quoi faire !

Bref, ce que j’aime, c’est l’impression de suivre Cicéron dans ses pérégrinations, comme si elles étaient improvisées, de goutter à ses réflexions et ses détournements de la langue française (il y en a moins que dans le premier tome) et son ton toujours décontracté et humoristique (il n’y a que les contrepèteries où je passe au travers). Ajoutez-y une pincée de sexe, une grosse louchée de personnages frappés avec leurs descriptions à l’avenant et vous obtenez un bien agréable divertissement.

La contrée finale de James Crumley

Editeur : Gallmeister

Traducteur : Jacques Mailhos

Illustrateur : Baudoin

Mon petit plaisir de fin d’année ; mon grand, mon énorme nirvana ; mon incommensurable tristesse de se dire qu’il s’agit de la dernière aventure De Milo Milodragovitch, mais quelle aventure !

Alors qu’il a récupéré son héritage accompagné de plusieurs kilogrammes de drogues dérobés à des trafiquants, Milo s’est rangé des problèmes et a investi dans un bar, le Low Water Crossing Bar and grill qui marche bien. Après quatre mariages et quatre divorces, il vit maintenant avec Betty Porterfield dans un ranch au Texas et a délaissé son Montana. Mais il lui manque le rythme, l’adrénaline du danger et vient de recevoir sa licence de détective privé.

En route vers le comté de Travis, que les habitants eux-mêmes appellent Le Mauvais Coin, sa mission consiste à retrouver Carol Jean, la femme d’un timide professeur Joe Warren. Il la trouve sans difficultés dans un bar malfamé, nommé Over the Line, en train de jouer au billard. Après une échauffourée, il lui conseille de retrouver son mari plutôt que de déclencher des bagarres avec ses obus artificiels en silicone.

Il y fait la connaissance de Enos Walker, un type à chercher constamment la bagarre, qu’il ait bu ou non. Apparemment, il vient de tuer à bout portant un homme dans la salle du fond. Après avoir noté le nom de Sissy Duval, il voit Walker partir et appelle les flics. Le capitaine Gannon l’interroge et lui demande de retrouver Walker qui vient de sortir de prison mais Milo va le rechercher pour lui éviter d’autres ennuis, avec des truands ou la police. « Tout le monde, ici, est soit un étranger, soit une personne étrange ».

Et c’est parti … Comme il sait si bien le faire, James Crumley part d’une simple recherche pour créer une intrigue qui part dans tous les sens, pour aboutir dans les dernières pages à la résolution des énigmes en une seule phrase. On a droit à du grand art, à de la baston, des fusillades, du sexe et des visites de bas-fonds. Car où que l’on regarde, où que l’on aille, le Texas regorge d’endroits malfamés.

Et Milo ressemble à un aimant à emmerdes. Dès qu’il va quelque part, cela va mal tourner, et ces scènes incroyablement visuelles s’insèrent parfaitement dans l’intrigue. Et puis, dans un moment de calme, entre deux phrases de dialogue aux réparties saignantes et irrésistiblement hilarantes, la plume de James Crumley se fait légère, imagée, poétique et le lecteur fond.

James Crumley n’a pas son pareil pour nous faire croire à des rades miteux et poussiéreux, à nous faire vivre des bagarres mémorables, à nous asséner des fusillades bruyantes, à nous faire participer à des nuits enfiévrées dans une histoire tortueuse à souhait. On le suit dans ses pérégrinations avec un plaisir incommensurable et son histoire est bien plus compréhensible que celle des Serpents de la frontière.

Et puis, il faut se le dire, ce roman ressemble à un geste d’adieu. Milo subit sa soixantaine et ressent bien les affres de l’âge. Il ne peut plus prendre de l’alcool ou de la drogue sans en ressentir les conséquences le lendemain, il est plus lent, se prend plus de coups. On entend ses os craquer, sa fatigue prend le dessus et les dernières pages m’ont fait ressentir une immense tristesse, celle de quitter un personnage hors-norme. Le crépuscule d’un géant.

Oldies : Un privé à Babylone de Richard Brautigan

Editeur : Christian Bourgois (Grand Format) ; 10/18 (Format Poche)

Attention, coup de cœur ! Roman culte ! Amour inconditionnel !

Quand j’ai choisi de rendre hommage aux éditions 10/18 pour leurs 60 années d’existence, je savais que je terminerais par Un privé à Babylone de Richard Brautigan, roman que j’ai dû lire une dizaine de fois.

L’auteur : 

Richard Brautigan (30 janvier 1935 – 14 septembre 1984) est un écrivain et poète américain.

Issu d’un milieu social défavorisé de la côte Ouest, Brautigan trouve sa raison d’être dans l’écriture et rejoint le mouvement littéraire de San Francisco en 1956. Il y fréquente les artistes de la Beat Generation et participe à de nombreux évènements de la contre-culture. En 1967, durant le Summer of Love, il est révélé au monde par son best-seller La Pêche à la truite en Amérique et est surnommé le « dernier des Beats ». Ses écrits suivants auront moins de succès et dès les années 1970, il tombe progressivement dans l’anonymat et l’alcoolisme. Il met fin à ses jours en septembre 1984. Son dernier roman Cahier d’un retour de Troie sera publié 10 ans plus tard en France.

Enfance

Lulu Mary « Mary Lou » Kehoe et Bernard F. Brautigan, les parents de Richard Brautigan, se marient le 18 juillet 1927 à Tacoma dans l’État de Washington, au nord de la côte Ouest américaine. Après sept ans de vie commune, ils se séparent en avril 1934. Dans ses mémoires, You Can’t Catch Death, Ianthe, la fille unique de Brautigan, rapporte ce témoignage de Mary Lou : « Je l’ai quitté [Bernard] avec tout ce que je possédais dans un sac en papier. Je ne savais pas que j’étais enceinte »

Richard Gary Brautigan naît le 30 janvier 1935 à Tacoma. Bernard Brautigan apparaît sur son acte de naissance comme étant le père. Il est cependant difficile de savoir si Bernard fut informé de ce fait. Mary Lou affirme ne le lui avoir jamais dit et Bernard, interviewé à la suite du suicide de Brautigan, s’indigne de n’avoir jamais su la chose. « Je ne sais rien de lui, excepté qu’il a le même nom de famille que moi. Pourquoi ont-ils attendu cinquante ans pour me dire que j’avais un fils ? » D’ailleurs, il est enrôlé dans l’armée américaine le 4 mai 1942 et indique sur son statut marital « divorcé, sans enfants ». Paradoxalement, à sa fille Ianthe et à un de ses meilleurs amis Keith Abbott (et futur biographe), Brautigan raconte avoir rencontré deux fois son père durant son enfance.

L’enfance de Brautigan est marquée par la pauvreté, les déménagements, les abandons et les mauvais traitements dus à ses multiples beaux-pères.

Il grandit jusqu’à l’âge de 8 ans à Tacoma. Mary Lou et le jeune Brautigan emménagent avec Arthur M. Titland, un camionneur. Le 1er mai 1939, Barbara Jo Titland voit le jour. C’est le deuxième enfant de Mary Lou et Arthur Titland en est le père officiel. En 1943, Arthur Titland part faire son service militaire dans la marine de guerre des États-Unis, en pleine Seconde Guerre mondiale.

De son côté, Mary Lou épouse Robert Geoffrey « Tex » Porterfield le 20 janvier 1943. Cette nouvelle relation fait déménager toute la famille à Eugene dans l’Oregon entre 1943 et 1944. Porterfield y travaille en tant que cuisiner. Richard passe sa scolarité en portant le nom de famille de son beau-père « Porterfield » et ne retrouve son véritable nom de famille qu’en 1953, juste avant son diplôme de fin d’études secondaires. Le 1er avril 1945, Mary Lou met au monde Sandra Jean Porterfield. C’est la deuxième demi-sœur de Brautigan alors âgé de 10 ans. La vie du couple est houleuse, faite de violence domestique et de précarité. Après plusieurs séparations, ils divorcent en juillet 1950.

La famille de Brautigan vit de l’aide sociale. À l’école, il est vu comme un marginal du fait de sa pauvreté. Leurs difficultés financières amènent également Brautigan à pêcher et chasser pour leur subsistance. Il exerçait divers petits boulots également (recyclage de bouteilles consignées, vente de vers de terre, tonte de pelouse). Bien plus tard, son roman Mémoires sauvés du vent (1982) évoque cette période.

La mère de Brautigan se marie avec William Folston en juin 1950, un mois avant son divorce officiel de Robert Porterfield.

Adolescence et début dans l’écriture

Brautigan passe sa scolarité à Woodrow Wilson Junior High School puis à Eugene High School entre 1950 et 1953. C’est durant l’année 1952 que Richard retrouve son nom d’origine. À partir de cette date, il n’utilisera plus le nom « Porterfield » mais celui de « Brautigan ». Cette même année, il publie son premier poème The Light dans le journal de son lycée. Il ne participe à aucune activité extrascolaire, ni aucun club d’étudiant. Il est décrit comme un type très grand, discret et solitaire.

Une enseignante en langue anglaise, Juliet Gibson, aurait familiarisé Brautigan à la poésie d’Emily Dickinson et de William Carlos Williams. Ces deux écrivains auront une influence notable dans le style de Brautigan.

Ses premiers poèmes sont notamment encouragés par Peter Webster, son meilleur ami. « Déjà à l’époque, c’était un grand poète et j’aimais le son de sa voix. » La famille Webster représentait un refuge pour Brautigan qui fuyait la violence et l’incompréhension de son foyer. Barbara Titland, demi-sœur de Brautigan, explique : « Mes parents le harcelaient. Ils n’ont jamais écouté ce qu’il écrivait et n’ont pas compris l’importance qu’avait l’écriture pour lui.  » C’est d’ailleurs à Edna Webster, la mère de Peter, que Brautigan confie ses écrits de jeunesse avant de quitter Eugene pour San Francisco.

Le 9 juin 1953, Brautigan obtient son diplôme de fin d’études secondaires et est déterminé à devenir écrivain. Dès lors, son objectif est de rejoindre la Beat Generation à San Francisco, le centre de la révolution littéraire de l’époque.

En attendant, il travaille épisodiquement pour l’Eugene Fruit Growers Association, une usine conditionnant des haricots verts et trouve quelques autres petits boulots. Durant ces années, il écrit constamment et plusieurs de ses poèmes sont publiés.

En novembre 1955, Brautigan confie à Edna Webster plusieurs manuscrits et des effets personnels. Ces écrits, ainsi que d’autres qui viendront les rejoindre, constitueront le recueil Edna Webster Collection of Undiscovered Writings.

Séjour à l’asile de Salem

Le 14 décembre 1955, Brautigan pénètre dans le poste de police d’Eugène, déclare qu’il va commettre un délit puis brise une vitre avec une pierre et demande à être enfermé. Il est arrêté et jugé pour désordre public. Il est condamné à 10 jours de prison et à 25 dollars d’amende. Les motivations de ce geste sont plurielles. Certains évoquent le fait que les conditions de vie de Brautigan étaient tellement misérables qu’il aurait commis ce geste pour des raisons alimentaires. On rapporte aussi que ses parents le croyaient fou et envisageaient de le faire interner. Brautigan aurait également mal supporté la culpabilité liée à ses sentiments pour Linda Webster, âgée de 14 ans à l’époque.

Le 24 décembre 1955, après sept jours de prison, Brautigan est transféré à l’Oregon State Hospital pour une période d’« observation et de traitement ». Il est diagnostiqué schizophrène paranoïaque et subit douze séries d’électrochocs. Durant son hospitalisation, il prend conscience de la gravité de ses actes et met tout en œuvre pour devenir le patient modèle et sortir au plus vite de l’hôpital. Il écrit à Edna et Linda Webster pour les rassurer sur sa santé mentale. Il correspond avec D.Vincent Smith en vue de faire publier son roman The God of the Martians (encore inédit à ce jour). Brautigan s’écrit également à lui-même pour vérifier qu’il ne perd pas la mémoire à cause du traitement.

Le 19 février 1956, Brautigan est relâché de l’hôpital. Son séjour aura duré trois mois. Il quitte définitivement l’Oregon, laissant sans nouvelles sa famille. Sa mère avoua ne pas s’être soucié de son devenir dès lors. « Quand vous savez que votre enfant est célèbre, vous ne vous en faites pas pour lui, non ? » Seules Barbara et Sandra, ses demi-sœurs, tentèrent de garder le contact, sans succès jusqu’au 18 juillet 1970, où Brautigan leur signifia une fin de non-recevoir.

San Francisco 1956-1967

En automne 1956, Brautigan déménage à San Francisco. Il tente d’intégrer le milieu littéraire et y rencontre le mouvement Beat. Il gagne sa vie grâce à divers jobs, tel que la livraison de télégrammes pour Western-Union. Sans domicile fixe, il dort dans des terminaux de bus, des voitures ou des hôtels bon marché.

Brautigan fréquente « The Place » sur Grant Avenue et en particulier ses « Blabbermouth Night », un concours hebdomadaire autour d’une lecture publique, organisé par John Alley Ryan et John Gibbons Langan. On le croise aussi au Vesuvio, un bar très populaire de North Beach, et au Co-Existence Bagel Shop. Pierre Delattre, jeune pasteur protestant, dirige la mission « Bread and Wine » qui offre le couvert aux nécessiteux et diverses actions sociales. Cette mission devient le point de ralliement de la contre-culture et du Dharma Committee qui rassemble Joanne Kyger, Philip Whalen et Robert Duncan. Brautigan les rejoint pour des lectures de poésie et des repas gratuits au même titre que Bob Kaufman ou Gary Snyder.

Le 8 juin 1957, il épouse Virginia Dionne Adler. Ils vivent à North Beach et Virginia subvient aux besoins du foyer grâce à son travail de secrétariat. Brautigan, libéré des contingences matérielles, se consacre entièrement à l’écriture.

En automne 1957, l’anthologie « Four New Poets » est publiée, faisant apparaître quatre poèmes de Brautigan chez Inferno Press. Au même titre que Martin Hoberman, Carl Larsen, and James M. Singer. C’est la première fois que Brautigan apparaît dans un livre.

Enmai 1958, The Return of the Rivers est publié par Inferno Press. Ce poème est imprimé sur une double page, dans une couverture noire et est considéré comme le premier livre de Brautigan. Les 100 exemplaires produits sont tous signés de la main de Brautigan. Cette même année voit la publication chez White Rabbit Press de The Galilee Hitch-Hiker dont le leitmotiv est une représentation fictive de Charles Baudelaire. Suivi de Lay the Marble Tea en 1959 et de The Octopus Frontier, un recueil de 22 poèmes en 1960.

Le 25 mars 1960, sa fille unique Ianthe Elizabeth Brautigan naît. L’été 1961, Brautigan fait du camping en famille dans l’Idaho et commence l’écriture de son futur best-seller, La Pêche à la truite en Amérique. À Noël 1962, Brautigan et sa femme se séparent et il faudra attendre février 1970 pour le divorce officiel. Virginia part vivre à Hawaï fin 1975.

Le premier roman publié de Brautigan, Un général sudiste de Big Sur (1964), est un échec commercial. Grove Press est échaudé et refuse de publier les trois romans suivants (La Pêche à la truite en Amérique, Sucre de pastèque et L’Avortement). Le contrat qui liait Brautigan et Grove Press est rompu en 1966. Brautigan se trouve à nouveau sans revenus autres que les ventes de ses recueils de poèmes mais il persévère dans son désir de devenir un écrivain lu et reconnu. Il participe à de nombreuses lectures publiques et à des rencontres artistiques qui rythmaient la vie de San Francisco. Brautigan apparaît notamment sur la célèbre photographie de Larry Keenan The Last Gathering of Beat Poets& Artists, City Lights Books qui tente de regrouper devant la librairie les artistes Beat de 1965 à San Francisco. Sur cette photographie, on peut voir Brautigan au deuxième rang, portant un chapeau blanc.

Tandis que le mouvement Hippie prend son ampleur à San Francisco, Brautigan se rapproche en 1966 des Diggers, un groupe d’anarchistes militants du quartier de Haight-Ashbury dont il partage l’idéalisme hippie et les causes. Il admire particulièrement leurs actions envers les nécessiteux et leurs soupes populaires. Il déménage à Geary Street et devient le voisin d’Erik Weber, un ami et photographe qui réalisera la plupart des portraits promotionnels de Brautigan.

En 1966-1967, Brautigan est nommé poète en résidence au California Institute of Technology. Il participe également à plusieurs événements organisés par les Diggers, travaille à la Communication Company, leur imprimerie artisanale de propagande, et distribue des tracts dans les rues, notamment à Haight Street. Il apparaît toujours lors de diverses lectures publiques de ses écrits. The Communication Company édite un poème de Brautigan intitulé All Watched Over by Machines of Loving Grace.

Le succès de La Pêche à la truite en Amérique

La Pêche à la truite en Amérique est publié en 1967 chez Four Seasons Foundation, dirigé par Donald Allen. La presse critique et le public acclament ce livre. Brautigan multiplie les lectures publiques et les colloques à travers le pays.

L’année suivante, Four Seasons sort Sucre de pastèque et The Pill versus The Springhill Mine Disaster, un recueil de la plupart de ses précédents poèmes édités. Please Plant This Book est publié également par Graham Mackintosh. Il s’agit d’un ensemble de huit poèmes imprimés sur les sachets de graines, distribué gratuitement dans la rue.

Prévenu du succès de Brautigan sur la côte Ouest par l’intermédiaire de Kurt Vonnegut, le New Yorkais George T. Delacorte rachète les droits de La Pêche à la truite en Amérique, The Pill versus The Springhill Mine Disaster, In Watermelon Sugar à Four Seasons Foundation et compile les trois livres en un volume qui est vendu à 300 000 exemplaires l’année de sa publication. Plusieurs nouvelles de Brautigan paraissent dans les magazines Rolling Stone, Vogue et Playboy.

Delacorte publie le nouveau recueil de poèmes de Brautigan titré Rommel Drives On Deep Into Egypt en 1970. Life fait paraître en août 1970 un article dédié à Brautigan : Gentle Poet of the Young: A Cult Grows around Richard Brautigan de John Stickney.

Initialement prévu sous le label Zapple Records, un enregistrement de plusieurs poèmes et courts écrits Listening to Richard Brautigan, lu par Brautigan chez Harvest Records, une annexe britannique de Capital Records. Les prises sonores eurent lieu aux studios Golden State Recorders ainsi que dans l’appartement de Brautigan, sur Geary Street.

Les éditions Simon and Schuster publient The Revenge of the Lawn: Stories 1962-1970 et L’Avortement au début des années 1970. Brautigan est au sommet du succès et les années qui s’annoncent verront le déclin irrémédiable de cette popularité.

Bolinas

En décembre 1971, Brautigan achète une maison de style Arts & Crafts à bardeaux du début du XXème siècle faisant face à l’océan, dans la ville de Bolinas, une localité juste au nord de San Francisco. Cette demeure a été décrite comme hantée par le fantôme d’une servante chinoise qui se serait suicidée et aurait été enterrée sur la propriété. C’est dans le salon de cette maison que Brautigan mettra fin à ses jours, treize ans plus tard.

À Bolinas, on retrouve une communauté d’artistes, d’écrivains et d’éditeurs tels que Donald Allen, Bill Berkson, Ted Berrigan, Jim Carroll, Robert Creeley, Lawrence Ferlinghetti, Bobbie Louise Hawkins, Joanne Kyger, Thomas McGuane, David Meltzer, Daniel Moore, Alice Notley, Nancy Peters, Aram Saroyan et Philip Whalen. L’État de Washington décerne un prix de littérature à Brautigan pour son recueil de nouvelles La Vengeance de la pelouse en avril 1972.

Brautigan écrit Le Monstre des Hawkline en 1972 à Pine Creek, dans le Montana, à l’occasion de son premier voyage dans cet État. Il y fait la rencontre d’une communauté d’artistes surnommée le « Montana gang », comprenant des écrivains et des acteurs, tous plus ou moins voisins. Les éditions du Seuil publient la première traduction française de Brautigan : L’Avortement, en 1973.

Les grands espaces du Montana

1974 est l’année de la publication de Le Monstre des Hawkline ((en) The Hawkline Monster: A Gothic Western) et de la première traduction en français de La Pêche à la truite en Amérique et de Sucre de pastèque aux éditions Bourgois. Brautigan achète aussi un ranch à Pine Creek, dans le Montana pour avoir un pied à terre dans la région. Cette propriété de 42 acres est constituée d’une maison et d’une grange dans laquelle est aménagée une salle d’écriture avec vue sur les montagnes d’Absaroka. Il y retrouve le « Montana gang » et compte parmi ses voisins William J. Hjortsberg (futur biographe), Jim Harrison, Peter Fonda et sa femme Becky, Jeff Bridges, Warren Oates, le cinéaste Sam Peckinpah.

Willard et ses trophées de bowling (Willard and His Bowling Trophies: A Perverse Mystery) est publié en 1975. À San Francisco, les travaux bruyants sur le tunnel de Geary font quitter Geary Street à Brautigan qui déménage à Union Street.

Sa passion pour le Japon

De janvier à juillet 1976, Brautigan visite le Japon pour la première fois. Il est installé au Keio Plaza Hotel de Tokyo. Durant ces sept mois, il écrit le matériel que l’on retrouve dans Journal japonais et dans Tokyo-Montana Express. Il rencontre également Akiko Nishizawa Yoshimura qu’il épousera l’année suivante. Au Japon, il trouve la célébrité qui s’étiole en Amérique et Brautigan est un grand admirateur de certains écrivains japonais. Dès lors, Brautigan voyage régulièrement au Japon plusieurs mois par an.

Cette même année 1976, deux livres de Brautigan sont publiés : Loading Mercury With a Pitchfork, un recueil de poèmes, ainsi que Retombées de sombrero (Sombrero Fallout: A Japanese Novel). 1977 voit la publication d’un nouveau roman parodique : Un privé à Babylone (Dreaming of Babylon), reprenant les canons des romans noirs autour d’un narrateur Antihéros. Le 1er décembre 1977, Brautigan épouse Akiko Nishizawa Yoshimura à Richmond en Californie. Un nouveau recueil de poèmes profondément teinté par le Japon est publié en 1978 : Journal japonais (June 30th, June 30th).C’est en décembre 1979 que Brautigan et Akiko se séparent pour finalement divorcer en 1980.

Les livres de Brautigan ne reçoivent plus un accueil chaleureux du public et son œuvre est progressivement ignorée. Dans ce contexte peu favorable, Brautigan publie Tokyo-Montana Express et reprend ses efforts promotionnels en participant à des lectures publiques et des actions diverses pour faire connaître son nouvel ouvrage.

Sa fille, Ianthe Brautigan, épouse Paul Swensenen septembre 1981. Brautigan n’approuve pas ce mariage, estimant sa fille trop jeune pour un tel engagement (Ianthe avait alors 21 ans). Il refuse de se montrer lors de la cérémonie et il déclare « Je préférerai ton second époux. »

Pour la publication de Mémoires sauvés du vent (So The Wind Won’t Blow It All Away), Brautigan poursuit ses actions marketing et ses voyages aux États-Unis, en Europe et au Japon, mais le roman passe inaperçu et est vendu à seulement 15 000 exemplaires. Il écrit son dernier roman, An Unfortunate Woman, qui ne connaîtra qu’une publication posthume.

Son suicide à Bolinas

Le 25 octobre 1984, après un long moment sans nouvelles de Brautigan, on part à sa recherche et découvre son corps dans sa maison de Bolinas, une blessure par balle à la tête. On trouve également un revolver Smith &Wesson de calibre 44 avec une unique douille dans le barillet. L’état de décomposition du corps laisse à penser que l’auteur était mort depuis plusieurs semaines. La nouvelle du suicide de Brautigan fait le tour du monde et suscite de vives réactions de la part de ses amis et de ses lecteurs.

C’est le 14 septembre 1984 que Brautigan laisse ses derniers signes de vie. Il aurait été vu par plusieurs personnes au restaurant japonais Cho-Cho de San Francisco. Très alcoolisé, il rentre chez lui à Bolinas en fin de soirée. Marcia Clay dit l’avoir eu au téléphone peu après 23h. Brautigan prétexte devoir raccrocher pour retrouver un texte qu’il voulait lire à Marcia et cesse de répondre au téléphone malgré les multiples rappels de Marcia. Dès ce moment, seul le répondeur réceptionne les appels et plus personne n’a de nouvelles de Brautigan.

La question de la préméditation est posée. De notoriété publique, Brautigan pouvait se montrer profondément déprimé et parlait à mots plus ou moins voilés de suicide depuis bien longtemps. Brautigan se définissait essentiellement par son métier d’écrivain ; or la baisse des ventes de ses livres et l’abandon progressif du public l’entraînait sur le chemin de l’alcoolisme et de l’autodestruction. Dans ses mémoires En marge, Jim Harrison rapporte une discussion durant laquelle Brautigan déclara qu’il ne s’ôterait pas la vie tant qu’il serait capable d’écrire et tant que sa fille Ianthe dépendrait de lui. Harrison se pose également la question de l’œuf et de la poule : Brautigan était-il un « écrivain poussé au suicide ou un suicidaire devenu écrivain ? »

Le corps de Brautigan fut incinéré et ses cendres reposent dans une urne chez Ianthe Brautigan. Elle avait l’intention de l’enterrer dans un cimetière sur le littoral californien (probablement Bodega Calvary Cemetery) mais ne sachant quelle épitaphe graver dans le marbre, elle ne put se résoudre à inhumer les cendres de son père dans le cimetière.

(Source Wikipedia)

Quatrième de couverture :

San Francisco, 1942. C.Card est un détective privé dont les affaires ne marchent pas très fort. Et pour cause : au lieu de s’occuper de la sordide histoire de cadavre volé dans laquelle l’a embarqué une femme mystérieuse (et fatale, comme il se doit), ou de trouver une nouvelle secrétaire après que la précédente a claqué la porte, C.Card passe son temps à rêver. En imagination, le voici qui se transporte dans le temps et l’espace à Babylone, où il devient le fin limier le plus célèbre et adulé de la cité antique.

Détournement jubilatoire des codes du polar, portrait hilarant et poignant d’un homme pour qui la vie est littéralement un songe, Un privé à Babylone est l’un des joyaux de l’œuvre de Richard Brautigan, et sans doute l’un des romans les plus personnels de cet écrivain culte, devenu le saint patron littéraire de tous ceux qui tournent le dos au monde pour mieux le ré-enchanter par la fantaisie et la poésie.

Mon avis :

Coup de cœur ! Roman culte ! Coup de foudre !

Quand j’ai découvert ce roman, en format poche, en 1994, je suis tombé amoureux de la poésie de Richard Brautigan, de son univers loufoque et de la vision de sa vie. D’ailleurs, ne ratez sous aucun prétexte Mémoires sauvés du vent, que je considère comme un chef d’œuvre et Tokyo-Montana express pour les amateurs de nouvelles. L’auteur nous présente dans ce roman un détective privé extrêmement pauvre dans un monde absurde et noir qui ne trouve pas d’autre moyen pour s’échapper que de rêver à Babylone, lieu où il est une vedette, tantôt écrivain de science-fiction, tantôt chanteur irrésistible.

Au premier degré, Richard Brautigan utilise les codes du polar, les étrangle, les malmène, les détourne dans une enquête délirante. C.Card n’a même pas cinq cents en poche pour manger quand il décroche un potentiel client qu’il doit rencontrer dans la soirée. Il tient absolument à trouver des balles pour son revolver, et va faire le tour de ses connaissances (il n’a plus d’amis depuis bien longtemps) à qui il a déjà emprunté beaucoup d’argent.

Derrière tous les registres humoristiques possibles, Richard excelle dans les phrases définitives, nous propose des dialogues simplissimes et donc génialissimes, et nous emmène dans une quête qui commence par des balles et se termine par un cadavre dans une intrigue totalement folle. Tout cela est raconté par C.Card lui-même, le détective qui ne porte qu’une seule chaussette et qui rêve.

Derrière ce roman comique, on y trouve des portions de la vie de l’auteur, comme sa pauvreté, l’errance et le rejet de tous, les relations biaisées avec les autres, mais aussi le fait que C.Card ait tué son père à l’âge de quatre ans et que sa mère le lui reproche continuellement. Tout au long de ce roman, on ne peut qu’éprouver de la compassion pour C.Card et pour Richard Brautigan lui-même.

Et puis, on y trouve cette allégorie de Babylone, ce pays imaginaire qui lui permet de s’évader de son quotidien. Il nous parle de la force de l’imagination, de la puissance de la littérature qui nous permet de sortir du quotidien, de la poésie comme un sauvetage de l’humanité, et toujours avec un humour décalé irrésistible.

J’ai lu ce roman une dizaine de fois ; j’y reviens souvent ; il me sert de soupape, au même titre que Tous les matins je me lève de Jean-Paul Dubois. Dans ces deux romans, on y trouve un homme qui rêve, qui s’échappe grâce à la force de l’imagination. N’y cherchez pas un message personnel, il faut juste ne pas oublier le principal, lisez !

Coup de cœur ! Roman personnellement culte ! Coup de foudre !

Le coup tordu de Bill Pronzini

Editeur : Gallimard – Série Noire

Traducteur : Michel Deutsch

Bill Pronzini est un auteur prolifique que je n’avais lu, alors qu’il a abordé tous les genres. Le coup tordu est donc une découverte pour moi.

Le détective privé narrateur de cette histoire a rendez-vous à Tamarack Drive, dans une riche propriété. Peu habitué à ce luxe, il admire le jardin impeccable et la résidence imposante. Il a rendez-vous avec M.Martinetti et est accueilli par son secrétaire particulier Dean Proxmire.

En entrant, il s’aperçoit que Louis Martinetti est accompagné d’Allan Channing. Les deux hommes ont fait fortune grâce à de gros investissements, Martinetti se fiant à son instinct, plus tête brûlée alors que Channing préfère les placements sûrs. Les deux hommes vont lui présenter la mission qu’ils vont lui confier.

Le matin-même, un dénommé M.Edmonds s’est présenté à l’académie militaire Sandhurst avec une lettre demandant à ce que le jeune Gary Martinetti lui soit confié. Quelques heures plus tard, une rançon de 300 000 dollars était demandée. Martinetti va lui confier la tâche d’amener la somme d’argent aux ravisseurs. Evidemment, rien ne va se passer comme prévu …

Ce roman est le premier de la série du « Nameless », le détective sans nom. Dès les premières pages, j’ai été agréablement surpris par la fluidité du style mais aussi de la grande qualité de la traduction. On peut aussi rapprocher ce roman de la veine behavioriste, puisque la psychologie des personnages est définie par leurs actes.

Nameless, en bon détective privé, va s’attacher aux détails, on le trouve d’emblée pointilleux dans sa façon de regarder les décors, d’analyser les réactions de ses interlocuteurs. Se portant bien, pour ne pas dire obèse, il a passé 15 années dans la police avant de travailler à son compte. Bill Pronzini prend à rebours les codes de l’époque, avec un détective ni alcoolique, ni déprimé.

Bien que l’intrigue soit d’une simplicité extrême, ce roman nous fait passer un très agréable moment et nous réserve une fin bien surprenante. Et je dois remercier mon ami du sud qui m’a donné ce roman, il se reconnaitra.

Sois zen et tue-le de Cicéron Angledroit

Editeur : Palémon

Cela faisait un moment que je voulais me lancer dans la série de polars humoristiques de Cicéron Angledroit, dit Claude Picq. J’ai mis un peu de temps à me procurer le premier tome, sans doute épuisé, et ça y est ! A la lecture du nom de l’auteur, on sait à quoi s’attendre : tout ce qui est narré n’est pas sérieux et a un unique objectif : nous divertir.

Cicéron Angledroit, notre détective narrateur, traverse une mauvaise passe financière. La seule affaire qu’on lui propose de résoudre consiste à trouver la cause de la mort du mari de madame Costa, survenu dix ans plus tôt ! On pourrait penser que la vieille débloque à plein tube mais comme elle semble motivée à dépenser de l’argent, Cicéron ne peut laisser échapper cette enquête.

Chaque matin, Cicéron va boire son café au bar de la galerie marchande de l’Interpascher. Juste avant qu’il entre, une déflagration intervient. Momo, le SDF qui squatte le lieu a perdu son bras dans l’explosion, qui allé se figer dans le ventilateur du plafond, distribuant une pluie de sang qu’un Yorkshire déguste comme du petit lait. Cicéron a tout juste le temps d’aller au bar avant que la police ne boucle les lieux.

Au bar, il retrouve René, chargé de ramener et ranger les caddies. Momo est son pote et il ira lui rendre visite à l’hôpital dès qu’il sera sauvé. Quant à Cicéron, il poursuit sa journée en retrouvant sa fille Elvira lors d’un déjeuner chez sa mère. René, Momo et Cicéron vont donc trouver la solution à ces deux énigmes : la mort de Costa et le ou les auteurs des attentats qui vont ensanglanter la paisible ville de banlieue de Vitry.

Ils sont quelques-uns à porter haut l’étendard des héritiers de San Antonio (ou de Michel Audiard pour les bons mots). Parmi eux, je citerai Stanislas Petroski et sa série de Requiem, ou Samuel Sutra et sa série de Tonton, ainsi que Nick Gardel. Il va me falloir rajouter à cette liste Cicéron Angledroit qui nous présente dans ce premier tome les protagonistes que l’on va retrouver par la suite, à savoir Momo, René, Elvira, Brigitte son amante ainsi qu’un certain nombre de personnages secondaires.

Tout ce roman est fait pour passer un bon moment et n’a d’autre ambition que de nous offrir quelques heures de pure comédie. L’intrigue et les enquêtes passent clairement au second plan, l’auteur préférant laisser la place aux réflexions du détective, ainsi que des jeux de mots, des jeux de langues, des citations réutilisables à foison. J’ai particulièrement apprécié sa façon de jouer avec la langue française, pointant ses incohérences et même ses propositions de création de nouveaux mots.

Alors, quand Claude Picq va-t-il entrer à l’Académie Française ? Car grâce à lui et ses confrères, cela permet de faire bouger les règles immuables et immobiles du français. Vous l’aurez compris, Cicéron propose un jeu au lecteur, et s’amuse même de ses propres abus, nous indiquant qu’il fait dans certains chapitres, du remplissage avec des scènes de sexe. Franchement, on se marre. A suivre …

Octobre à Paris de Gérard Streiff

Editeur : La Déviation

J’ai eu beau chercher parmi mes lectures, je n’avais jamais lu un roman de Gérard Streiff. C’est maintenant chose faite avec ce roman qui rappelle une date importante : le 17 octobre 1961.

« L’escalier de pierre donne sur le vide. On devine en aplomb une étendue d’eau noire. De part et d’autre de la volée de marches se tiennent des policiers, leurs visages disparaissent sous un large casque et d’énormes lunettes de motocycliste. Ils portent un manteau de cuir tombant sur de hautes bottes, brandissent des matraques. Des civils, des Maghrébins, en file indienne, gravissent l’escalier. Ils sont frappés, méthodiquement, les flics visent la tête, ils tapent pour tuer. Au sommet, ils précipitent les suppliciés dans le vide. Les corps virevoltent et s’écrasent sur la surface de l’eau dans un claquement sec. »

Ce cauchemar réveille Chloé Bourgeade, à bord de sa péniche. Son colocataire, Racine, dort encore. Après un petit déjeuner vite expédié, elle se dirige vers Le Sémaphore, l’agence de détectives privés. Pierre Leglay, DRH d’une enseigne de grande distribution, leur demande d’éclaircir la mort étrange de son père Bernard. Policier à la retraite, ce dernier passait son temps à la pêche et son corps vient d’être retrouvé noyé.

Pierre Leglay leur montre une lettre que son père venait de recevoir, un tract daté du 31 octobre 1961, qui détaille les différentes étapes de la répression des manifestations des Algériens. Marike Créac’h la patronne de l’agence décide de confier cette affaire à Chloé, la seule détective disponible. Très vite, Chloé reçoit des lettres de menace anonymes et même des messages sur son répondeur lui demandant de ne pas remuer ces « vieilles histoires ». Cela ne fait que la motiver davantage.

Ce roman comporte tous les atouts pour me plaire. On y trouve un personnage obstiné, rigoureux, décidé à ne rien lâcher ; Un scénario basé sur des entretiens, construit avec une grande rigueur ; et un style rapide, efficace qui aidé par des chapitres courts permet de lire vite ce roman pour savoir de quoi il en retourne.

Et on est ravi du dénouement et on ne peut que louer la volonté de l’auteur de faire œuvre de mémoire, sur un fait d’histoire qui démontre que l’Etat peut se faire plus assassin que ceux qu’elle traque. L’auteur nous montre aussi que nous avons fermé les yeux, nous n’avons rien entendu des cris, des corps qui s’écrasaient sur l’eau, nous n’avons pas vu les coups pleuvoir, nous n’avons pas voulu savoir ce massacre organisé.

A ce titre, je vous encourage à aller voir cet article explicite que j’ai trouvé sur le site de Telerama :

https://www.telerama.fr/debats-reportages/retour-sur-le-17-octobre-1961-nous-avons-su-mais-nous-nous-sommes-tu-6999020.php

Voilà un roman salutaire.

Le canard siffleur mexicain de James Crumley

Editeur : Gallmeister

Traducteur : Jacques Mailhos

Illustrateur : Rabaté

Après Le dernier baiser, James Crumley revient avec son personnage de détective privé CW.Sughrue pour une aventure des plus déjantées. Sorti tout d’abord chez Gallimard dans la Série Noire, puis chez Folio, Gallmeister nous donne l’occasion de redécouvrir ce roman dans une nouvelle traduction et agrémenté d’illustrations en noir et blanc de toute beauté.

CW Sughrue a abandonné son métier de détective privé pour devenir tenancier au Hell Roaring Liquor Store à Meriwether. Parce que les agents de maintenance ont viré Hank Snow, il décide de se débarrasser de l’engin sur la voie de chemin de fer. Qu’elle aille au diable, cette machine ! Quand Sughrue est poursuivi par une horde d’avocats, ceux du cheminot, du juke-box, de la société de chemins de fer, et de sa femme, il laisse tomber l’affaire et trouve refuge chez Solly.

Solly, c’est Solomon Rainbolt, avocat impitoyable dans les affaires de drogues, craint de tous les procureurs, mais aussi trafiquant de substances illicites. Sughrue et lui se sont connus au Vietnam, où Solly a perdu une jambe mais gagné quelques kilos de médailles ainsi que des contacts chez des producteurs de drogue. Solly accepte de loger Sughrue dans son sous-sol, et lui trouve même une affaire pour se remplumer.

Sughrue se rend donc chez les Dhalgren, frères jumeaux que l’on n’arrive pas à distinguer tant ils se ressemblent. Ils veulent récupérer un poisson tropical qui vaut 5000 dollars et dont ils font commerce chez un client qui leur a fait un chèque en bois. L’argent ne les intéresse pas, ils veulent le poisson. Le seul problème réside dans l’identité du client malotru et mauvais payeur : Norman Hazelbrook.

Norman Hazelbrook, dont le surnom est l’Anormal, est le Président Directeur Général d’un gang de bikers appelé les Snowdrifters. Avec lui, on ne discute pas, on se prend du plomb dans la couenne. Coup de chance, les Dhalgren sont prêts à aider Sughrue en lui prêtant un char Sherman. Finalement, après une bataille mémorable, une entente est trouvée entre les frères jumeaux et la fiancée de Norman, Mary. Mais tout a un prix : il devra retrouver la mère de Norman pour son futur mariage, mère qui est recherchée par toutes les polies et le FBI et la CIA et que personne ne retrouve …

Voilà pour les 50 premières pages ! C’est vous dire combien les événements s’enchainent vite. Après, le rythme se calme, redescend, ce qui permet à James Crumley de parler du passé de Sughrue, au Vietnam, mais aussi de ses rencontres passées. Au passage, il ne se gêne pas pour égratigner les Américains, leur police, leur FBI … bref, tout le monde y passe, avec une bonne fessée.

Si j’emploie cette boutade, c’est bien parce qu’on a l’impression d’écouter parler Sughrue, ce détective à moitié raté, qui se laisse mener par les indices qui lui tombent dessus, à moitié saoul, à moitié drogué, à moitié déjanté. Et puis, il nous sert des scènes d’un visuel incroyable dans des décors hallucinants, avant de nous raconter une bonne blague à laquelle il n’est pas possible de ne pas rire.

En fait, même si ce roman n’est pas le meilleur de cet auteur, il y a sa patte incomparable, cet équilibre fort maîtrisé entre action et pause humoristique, entre retour vers le passé et description décalée. Et sous ces dehors pas très sérieux, il en ressort une société aux mains des pires salopards que l’on puisse imaginer, qui dérive vers sa propre destruction, à l’inverse de Sughrue qui se retrouve avec un bambin. Mais ne comptez pas sur moi pour vous en dire plus, courez le lire.

Des poches pleines de poches

Voici le retour de cette rubrique consacrée aux livres au format poche.

Détour de Marc Falvo

Editeur : Faute de frappe

Stan Kurtz est de retour pour une affaire qui aurait pu ne pas en être une. En panne d’affaires, il reçoit un faire part, destiné à Stanislas Gérald Kurtz, son vrai nom, pour lui annoncer la mort d’un copain qu’il n’a pas vu depuis plus de vingt ans. Franck Drexel était garagiste et écrivaillon de polars à ses heures perdues.

Direction Carmona, petit village de 3000 âmes perdu dans la cambrousse française. Quand il débarque après un voyage en train interminable, Stan fonce au bar Le Terminus et est accueilli par un costard trois pièces et deux armoires sans glace. Il n’est pas le bienvenu, c’est le moins que l’on puisse dire. La sœur du défunt ne croit pas au suicide et le charge de découvrir le coupable du potentiel meurtre.

Après un début en demi-teinte, où je me suis dit que le style était forcé et poussif, l’action prend le pas sur l’histoire en même temps que les mystères, entre incendies et journaliste blogueur. On se laisse mener par les répliques pleines d’autodérision de Marc Falvo et la dédicace à Frédéric Dard n’est pas usurpée. D’ailleurs, j’y ai trouvé beaucoup de filiation avec les jeunes auteurs humoristiques contemporains comme Stanislas Petrosk ou Nadine Monfils. C’est une lecture agréable, distrayante, pour passer le temps.

Arrowood de Mick Finlay

Editeur : Harper & Collins

Traductrice : Marta de Tena

En 1895, à Londres, tout le monde ne jure que par Sherlock Holmes. Pourtant, un autre couple de détectives tout aussi doué œuvre pour le bien du peuple : William Arrowood et Norman Barnett. Ne roulant pas sur l’or, ils sont obligés de se cantonner aux infidélités conjugales. Ce matin-là, une demoiselle, Mlle Cousture, leur demande de retrouver son frère Thierry qui a disparu. Il était employé par M.Cream, l’un des chefs de gang les plus cruels et les malfaisants de la ville.

Comme c’est le premier tome des enquêtes d’Arrowwod, Mick Finlay marque les différences avec le concurrent, Sherlock Holmes. On ne s’attache pas aux détails ou à la déduction mais plus aux réactions qui trahissent les émotions. D’ailleurs, l’auteur a tendance à en faire des tonnes quand il parle de l’animosité qui bout en Arrowood dès que l’on prononce le nom de Holmes.

D’une enquête a priori simple, l’auteur en tire plusieurs branches, ce qui va donner de nombreux rebondissements et les rencontres avec plusieurs personnages, que l’on suit avec plaisir parce que c’est écrit avec beaucoup de vivacité. Si les intrigues sont emboitées comme des poupées russes, c’est du coté des Irlandais qu’il faudra chercher la solution, encore qu’elle soit bien difficile à deviner de prime abord.

J’ai trouvé cette première enquête très divertissante, et les personnages suffisamment bien marqués et sympathiques pour que j’y revienne à l’avenir. Le Londres du 19ème siècle est décrit sans trop de détails, laissant la place à des dialogues bien faits. Bref, c’est un bon divertissement et comme le cycle comporte 3 enquêtes à ce jour, dont 2 sorties en France, il se peut bien que j’en reparle un de ces jours. A suivre …

Du sang sur l’asphalte de Sara Gran

Editeur : Editions du Masque

Traducteur : Claire Breton

Après La ville des morts et La ville des brumes, voici donc le troisième tome des enquêtes de la meilleure enquêtrice de tous les temps, Claire DeWitt. Si vous me connaissez, vous savez que c’est avec une grande fébrilité que j’attendais ces aventures.

Oakland, 2011. Claire DeWitt se réveille dans une Ford Ka. Elle vient d’être victime d’un accident de la circulation. Enfin, accident si on veut. Elle revoit une grosse Lincoln lui foncer dessus volontairement. Cela ressemble plus à une tentative de meurtre. Mais on ne tue pas aussi facilement la meilleure détective du monde. Quand une policière s’approche, elle lui subtilise son arme, récupère le nom d’un témoin et arrive à prendre la poudre d’escampette. Qui donc veut lui faire la peau ? C’est l’affaire de l’Autoroute infinie.

Los Angeles, 1999. Claire DeWitt est détective et a rencontré la plus grande détective d’alors, Constance Darling. Adepte du grand Jacques Silette, qui a écrit le livre immortel Détection, sorte de recueil de citations philosophique à destination des détectives, elle a aidé Claire. Mais pour obtenir sa licence, Claire se rend compte qu’elle doit faire 5000 heures d’enquêtes et qu’il lui en manque 400. Adam Dubinsky accepte de lui confier une affaire d’accident de la route : le célèbre Merritt Underwood, artiste peintre, s’est tué dans un accident de la route et elle doit démontrer que c’est un meurtre. C’est l’affaire de la CBSIS.

Brooklyn, 1986. Claire DeWitt est une étudiante de 15 ans. Avec ses amies de toujours, Kelly et Tracy, elles rêvent de monter la plus célèbre agence de détectives. Alors qu’elles résolvent nombre d’affaires, Tracy disparait. Kelly et Claire n’ont pas été capables de la retrouver. Comme Jacques Silette qui n’a jamais été capable de retrouver sa petite fille. C’est l’indice du charnier.

Ceux qui ont déjà rencontré, littérairement parlant, Claire DeWitt vont comprendre ce que je dis. Les autres devraient se jeter sur le premier tome de cette série La ville des morts, puis enchaîner par le deuxième La ville des brumes. Car Claire DeWitt est un personnage attachant, speedé et complexe, aveuglée par cette volonté de devenir la meilleure détective du monde, sans écraser ses concurrents.

On reste ici dans la même veine, et l’intrigue va alterner trois lieux différents et trois enquêtes avec toujours la même volonté de placer au centre du roman ce personnage féminin hors-norme. Alors que j’avais été impressionné par La ville des brumes, par sa façon de montrer Claire au bord de l’autodestruction, on se retrouve ici face à un polar de détective plus classique, construit comme un jeu de piste linéaire.

Le style de Sara Gran est toujours aussi rapide, aussi vif et bien agréable à suivre. Et comme je suis déjà amoureux de ce personnage, j’y ai pris beaucoup de plaisir. Mais je ne peux que vous conseiller de lire les précédents, sinon vous allez être perdus, car l’intrigue est complexe. Enfin, j’ai trouvé que ce roman n’apporte pas grand-chose au personnage de Claire DeWitt. On a déjà lu son obsession pour Jacques Silette, son impuissance face à la disparition de sa meilleure amie. Cela donne donc un bon polar divertissant et j’attendrai le prochain pour être surpris et complètement emballé. Mais je suis toujours amoureux de Claire DeWitt.

Ne ratez pas l’avis de Yan