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Le chouchou du mois de février 2023

La météo frigorifiante du mois de février ajoutée aux difficultés de transports en communs m’ont permis d’accumuler beaucoup de lectures … donc beaucoup de billets en retard. Malgré cela, j’ai fait carton plein ce mois-ci avec trois billets par semaine et comme je l’avais annoncé, cette année s’annonce comme une année de découvertes.

Nous allons bien vite oublier Le cercle des poètes disparus de NH.Klienbaum (LdP), une bien pâle copie du film, sans relief ni émotion. Avant de le commencer, je ne savais pas qu’il s’agissait d’une novellisation du scénario. Je viens de revoir le film, et j’ai ressenti plus d’émotions qu’avec cette lecture. Lecture à oublier pour moi.

A un autre niveau, bien meilleur, La vérité engendre la haine de Nicolas Bouquillon (Ex-Aequo éditions) m’a surpris par sa plume littéraire et par son sujet qui nous apprend beaucoup de choses sur la troisième République. Si l’on ajoute des personnages bien brossés, cela en fait un roman passionnant et instructif.

Je n’avais jamais lu de roman de cet auteur islandais, A qui la faute de RagnarJonasson (La Martinière) fut l’occasion de le découvrir dans un huis-clos en pleine tempête de neige. L’auteur démontre un grand savoir-faire dans le déroulement de ce roman choral et ménage un beau suspense avec force rebondissements.

Dans la catégorie thriller, Sur un arbre perché de Gérard Saryan (Taurnada) est le deuxième roman de cet auteur et nous déroule un scénario aussi impressionnant qu’horrible. L’auteur montre un style remarquablement fluide avec une fin inattendue, une belle surprise.

Parmi les auteurs que j’affectionne particulièrement, il y a Gilles Vidal qui nous convie à une errance littéraire ; son parcours passe par une Fantaisie héroïque de Gilles Vidal (La Déviation) nous parle de jouissance du présent, d’oubli du passé et nous procure un plaisir de lecture peu commun.

La stratégie de l’écureuil de Serge Brussolo (H&O éditions), le dernier opus en date de cet auteur prolifique est en fait un roman paru en numérique en deux parties, et remodelé ici pour une sortie en format poche papier. Comme d’habitude, l’intrigue part dans des directions inattendues pour notre plus grand plaisir.

Les gentils de Michael Mention (Belfond) est un roman terrible de vengeance jusqu’au-boutiste d’un père envers l’assassin de sa fille, avec un scénario incroyable, avec des ambiances inoubliables, avec une rythmique basée sur des morceaux des années 70, avec des morceaux de bravoure d’où l’on sort à bout de souffle, à bout de nerfs, à bout de tout. Comme je l’ai dit, vous n’avez jamais lu un roman pareil !

J’avais déjà initié des semaines consacrées à des auteurs, j’ai récidivé avec un auteur italien qui, en trois romans, se montre comme une voix imposante dans le domaine du roman noir social. Les trois romans montrent une facette différente, Ceci n’est pas une chanson d’amour d’Alessandro Robecchi (Mikros Noir) avec un humour cynique et féroce, De rage et de vent d’Alessandro Robecchi (Mikros Noir) avec une rage rouge envers l’injustice et Le tueur au caillou d’Alessandro Robecchi (Editions de l’Aube) avec cette histoire fantastique qui dénonce le sort des pauvres gens obligés de payer des loyers à des mafias et qui nous parle de justice, d’injustice et d’impunité. Les enquêtes de Carlo Monterossi font partie de ces romans que l’on n’est pas prêts d’oublier. C’est pour cette raison que le titre du chouchou du mois revient à Le tueur au caillou d’Alessandro Robecchi (Editions de l’Aube)

J’espère que ces avis vous auront été utiles dans vos choix de lectures. Je vous donne rendez-vous le mois prochain pour un nouveau titre de chouchou du mois. En attendant, n’oubliez pas le principal, protégez-vous, protégez les autres et surtout lisez !

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Le tueur au caillou d’Alessandro Robecchi

Editeur : Editions de l’Aube

Traducteurs : Paolo Bellomo et Agathe Lauriot dit Prévost

Avec cette troisième enquête (aventure) de Marco Monterossi, après Ceci n’est pas une chanson d’amour et De rage et de vent, on reprend les ingrédients des deux précédentes, les mêmes personnages pour une histoire dramatique et rageante qui pose beaucoup de questions.

Milan voit ses températures augmenter avec le retour du mois de mars. Dans une cité HLM (Habitation pour Locataires Miséreux) que l’on surnomme la caserne, toutes les populations pauvres de différentes nationalités se côtoient. Ces barres d’immeubles comportant plusieurs milliers d’appartements sont vouées à la démolition. Faute d’argent, la municipalité a délaissé cette cité et ferme les yeux sur des mafias qui permettent à des familles pauvres de squatter moyennant un loyer versé en dessous de table.

Francisco habite là-bas et travaille dans sa propre entreprise en tant que décorateur de boutiques, en réalisant leur devanture. En rentrant, il fait part de sa colère envers son dernier client qui ne lui règle pas sa facture alors que le travail a été réalisé depuis six mois. Sa femme Chiara essaie de le calmer, en sachant qu’il a raison. Merde ! il ne peut pas se permettre avec sa petite entreprise de travailler gratuitement pour les riches ! Pour arrondir ses fins de mois, il stocke des équipements « tombés du camion » sur lequel il touche une commission.

Au centre-ville, Fabrizio Gotti, le propriétaire d’une chaîne de boucheries a été retrouvé assassiné au pied de sa maison. On lui a tiré une balle dans la poitrine et une dans la tête, à bout portant. Le brigadier Carella et le sous-brigadier Ghezzi penchent pour un amateur plutôt que la mafia. Chose étonnante : un caillou a été posé sur le corps. Pourvu que ce ne soit pas un tueur en série ! Il va être difficile de trouver une raison à ce meurtre, l’homme semblant honnête, inconnu des services de police.

Quand Cesare Crisanti, un architecte connu est retrouvé assassiné d’une balle dans la tête avec un caillou, la panique gagne la justice et la police. On ne peut décemment pas laisser cette affaire aux mains de la police milanaise. Rome décide d’envoyer sa propre équipe de spécialistes, accompagnée d’un profileur, pour calmer les médias. Ne voulant pas lâcher l’affaire, Carella et Ghezzi se mettent en congés avec l’accord de leur chef pour poursuivre l’enquête. Les deux morts ont été tués par deux armes différentes dont le seul point commun est qu’elles sont mal entretenues.

Encore un mois à tenir avant d’être dégagé de ses obligations envers l’émission qu’il a créée : Crazy Love ! Carlo Monterossi se demande ce qu’il va faire après. Katia Sironi, son attachée de presse l’appelle : sa mère a cédé aux belles paroles d’un vendeur de religiosités et s’est fait voler une bague valant des millions. Elle demande à Carlo et Oscar, un détective secret de la récupérer en dehors de tout circuit légal.

On retrouve dans ce roman tout le charme que j’avais trouvé dans les deux premiers, avec un meilleur équilibre entre l’humour et la colère de Carlo (et donc de l’auteur ?). On y retrouve de l’humour froid, du cynisme mais aussi un aspect humain et social que l’auteur endosse pour dénoncer les conditions de vie des pauvres travailleurs. Il faut voir comment ils se retrouvent essorés par la mafia calabraise et vivent dans des conditions lamentables alors que la police et les politiques ferment les yeux.

Déjà dans De rage et de vent, Carella et Ghezzi prenaient de l’importance dans l’intrigue. Ici on les retrouve au même niveau que Carlo et Oscar et les deux fils de l’histoire sont menés en parallèle pour se retrouver à la fin de façon totalement inattendue. Alessandro Robecchi nous construit ici une intrigue que l’on aura du mal à oublier, de celles qui nous placent face à un dilemme, à des choix impossibles à prendre, à des questions impossibles à répondre.

Alessandro Robecchi arrive à nous faire vivre dans les familles italiennes, arrive à nous plonger dans des discussions typiques, où les italiens parlent vite, nous enrobent dans des circonvolutions, des phrases sans fin. Et puis, il donne une importance de plus en plus importante aux femmes, Katrina la moldave cuisinière pour Carlo mais aussi Madame Rosa, la femme de Ghezzi qui occupe un rôle central, et pas seulement pour les plats délicieux qu’elle concocte pour Carella et son mari.

Avec ce roman, Alessandro Robecchi s’impose comme un auteur de premier plan dans le polar milanais. Il apporte un fort aspect social et a décidé de montrer comment la majorité des gens vivent, ceux qui travaillent et n’ont pas assez d’argent pour se loger et manger décemment. Ajouté à cela, on trouve une intrigue qui pose clairement la question de la justice et on se retrouve face à un dilemme qui nous fait réfléchir. Je peux vous garantir que vous n’êtes pas prêt d’oublier cette histoire immensément dramatique et tristement réaliste.

De rage et de vent d’Alessandro Robecchi

Editeur : Editions de l’Aube

Traducteurs : Paolo Bellomo et Agathe Lauriot dit Prévost

Deuxième tome des enquêtes de Carlo Monterossi, après Ceci n’est pas une chanson d’amour, ce roman change totalement le ton, car on passe d’un humour cynique agressif à de la rage pure et froide. Tout aussi excellent !

Andrea Serini, en tant que propriétaire de l’agence de vente de véhicules de luxe, tient absolument à fermer sa boutique et éteindre les lumières. Ce soir-là, un bruit de mouvement l’attire, quelqu’un est entré. Il se retrouve face à un vieux camarade qui veut retrouver son argent. Sous la menace, Andrea lui donne un nom, Anna Galinda, avant de prendre un balle en pleine tête. En sortant, un moine l’aperçoit et lui intime de s’arrêter. Il s’agit du sous-brigadier Tarcisio Ghezzi, qui n’a pas le temps de sortir son arme devant la rapidité de l’homme. En deux coups, il se retrouve assommé et son arme dérobée.

Carlo Monterossi, créateur de l’émission Crazy Love pour la grande usine à merde (la télévision) où il s’agit d’étaler au grand jour les histoires d’amour du grand public, veut depuis un certain temps stopper sa collaboration. Pour lui, ce concept est devenu indécent. Mais son agente Katia Sironi insiste : il ne peut pas partir comme ça, Ils sont prêts à lui offrir un pont d’or (sur lequel un touchera un copieux pourcentage). Elle veut qu’il rencontre le Boss en personne, Luca Calleri. Et contre toute attente, Carlo accepte.

Dans le restaurant de luxe, Carlo arrive en avance et assiste à l’arrivée du « Ponte », devant qui tout le monde plie. Son temps est compté, il n’accorde pas dix minutes à quiconque, et d’ailleurs, il ne mange pas et confirme qu’il compte sur Carlo. Dépité par cette attitude, Carlo finit au bar et est accosté par une femme. Tous deux boivent et Carlo raccompagne la jeune femme chez elle, la couche sur canapé et la couvre. En sortant, il claque la porte, avec un bruit sec, un CLAC qui résonnera longtemps dans la tête de Carlo. Le lendemain, il apprend qu’elle a été torturée et tuée avec le même revolver qu’Andréa Serini.

Par rapport au premier roman, qui étalait un humour cynique que j’avais adoré, cette deuxième enquête se révèle bien plus sérieuse. On y trouve bien quelques traits d’humour dans les dialogues ou quand il s’agit de se moquer des policiers. Mais le ton est irrémédiablement noir, à l’image de cette ville de Milan, balayée par un vent glacial, qui correspond bien au titre et à l’humeur de Carlo Monterossi.

Le décor hivernal anormal, ce vent infernal, fait ressurgir une rage froide, que Carlo va ressentir, ajouté à un sentiment de culpabilité envers la mort d’Anna Galinda. Il ne cessera de se rappeler cette porte se fermant dans un CLAC fatal, croyant qu’il est à l’origine de sa mort. Il va donc se lancer dans cette croisade pour dénicher les coupables et comprendre cet engrenage mortel.

Car derrière Carlo et son humeur noire, l’auteur nous montre combien les richards se servent des pauvres et rien de plus efficace que de mettre sur le devant de la scène les prostituées. Il nous montre une caste sans aucune pitié ni humanité, une frange d’ultra-riches fiers de leur impunité, usant et abusant de gens qui, finalement, ne peuvent qu’être définitivement les perdants de cette société.

A nouveau, on trouve dans ce roman colérique un scénario remarquable, complexe à souhait où les intrigues sont menées en parallèle entre Carlo, Ghezzi et Carella, où l’auteur nous imprègne de cette ville glacée par ce vent inhabituel. Cette deuxième enquête, très différente de la première, confirme que cette série est à suivre avec impatience, avec une mention spéciale pour Katrina, la cuisinière moldave de Carlo, une vraie mama qui prend soin de son protégé. 

Ceci n’est pas une chanson d’amour d’Alessandro Robecchi

Editeur : Editions de l’Aube

Traducteurs : Paolo Bellomo & Agathe Lauriot Dit Prévost

Suite au billet de Jean-Marc Lahérrère, j’avais acquis ce roman et l’ai mis de côté. Maintenant que les trois tomes sont sortis, nous commençons donc une semaine complète dédiée à Alessandro Robecchi et son personnage récurrent Carlo Monterossi.

A voir les célébrités (que l’on appelle « stars ») squatter les émissions de télévision et étaler leurs problèmes de cœur, Carlo Monterossi a l’idée de transposer le concept auprès des gens du public et créé l’émission « Crazy Love ». Grâce à des scenarii concoctés aux petits oignons, l’émission rencontre un succès immédiat dès lors qu’il s’agit de regarder les malheurs de la ménagère, aidé en cela par la présentatrice vedette que tout le monde s’arrache Flora de Pisis.

Sauf que Carlo Monterossi ressent de la lassitude et veut arrêter de produire son émission pour « l’Usine à merde ». Quand un homme frappe à sa porte en voulant lui coller une balle entre les deux yeux, Carlo va faire appel à des deux amis Nadia et Oscar pour résoudre ce mystère plus tôt que la police ne serait capable de le faire.

Un homme riche monsieur Finzi fait appel à deux tueurs à gages pour résoudre un petit problème. Afin de pouvoir réaliser son centre commercial, il fait appel à un intermédiaire pour déloger des gitans du terrain. Mais l’affaire tourne mal, avec tirs de coups de feu et lancers de cocktail Molotov. Le bilan est lourd, deux morts côté gitans dont un enfant, et des policiers blessés. Il veut donc se débarrasser de l’intermédiaire incompétent.

En parallèle, les gitans ne peuvent pas laisser impuni cet acte meurtrier envers les leurs. N’ayant aucune confiance envers la police, et ils ont raison, ils vont mandater Hego et Clinton pour retrouver les assassins et les faire disparaitre de la surface de la Terre, ce qui ne serait pas une lourde perte.

Si vous ne le savez pas, je nourris une véritable aversion envers la télévision. Je ne peux donc que louer Alessandro Robecchi quand il l’évoque sous le terme « Usine à merde ». Et je m’attendais à détester Carlo Monterossi avant même de tourner la première page. Par son métier, scénariste et producteur d’émission de bas-étage (c’est mon opinion), Carlo pourrait ressembler à un chasseur de primes sans âme, courant après le profit en créant des émissions voyeuristes sans limites pourvu que cela lui ramène du fric.

Sauf que Carlo Monterossi, après avoir rencontré un succès incommensurable, songe à changer d’orientation devant son « bébé » qui devient de plus en plus obscène. Vous l’aurez compris, loin d’être un personnage exempt de tout reproche, nous avons affaire à quelqu’un en quête de rédemption, d’autant plus qu’on va vouloir attenter à sa vie. En comparaison, ses acolytes Nadia et Oscar sont plus effacés … mais attendons la suite de la série.

Par contre, les deux autres groupes permettent de profiter pleinement de l’humour de l’auteur, très cynique et bien noir comme je l’aime. Autant Carlo nous montre un humour noir et désabusé sur le Système, autant les tueurs à gages nous offrent des répliques d’une drôlerie irrésistible. Même certaines scènes prêtent à rire surtout dans la dernière émission de Crazy Love, flirtant avec du burlesque.

Enfin, Alessandro Robecchi a construit une intrigue retorse à souhait. Au-delà de faire avancer trois groupes indépendants n’ayant aucun lien, il va bâtir son édifice petit à petit et faire se rencontrer tout le monde, d’une façon totalement naturelle. On ne peut qu’être ébahi par cette maitrise mais aussi par le rythme global, même si on peut regretter quelques passages inutilement bavards et la présence d’un groupe néonazi qui aurait mérité à lui seul une enquête supplémentaire.

En conclusion, j’ai envie de dire : « Chouette, un nouveau personnage récurrent à suivre. » Mais il faut aussi souligner la remarquable acuité du monde de la télévision, la description de groupes néonazis, le ton personnel parsemé d’humour caustique et des personnages attachants. Ceci n’est pas une chanson d’amour, qui rappelle un titre de Public Image Limited, est une très bonne entrée en matière dans les affaires de Carlo Monterossi.

Je crois que j’ai tué ma femme de Frasse Mikardsson

Editeur : Editions de l’Aube

J’avais beaucoup aimé Autopsie pastorale, le premier roman de Frasse Mikardsson, pour son coté humoristique et l’originalité du sujet, traité par un médecin légiste. Ce deuxième roman traite d’un sujet bien plus grave.

En février 2017, une femme a été tuée de multiples coups de couteau par son mari. Présenté comme cela, cela ressemble à un fait divers tristement actuel (et j’y reviendrai plus tard). Cette affaire a été mise en avant de façon involontaire, dans un discours de Donald Trump d’une part, qui va évoquer un attentat terroriste en Suède, puis dans un questionnement dans la société suédoise sur l’immigration.

Au-delà de cela, il faut savoir que six mois plus tôt, Fatiha avait porté plainte contre son mari Orhan pour violences conjugales, avait porté plainte, avait demandé le divorce, et obtenu l’incarcération de son mari pour un mois et une injonction d’éloignement. Malgré un harcèlement par SMS, personne n’a réagi et cette affaire se termine dramatiquement par le meurtre d’une femme.

Orhan et Fatiha se sont mariés en Turquie, un mariage arrangé selon la tradition kurde, avant qu’ils ne s’établissent en Suède. On se retrouve donc face à une affaire qui, si elle parait simple de prime abord, se heurte en réalité à un choc de cultures différentes et à un courant raciste en Suède qui trouve un écho terrible dans l’actualité récente lors des dernières élections suédoises.

Je ne suis pas adepte de True Crime books, que l’on peut traduire de romans fortement basés sur des histoires vraies, et donc j’en lis pas ou peu. Pourtant, j’ai apprécié celui-ci par les thèmes abordés et la passion qu’anime l’auteur envers la violence faite aux femmes, l’acceptation des différentes cultures et l’égalité des sexes. Par de nombreux côtés, ce polar s’avère bien passionnant.

En tant que True Crime, le roman repose sur de nombreux documents, tels que des extraits d’interrogatoires, des compte-rendu officiels ou des SMS envoyés par les différents protagonistes. L’auteur ayant participé à cette affaire, il bénéficie d’une source d’information de première main, même s’il nous assure ne nous partager que des extraits de textes disponibles auprès du public.

Il aborde un sujet difficile, les violences faites aux femmes, qui me tient à cœur et qui touche tous les pays. Imaginez qu’en France, plus de deux femmes meurent sous les coups de leur conjoint par semaine ; je ne comprends toujours pas comment on peut laisser cette situation alors que tout le monde le sait. Mais l’auteur y ajoute un aspect peu connu, l’aspect culturel, ce qui n’excuse absolument pas ces actes odieux et criminels. Le parallèle avec les discours officiels des grands dirigeants mondiaux montre bien la tendance populiste qui se généralise et qui devient inquiétant.

Frasse Mikardsson aborde aussi avec un certain humour l’égalité homme femme, en particulier quand ses personnages discutent de la position des corps dans les réfrigérateurs de la morgue : doivent-ils être séparés par sexe ou doit-on respecter l’égalité ? Au-delà de cette scène, il montre la difficulté de faire évoluer les mentalités et la nécessité de mettre des priorités devant cette injustice.

S’il n’y a pas de doute quant à la culpabilité d’Orhan, la question à résoudre devient : sommes-nous en présence d’un crime d’honneur ? Orhan était-il en pleine possession de ses moyens ? Frasse Mikardsson nous apprend beaucoup de choses sur ce sujet, en même temps qu’il nous montre une inspectrice très impliquée dans cette enquête, cherchant à trouver les arguments pour qu’Orhan ait une peine lourde, surtout dans un pays qui connait très peu d’actes violents. S’il est totalement différent du premier roman, Je crois que j’ai tué ma femme démontre que Frasse Mikardsson a beaucoup de choses à nous dire et à nous apprendre.

Entendez vous dans les campagnes d’Ahmed Tiab

Editeur : Editions de l’Aube

Ce roman nous propose une nouvelle enquête de Lotfi Benattar que l’on avait rencontré dans Pour donner la mort, tapez 1. On retrouve dans ce roman toutes les qualités de conteur de Ahmed Tiab.

A la suite de sa précédente enquête, Lotfi Benattar est tombé de plusieurs étages et a frôlé la mort. Après avoir passé plusieurs mois dans le coma, il a refait surface et s’est forcé à une rééducation de forçat pour retrouver un semblant de mobilité. Il en garde des cicatrices sur son beau visage et une allure d’escargot boitant, aidé en cela par son indispensable canne sur laquelle il doit s’appuyer.

Son chef décide de lui offrir une petite enquête qui devrait permettre de le remettre en selle. Du coup, il doit abandonner la cité phocéenne pour le Morvan, où on déplore d’un jeune homme habitant Verniers-en-Morvan. Bientôt, c’est son corps que l’on découvre non loin d’un centre de déradicalisation, où l’on essaie de récupérer de jeunes musulmans sur le point de se radicaliser.

Marie-Aliénor Castel de Fontaube aurait pu se contenter du piston de ses parents pour progresser dans la hiérarchie du journal. Elle préfère grimper les échelons par elle-même en commençant comme stagiaire. On lui demande de préparer le terrain sur cette affaire avant que la journaliste vedette la rejoigne. Elle va donc mener l’enquête de son coté en parallèle, alors que trois jeunes du centre sont portés disparus.

Par son allure de pantin fracassé, Lotfi a du mal à passer inaperçu. Et ce séjour dans la Morvan, sous un ciel constamment gris et noyé dans le brouillard ne va pas être une balade bucolique. Entre les gendarmes attentistes et les piliers de bar, entre un attardé mental et une jeune nymphomane, entre un village taiseux et un centre de « rééducation » de jeunes sur le point de se radicaliser, notre inspecteur a de quoi faire. Je regrette juste que le personnage d’Alison soit si peu présent.

Comme à son habitude, Ahmed Tiab ne place pas ses personnages au premier plan de la scène mais les utilise plutôt comme des liens envers tous les habitants de ce village. Son propos n’est jamais de pointer ou de dénoncer mais plutôt de décrire une situation compliquée et ubuesque comme le ferait un journaliste. Et comme partout en France, on retrouve dans ce microcosme tous les pans de notre société, regroupés dans une petite zone, où tous les ressentiments vont s’exacerber.

Cette zone rurale ressemble à s’y méprendre à une cocotte-minute sur le point d’exploser avec les extrémistes de tous bords, et même un trafic de drogue. Ahmed Tiab met beaucoup d’application dans son écriture pour nous présenter la situation et les psychologies des personnages, montrant au passage le bouleversement dû à la présence des potentiels extrémistes proches d’un village. Finalement, il nous décrit une campagne qui doit faire face aux mêmes problèmes que la grande ville, le manque de tolérance et d’acceptation des autres, ce que l’on voit tous les jours à la télévision.

Le chouchou du mois d’avril 2021

Bouclons donc cette onzième année par le mois le plus pauvre en termes de nombre d’avis publiés ce mois-ci. Par manque de temps, je ne vous aurais proposé que sept avis, sept romans variés, internationaux et qui tous méritent le détour.

Commençons par mon coup de cœur, mais pas du mois. Lors de ma première lecture, j’avais déjà mis un coup de cœur à ce roman que j’aime tant. Malheureusement, le plantage de mon ordinateur m’a fait perdre mon billet, et dégouté, je n’ai jamais pris la peine de le réécrire. Alors que sort le troisième tome des enquêtes de Sean Duffy (dont je vous parlerai le mois prochain), j’ai donc relu Dans la rue, j’entends les sirènes d’Adrian McKinty (Livre de poche). Mes impressions n’ont pas changé, c’est bien un fantastique roman policier qui nous plonge dans l’Irlande du Nord de 1983, alors que débute la guerre des Malouines. Jetez vous sur cette trilogie qui rend hommage au genre tout en écrivant l’histoire de la guerre civile irlandaise.

Restons en Europe, du coté de la France, en Picardie plus exactement, avec Pleine balle de James Holin (Editions du Caïman) où l’auteur nous convie à une course poursuite de plus de 200 pages sans que l’on s’ennuie une minute. Un sacré coup de force qu’il vous faut absolument découvrir !

Paris, ah Paris ! c’est là que se situe l’enquête de Le gibier de Nicolas Lebel (Editions du Masque), avec deux nouveaux personnages puisqu’avec son changement de maison d’édition, Nicolas Lebel nous offre deux nouveaux enquêteurs. L’auteur nous propose des énigmes, des courses, des traits d’humour et surtout évoque l’Apartheid à travers un projet hallucinant. Une très grande réussite.

Du coté de la Suisse, L’ivresse des flammes de Fabio Benoit (Favre) est un roman choral, minutieusement construit, minutieusement écrit et nous invite à une poursuite d’un pyromane tout en faisant des incursions en Sardaigne où la mafia veut y implanter son trafic de drogue. Un très bon polar, surprenant.

On descend pour faire une halte du coté de l’Italie, dans le Piémont plus exactement, avec Le mangeur de pierres de Davide Danilo (Glénat). Doté d’une écriture minimaliste et flamboyante, ce roman nous propose de passer un moment avec des passeurs habitant un petit village. Si le rythme est lent, l’action rare, ce roman vaut surtout pour son écriture.

Enfin, le Oldies du mois est une fantastique histoire, grande par ses personnages, grande par son scénario. Lors de la conquête de l’ouest, on chargeait des hommes de ramener les femmes rendues folles par la dureté de la vie, les Homesmen. Sauf qu’ici, c’est une ancienne institutrice accompagnée d’un bon-à-rien qui vont s’y coller. Dois-je encore insister pour que vous le lisiez ? Ça s’appelle Homesman de Glendon Swarthout (Gallmeister)

Le titre du chouchou du mois revient donc à La patience de l’immortelle de Michèle Pedinielli (Editions de l’Aube). Nous retrouvons Diou de retour sur ses terres natales en Corse pour une enquête qui la touche de près. Outre l’intrigue fort bien menée et qui parle si bien des paysages et des secrets familiaux, ce roman est juste incroyable, inoubliable, en particulier son troisième chapitre et la fin, terrible.

J’espère que ces avis vous auront été utiles dans le choix de vos lectures. Je vous donne rendez-vous le mois prochain, pour un nouveau titre de chouchou. Et puis, nous aurons eu l’occasion de fêter l’anniversaire du blog (12 ans déjà !) avec une trilogie complète à gagner. Je ne vous en dis pas plus, c’est pour très bientôt. En attendant, n’oubliez pas le principal, protégez vous, protégez les autres et lisez !

La patience de l’immortelle de Michèle Pedinielli

Editeur : Editions de l’Aube

Après Boccanera et Après les chiens, Ghjulia fait son retour pour une enquête plus personnelle, donc plus touchante, et marque aussi un retour dans sa région natale, la Corse du Sud, sauvage, taiseuse, ancrée dans ses traditions. Impressionnant !

Dan, son compagnon, réveille Ghjulia Boccanera dit Diou pour lui annoncer que le commandant Joseph Santucci dit Jo l’attend dans le salon. Dans une autre vie, Jo et Diou ont vécu ensemble. Jo vient l’informer de la mort de Letizia. Son corps a été retrouvé dans le coffre de sa voiture à laquelle on a mis le feu. Pour parfaire l’horreur, l’assassin lui avait tiré une balle dans la gorge.

Letizia est la nièce de JO, la fille de sa sœur Antoinette. Elle était journaliste présentatrice sur France 3 Corse, était tout le temps dynamique et enjouée. Diou a connu Letizia depuis sa naissance, se rappelant ses premiers instants, où l’air a la teneur du coton, où l(atmosphère sent le bébé, les couches de bébé, les lotions de bébé, sa petite tête venue se lover dans le creux de son bras.

Jo a besoin de Diou pour le soutenir lors de l’enterrement, mais aussi d’enquêter en parallèle de la gendarmerie pour connaitre le nom de l’ignoble coupable. Rien ne laissait penser que cette jeune femme, journaliste devenue présentatrice, mariée à Jean Noël Paoli, journaliste aussi, finirait carbonisée dans un coffre de voiture, laissant derrière elle sa petite Maria Stella. Diou doit revenir sur sa terre natale, abandonner Nice et son environnement urbain pour la campagne aride de la Corse du Sud, l’Alta Rocca.

Bien que La patience de l’immortelle soit la troisième enquête de Diou, ce roman peut se lire indépendamment des deux autres. Tout est présenté dès le premier chapitre dans un contexte plombant, parsemé de quelques souvenirs qui mesurent la grandeur du drame. Car même si Diou est du genre rentre-dedans, la disparition de Letizia sonne comme un coup de semonce, la touchant dans ce qu’elle a de plus cher, la famille, le clan.

Michèle Pedinielli, malgré son style sec et son humour cynique, ne peut laisser échapper des mots justes pour faire ressortir le chagrin et les larmes envers cette jeune femme, abattue comme un vulgaire animal. Derrière des décors fantastiques de terre sèche, parsemés d’oliviers pour certains centenaires, se cachent des secrets que personne ne veut dévoiler, car les problèmes se règlent avant tout à l’intérieur du clan.

D’ailleurs, quand on rencontre quelqu’un, on ne vous demande pas d’où vous venez, mais de quelle famille vous êtes issus. Comme le sujet aurait pu être délicat à traiter, comme il aurait pu verser dans le ridicule quand il touche au plus proche de nos racines, et comme les scènes deviennent irrésistibles de tristesse quand c’est bien écrit. Le chapitre trois, qui montre l’enterrement de Letizia est à ce propos terriblement émouvant, car d’une justesse incroyable.

Diou va donc louvoyer entre famille et habitants, essayant d’arracher quelques mots, une explication auprès de gens taiseux, méfiants, qu’elle finira par nous rendre attachants. En découvrant que Letizia tenait un blog pour publier ses enquêtes refusées par France 3, elle va découvrir des trafics, comme autant de mobiles pour ce meurtre … jusqu’au dénouement final, inattendu, brutal, horrible que l’auteure a la grande intelligence de nous placer en face des yeux en nous plaçant en juge. Mais comment peut-on prendre position face à un tel dilemme ?

Autopsie pastorale de Frasse Mikardsson

Editeur : Editions de l’Aube

Vous connaissez mes goûts ou commencez à les connaitre : je n’aime pas les livres sanglants. Aussi le titre de ce roman, bien qu’énigmatique, avait tout pour me faire peur. Ce premier roman s’avère passionnant et surtout très instructif.

Suède, de nos jours. Oscar Ljungqvist, étudiant en médecine générale, est appelé pour constater le décès à son domicile de Lillemor Bengsdotter, pasteure à la retraite. Sa fille l’a découverte inanimée, à l’intérieur de sa maison, fermée à clé. Les deux policiers dépêchés sur place ne veulent pas ouvrir d’enquête criminelle, tant cela ressemble à une mort accidentelle, une mauvaise chute et un choc fatal.

En l’absence d’enquête, le corps atterrit au service d’anatomopathologie, service chargé des autopsies médicales et non chez le médecin légiste. Eva-Stina Sjögren se charge de vérifier que les corps à analyser sont bien de leur ressort. Elle oriente donc le corps vers le service de médecine légale. Là-bas, l’organisation est irréprochable : les médecins et internes se réunissent et se partagent les analyses à faire.

Pierre Desprez, médecin légiste français, voulait voyager. Ne pouvant faire valoir son diplôme, il obtient la double nationalité après son mariage et un poste d’interne en Suède dans le service de médecine légale de Magdalena af Skelleftea. Il hérite du corps de Lillemor, secondé par le médecin sénior hongrois Antal Bo. Rapidement, des divergences d’opinion sur les causes de la mort apparaissent.

Si au début du roman, on pense à une enquête criminelle de « chambre close », on s’aperçoit rapidement que l’intrigue tourne rapidement à une analyse scientifique. Autopsie Pastorale va dérouler les différentes pistes et les nombreuses déductions des scientifiques autour d’une mort a priori domestique. Cette originalité dans le thème choisi nous fait découvrir un autre aspect des enquêtes policières et la grande qualité de ce roman est de nous éviter des scènes sanglantes pour les ramener sur le terrain de l’explication scientifique, avec des raisonnements totalement logiques.

L’auteur étant docteur en éthique médicale, il opère sur son terrain et nous démontre toute sa passion pour son métier. Il a voulu son roman limpide, et il réussit dans son pari. Les raisonnements et explications sont logiques, avancent doucement, et sont très détaillées. Franchement, étant moi-même scientifique, j’ai trouvé cela passionnant et j’ai appris beaucoup de choses.

Le fait d’avoir choisi un interne de nationalité française, plongé, intégré dans la société suédoise, lui permet aussi de montrer les différences entre la Suède et la France. La Suède est le royaume de l’entente, du politiquement correct : jamais un mot plus haut que l’autre, une volonté de ne pas heurter son prochain, et une capacité à intégrer les étrangers. Pour autant, pour un Français, ce pays apparait bien calme, lisse. Et cet aspect est formidablement bien fait.

Ne croyez pas que l’intrigue passe au second plan. On y trouve une vraie enquête, une résolution et une chute surprenante, ainsi qu’une conclusion amère. Ce premier roman, à la plume descriptive et fluide, s’avère une très bonne surprise, malgré quelques petits défauts, comme ce besoin qua l’auteur de nous décrire le passé de ses personnages, ou d’aller parfois trop loin dans ses explications, privant le lecteur de ses propres avis ou conclusions. Malgré ces petites remarques, on sent toute la passion de l’auteur pour son sujet, pour son métier et je le remercie pour m’avoir appris tant de choses, aussi bien sur la médecine légale que sur la vie en Suède. Je ne peux que vous conseiller de vous laisser tenter pour découvrir à la fois un auteur et un pays.

Le chouchou de l’été 2019

Allez, finies les vacances ! Il va falloir retourner au boulot. Avant que les nouveautés ne débarquent, même si quelques unes sont déjà sorties, voici un petit récapitulatif des avis publiés cet été qui devrait vous permettre de trouver votre bonheur. Comme l’année dernière, j’ai classé les titres par ordre alphabétique de leur auteur et trouvé un adjectif pour qualifier chacun d’eux. A vous de choisir :

La colombienne de Wojciech Chmielarz (Agullo) : Addictif

Ecouter le noir – Recueil de nouvelles – Collectif (Belfond) : Polyphonique

L’aigle des tourbières de Gérard Coquet (Jigal) : Albano-irlandais

Du sang sur l’autel de Thomas H.Cook (Gallimard) : Religieux

Cool killer de Sébastien Dourver (La Martinière) : Dérangeant

Le chant de l’assassin de RJ.Ellory (Sonatine) : Littéraire

Le pays des oubliés de Michael Farris Smith (Sonatine) : Désespéré

Au nom du bien de Jake Hinkson (Gallmeister) : Dénonciateur

Telstar de Stéphane Keller (Toucan) : Algérien

La vie en rose de Marin Ledun (Gallimard) : Populaire

Escalier B, Paris 12 de Pierre Lunère (Harper & Collins) : Divertissant

Les enchainés de Jean-Yves Martinez (Seuil) : Mystérieux

Janvier noir d’Alan Parks (Rivages) : Sombre

Après les chiens de Michèle Pedinielli (Editions de l’Aube) : Energique

Le tueur en ciré se Samuel Sutra (Alter Real) : Burlesque

Cirque à Piccadilly de Don Winslow (Galimard) : Juvénile

Le titre du chouchou de l’été 2019 revient donc à Après les chiens de Michèle Pedinielli (Editions de l’Aube) pour l’énergie qu’il dégage, pour son personnage principal extraordinaire, pour son intrigue qui a l’air d’être improvisée, et pour ses valeurs humanistes.

J’espère que ces avis vous auront été utiles dans vos choix de lecture. Je vous souhaite un bon courage pour la reprise et vous donne rendez-vous le mois prochain pour un nouveau titre de chouchou. En attendant, n’oubliez pas le principal, lisez !