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Hommage : Le gène du perce-neige de Jacques Bullot

Editeur : Edition du bout de la rue

L’association 813 nous a appris le décès de Jacques Bullot le 14 juin 2021. Dans l’une de mes bibliothèques, j’avais Le gêne du perce-neige et c’est l’occasion de rendre hommage à cet auteur engagé.

L’auteur :

Après une école d’ingénieur et le doctorat-ès-sciences, il entre en 1962 en tant que chercheur au Centre National de la Recherche Scientifique.

Après deux ans passés aux Etats-Unis, au Baker Laboratory, il fonde un groupe de recherches où il infléchira ses travaux vers l’étude des semiconducteurs appliqués à l’énergie solaire et coordonnera pendant deux ans les travaux d’un groupe de laboratoires européens pour la conversion photovoltaïque de l’énergie solaire. Il travaillera ensuite à Nantes où il poursuivra des recherches sur les polymères conducteurs.

Ces travaux ont donné naissance à plusieurs thèses de doctorat et à un grand nombre de publications, en anglais surtout, dans des revues spécialisées à comité de lecture comme Physical Review, Journal of Chemical Physics, Philosophical Magazine.

À partir de la fin 1997, Jacques Bullot qui, de tout temps s’est intéressé à la littérature policière et plus particulièrement au roman noir entame l’écriture de son premier roman. Celui-ci est publié en 2001 aux éditions Noir Délire sous le titre La gueule de l’emploi. Suivent la publication d’un recueil de nouvelles, La Couleur du temps et, en 2002, du roman Les Liquidateurs, toujours chez Noir Délire. Le quatrième roman : Du nitrate dans le cassoulet sort aux éditions E-Dite en 2005.

Le gène du perce-neige est publié en 2007 par Edition du Bout de la Rue. L’ouvrage est sélectionné pour le prix Intramuros 2008 au Festival de Cognac (6 retenus sur 200). Il publie en 2008 Amour, Raspail, Vavin… décrivant les dessous du métro parisien. Il sort son dernier polar en 2012, Le souffle glacé du Djurdjura où il parle, au travers de son expérience personnelle, des conditions de vie des jeunes du contigent en Algérie au cours de la période 1959-1961.

Pour l’auteur, le roman noir n’est pas un roman policier mais au contraire, comme le proclamait Jean-Patrick Manchette : un roman d’intervention sociale très violent. Jean Pons l’a caractérisé ainsi : L’intrigue n’est que le squelette du roman noir, sa chair est l’histoire sociale.

Dans cette optique les romans et nouvelles de Jacques Bullot abordent des thèmes comme : la spoliation des biens juifs pendant la guerre, le sort des liquidateurs qui ont déblayé les déchets radioactifs après l’explosion de Tchernobyl ou encore les négligences industrielles qui ont engendré l’explosion du site d’AZF à Toulouse en 2001.

Parallèlement plusieurs nouvelles sont publiées dans des recueils collectifs (Polar, cinéma et star, Ed. Le Marque-Page, 2002 ; La France d’après, Ed. Privé, 2007 ; Polar & CO, Douzième, Le Salon, Cognac, 2007), des revues (Coup de Plume en 2000, 813 en 2002) ou des journaux (La Page du 14ème en 2003). Et enfin, il a participé à la collection DETECTIVARIUM avec deux polars pour ados, L’énigme des gouttes de pluie et dernièrement Le secret de la roue bras de fer.

Tout au long de ces années, son engagement politique au sein d’associations est une donnée essentielle. Ainsi ces dix dernières années Jacques Bullot a collaboré à La Page, journal de quartier rayonnant sur le 14e arrondissement de Paris. Tiré à 2000 exemplaires, quatre fois par an, ce titre qui aborde des thèmes politiques et culturels, lutte contre la spéculation immobilière et la destruction du tissu social et se veut effronté et impertinent.

(Source : Site Dectivarium) http://detectivarium.fr/auteurs/jacques_bullot.php

Vous pouvez également visiter le site de l’auteur : http://jacques-bullot.over-blog.com/

Quatrième de couverture :

Pays de Brenne : son calme, sa nature, son Centre de Recherches, son cadavre…

Charles Germont, généticien spécialisé dans la recherche sur les OGM, veut alerter l’opinion publique : les résultats des tests toxicologiques qu’il a obtenus sont inquiétants. Ses supérieurs américains, nient leur véracité et lancent un processus d’intimidation.

Contacté par le chercheur, Sullivan, grand reporter, se lance dans la bagarre en clamant :

Si on court le moindre risque en bouffant ces trucs-là, il faut sonner le tocsin.

Les cloches sonnent à toute volée et la course poursuite commence.

Une milice privée est dépêchée avec pour cible : éliminer le chercheur.

Menaces en tous genres, interventions musclées, attentat en plein Paris, personne n’est épargné dans ce roman noir aux actions haletantes.

Plus jamais les informations sur les expériences transgéniques ne vous laisseront insensibles !

Mon avis :

On en parle moins aujourd’hui, mais le sujet des OGM a occupé le devant de la scène au début des années 2000. Et il reste toujours d’actualité. Il n’est pas étonnant de voir le polar aborder ce sujet, puisqu’il a aussi un rôle d’alerter l’opinion derrière une forme de divertissement. Et en termes de polar, Jacques Bullot respecte tous les ingrédients inhérents au genre en s’appuyant sur un démarrage simple et des personnages plus vrais que nature.

A la suite de résultats alarmants, Charles Germont envisage de publier un article scientifique pour alerter la communauté scientifique sur les dangers des OGM sur un élevage de rats. Mais son entreprise ne l’entend pas de cette oreille, pour ne pas faire de vagues et ainsi condamner un chiffre d’affaires futur faramineux.

Germont, en tant que personnage central, ne sera pas la seule personne impactée dans cette intrigue et l’auteur va grossir le trait (ou pas ?) en nous montrant les moyens qu’une entreprise internationale est capable de déployer pour taire la vérité. Maitrisant tous les canaux d’information, ils utiliseront même des malfrats pour impressionner et faire taire les protagonistes. Les chapitres courts, le rythme insufflé et les dialogues efficaces confèrent à ce roman une force pour porter son message auprès du plus grand nombre.

Ne ratez pas un article que l’auteur avait publié sur son blog sur le sujet des OGM, où il nous explique que la situation est encore plus consternante que ce qu’il raconte dans son roman :

http://jacques-bullot.over-blog.com/article-les-ogm-les-multinationales-et-le-roman-noir-99108338.html

Mortelles rencontres de Richard Philippe (Edition du bout de la rue)

L’avantage d’avoir un blog, c’est de pouvoir rencontrer (virtuellement) des gens avec qui on n’aurait pas eu de contact autrement. L’auteur m’a contacté pour que je lui donne mon avis, et ce roman est à la fois très bon et une sacrée surprise.

Jamel est un jeune beur de la banlieue lyonnaise, qualifié de sérieux, travailleur et faisant des études à Lyon III. Cet été là, il a décidé de ne pas suivre sa famille en vacances au bled, mais de rester pour travailler et se faire de l’argent. Mais en terme d’activité, il a fait des photos d’une femme mariée et a rendez vous avec son mari pour toucher l’argent du chantage qu’il exerce. Lors de leur rencontre dans la cave d’une cité des Minguettes, l’homme égorge Jamel : On ne fait pas chanter Arlequin.

Christian Barnier est un ancien militaire, passé cadre par la suite pour être licencié économique. Au bout de deux ans de chômage, il a décidé de créer son agence de détective privé, et ce n’est pas un métier où on roule sur l’or. Le quotidien est la filature de femmes infidèles, de maris trompeurs pour faciliter des cas de divorce. Une jeune femme belle comme le jour fait son apparition. Elle s’appelle Sheraz et veut que Barnier trouve l’assassin de son frère Jamel, dont la police se moque.

Alors qu’il n’est pas trop motivé par cette affaire, il promet de faire le minimum. Après une brève visite au commissariat, il apprend que Jamel se livre à la prostitution. Cela ouvre le champ des suspects mais Barnier est surtout furieux que sa sœur lui ai caché cela alors qu’elle était au courant. Au nom de la justice, Barnier va quand même creuser cette affaire et se retrouver à la poursuite d’un tueur en série qui traque les femmes via les sites de rencontre sur Internet.

Richard Philippe nous a construit un polar classique, avec tous les codes du genre : une affaire dont la police ne veut pas, un détective privé qui s’il est sympathique, n’en est pas moins désabusé et impulsif, des femmes fatales dont on ne compte plus le nombre, et un contexte actuel très ancré et dans le réel et géographiquement, puisque tout se déroule à Lyon et dans ses alentours.

Ce qui retient l’attention du lecteur, et fait que cela se lit avec plaisir, c’est la qualité de l’intrigue. Les chapitres sont courts mais surtout remarquablement écrits, avec un bon dosage entre l’intrigue et les dialogues. Et puis, le personnage de Barnier, ce grand échalas qui prend sur lui avant d’exploser est facilement identifiable.

Il faut dire que, dans ce livre, aucune concession n’est faite sur notre société moderne. Sans pour autant prendre position, Richard Philippe nous narre un monde où les étudiants sont obligés de se prostituer pour payer des études toujours plus chères ou juste pour vivre. Ceux qui en profitent, les bourgeois, les nantis sont présentés comme des pervers qui peuvent se le permettre car jamais ennuyés par la police. Du classique, en somme, ou presque.

Et puis, Arlequin, ce chasseur sur Internet nous fait nous poser des questions. Quelle drôle de société avons-nous créé là ? Une société où les gens ne se parlent plus, où ils ne se rencontrent plus, sauf pour réaliser leurs fantasmes. Une société faite de barrières, entre ceux qui ont l’argent et qui vivent dans de luxueux appartements, et les autres entassés dans des cités dortoirs.

Alors Barnier regarde cela comme un témoin, voit sa ville et sa vie changer sans savoir ni comprendre où elle est ni où elle va. Ses motivations : Sheraz (même s’il est marié) et la volonté de bien faire son travail. Et quand la coupe est pleine, il gueule ! Décidément, c’est un polar contemporain, qui revisite les classiques, agréable à lire et bien sympathique.